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Cardiologie interventionnelle

Publié le 13 fév 2007Lecture 10 min

Focus sur les stents actifs

J. MACHECOURT, Service de cardiologie et urgences cardiologiques, CHU A. Michallon, Grenoble

La thrombose de stent a toujours été un souci en cardiologie interventionnelle. Les plus anciens se souviennent que jusqu’en 1994, ce taux de thrombose était si élevé (> 3,5 %) que l’abandon de la technique avait même été discuté ! Puis, avec l’ère moderne, ce taux de thrombose a chuté de manière drastique (autour de 1 %) grâce à l’utilisation des hautes pressions d’inflation et surtout à l’association aspirine-ticlopidine puis clopidogrel. Cette association est alors recommandée pour 6 semaines minimum, et l’on ne parle plus guère de thrombose « tardive » de stent, même si chacun se souvient d’avoir été confronté de manière anecdotique à cette situation. En 2003 apparaissaient les stents à élution de substance active...

L'arrivée des stents actifs d’emblée a fait craindre une augmentation de ce taux de thrombose. Ces craintes initiales étaient secondaires aux résultats d’études anatomiques (Virmani et Joner) montrant un retard, voire une absence d’endothélisation de ces stents, à l’expérience défavorable de la radiothérapie intracoronaire, et à l’arrêt de certains programmes de développement de stents actifs du fait de taux élevés de thrombose. Dans une deuxième période, la médecine factuelle va rassurer le clinicien, à partir notamment du résultat des grandes études pivots (RAVEL, SIRIUS ou TAXUS) ; mais plus récemment, la polémique a rebondi après la réanalyse de ces études randomisées et les résultats de certains registres. Qu’en est-il exactement ?   La thrombose de stent actif : gravité, définition, fréquence et FdR   Gravité Il s’agit d’une complication sévère : en s’en tenant à une définition clinique de la thrombose, dans le registre EVASTENT environ un tiers des patients décède de cette thrombose de stent, un tiers présente un infarctus du myocarde étendu et un tiers seulement des cas ne se manifeste que par un syndrome coronarien plus bénin ou la détection d’une ischémie myocardique silencieuse.   Comment définir la thrombose ? On parle de thrombose aiguë dans les 48 heures après l’implantation, de thrombose subaiguë jusqu’au 30e jour, de thrombose tardive ensuite, que l’on subdivise actuellement entre thrombose tardive et thrombose très tardive au-delà du 6e mois après l’implantation du stent. La difficulté réside dans le critère définissant la thrombose : au départ, seules les thromboses angiographiquement confirmées étaient prises en considération, ce qui, bien entendu, sous-estimait de manière drastique la fréquence de l’événement ; puis certaines études pivot ont comptabilisé, outre la thrombose angiographiquement démontrée, les patients ayant présenté une mort subite dans le ou les mois qui suivent l’implantation, excluant certaines thromboses plus tardives. Dans d’autres études, c’est l’avis plus ou moins restrictif d’un comité des événements critiques qui définit ce qui est thrombose et ce qui ne l’est pas. Dans certaines analyses récentes, la définition de la thrombose potentielle de stent a été considérablement élargie en incluant tous les décès cardiovasculaires, mort subite ou non, et tous les infarctus du myocarde. Il s’agit d’une définition par excès, qui peut, à la rigueur, être acceptable lorsque l’on compare stents actifs et stents nus chez des patients inclus dans les études randomisées (puisque la même règle par excès est appliquée aux deux groupes), mais qui ne l’est pas dans la vie réelle. Chacun sait, en effet, que toute mort subite et tout décès par infarctus du myocarde ou insuffisance cardiaque terminale ne peut être assimilé automatiquement à une thrombose d’un stent précédemment implanté au patient.   Une fréquence diversement appréciée La fréquence de la thrombose aiguë ou subaiguë de stent est identique avec les stents actifs et les stents nus. Ce pourcentage est inférieur ou égal à 1 %. La métaanalyse des études pivot réalisée par Moreno, évalue autour de 0,5 % ce taux de thrombose, qu’il s’agisse du stent au paclitaxel, du stent au sirolimus ou des stents nus. Ce taux à 6 ou 9 mois est un peu supérieur dans la métaanalyse de Kastrati, ou encore dans certains registres (Jeremias, Iakovou). Le taux de thrombose est en réalité assez variable selon le patient ou l’artère traitée (voir plus loin). C’est le taux de thrombose tardive, surtout de thrombose très tardive, qui est le sujet de la controverse actuelle. Dans la définition restrictive de la thrombose des études pivot, il n’y a pas de différence entre stents actifs et nus. Le suivi à plus long terme de ces patients, parfois réalisé par les firmes elles-mêmes, semble démontrer une tendance plus ou moins nette à une augmentation du nombre des thromboses très tardives : avec le stent au sirolimus, cette tendance à trois ans n’est pas significative (Holmes DR, 2006) ; avec le stent au paclitaxel cette augmentation du taux de thrombose très tardive serait significative.   