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Insuffisance cardiaque

Publié le 04 nov 2008Lecture 8 min

Insuffisance cardiaque à FEVG préservée : quelles stratégies thérapeutiques ?

P. DE GROOTE , CHRU Lille


Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque
L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée (IC-FEP) est une pathologie complexe, de plus en plus fréquente, dont le diagnostic et la prise en charge thérapeutique sont difficiles. Les grands essais thérapeutiques dans l’IC-FEP se comptent sur les doigts d’une main. La démarche thérapeutique de l’IC-FEP n’est actuellement pas codifiée et se base sur nos connaissances physiopathologiques parcellaires de cette pathologie.

Rappel sur les grandes études thérapeutiques dans l’IC-FEP En 2008, nous ne disposons que de trois études thérapeutiques dans l’IC-FEP : les études DIG, CHARM-preserved et PEP-CHF. Une quatrième étude, l’étude SENIORS, a inclus des patients avec IC-FEP mais aussi des patients avec une insuffisance cardiaque par dysfonction systolique du ventricule gauche. L’étude DIG est la première étude randomisée multicentrique dans l’IC-FEP(1). La digoxine a été évaluée en double aveugle contre placebo sur un sous-groupe de l’étude princeps comportant 988 patients avec une FEVG > 45 %. La digoxine n’a pas eu d’influence sur la mortalité totale ou cardiovasculaire, la mortalité par insuffisance cardiaque ainsi que sur la morbidité. L’étude CHARM-Preserved, est à ce jour, la plus grande étude en termes d’effectif évaluant l’effet d’une thérapeutique dans l’IC-FSP(2). Le candesartan, un antagoniste des récepteurs de type 1 de l’angiotensine II (ARA II), a été comparé au placebo chez 3 023 patients en classe II-IV de la NYHA avec une FEVG > 40 % et ayant été hospitalisés au moins une fois pour une cause cardiaque. L’objectif primaire était la réduction de la mortalité cardiovasculaire et du nombre d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque. La dose moyenne de candesartan atteinte était de 25 mg/j. Après un suivi de 36,6 mois, le candesartan n’a pas diminué l’incidence des événements du critère principal (22 % vs 24 %, diminution non significative de 11%, hazard ratio à 0,89 [0,77-1,03], p = 0,118). L’effet du candesartan est également neutre sur les différents objectifs secondaires (hospitalisation pour insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou revascularisation coronaire). En revanche, il y a eu significativement davantage d’effets indésirables sous candesartan que sous placebo : plus d’hypotension (2,4 % vs 1,1 %), plus d’hyperkaliémie (1,5% vs 0,6%) et plus de majoration de la créatininémie (4,8 % vs 2,4 %). En novembre 2008 à l’AHA, les résultats tant attendus de l’étude I-PRESERVE, évaluant l’irbesartan, un autre ARA-II, chez 4 128 patients avec une IC-FEP seront présentés. Nous saurons si cette classe thérapeutique a encore un avenir dans le traitement de l’IC-FEP. L’étude PEP-CHF est la troisième étude ayant évalué l’effet d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine II (IEC), le perindopril à 4 mg/j sur la morbi-mortalité de patients âgés suivis pour une IC-FEP(3). Les patients devaient avoir plus de 70 ans et être traités par diurétiques pour une insuffisance cardiaque avec une FEVG > 40 %. Ils devaient de plus avoir au moins 3 critères cliniques sur 9 d’insuffisance cardiaque et 2 critères échographiques sur 4 de dysfonction diastolique. L’étude n’a pas montré d’effet significatif du perindopril sur l’objectif principal, qui était la mortalité totale et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque, ni sur les objectifs secondaires (mortalités totale ou cardiovasculaire, hospitalisations pour insuffisance cardiaque, durée des hospitalisations, majoration de la thérapeutique), en raison du déroulement de l’essai. Les périodes d’inclusion et de suivi ont été prolongées, pour obtenir un nombre suffisant de patients et d’événements. Les taux d’arrêt de traitement ont été importants, s’élevant à 40 % dans le groupe perindopril et 36 % dans le groupe placebo avec une prescription importante d’IEC en ouvert atteignant 35 % dans le groupe perindopril et 37 % dans le groupe placebo. Compte tenu de tous ces problèmes, il n’est même pas possible de connaître avec certitude l’efficacité thérapeutique ou