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Cardiologie interventionnelle

Publié le 11 oct 2005Lecture 9 min

Existe-t-il encore des indications de stents non actifs ?

O. VARENNE, N. MARQUE, E. SALENGRO, A. OHANESSIAN et C. SPAULDING, Service de Cardiologie, hôpital Cochin, Paris

La rapide progression de l’utilisation des endoprothèses pharmacologiquement actives (stents actifs) en cardiologie interventionnelle et leur validation pour des lésions de plus en plus complexes amènent à se poser cette question de bon sens : existe-t-il encore des indications de stents non actifs en 2005 ?

Certains peuvent trouver la question saugrenue pensant que les recommandations des sociétés savantes et les cadres légaux du type LPPR (Liste des Produits et Prestations Remboursables) suffisent à limiter l’utilisation des stents actifs aux indications validées dans le cadre d’essais randomisés sérieux. C’est oublier la rapide et irréversible pénétration des stents nus dans les salles de cathétérisme alors que faisait rage la bataille d’experts dans les congrès internationaux entre les tenants du stenting provisionnel (après résultat imparfait au ballon) et ceux du stenting systématique (quel que soit le résultat de l’angioplastie au ballon), pour aboutir à une situation où les patients recevaient de fait un stent dans plus de 90 % des cas. C’est ainsi… Les cardiologues interventionnels sont avides de toute nouveauté visant à parfaire l’excellent résultat obtenu au cours de la primo revascularisation ; ce qui va dans le sens d’une plus grande facilité d’utilisation, d’une plus grande rapidité de mise en place et ce qui s’accompagne d’une amélioration réelle, ou supposée telle, de l’environnement per- et péri-interventionnel est rapidement, et parfois seulement transitoirement, adopté par les angioplasticiens, quel que soit le degré réel de preuves ou les recommandations publiées pour un patient et une lésion donnée.   Pourquoi doit-on utiliser des stents actifs ? Dès les premières angioplasties au ballon en 1977, la resténose était rencontrée chez environ 30 % des patients. Si les premières améliorations de la cardiologie interventionnelle ont d’abord concerné l’environnement antithrombotique et les qualités biomécaniques des différents systèmes, le taux de resténose est resté relativement stable jusqu’à l’avènement des stents. Les stents nus (non actifs) (figure 1 A et B), en raison de leur propriété de soutien de la paroi artérielle, facilitent le geste d’angioplastie et diminuent le risque d’occlusion aiguë et de resténose (études BENESTENT et STRESS). Figure 1 A et B. Stents nus ClearFlex®. Les indications d’angioplastie ont ensuite été élargies à des patients de plus en plus nombreux et à des lésions de plus en plus complexes ; la resténose intrastent est alors apparue comme un facteur potentiellement limitant des indications de revascularisation chez des patients à risque particulièrement élevé (diabétiques, pluritronculaires, longues lésions…) (figure 2). Figure 2. Stent nu Liberté™. Après les multiples échecs de thérapeutiques diverses et variées, les stents actifs ont enfin apporté une solution au problème de la resténose intrastent. La meilleure connaissance des phénomènes physiopathologiques (prolifération cellulaire, inflammation, migration cellulaire, sécrétion de matrice extracellulaire, remodelage…) et la découverte de molécules pouvant agir à divers niveaux du cycle cellulaire ont permis le développement de stents pharmacologiquement actifs. La régulation de la libération des produits actifs dans la paroi artérielle par le polymère revêt également un rôle fondamental dans le contrôle du phénomène de resténose, comme on l’a vu avec les stents au paclitaxel qui perdent leur efficacité en l’absence de polymère. Actuellement, deux systèmes ont prouvé leur efficacité pour réduire la resténose intrastent et sont autorisés en France : • les stents Cypher™ à relargage lent de sirolimus, • les stents Taxus™ à relargage lent de paclitaxel. En revanche, aucun de ces deux stents actifs n’a montré la moindre efficacité en termes de réduction de la mortalité dans les études rapportées jusqu’ici : les stents actifs sont destinés à limiter la resténose intrastent.   