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Vasculaire

Publié le 03 oct 2006Lecture 18 min

Conduite à tenir devant une artériopathie du sujet jeune

D. SÈNE et P. CACOUB, hôpital de La Pitié-Salpêtrière, Paris

Traiter de l’artériopathie du sujet jeune pose un certain nombre de problèmes, dont le premier est la définition du caractère jeune des individus concernés. L’athérothrombose, la cause principale des artériopathies, survient en général au-delà de l’âge de 40 ans, en dehors des situations spécifiques à risque comme l’insuffisance rénale, certaines formes familiales ou certaines maladies inflammatoires chroniques. Nous faisons le choix dans ce travail de considérer l’âge seuil de 40 ans pour définir le sujet.

Sur le plan étiologique (tableau 1), l’une des particularités de l’artériopathie du sujet jeune est ainsi la rareté de l’athérothrombose comme facteur étiologique au profit d’entités nosologiques diverses qu’il faudra s’attacher à rechercher, surtout en raison de leur spécificité thérapeutique et de leur pronostic. Il pourra s’agir d’une maladie en rapport avec une atteinte inflammatoire de la paroi artérielle avec ou sans composante systémique, d’une maladie non inflammatoire de la paroi artérielle ou d’une maladie thrombotique sur artères saines. Ce n’est qu’une fois ces diagnostics éliminés que l’athérosclérose précoce en présence de facteurs de risque vasculaire pourra être évoquée comme cause possible. Nous les développerons ainsi progressivement en tenant compte du mécanisme de l’artériopathie, de leur fréquence relative et de leurs particularités diagnostiques et thérapeutiques. Artériopathie inflammatoire sans composante systémique Les artériopathies inflammatoires sans composante systémique du sujet jeune comprennent essentiellement la thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger et, de façon plus anecdotique, l’artériopathie oblitérante au cannabis. Ces deux entités partagent sur le plan physiopathologique la présence d’un infiltrat inflammatoire polymorphe de la paroi artérielle associé à des thrombiinflammatoires, un lien de causalité avec une substance toxique, le tabac pour la thromboangéite oblitérante et le cannabis pour l’artérite au cannabis, et l’absence de composante systémique (absence de syndrome inflammatoire).   La thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger La thromboangéite oblitérante ou maladie de Buerger est une artériopathie inflammatoire non athéromateuse, sans composante systémique, de cause inconnue mais dans laquelle le tabac joue un rôle prépondérant. Elle représente environ 3 % de toutes les artériopathies et touche préférentiellement l’homme jeune, avant l’âge de 40 à 45 ans, tabagique. Toutefois, à la faveur du tabagisme croissant, des cas féminins sont de plus en plus décrits. Ce diagnostic doit être évoqué devant toute artériopathie distale du sujet jeune fumeur. La notion de tabagisme est extrêmement importante, y compris dans son caractère passif. Sur le plan clinique, les artères et les veines peuvent être touchées. L’atteinte artérielle provoque une artériopathie distale occlusive, responsable de troubles ischémiques. On retrouve dans près de la moitié des cas, un facteur déclenchant initial traumatique thermique ou physique. L’atteinte des membres inférieurs est le plus souvent révélatrice avec une claudication intermittente plantaire, puis des mollets et des douleurs parfois permanentes des pieds. Les pouls pédieux et tibiopéroniers sont abolis et il existe des signes d’ischémie distale (froideur, pâleur d’élévation ou érythrose de déclivité). Les troubles trophiques d’origine ischémique sont présents dans 58 à 80 % des cas au début de l’histoire et associent plaies avec retard de cicatrisation, sécheresse cutanée et fissures (figure 1). L’atteinte des membres supérieurs est souvent révélée par un phénomène de Raynaud atypique par son asymétrie ou son unilatéralité et sa survenue en dehors de l’hiver. Elle peut aussi être révélée par des troubles trophiques (fissures digitales, ischémie ou nécrose) ou une claudication du membre supérieur à type de douleurs ou