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HTA

Publié le 23 sep 2008Lecture 6 min

Controverse : l'immunisation anti-angiotensine II chez l'homme

M. AZIZI, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris


ESH
Avec plus de 8 500 participants, le 18e congrès de la Société européenne d’hypertension artérielle conjoint avec le 22e congrès de la Société internationale d’hypertension artérielle, qui a eu lieu à Berlin, a été le plus grand événement scientifique sur l’hypertension artérielle (HTA) de cette année. Parmi les informations importantes à retenir de ce congrès, on trouvera les dernières données concernant les essais thérapeutiques contrôlés ONTARGET, ACCOMPLISH, HYVET, PROFESS, ADVANCE, AVOID, ALOFT et ASTRAL. Des sessions complètes ont porté sur le système rénine-angiotensine-aldostérone ; un débat passionnant a tourné autour de l’immunisation contre l’angiotensine II.

Une nouvelle approche thérapeutique originale basée sur une vaccination contre l’angiotensine II chez des patients hypertendus a été rapportée dans le Lancet en 2008 par Tissot et col. (Suisse). En effet, malgré la disponibilité de nombreux médicaments antihypertenseurs, l’objectif tensionnel reste rarement atteint chez les patients hypertendus. Deux éléments jouent un rôle important dans le contrôle tensionnel : l’observance du traitement médicamenteux, souvent pluriquotidien, et la non-couverture parfaite des 24 h par les traitements antihypertenseurs. L’immunisation contre un des composants du système rénine-angiotensine pourrait alors être une alternative thérapeutique intéressante par rapport à une prise médicamenteuse quotidienne.   Historique Les tentatives d’immunisation contre le système rénine-angiotensine ont démarré il y a environ 25 ans. La première approche a consisté en une immunisation active contre la rénine active chez le marmouset et le rat. Chez ces animaux, l’immunisation contre la rénine active entraînait une baisse de PA, une disparition de l’activité rénine plasmatique et une forte sensibilité à la déplétion sodée. Les marmousets développaient aussi une maladie auto-immune intrarénale caractérisée par une rétraction du flocculus, une hyperplasie mésangiale, des lésions vasculaires inflammatoires, une infiltration lymphocytaire T et macrophagique, avec colocalisation du marquage antirénine et immunoglobuline au niveau des cellules de l’appareil juxtaglomérulaire et recrutement de cellules marqués par les anticorps antirénines jusqu’aux artérioles interlobulaires. Cette voie d’immunisation a été abandonnée à partir de 1990. Des alternatives successives ont tenté d’immuniser des animaux puis des sujets sains contre l’angiotensine I et plus récemment contre l’angiotensine II. La tentative d’immunisation contre l’angiotensine I s’est soldée par un échec caractérisé par l’apparition d’anticorps qui n’avaient pas d’efficacité tensionnelle ou biologique. Une première étude avec le vaccin CYT006-AngQB dirigé contre l’angiotensine II avait déjà été rapportée chez le volontaire sain et démontrait sa tolérance et l’efficacité en termes de réponse anticorps. J. Nussberger a rapporté les résultats de l’essai multicentrique de phase 2A chez des patients hypertendus. Premiers résultats Il s’agit d’un essai en double aveugle, randomisé chez 72 patients ayant une HTA légère à modérée qui ont reçu 3 injections vaccinales de 100 ou 300 µg ou un placebo, réalisées aux semaines 0, 4 et 12. L’évaluation du bénéfice tensionnel était réalisée par mesure ambulatoire de la PA obtenue avant puis 14 semaines après traitement. L’administration du vaccin a été bien tolérée. Les effets secondaires les plus fréquents étaient une réaction locale légère au site d’injection ou la survenue de symptômes d’allure grippale présents chez 10 % des participants, se résolvant en 1 à 2 jours après injection. Tous les patients ayant reçu le vaccin actif ont présenté une forte réponse anticorps contre l’angiotensine II après la première injection, qui a été amplifiée par les injections suivantes. L’augmentation des concentrations d’anticorps était dépendante de la dose. La réponse anticorps était réversible avec une demi-vie de 3 à 4 mois pour la plus forte dose (300 µg). Chez les patients ayant reçu l’injection de 300 µg de vaccin, une baisse significative de PA systolique et diastolique comparée aux valeurs de base et au placebo a été observée. Ainsi, la baisse de PA systolique en mesure ambulatoire de 24 heures était de 7 mmHg en moyenne, et la baisse de PA diastolique de 4 mmHg pour une baisse sous