Une relecture basée sur les critères cliniques Deux analyses ayant utilisé les critères cliniques étendus de définition de la thrombose ont semé le trouble. L’étude BASKET-LATE (Basel Stent Cost-effectiveness Trial—Late Thrombotic Events) a montré que les taux du critère combiné décès + infarctus du myocarde non fatal étaient plus élevés chez les patients ayant été traités initialement par stents actifs que par ceux traités par stents nus (4,9 versus 1,3 %) ; dans cette étude randomisée ayant inclus un nombre limité de patients, le traitement par clopidogrel avait été arrêté au 6e mois, et seuls les patients n’ayant pas eu d’événement dans ces six premiers mois avaient participé à cette analyse. La deuxième des grandes études pivot présentée par Camenzind à l’automne 2006 montre aussi un taux de décès + infarctus significativement plus élevé après l’utilisation des stents actifs que des stents nus : significativement plus élevé après implantation du stent au sirolimus (6,3 versus 3,9 % p = 0,03), non significativement plus élevé pour le stent au paclitaxel (2,6 versus 2,3 % p = NS). Malgré le choc de ces chiffres, force est de dire que ces deux réanalyses ne nous semblent pas entièrement convaincantes, et ce pour deux raisons : • la définition utilisée de la thrombose de stent, • les différents biais de sélection ou d’analyse, ou de comparaison de groupes que ce court exposé ne permettent pas de développer. Ces analyses ont cependant le mérite de mettre en exergue qu’en aucun cas les patients traités par stent actif ne présentent moins d’événements majeurs type décès ou infarctus du myocarde que les patients traités par stent nu, bien au contraire.   Facteurs de thrombose Les registres n’ont pas pour but de comparer la fréquence de thrombose entre stent actif et stent nu, mais de mieux analyser les facteurs de thrombose dans la vie réelle du patient traité au jour le jour et en particulier les patients les plus graves qui sont systématiquement exclus des études pivot. On citera trois de ces registres : • le registre de Iakovu, expérience de trois centres tertiaires, • le registre multicentrique français EVASTENT, registre de cohortes appariées comparant diabétiques et non diabétiques, • le registre de Bern/Rotterdam avec un suivi à 3 ans. Du registre EVASTENT on retiendra que le taux de thrombose à un an est extrêmement différent selon la population étudiée (de seulement 0,8 % à un an chez le non-diabétique monotronculaire, à 4,3 % chez le diabétique traité sur plusieurs artères en passant par 2,3 % chez le diabétique traité sur une artère et 3 % chez le multitronculaire non diabétique). Du registre de Bern/Rotterdam, on retiendra un taux de thrombose de stent aux alentours de 3 % à 3 ans, avec une pente au-delà de la première année de 0,6 % de thrombose par an. De ces trois registres, on note que les facteurs favorisants de la thrombose de stent actif sont extrêmement proches de ceux retenus par Kereiakes à propos des stents nus : • certains de ces facteurs sont liés aux patients (syndrome coronarien aigu, diabète notamment traité par l’insuline, insuffisance rénale, lésions longues ou de bifurcation), • certains facteurs sont liés à la qualité de la procédure (notamment en cas de dissection coronaire, ou d’expansion incomplète d’un stent du fait des calcifications majeures). À noter que le risque de thrombose augmente de manière géométrique lorsque ces facteurs se cumulent. Parmi les facteurs de thrombose qui sont plus spécifiques du stent actif, on retient de rares réactions d’hypersensibilité, la possibilité d’un remodelage positif tardif de l’artère, mais surtout des facteurs liés aux recommandations d’usage de ces stents actifs. En effet, elles stipulent que l’utilisation de ces stents actifs doit être privilégiée chez les diabétiques et chez les patients présentant des lésions longues (en raison du risque excessif de resténose avec les stents nus dans ces populations), donc chez les patients à plus haut risque de thrombose. À l’inverse, l’utilisation des stents nus est recommandée pour traiter les lésions courtes des grosses artères coronaires, dont le risque de thrombose est plus modéré.   L’importance du traitement antiagrégant La principale différence entre stent actif et stent nu quant au risque de thrombose est très certainement un risque différent en cas d’interruption « prématurée » du traitement antiagrégant plaquettaire, différence probablement secondaire au retard d’endothélialisation du stent constaté chez certains patients. La thrombose, parfois très tardive, de stent actif à l’arrêt du traitement antiagrégant plaquettaire, notamment avant une chirurgie non cardiaque a été décrite par Mac Faden puis par d’autres auteurs. La survenue de thromboses de stent nu, parfois tardives, était cependant aussi un phénomène reconnu après arrêt des antiagrégants, souvent avant une chirurgie mineure, voire une fibroscopie ou une simple extraction dentaire (Ferrari et coll.). Le plus troublant avec les stents actifs est que de telles thromboses surviennent parfois lors du simple passage en monothérapie par aspirine ou clopidogrel. Cela est particulièrement net dans le registre EVASTENT où la plupart des thromboses