non des IEC dans l’IC-FEP. L’étude SENIORS est la dernière étude ayant analysé l’impact thérapeutique d’un bêtabloquant, le nebivolol, sur une population hétérogène de 2 128 patients en insuffisance cardiaque, soit par dysfonction systolique, soit à fraction d’éjection préservée(4). Il s’agit d’une étude du sujet âgé (76 ± 5 ans) avec 35 % des patients ayant une FEVG > 35 %. L’étude est positive avec une réduction de 14 % de l’objectif primaire (mortalité totale et hospitalisations cardiovasculaires (hazard ratio de 0,86 [0,74-0,99], p = 0,039). Le nombre restreint de patients avec une FEVG > 45 % ne permet pas de conclure sur l’efficacité du nébivolol dans l’IC-FEP. Ces quatre études n’ont pas montré d’effet significatif des différentes classes thérapeutiques évaluées, la digoxine, les IEC ou les ARA II, hormis un bêtabloquant, le nébivolol, mais dans une étude ne concernant pas spécifiquement l’IC-FEP.   Stratégies thérapeutiques de l’IC-FEP Devant les résultats décevants de ces quatre grandes études thérapeutiques, la prise en charge des patients avec IC-FEP reste mal codifiée. La transposition des résultats des essais obtenus dans l’insuffisance cardiaque systolique ne semble pas être la bonne stratégie. Cela explique très bien pourquoi la mortalité dans l’IC-FEP n’a pas régressé au cours de ces 20 dernières années. En attendant un essai thérapeutique positif, la prise en charge de ces patients se base, peut-être à tort, sur nos connaissances physiopathologiques de la pathologie. La présentation clinique d’un patient souffrant d’IC-FEP est le plus souvent une femme âgée, en surcharge pondérale, hypertendue, diabétique avec une insuffisance rénale modérée, parfois en fibrillation auriculaire avec, sur le plan échographique, une hypertrophie ventriculaire gauche et une dilatation auriculaire gauche. La plainte fonctionnelle majeure de ces patients est la dyspnée au moindre effort. Parfois, à l’occasion d’une déstabilisation cardiaque (poussée hypertensive, ischémie coronaire, trouble du rythme supraventriculaire) ou extracardiaque (surinfection bronchique, bronchospasme, anémie etc.), les patients sont hospitalisés en urgence pour décompensation cardiaque. La symptomatologie ressentie par le patient est liée à l’élévation de la pression télédiastolique du ventricule gauche (PTDVG), secondaire à l’augmentation de la rigidité myocardique. L’effort ou l’accélération de la fréquence cardiaque, surtout en présence d’une hypertrophie ventriculaire gauche, s’accompagne d’une majoration brutale et importante de la PTDVG qui se répercute au niveau du capillaire pulmonaire. Pour soulager le patient, le but du traitement sera de contrôler au mieux cette PTDVG.   Un bon diagnostic Pour espérer un traitement efficace, il est fondamental que le diagnostic soit bien posé. Toute dyspnée avec une FEVG normale ne doit pas être considérée comme une IC-FEP. Il faudra rechercher attentivement les signes d’insuffisance cardiaque, l’absence de cause extracardiaque responsable de la dyspnée et les anomalies de la fonction diastolique en échocardiographie.   Traitement préventif Le meilleur traitement de l’IC-FEP est le traitement préventif. Il est indispensable de contrôler tous les facteurs de risque cardiovasculaire, tout particulièrement l’hypertension artérielle et le diabète, ainsi d’éviter le développement de l’athérosclérose. La surcharge pondérale devra être combattue au même titre que les autres facteurs de risque classiques.   Traitement « étiologique » et prévention secondaire Une fois l’IC-FEP installée, il faudra poursuivre le combat contre les facteurs de risque cardiovasculaire pour limiter l’évolution de la maladie. Il est difficile de savoir si la pathologie coronarienne, l’hypertension artérielle, un trouble du rythme supraventriculaire et les valvulopathies sont des étiologies de l’IC-FEP ou des facteurs favorisants les décompensations cardiaques. Il faudra traiter au mieux les épisodes ischémiques, contrôler les chiffres tensionnels, régulariser les troubles du rythme et éventuellement envisager un geste chirurgical sur une éventuelle valvulopathie.   