Limites des stents actifs   Le coût La première des limites évidentes à l’utilisation exclusive des stents actifs est celle de leur coût. Dans le secteur privé, un stent nu de dernière génération est vendu 842 euros TTC (Multilink Vison, Guidant), alors que les stents actifs Cypher™ (Cordis) (figure 3) et les stents Taxus™ (Boston Scientific) (figure 4) sont vendus 2 110 et 1 675 euros TTC, respectivement. L’étude Horizon ayant débuté récemment et comparant les stents Taxus Express au même stent Express non actif, vise un taux de revascularisation de la lésion cible dans les 8 mois suivant l’infarctus de 4 versus 9 %, soit une réduction du risque absolu de 5 %. Cela signifie que pour éviter une revascularisation chez 5 % des patients traités, on implanterait systématiquement un stent générant un surcoût de 833 euros TTC chez 95 % des patients qui n’auraient de toute façon pas resténosé avec un stent nu. Donc, si on traite 1 000 patients par angioplastie et stenting actif systématique, le surcoût initial généré par ces dispositifs est de 791 350 euros et permet d’économiser 50 revascularisations par angioplastie ; soit un coût de 15 827 euros par angioplastie évitée. Figure 3. Stent Cypher™. Figure 4. Stent Taxus™. Ce calcul est plus favorable aux stents actifs en cas de lésions à plus haut risque de resténose. On voit bien qu’une étude médico-économique adaptée au système sanitaire français et l’impact de ces stents sur les modes de revascularisation s’avère réellement nécessaire.   La « loi » des recommandations Il existe d’autres limites, en plus des raisons économiques, à l’utilisation exclusive des stents actifs en France. Une des raisons principales est sans aucun doute pour nombre d’entre nous le cadre législatif qui impose aux angioplasticiens du privé l’utilisation des stents actifs conformément à la LPPR. Les recommandations de l’European society of cardiology constituent une avancée indéniable (tableau 1), cependant encore loin des données des essais présentés dans les congrès scientifiques et des publications les plus récentes, par exemple dans le cas de la resténose intrastent (Kastrati et al. JAMA 2005). Loin de l’ignorer, nous pensons que les données abondantes de la littérature permettent de rationaliser l’utilisation des stents actifs conformément aux connaissances scientifiques réactualisées pour constituer des « références médicales opposables ». Les questions du moment ne concernent plus leur efficacité validée dans de grandes séries de patients avec des lésions à faible risque (recommandation ESC, tableau 1). La question est plus celle de leur utilisation chez des patients à haut risque de resténose et dans des lésions spécifiques (tableau 2), qui bénéficieront le plus des stents actifs. Les études de sous-groupes, et les registres ont rapporté une efficacité très homogène des deux stents actifs dans les différentes situations pathologiques (tableau 2). Mis à part les lésions de bifurcations où leur efficacité reste discutée (en particulier au cours de l’infarctus du myocarde), tous les types de lésion coronaire ou de situation clinique semblent bénéficier des stents actifs. Les indications spécifiques sont évaluées les unes après les autres, dans des études souvent discutables méthodologiquement (monocentriques, petits groupes, pas de groupe témoin prospectif…) mais, reconnaissons-le, de telles études n’existaient souvent pas pour les stents nus que nous utilisions jusqu’ici tous les jours. Ainsi, les lésions des patients diabétiques, les lésions de resténose intrastent, les longues lésions, les lésions de petits vaisseaux, les occlusions chroniques (tableau 2) tirent bénéfice des stents actifs avec des taux de revascularisation, certes moins bons que dans les lésions simples, mais régulièrement < 10 %. Sur la base des résultats présentés, certains centres ont choisi d’utiliser les stents actifs comme stratégie de revascularisation de première intention quel que soient le type de lésion, de patient ou de situation clinique. Les résultats publiés du Thorax Center de Rotterdam (RESEARCH et TSEARCH) montrent que cette stratégie aboutit à une réduction globale des taux de réintervention pour resténose assez voisine avec les deux stents actifs Cypher™ et Taxus™, sans majoration des décès ou des infarctus, et alors même que la population traitée par angioplastie est significativement plus complexe que durant la période d’utilisation des stents nus. L’utilisation des stents actifs n’est cependant pas validée pour l’ensemble des lésions rencontrées en pratique clinique (tableau 3) et, pour certaines d’entre elles (infarctus, pontages, échec de brachythérapie, bifurcations…), les stents actifs pourraient être moins efficaces, voire même être délétères (lésions très thrombotiques entraînant un ralentissement de la délivrance du produit actif dans la paroi vasculaire, bifurcation en phase aiguë d’infarctus, stents se chevauchant…). L’actualisation de la LPPR prévue pour les semaines à venir et des recommandations des sociétés savantes devrait simplifier la prescription de ces dispositifs vis-à-vis du cadre légal.   