dites tardives sont survenues entre le 3e et le 9e mois, c'est-à-dire après l’interruption de la bithérapie recommandée à l’époque pour 3 mois seulement. Parfois encore, certains patients présentent une thrombose tardive de stent sous une bithérapie bien conduite par clopidogrel et aspirine. Cela soulève le problème de possible résistance de ces patients au traitement antiagrégant plaquettaire, qu’elle soit à l’aspirine ou à la thiénopiridine. Ce point a été soulevé par Barragan et coll. dès 2003 qui montrent que les patients avec thrombose de stent (nu ou actif) présentent beaucoup plus souvent une résistance à la thiénopiridine (test VASP) ; de même pour Matetzki, la plupart des accidents thrombotiques après infarctus du myocarde sont survenus chez les 25 % de patients présentant une résistance au clopidogrel. Dans notre expérience, les patients ayant présenté des thromboses tardives, voire très tardives, de stent actif avaient effectivement une « résistance » aux tests biologiques, soit à l’aspirine soit à la thiénopiridine.   Diminuer la fréquence des thromboses de stent actif : quelques messages   Optimiser la qualité de la procédure d’angioplastie : cela est fondamental pour réduire le nombre des thromboses aiguës ou subaiguës. Les règles d’implantation sont assez proches pour les stents actifs et les stents nus, mais comme les lésions abordées pour les stents actifs sont plus sévères, le risque de fautes de procédure est plus élevé. Mieux sélectionner les indications. Elles sont bien définies par l’HAS. Faut-il toutefois freiner l’utilisation des prothèses actives chez les diabétiques pluritronculaires, indication pourtant autorisée ? Des études randomisées et non disponibles actuellement pourront permettre un jour de trancher. Dans l’attente, le conseil que l’on peut donner est de ne pas oublier que la chirurgie coronaire peut donner d’excellents résultats chez ces patients diabétiques, et que l’on doit préférer le pontage lorsque les lésions multitronculaires sont peu propices à l’angioplastie coronaire. Faut-il poursuivre au-delà des recommandations ou des spécifications des industriels la durée de la bithérapie clopidogrel + aspirine ? La réponse est positive jusqu’à un an après l’implantation du stent actif. Il apparaît que la majorité des thromboses surviennent entre 3 et 9 mois après l’implantation. Même si, au-delà d’1 an, il existe encore des possibilités de thromboses très tardives (évaluées à 0,6 %/an), il ne faut pas oublier que la maladie coronaire est par définition une maladie athérothrombotique et que ce taux de 0,6 %/an est à comparer avec le taux de thrombose spontanée de l’artère native. La récente étude CHARISMA ne plaide pas en faveur d’une extension systématique au-delà d’1 an de la bithérapie. On peut cependant imaginer qu’au cas par cas, certains patients plus à risque de thrombose, puissent bénéficier de cette extension. La médecine factuelle ne permet pas non plus de dire si doubler, voire tripler les doses de thiénopiridine au long cours est utile (alors que ces doses de charge élevées ont fait la preuve de leur efficacité en prétraitement avant l’implantation de l’endoprothèse). Ne pas implanter de stent actif lorsqu’une chirurgie non cardiaque est programmée. Si une chirurgie est cependant nécessaire, plaider cas par cas le maintien du traitement antiagrégant. En cas d’impossibilité, le moindre mal est de maintenir l’aspirine et de l’interrompre le moins longtemps possible (la plupart des thromboses survenant au-delà de 5 jours d’arrêt), et de donner une dose de charge aspirine + clopidogrel le soir de l’intervention. Certains stents actifs seraient-ils moins thrombogènes que d’autres ? La médecine factuelle ne permet pas de le dire. Les stents actifs de deuxième génération, recouverts de zotarolimus ou de tacrolimus ont démontré un taux de thrombose très favorable à 9 et 6 mois, mais aucune expérience sur un nombre significatif de patients n’est disponible au-delà de ces périodes. La médecine factuelle ne permet pas d’établir une relation inverse entre le degré de prolifération tardive dans le stent et le taux de thrombose de stent. Faut-il réaliser des tests de recherche d’une résistance du patient aux antiagrégants plaquettaires, soit avant l’implantation (pour la récuser), soit après l’implantation (pour adapter les doses), soit 1 an plus tard (pour décider de passer en monothérapie) ? Toutes ces idées sont évidemment extrêmement attractives pour le clinicien qui souhaiterait en quelque sorte bénéficier d’un « INR de la plaquette ». Le fait qu’en cas de thrombose de stent, on note le plus souvent une résistance aux antithrombotiques est un élément qui renforce cette idée. Inversement, le biologiste est beaucoup plus prudent, d’une part parce qu’il n’y a pas véritablement d’études prospectives à grande échelle validant ces concepts (sauf peut-être la très courte étude de Matedzki) et, d’autre part, il n’y a pas de consensus quant aux tests à effectuer. Il est probable toutefois que, dans les années à venir, cet aspect doive évoluer pour le bénéfice des patients.

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