de crampes à l’effort. La manœuvre d’Allen, toujours pathologique à ce stade, permet de confirmer l’atteinte artérielle cubitale et radiale distale. Les atteintes des autres axes artériels digestifs, coronaires, pulmonaires et cérébraux sont possibles mais exceptionnelles. La thromboangéite oblitérante peut aussi s’associer, dans un peu moins de la moitié des cas, à une atteinte veineuse avec des phlébites superficielles courtes, touchant les membres inférieurs et supérieurs, souvent récidivantes, classiquement dénommées « phlébites sautantes ». Des arthralgies périphériques et des paresthésies peuvent être présentes. Figure 1. Ulcérations ischémiques du gros et du deuxième orteil chez un patient atteint de thrombo-angéite oblitérante. Les flèches indiquent des lésions de phlébites superficielles (d'après Olin et al., 2000). Sur le plan diagnostique, la biologie est souvent normale, sans syndrome inflammatoire et n’a d’intérêt que pour éliminer d’autres causes d’artériopathie (syndrome inflammatoire, syndrome d’hyperviscosité, hyperhomocystéinémie, syndrome des antiphospholipides, etc.). Les explorations artérielles permettent de confirmer le diagnostic de thromboangéite oblitérante. L’écho-Doppler artériel confirme le diagnostic d’artériopathie distale en montrant des sténoses et occlusions des artères distales ; il permet une évaluation satisfaisante de la qualité de la vascularisation distale des membres et du degré de sévérité de l’artériopathie par la mesure des index de perfusion et de la circulation collatérale. L’artériographie ou l’angio-scanner ou l’angio-IRM artériel objectivent une artériopathie distale non athéromateuse sténosante et occlusive avec des artères grêles et tortueuses, dites « hélicines » ou en « tire-bouchon », et une circulation collatérale dont l’importance est variable. Les artères proximales sont exceptionnellement concernées et sont en général non athéromateuses (figure 2). Il conviendra toutefois d’éliminer les autres causes d’artériopathie occlusive qui seront détaillées dans les paragraphes suivants. Si le pronostic vital est rarement en jeu, le pronostic fonctionnel est majeur et dépend en grande partie de l’interruption absolue de l’intoxication tabagique. Dans le cas contraire, les patients sont soumis à des rechutes et surtout à l’aggravation des troubles ischémiques aboutissant à l’amputation des extrémités dont la forme ultime est celle des « hommes tronc » amputés des quatre membres. Jusqu’à 20 à 40 % des patients suivis à long terme auront au moins une amputation mineure (doigts, orteils), 6 à 20 % une amputation majeure (mains, pieds). Figure 2. Artériographie des mains révélant des artères frêles, graciles avec des occlusions artérielles (flèches) et une circulation collatérale déjà développée. On peut remarquer que les artères proximales sont normales (d'après Olin et al., 2000).   Sur le plan thérapeutique, la première mesure est l’abolition totale et définitive de toute intoxication tabagique, active comme passive. En cela, tout l’arsenal thérapeutique disponible pour le sevrage tabagique (nicotine en gomme à mâcher ou patch, bupropion [Zyban®], consultation spécialisée) doit être mis à disposition des patients. La nicotine, n’étant pas anodine, devra être utilisée avec prudence. En fonction de la sévérité des symptômes, un traitement médicamenteux vasodilatateur artériel (buflomédil [Fonzylane®], pentoxifylline [Torental®]) sera proposé, toujours en association avec des antiagrégants plaquettaires. En cas d’ischémie critique avec ou sans nécrose, les assauts liquidiens avec expansion volumique ont pu être efficaces, au moins pour réduire les douleurs. Mais les perfusions d’iloprost [Iloprost®] sont aujourd’hui le traitement le plus efficace des ischémies critiques, permettant une amélioration significative chez plus de 90 % des patients, surtout lorsqu’elles sont associées à une excision des zones de nécrose. En cas d’échec des traitements précédents, la sympathectomie lombaire a pu, dans certains cas, favoriser la perfusion distale et la diminution des douleurs. Dans tous les cas, des mesures d’hygiène strictes seront proposées avec la protection contre le froid et les traumatismes des extrémités concernées, la prévention et le traitement précoce des sources d’infections (soins de pieds) et la marche pour favoriser le développement de la circulation collatérale.   