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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 13 sep 2011Lecture 5 min

À quoi sert le massage sino-carotidien ?

J.-J. BLANC, université de Brest

En ces temps où l’examen clinique est au mieux considéré comme accessoire et, au pire, comme obsolète, écrire que l’on peut faire un diagnostic en appliquant son doigt sur la carotide de ses contemporains peut être regardé par beaucoup comme relevant du domaine de la sorcellerie et par les intégristes de la médecine « scientifique » comme franchement provocateur. Je vais donc m’efforcer dans les lignes qui suivent de prouver aux uns et aux autres qu’il n’y a dans ce geste ni sorcellerie ni provocation mais simplement un moyen diagnostique simple, logique, efficace et très peu coûteux de parvenir à trouver une cause et un traitement chez un patient qui consulte pour syncope.

Rappels anatomiques et physiologiques À l’endroit où la carotide primitive se bifurque, un peu sous la mandibule, elle présente un renflement, appelé glomus ou sinus. La paroi artérielle renferme, à ce niveau, des tenso-récepteurs qui sont, comme leur nom l’indique, des structures sensibles aux variations d’étirement de la paroi artérielle. Les informations recueillies par ces récepteurs sont transmises sous forme d’influx par des nerfs dont le glossopharyngien à des noyaux bulbaires qui après les avoir analysées apportent une réponse qui chemine par les nerfs et systèmes efférents sympathique et parasympathique. En cas d’étirement excessif, les tenso-récepteurs adressent des influx nombreux et les noyaux commandent au cœur une bradycardie et aux vaisseaux une vasodilatation ; dans le cas contraire une tachycardie et une vasoconstriction. Ce baro-réflexe est le mécanisme le plus rapide d’adaptation de la pression artérielle. Il est donc logique de constater que la compression de la bifurcation de la carotide, provoquant un étirement par voie externe du glomus et non pas interne comme en cas d’hypertension, induise une relative bradycardie et une hypotension. L’hypersensibilité sino carotidienne (HSSC) n’est que l’exacerbation pathologique de ce comportement physiologique.   Définitions L’HSSC est définie comme le déclenchement lors du massage sino carotidien (MSC) d’une pause ventriculaire de plus de 3 sec (réponse cardio-inhibitrice) et/ou d’une baisse d’au moins 50 mm de Hg de la pression artérielle systolique (réponse vaso-dépressive). Certains considèrent ces valeurs comme trop faibles donc trop peu sensibles et ces limites seront peut-être augmentées mais, pour l’instant, elles restent la norme. Le syndrome du sinus carotidien (SSC) correspond à l’association d’une HSSC à une ou des syncopes spontanées en l’absence de causes alternatives évidentes.   Épidémiologie Une HSSC est mise en évidence chez environ 25 % des sujets sans syncope de plus de 50 ans et dans 75 % des cas il s’agit d’hommes. Avant l’âge de 40 ans, une réponse anormale au massage sino-carotidien est exceptionnelle et ce fait explique que, dans les recommandations de la société Européenne de cardiologie, la réalisation d’un MSC ne soit pas préconisée avant cet âge.   Comment réaliser un massage sino-carotidien ? Comme pour tout examen, le MSC se doit d’être réalisé selon un protocole strict : sur un sujet en décubitus dorsal la carotide droite est comprimée légèrement et si rien ne se produit au niveau du rythme cardiaque elle est alors massée longitudinalement pendant 7 secondes. Après quelques minutes d’attente, la même opération est répétée du côté opposé. Une surveillance continue du rythme cardiaque et si possible de la pression artérielle est nécessaire pendant l’examen avec enregistrement de l’ECG au cours du MSC et quelques secondes après la fin. Si l’examen est négatif, il est préconisé de le répéter en position debout ou légèrement inclinée (table de test d’inclinaison) avec cette fois de façon impérative une surveillance stricte en continue de la pression artérielle. Le test a d’autant plus de valeur que l’enregistrement de modifications du rythme ou de la pression s’accompagne de syncope ou de lipothymie.   Complications Il est évident que le seul risque sérieux d’un MSC est de « décrocher » une plaque athéromateuse sur le vaisseau et de provoquer une embolie cérébrale de matériel athéromateux. Ce risque existe mais il est extrêmement faible : en regroupant les 7 319 patients de trois études chez qui un massage sino- carotidien a été effectué des complications neurologiques ont été observées dans 21 cas (0,29 %) dont certaines ne sont peut-être que fortuites chez ces sujets âgés car la période d’observation était étendue à 24 heures. Il est cependant recommandé de ne pas pratiquer de MSC chez les patients qui ont fait dans les trois mois précédents un accident vasculaire cérébral transitoire ou non. Il faut s’en abstenir aussi chez les patients connus pour avoir un souffle carotidien sauf si un Doppler exclut une sténose serrée.   Utilité diagnostique du massage sino-carotidien C’est dans le contexte de syncope que le MSC a prouvé son utilité. En effet, chez les patients qui consultent pour ce symptôme et chez lesquels aucune cause n’a été retrouvée après l’évaluation initiale (interrogatoire, électrocardiogramme et recherche d’hypotension orthostatique) le MSC provoque une réponse anormale (presque toujours sous forme cardio-inhibitrice) dans un quart des cas dont environ la moitié uniquement en position debout. La question qui s’est rapidement posée est celle de savoir si ces pauses provoquées correspondaient bien à des pauses spontanées lors des épisodes de syncopes. Elle a été résolue par l’analyse d’enregistrements Holters, la plupart implantés, qui ont, dans la majorité des cas, enregistrés lors des récidives de syncopes des « pauses » ventriculaires du même type que celles provoquées par le MSC. Il y a donc bien concordance entre la provocation d’une pause lors du MSC et le mécanisme de la syncope spontanée.   Utilité thérapeutique du massage sino-carotidien En découvrant le mécanisme de la syncope, le MSC permet d’envisager le traitement, et lorsqu’il s’agit d’une pause cardiaque, ce qui est le plus souvent le cas, le recours à la stimulation cardiaque devient légitime. Son efficacité a rapidement été démontrée : d’abord dans des études comparatives non randomisées puis, plus récemment, randomisées. En regroupant toutes ces études qui totalisent 305 sujets sans et 601 avec stimulation, suivis en moyenne 3 ans, le taux de récidive de syncope est d’environ 10 % avec stimulation et 40 % sans. Les études randomisées confirment ces résultats.   En pratique   Le MSC est un examen indispensable dans l’évaluation des patients de plus de 40 ans qui consultent pour syncope et chez lesquels la cause demeure inconnue après l’évaluation initiale. Le résultat a d’autant plus de chances d’être positif que le sujet est âgé et de sexe masculin. L’implantation d’un stimulateur cardiaque en cas de réponse exclusivement ou majoritairement cardio-inhibitrice est le traitement de choix.

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