En faveur des stents nus On peut mettre en avant un recul des stents actifs en termes de qualités mécaniques : mailles plus épaisses, absence d’alliage cobalt-chrome, etc., qui rend parfois leur utilisation problématique dans des lésions tortueuses, calcifiées ou très distales (moins bonne conformabilité, profil plus défavorable…). L’utilisation d’alliages spéciaux et le recours aux mailles fines permet de réduire le risque de resténose, indépendemment de toute drogue, mais également de gagner en confort et en facilité d’implantation. Certaines situations complexes ont ainsi plus de chances d’être traitées par un stent nu que par un stent actif. Il faut reconnaître que ces situations ne sont pas nombreuses et que des améliorations des deux plates-formes dans un futur proche devraient atténuer ce risque. De plus, l’arrivée de stents actifs de nouvelle génération (Endeavour et Xscience) pourrait, si l’efficacité est à la hauteur des stents Cypher™ et Taxus™, amener à utiliser un stent actif indifféremment d’un stent nu.   En défaveur des stents actifs Il convient enfin de rappeler que jusqu’à présent, les stents actifs n’ont apporté aucun bénéfice sur des critères lourds tels que mortalité cardiaque ou réinfarctus, leur bénéfice sur les événements cardiovasculaires majeurs étant lié pour l’essentiel à une diminution des taux de revascularisation. La resténose intrastent met rarement en jeu le pronostic vital, et ce bénéfice relatif est à confronter à la morbidité d’une double antiagrégation plaquettaire prolongée (de 2 à 6 mois selon le type d’endoprothèse). En d’autres termes, sans sous-estimer l’apport important des stents actifs dans la cardiologie interventionnelle, il faut garder en tête que les stents actifs ont été développés pour répondre au problème précis de la resténose intrastent qui demeure plus un problème économique populationnel et un problème de choix thérapeutique chez les patients à haut risque de resténose qu’un réel problème médical pour les lésions tout-venant. L’un des facteurs limitants majeurs de la recommandation des stents actifs in extenso est la prise prolongée des antiagrégants plaquettaires. Les éléments publiés démontrent que la thrombose de stents actifs, Cypher™ ou Taxus™, n’est pas plus fréquente que celle de stents nus en cas de traitement antiplaquettaire bien conduit. Le risque d’une thrombose aiguë de stent s’accompagne d’une mortalité de 30 % et d’un risque d’IDM avec onde Q de 50 % ce qui rend prohibitif le recours aux stents actifs chez des patients peu ou pas compliants au traitement prescrit. Même chez des patients rigoureux et observants, le risque d’arrêt intempestif des antiagrégants en vue d’une intervention chirurgicale programmée ou non urgente est à prendre en considération (tableau 3). Le problème se pose également chez les patients relevant d’un traitement anticoagulant au long cours (ACFA, valve mécanique…) chez qui l’association AVK + clopidogrel + aspirine est déconseillée (tableau 3). La durée de traitement par antiagrégants plaquettaires risque de s’allonger, comme cela avait été le cas après brachythérapie, et l’arrêt du clopidogrel, y compris dans les délais recommandés doit être sérieusement surveillé car le risque de thrombose tardive est exceptionnel mais redoutable.   En conclusion   Les stents pharmacologiquement actifs, bien qu’inférieurs mécaniquement aux stents nus de dernière génération, représentent une avancée majeure pour la cardiologie interventionnelle en diminuant nettement le taux de resténose après angioplastie percutanée. Leur sécurité d’utilisation est démontrée avec un recul jusqu’à 4 ans. La recommandation de l’utilisation exclusive des stents actifs, bien que techniquement possible, n’est pas souhaitable en 2005 en France sur des critères scientifiques et économiques. Tout d’abord, l’évaluation clinique rigoureuse des patients doit dépister ceux qui ne seront pas capables de prendre une association antiagrégante plaquettaire pendant une durée prolongée. Par ailleurs, les cas de lésions pour lesquelles les données de la littérature sont absentes ou contradictoires doivent également conduire à l’implantation de stents non actifs en dehors des nécessaires registres spécifiques. Enfin, en cas de doute entre les deux plateformes sur la qualité du suivi du traitement antiplaquettaire, il faut garder en mémoire que l’utilisation de stents nus avec un bon profil est associée à un risque de resténose pouvant être secondairement traitée par une optimisation du traitement anti-ischémique ou par un stent actif, alors que le risque d’une thrombose de stent actif liée à l’arrêt prématuré des antiagrégants plaquettaires est associé à un risque vital.

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