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HTA

Publié le 13 fév 2007Lecture 8 min

Faut-il éduquer le patient hypertendu ?

T. DENOLLE, Centre Educœur–Réseau RivaRance, Dinard http://www.cardiorance.com

La métaanalyse de Psaty publiée en 2003 a précisé le bénéfice du traitement antihypertenseur chez l’hypertendu. Menée à partir de 42 essais thérapeutiques récents (1995-2002) portant sur 192 000 patients ayant reçu, sur une période de 3 à 4 ans, un traitement actif versus placebo, les résultats montrent les réductions suivantes :
• - 32 % des accidents vasculaires cérébraux (AVC),
• - 13 % des accidents coronariens,
• - 40 % d’insuffisance cardiaque,
• - 16 % de la mortalité cardiovasculaire,
• - 10 % de la mortalité globale.
Le fruit de ces résultats fut la publication de différentes recommandations nationales et internationales pour la prise en charge de l’hypertendu essentiel (JNC 7, ESH 2003 et HAS 2005). Les objectifs tensionnels sont concordants : PA < 140/90 mmHg et < 130/80 mmHg chez les diabétiques et en présence d’une néphropathie. Cependant, les enquêtes épidémiologiques montrent ces recommandations sont insuffisamment appliquées (tableau 1).

    Une application insuffisante des recommandations En 1999, l’étude française PHARE 2 (étude nationale sur la Prise en charge de l’Hypertendu et son évolution Après sensibilistion aux nouvelles REcommandations de l’OMS) a montré, comme dans les autres pays occidentaux, que 31,5 % des patients sont contrôlés, mais ce pourcentage était bien inférieur chez les diabétiques : 21 % avaient une PA < 140/ 90 mmHg et 8 % < 135/85 mmHg. Des résultats encore inférieurs ont été retrouvés chez l’insuffisant rénal hypertendu : 5 % par l’Assurance maladie ! En prévention secondaire chez le coronarien, on pourrait espérer un contrôle bien supérieur mais l’étude EuroAspire (European Action on Secondary and Primary Prevention by Intervention to Reduce Events) montre qu’il n’en est rien puisque, sur la cohorte française, moins d’un an après leur hospitalisation, seulement 45 % des patients avaient une PA < 140/90 mmHg… Or, le traitement antihypertenseur et les règles hygiénodiététiques sont efficaces, comme l’a montré l’étude HOT (Hypertension Optimal Treatment) en médecine générale chez des hypertendus confirmés : après 1 mois de placebo (PAD > 100 mmHg), la PA était à son objectif en fin d’étude chez plus de 90 % des patients. Ainsi, si l’objectif du traitement antihypertenseur n’est pas atteint, ce n’est ni par manque de consensus sur les chiffres tensionnels, ni par manque d’efficacité du traitement mais plutôt du fait du médecin et de son patient.   Pour quelles raisons ?   La responsabilité du médecin Plusieurs études ont montré que face à un hypertendu non contrôlé le médecin accepte une PA plus élevée qu’il ne devrait. Ainsi, dans une étude américaine récente, le contrôle tensionnel était jugé satisfaisant par 30 % des médecins alors que la PAS était > 140 mmHg dans 93 % des visites. D’autres études ont confirmé le manque d’acharnement de la part du médecin, en particulier chez les patients à haut risque cardiovasculaire.   La mauvaise observance Néanmoins, l’absence de contrôle tensionnel efficace revient surtout au patient, peu observant dans l’application des règles hygiéno-diététiques et la poursuite du traitement médicamenteux. Ainsi, une étude réalisée en 2000 sur l’HTA par la CNAM a montré une application insuffisante du mode de vie conseillé, en particulier concernant l’exercice physique et le poids (tableau 2). Quant au traitement médicamenteux, son observance reste un problème important puisque qu’il a été estimé que l’inobservance est à l’origine de 50 % des échecs thérapeutiques avec, dans certaines études, un taux d’arrêts des traitements antihypertenseurs s’élevant jusqu’à 50 % et qui s’aggrave régulièrement avec le nombre d’années de traitement. Dans une autre étude, il a été observé que 29 % de patients ne viennent pas régulièrement aux visites prévues. Les facteurs favorisant ces problèmes d’observance ont été bien précisés et sont liés : – au patient : hommes, conduites à risque, bas niveau socio-économique ; – au traitement : nombre de prises, effets secondaires non déclarés ; – au système de santé : coût des traitements et du suivi, facilité d’obtenir des consultations… – à un manque de connaissance de la pathologie, de ses risques et de l’efficacité du traitement.   