Combattre l’élévation de la PTDVG Le meilleur moyen de faire baisser la PTDVG est de diminuer la rétention hydro-sodée habituelle de ces patients. Le régime pauvre en sel et les diurétiques de l’anse sont nécessaires. Cependant, il faudra être particulièrement vigilant à ne pas les déshydrater et favoriser des hypotensions orthostatiques. La marge de manœuvre chez ces patients porteurs de petit VG est réduite. De petites variations de volume s’accompagnent de grandes variations de pressions. Une petite surcharge hydro-sodée sera responsable d’une décompensation cardiaque et, à l’inverse, une petite déshydratation induira rapidement une chute tensionnelle significative. La dose minimale de diurétiques est requise et celle-ci doit être en permanence adaptée au régime du patient et surtout aux conditions extracardiologiques, comme des troubles digestifs ou des conditions climatiques, afin d’éviter toutes complications. Pour assurer un bon remplissage du VG, il faut allonger la durée de la diastole et ralentir la fréquence cardiaque. En théorie, les bêtabloquants représentent la thérapeutique de choix qui combinent un effet bradycardisant, un contrôle de l’ischémie coronaire et de la tension artérielle.   Thérapeutique du futur Plusieurs pistes sont actuellement explorées dans la thérapeutique de l’IC-FEP. • Au niveau myocardique, des molécules agissant sur l’homéostasie calcique intracellulaire améliorant la fonction diastolique sont à l’essai(5). Une des anomalies majeures dans l’IC-FEP est l’augmentation de la rigidité myocardique mais aussi vasculaire. Cette « hyper-rigidité » apparaît avec le vieillissement, mais est favorisée par l’hypertension artérielle, le diabète et l’insuffisance rénale. La fibrose myocardique peut participer à ce phénomène. L’étude TOPCAT, évaluant la spironolactone, est à côté de l’étude I-PRESERVE, la deuxième grande étude thérapeutique attendue dans l’IC-FEP. • Un autre mécanisme avancé pour expliquer cette rigidité est la glycation anormale de protéines, surtout constatée dans le diabète. Les protéines anormalement glyquées peuvent former des ponts entre elles, rigidifiant les tissus. Des molécules capables de « casser » ces ponts sont évaluées dans le diabète, l’insuffisance rénale et l’IC-FEP. Dans une petite étude portant sur 23 patients âgés avec IC-FEP, un de ces « casseurs de ponts », l’ALT-711 a permis de réduire l’HVG analysée en IRM et d’améliorer la fonction diastolique du VG(5,6). • Mais les plus grands espoirs viennent des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type V, dont le chef de file est bien connu, le sildénafil. Cette classe thérapeutique améliore la vasodilatation périphérique des diabétiques, favorise l’excrétion sodée et permet de faire régresser, du moins expérimentalement, l’HVG(7). Les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type V agissent donc favorablement sur trois des anomalies majeurs présentes dans l’IC-FEP : l’HVG, la rigidité vasculaire et la rétention sodée. Une étude internationale, l’étude RELAX, évaluera le sildénafil dans l’IC-FEP.   En pratique   L’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée est un syndrome clinique, très complexe et hétérogène. La complexité va de pair avec l’hétérogénéité des patients. Des études expérimentales récentes ont trouvé des résultats opposés à ceux de précédentes études supposés indiscutables. Les différentes études épidémiologiques et les grands essais thérapeutiques confirment l’hétérogénéité des patients, probablement expliquée par la non-spécificité des signes cliniques diagnostiques. De plus, comme il s’agit d’une population âgée, les événements extracardiaques (AVC, cancer) sont fréquents et majorent la morbi-mortalité des patients. Devant les résultats décevants des grandes études thérapeutiques dans l’IC-FEP, son traitement vise à lutter contre les facteurs de risque cardiovasculaire, et à contrôler la rétention hydro-sodée (régime sans sel plus ou moins strict et diurétiques) et la fréquence cardiaque (par les bêtabloquants). Enfin, de nombreuses études chez le sujet âgé ont démontré que l’éducation du patient et sa participation dans un réseau de soins sont particulièrement efficaces pour réduire le nombre et la durée des réhospitalisations. Cependant, compte tenu de cette complexité et cette hétérogénéité, il n’est pas exclu que dans le futur le traitement efficace soit une thérapeutique « à la carte », adaptée à chaque forme d’IC-FEP.

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