Artériopathie oblitérante au cannabis L’artérite au cannabis, quoique rare, mérite d’être évoquée devant une artériopathie distale du sujet jeune. Depuis les premières descriptions en 1960, une cinquantaine de cas a été à ce jour rapportée. L’artérite au cannabis réalise un tableau clinique parfaitement superposable à celui de la thromboangéite oblitérante, avec une artérite distale ischémique et très douloureuse, évoluant par poussées paroxystiques rythmées par la consommation de cannabis. Les membres inférieurs sont presque toujours concernés (96 %) mais quelques cas rapportent une atteinte associée, exceptionnellement isolée, des membres supérieurs. L’imagerie artérielle montre des sténoses segmentaires ou occlusions artérielles des artères sous-poplitées, mais à l’inverse de la thromboangéite oblitérante, le réseau collatéral est souvent peu développé. L’évolution spontanée de l’artérite au cannabis est sévère avec la nécessité d’un recours à l’amputation chez près de 40 %. La prise en charge thérapeutique des patients est identique à celle de la thromboangéite oblitérante, reposant sur l’éviction du cannabis et du tabac, les antiagrégants plaquettaires, les mesures spécifiques de reperfusions artérielles distales médicamenteuses, exceptionnellement chirurgicales et les soins locaux.   Artériopathie inflammatoire systémique L’existence d’un syndrome inflammatoire au cours d’une artériopathie du sujet jeune oriente le diagnostic vers les artériopathies inflammatoires avec une composante systémique, dont les deux principales sont la maladie de Takayasu et la maladie de Behçet.   Maladie de Takayasu La maladie de Takayasu est typiquement une artériopathie inflammatoire de la femme jeune (80 % des cas). Dans près de la moitié des cas, elle débute par une altération de l’état général, une fébricule, des arthralgies, un érythème noueux, parfois des manifestations oculaires (épisclérite, uvéite). Les manifestations artérielles ne sont parlantes que quelques années plus tard. Elles incluent des lésions sténosantes, occlusives et anévrismales. L’atteinte des troncs supraaortiques, en particulier des sous-clavières, est assez fréquente et souvent révélée par un syndrome de Raynaud, une abolition de pouls ou asymétrie tensionnelle ou claudication vasculaire d’un membre supérieur. Tous les axes artériels peuvent être atteints, en particulier l’aorte thoracique et abdominale, les artères rénales, dont les sténoses se compliquent d’hypertension artérielle parfois rebelle, les artères iliofémorales, digestives, carotidiennes et vertébro-basilaires. Le bilan biologique objective un syndrome inflammatoire pouvant être important, avec une élévation de la vitesse de sédimentation, de la protéine C réactive et du fibrinogène. L’imagerie artérielle (écho-Doppler artériel, angio-scanner, angio-IRM) aidera au diagnostic en visualisant dans plusieurs territoires des lésions sténosantes, des lésions occlusives et des anévrismes. L’association de ces trois types de lésions au cours d’une artériopathie du sujet jeune est assez évocatrice du diagnostic de maladie de Takayasu. L’autre intérêt de l’IRM est d’apprécier l’importance de l’épaississement de la paroi artérielle et son caractère inflammatoire dans le suivi de la maladie sous traitement. Le traitement comprend en général une corticothérapie par voie générale, associée ou non à un immunosuppresseur de type méthotrexate et des antiagrégants plaquettaires. L’anticoagulation n’est pas la règle, sauf après chirurgie vasculaire (endoprothèses, re-implantations, etc.). Cette dernière tient une place de choix dans la prise en charge de la maladie de Takayasu mais nécessite toujours un contrôle de l’inflammation artérielle pariétale et du syndrome inflammatoire biologique. La radiologie interventionnelle est de plus en plus utilisée dans le traitement des sténoses artérielles.   