placebo de 1 et 2 mmHg, respectivement. L’élévation matinale de la PA était fortement réduite avec une différence par rapport au placebo de -26 /-11 mm Hg. La baisse de PA reste modeste et ne peut être interprétée facilement car il manquait un groupe témoin actif traité par un inhibiteur du SRAA administré par voie orale. Les injections étaient associées à une activation modeste de la libération de rénine par interruption du feedback négatif de l’angiotensine II, dans tous les cas nettement plus faible que celle observée sous inhibiteur du système rénine angiotensine administré par voie orale. Perspectives de la vaccination anti-HTA Ces résultats laissent envisager la possibilité de tester le vaccin de plus large population de patients, mais il reste de nombreux problèmes à régler. En effet, il faut évaluer la tolérance immunologique et les effets bénéfiques à long terme de ce type d’approche thérapeutique. Les résultats de l’étude publiée dans le Lancet, même s’ils sont intéressants sur un plan scientifique, restent très préliminaires (48 patients exposés pendant 3 mois). En effet, nous disposons aujourd’hui d’un arsenal thérapeutique médicamenteux important pour contrôler la PA des patients qui nécessiteront le plus souvent des plurithérapies antihypertensives. De plus, les différentes classes médicamenteuses disponibles à ce jour ont démontré leur efficacité à réduire les accidents cardiovasculaires et rénaux de l’HTA avec un bon profil de tolérance, alors qu’il faudra de nombreuses années pour que la même efficacité avec une tolérance similaire soient démontrées pour un « vaccin anti-angiotensine II ». En outre, l’immunisation anti-angiotensine II pourrait engendrer deux types de risque. Le premier est d’ordre immunitaire : cette immunisation s’intègre dans le contexte de toutes les vaccinations réalisées pour la protection contre des maladies infectieuses et nul ne peut dire quels seront ses effets à long terme sur l’immunité. L’autre risque est lié au blocage permanent du SRAA tant que des anticorps neutralisant l’angiotensine II seront présents dans l’organisme, ce qui peut poser un réel problème de sécurité si on doit lever rapidement l’inhibition du SRAA. En effet, au cours d’une anesthésie générale par exemple, les inhibiteurs du SRAA actifs par voie orale qui ont un effet rapidement réversible sont habituellement interrompus. Dans les conditions où le SRAA doit être activé par nécessité pour maintenir une PA et une fonction rénale à un niveau tolérable, par exemple au cours des épisodes de canicule, d’une déshydratation (diarrhée, fièvre) ou d’une hémorragie, un traitement médicamenteux pourra toujours être momentanément interrompu, alors que les anticorps anti-angiotensine II seront encore circulants, prolongeant ainsi les conséquences de la neutralisation de l’angiotensine II. On connaît déjà les effets négatifs d’un blocage trop complet du système rénine angiotensine à travers les résultats des essais testant le blocage combiné par un IEC et un ARA II, comme les essais ONTARGET, VALIANT et CHARM-added (augmentation du risque d’hypotension, de syncope, d’insuffisance rénale). L’approche d’immunisation anti-angiotensine II a aussi d’autres limites : – on ne connaît pas pour le moment le nombre de rappels nécessaires pour maintenir une immunisation correcte ; – l’immunisation anti-angiotensine II ne ciblant que le système rénine angiotensine n’évitera ni le recours à d’autres classes d’antihypertenseur administrés par voie orale pour contrôler la PA, ni le recours aux statines, à des antidiabétiques oraux et à l’aspirine en particulier chez des patients à haut risque vasculaire.   En pratique   Selon J. Ménard, il est nécessaire de disposer d’études d’exposition à long terme chez l’animal, afin de connaître avec précision les conséquences immunitaires, hémodynamiques et rénales de cette approche. Il est nécessaire d’informer de façon loyale, claire et précise les patients volontaires qui participeront à ce type de recherche. Il faut cibler les patients qui pourraient le plus bénéficier de cette approche, en particulier les patients ayant une insuffisance cardiaque. Il faut intégrer les conséquences potentielles de cette approche immunologique contre un composant du système rénine angiotensine, avec d’autres thérapeutiques immunologiques (vaccinations contre les maladies infectieuses, traitement des cancers et des maladies inflammatoires). D’après les communications de J. Nussberger (Lausanne) et J. Ménard (Paris)

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