Promouvoir l’éducation thérapeutique À côté de l’éducation à la santé menée auprès du grand public, il est indispensable de proposer une éducation thérapeutique individualisée – encore négligée, en particulier en cardiologie, alors que certaines spécialités comme la diabétologie, la pratiquent quotidiennement. Cette éducation thérapeutique doit être proposée dans toutes les pathologies chroniques notamment, au cours de la prise en charge des facteurs de risque comme l’HTA. Selon l’OMS, « l’éducation thérapeutique du patient est un processus continu, intégré dans les soins et centré sur le patient. Il comprend des activités organisées de sensibilisation, d’information, d’apprentissage et d’accompagnement psychosocial concernant la maladie, le traitement prescrit, les soins, l’hospitalisation et les autres institutions de soins concernées, et les comportements de santé et de maladie du patient. Il vise à aider le patient et ses proches à comprendre la maladie et le traitement, coopérer avec les soignants, vivre le plus sainement possible et maintenir ou améliorer la qualité de vie. L’éducation devrait rendre le patient capable d’acquérir et maintenir les ressources nécessaires pour gérer optimalement sa vie avec la maladie. » Cette acquisition de compétences a pour objectif de favoriser un changement de comportement des patients. Elle est capitale pour l’observance thérapeutique et permet de diminuer l’incidence des complications à court, moyen et long termes. L’éducation thérapeutique devrait être assurée par une équipe pluridisciplinaire composée de différents professionnels, formés à cette discipline : cardiologue, infirmier, diététicien, psychologue, kinésithérapeute, éventuellement en collaboration avec une assistante sociale et le médecin du travail en particulier, lors des séjours en réadaptation cardiaque. Concernant, plus particulièrement, l’HTA, une information est disponible pour le public à partir de sites internet : http://www.comitehta.org; http://www.automesure.com; http://www.fedecardio.com/, http://www.hypertension-online.com/. Il est possible de laisser dans les salles d’attente certains documents : BD : Tension sous les tropiques (CLHTA) ; Automesure : Automesure tensionnelle. Guide Pratique : Surveiller et soigner l’hypertension, enregistrements vidéos à télécharger (automesure.com, http://www.bipmed.com/) ou encore livrets à télécharger (comiteHTA.org, fedecardio.com, automesure.com). En plus de cette information à la santé, il convient de proposer au patient une réelle éducation thérapeutique en l’informant sur l’HTA, ses complications, son traitement, et de l’inciter à participer activement à sa prise en charge en utilisant l’automesure tensionnelle et en modifiant son mode de vie. Bien entendu, cette éducation thérapeutique sera différente si l’on se trouve face à un patient en prévention primaire à faible risque ou, au contraire, en prévention secondaire lors d’un stage de réadaptation cardiaque. Les moyens à disposition du médecin ne seront pas les mêmes et surtout n’auront pas le même coût. Lors des séjours en réadaptation cardiaque, ce volet éducatif est le plus souvent réalisé au cours de séances collectives ou lors d’entretiens individuels avec les infirmières ou la diététicienne. En prévention primaire, le problème est plus complexe car il n’existe pas encore de codification pour cette éducation thérapeutique. Certains hôpitaux ont réussi à débloquer du personnel paramédical pour effectuer ce travail pédagogique. À l’HEGP par exemple, des séances collectives et individuelles sont proposées aux patients pour l’apprentissage de l’automesure tensionnelle, dont l’efficacité sur l’observance a été