Maladie de Behçet La maladie de Behçet, qui survient en général entre 18 et 40 ans, peut aussi être révélée ou compliquée par une artériopathie chez 3 à 5 % des patients. Toutefois, la principale manifestation vasculaire de la maladie de Behçet reste la thrombose veineuse profonde. L’atteinte artérielle peut se manifester par une artériopathie thrombotique touchant les artères de gros et moyen calibre, dont les artères cérébrales, ou des anévrismes (« aphtes artériels ») siégeant l’aorte, les artères rénales, poplitées, radiales et pulmonaires, dont le risque majeur est celui de la rupture. Les origines géographiques (pourtour méditerranéen) et la notion d’aphtose le plus souvent bipolaire (génitale et buccale), de pseudo-folliculites, d’uvéite, d’arthralgies et de thromboses veineuses antérieures à l’interrogatoire et à l’examen clinique permettront d’affirmer le diagnostic. Le bilan biologique n’est marqué que par l’existence d’un syndrome inflammatoire. Sur le plan thérapeutique, une anticoagulation efficace prolongée, une corticothérapie et la colchicine forment en général le triptyque de base du traitement.   Autres causes d’artérites Les fibroses rétropéritonéales ou pelviennes isolées peuvent se compliquer d’engrainement artériel responsable de sténoses ou de thromboses artérielles symptomatiques. Le diagnostic est essentiellement effectué sur l’imagerie (scanner, IRM). Les vascularites systémiques, dont la périartérite noueuse, le syndrome de Cogan, la maladie de Kawasaki, les cryoglobulinémies symptomatiques peuvent être diagnostiquées chez les sujets jeunes mais sont exceptionnellement révélées par une atteinte artérielle. Cette dernière est le plus souvent aiguë et associée presque toujours à des atteintes extravasculaires, dont la symptomatologie prédomine, et permet d’effectuer le diagnostic.   Artériopathie en rapport avec une maladie non inflammatoire de la paroi artérielle Un certain nombre de maladies non inflammatoires et non athéromateuses de la paroi artérielle peuvent être révélées ou se compliquer d’artériopathie, parfois sévère chez le sujet jeune. Elles méritent alors d’être évoquées et recherchées en cas d’artériopathie du sujet jeune ; le diagnostic sera facilité par la recherche de signes extravasculaires évocateurs. Ces pathologies comprennent les maladie du collagène et du tissu élastique, et les dysplasies fibromusculaires.   Maladies héréditaires du collagène et du tissu élastique Les maladies héréditaires du collagène et du tissu élastique qui se compliquent d’artériopathie chez le sujet jeune comprennent la maladie d’Ehlers-Danlos (type I et IV), la maladie de Marfan et le pseudoxanthome élastique (PXE). • Le premier élément diagnostique d’orientation vers ces affections est avant tout clinique. Ainsi, l’interrogatoire recherche des antécédents familiaux de maladies vasculaires artérielles précoces, la notion d’entorses ou de luxations à répétition, de syndrome hémorragique (hémorragie extériorisée ou hématome) après un traumatisme insignifiant (maladie d’Ehlers-Danlos). À l’examen clinique, on recherche un morphotype marphanoïde, une atrophie cutanée laissant paraître le réseau veineux sous-jacent surtout au niveau du tronc, une hyperélasticité et une hyperlaxité articulaire, des cicatrices atrophiques ou des vergetures. Enfin, des papules jaunâtres sur des cicatrices peuvent orienter vers le PXE. L’examen ophtalmologique recherchera des éléments d’orientation. • Le deuxième élément d’orientation est lié au siège et au type de l’artériopathie. - Artériopathies des maladies d’Ehlers-Danlos (type I et IV) et de Marfan. Dans la maladie d’Ehlers-Danlos, l’artériopathie se manifeste par une fragilité vasculaire artérielle diffuse (aorte, artères rénales, digestives, cérébrales et des membres inférieurs) avec des ruptures vasculaires suite à des traumatismes mineurs ou sur anévrismes artériels responsables de syndromes hémorragiques pouvant mettre en jeu le pronostic vital. Dans la maladie de Marfan, il s’agit plutôt d’une maladie artérielle anévrysmale touchant principalement l’aorte ascendante et associée à une valvulopathie aortique ou mitrale dans plus de 90 % des cas. - Le pseudoxanthome élastique (PXE) Le PXE est caractérisée par une atteinte des vaisseaux de moyen ou petit calibre et surtout par la présence de calcifications artérielles quasi pathognomoniques à l’âge de survenue, en l’absence d’athérosclérose ou de diabète. Ces lésions sont liées à une dégénérescence de la lamina élastique et aux dépôts calciques dans les artères de moyen et petit calibres. Ces manifestations vasculaires surviennent en général entre la troisième et la quatrième décade, mais des cas plus précoces ont été rapportés. L’atteinte des membres inférieurs, révélée par une claudication intermittente est souvent le premier signe de l’atteinte artérielle, retrouvée chez 30 % des patients ayant un PXE. La localisation coronaire vient au deuxième rang des atteintes artérielles par ordre de fréquence. D’autres territoires (artères des membres supérieurs, rénales, cérébrales et digestives) peuvent être plus rarement concernés. L’examen cutané retrouve des lésions caractéristiques par leur localisation et leur aspect : papules jaunâtres aux zones de grands plis de flexion (cou, aisselles, plis du coude, régions inguinales, cicatrices) donnant un aspect de « peau d’oie plumée ». L’examen ophtalmologique retrouve dans plus de 90 % des cas des anomalies incluant des stries angioïdes et des lésions choroïdo-rétiniennes. Le diagnostic peut être aidé par la biopsie cutanée (fibres élastiques pathologiques, épaissies, fragmentées associées à des dépôts calciques) et la génétique (anomalie du gène ABCC6 situé sur le chromosome 16p13.1). L’imagerie (radiographie des parties molles, angio-scanner) aidera au diagnostic étiologique en mettant en évidence des calcification de toute la paroi artérielle mimant une athérosclérose (figure 3). L’imagerie artérielle (écho-Doppler, angio-scanner, angio-RM) peut mettre en évidence une diminution du calibre des artères et parfois des lésions sténosantes et thrombosantes. Une circulation collatérale est souvent présente, témoin de l’installation très progressive de cette artériopathie. Figure 3. Artériopathie des membres inférieurs avec des calcifications des artères tibiales postérieures (A) et péronière (B) chez un patient atteint de pseudoxanthome élastique.   Dysplasie fibromusculaire La dysplasie fibromusculaire est une maladie de la paroi artérielle touchant préférentiellement les femmes (90 %), jeunes le plus souvent entre 15 et 40 ans. La dysplasie fibromusculaire de la média artérielle est la plus fréquente. Elle touche électivement les artères rénales (60-75 %), de façon bilatérale dans 30 % des cas. Les autres territoires impliqués sont les troncs supra-aortiques carotidiens et vertébraux (25-30 %), et plus rarement les artères digestives, des membres inférieurs ou supérieurs. Elle est, dans la majorité des cas, révélée par une hypertension artérielle rénovasculaire liée à une sténose uni- ou bilatérale des artères rénales. L’imagerie artérielle est assez évocatrice quand elle décrit une artériopathie non inflammatoire non athéromateuse avec une succession d’anévrismes et de sténoses, dites en « collier de perles ». Les macroanévrismes et les dissections artérielles sont d’autres modes évolutifs ou de révélation de la dysplasie fibromusculaire.   Artériopathies thrombotiques pures La nature thrombotique de l’artériopathie pourra orienter la recherche diagnostique vers les pathologies thrombophiliques acquises ou héréditaires. Deux caractéristiques sont associées à l’artériopathie au cours des thrombophilies : son caractère plus souvent aigu ou subaigu à révélation bruyante plutôt que chronique et l’association très évocatrice à des thromboses veineuses profondes. Parmi les causes d’artériopathies thrombotiques du sujet jeune, on retrouvera les thrombophilies héréditaires (hyperhomocystéinémie, déficits en protéines S et C, mutations en facteurs II et V), acquises (hyperhomocystéinémie, syndrome des antiphospholipides), hématologiques (hémoglobinurie paroxystique nocturne et syndromes prolifératifs), les maladies emboligènes et les syndromes canalaires.   