démontrée dans plusieurs études. La codification PMSI de tels actes reste encore à préciser et surtout à valoriser. Dans le système libéral, aucune cotation n’est spécialement prévue ni pour les médecins, ni pour les infirmières ou les pharmaciens. C’est la raison pour laquelle les réseaux de soins ont été créés avec un financement attribué par la Délégation régionale pour la dotation des réseaux (DRDR) cogérée par l’URCAM et l’ARH dans chaque région. Ces organismes permettent de financer un tel programme par le biais de forfaits pour les professionnels libéraux, d’indemnités de formations et de salaires pour du personnel spécialement destiné à une telle fonction. Peu d’expériences existent encore pour l’HTA en France.   L’expérience des réseaux La plupart des réseaux cardiologiques (à peine une quinzaine) sont monothématiques et orientés vers l’insuffisance cardiaque. Un réseau a été créé en Guadeloupe depuis à peine 3 ans (http://www.hta-gwad.org), région où l’HTA constitue un problème majeur de santé publique. En Bretagne, un financement FAQSV a été obtenu afin de réaliser une étude sur le canton de La Roche-Bernard entre médecins généralistes et infirmières pour développer la pratique de l’automesure. Si cette expérience a été une réussite avec une satisfaction certaine des patients et des infirmières, il convient de noter qu’il a fallu un délai de 54 jours en moyenne entre l’ordonnance d’automesure du médecin généraliste et sa réalisation par l’infirmière… En outre, seule l’HTA était prise en charge comme facteur de risque dans ce travail. Un réseau cardiovasculaire sur le secteur n° 6 de Bretagne (Saint-Malo, Dinard, Dol de Bretagne et Dinan) a été développé il y a 3 ans, qui a permis la création du centre Educœur, orienté dans un premier temps essentiellement vers le patient en prévention secondaire (essentiellement coronarien) avec des stages de 4 semaines en ambulatoire comprenant 20 séances d’éducation thérapeutique, diététique et physique en plus des séances de réentrainement physique. Les résultats à distance du stage sont tout à fait encourageants (tableau 3). Au cours de ce stage, il est proposé des discussions sur les facteurs de risque, leurs complications, leurs traitements, les différentes techniques de mesure de la PA suivie d’une séance de formation à l’automesure. À la suite de cette expérience réussie en prévention secondaire, le centre s’est orienté vers la prise en charge des femmes enceintes hypertendues par automesure avec télétransmission et, depuis le 1er novembre, une étude (Prévarance : http://www.fmcdinan.org/article-2422915.html) est lancée sur le canton de Dinan regroupant une vingtaine de médecins généralistes, une quinzaine de pharmaciens et autant d’infirmières libérales et de diététiciennes pour dépister les patients à haut risque cardiovasculaire et leur proposer une prise en charge non médicamenteuse adaptée par les paramédicaux libéraux grâce à des forfaits les indemnisant par le réseau pour ces actes d’éducation. Il s’agit, bien entendu, pour l’instant d’une étude limitée dans le temps (1 an d’inclusion et 1 an de suivi) et unique sur la région.   En pratique   Le traitement antihypertenseur est efficace, les recommandations sur l’HTA sont connues, claires et pourtant non appliquées. Faire accepter à un patient hypertendu asymptomatique de prendre un traitement souvent en multiprise à vie nécessite un minimum d’informations et surtout d’éducation thérapeutique. Or, le cardiologue doit éduquer son patient hypertendu et son retard dans ce domaine par rapport au diabétologue, en particulier, est important. Des moyens commencent à exister pour proposer une telle prise en charge. Traiter en aigu un insuffisant cardiaque ou un coronarien est certainement satisfaisant mais le revoir en hospitalisation plusieurs fois par an est vite décourageant pour toute l’équipe soignante et surtout pour le patient. Prévenir de telles pathologies et surtout ces rechutes est possible. En aurons-nous la volonté ?

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