Hyperhomocystéinémie L’hyperhomocystéinémie peut être compliquée ou révélée par des thromboses artérielles de façon non exceptionnelle. Par ailleurs, quoique toujours discutée, l’hyperhomocystéinémie semble être un facteur de risque d’athérosclérose accélérée. En cas d’artériopathie thrombosante, la notion de thromboses veineuses antérieures, qui demeurent les principales complications vasculaires de l’hyperhomocystéinémie, fera suspecter, entre autres, le diagnostic. Le dosage de l’homocystéine plasmatique à jeun permettra de confirmer le diagnostic. Une maladie sous-jacente devra ensuite être recherchée : déficit en vitamines B12, B9 (folates) et B6, mutation de la méthylènetétrahydrofolate réductase (MTHFR), homocystinurie congénitale (déficit homozygote en cystathionine-β synthétase).   Autres thrombophilies héréditaires Les déficits en protéine C, en protéine S et en antithrombine III (surtout dans les formes homozygotes), la résistance à la protéine C activée (mutation facteur V Leiden), la mutation du facteur II (prothrombine) sont essentiellement associés à des thromboses veineuses profondes ou embolies pulmonaires récidivantes. Leur rôle dans la survenue de thromboses artérielles est très discuté, même si des cas avérés ont été rapportés, mais le plus souvent en association avec d’autres facteurs de risque de thrombose tels le tabac et la contraception orale par pilule œstroprogestative.   Artériopathie thrombotique d’origine embolique L’artériopathie thrombotique peut être d’origine embolique. La recherche d’une source d’emboles doit faire partie intégrante du bilan diagnostique devant toute thrombose artérielle sur artères saines. Elle comprendra la recherche : • d’une arythmie cardiaque (électrocardiogramme, Holter-ECG), • d’un thrombus intracardiaque (anévrisme pariétal, myxome de l’oreillette, endocardites infectieuses ou de Libman-Sachs) par une échographie cardiaque transpariétale et trans-œsophagienne, • d’un foramen ovale perméable surtout en cas d’artériopathie cérébrale récidivante par un écho-Doppler cardiaque potentialisé par une épreuve de contraste, • d’un anévrisme artériel de l’aorte thoracique, abdominale et des ses branches par un écho-Doppler artériel, un angio-scanner ou une angio-IRM. Une artériopathie sur emboles de cholestérol chez le sujet jeune ne peut être qu’exceptionnelle. Ce diagnostic ne sera envisageable qu’en présence de réels signe d’athérosclérose et de facteurs déclenchants (gestes artériels agressifs, anticoagulation).   Syndrome des antiphospholipides Un syndrome des antiphospholipides doit toujours être évoqué en cas d’artériopathie thrombotique du sujet jeune, surtout en cas d’atteinte cérébrale. L’interrogatoire doit rechercher des éléments associés évocateurs, telles les fausses couches ou avortements spontanés ou des morts in utero ou des thromboses veineuses répétitives. L’examen clinique recherchera des signes d’accompagnement tels le livedo ou des manifestations cliniques de connectivite de type lupique (éruption en aile de papillon, arthralgies, syndrome sec, syndrome de Raynaud). Le diagnostic sera confirmé par la biologie avec la recherche des anticorps antiphospholipides (anticorps anticardiolipine, antiphospholipide, anticoagulant circulant, sérologie syphilitique dissociée) et d’anticorps anti-β2-glycoprotéine 1 (anti-β2GP1).   Hémoglobinurie paroxystique nocturne et syndromes myéloprolifératifs L’hémoglobinurie paroxystique nocturne est surtout connue pour se compliquer de thromboses veineuses profondes, surtout du système porte, mais peut s’accompagner de thromboses artérielles, y compris coronaires. L’association de thromboses artérielles à une anémie hémolytique non immunologique associée parfois à des signes d’insuffisance médullaire (thrombopénie, leucopénie), à une hémoglobinurie (lorsqu’elle est recherchée à l’interrogatoire et à la bandelette urinaire), doit orienter le diagnostic et faire pratiquer un phénotypage cellulaire à la recherche d’une diminution significative de l’expression du CD55 et du CD59 sur les érythrocytes et les leucocytes. D’autres hémopathies telles que les syndromes myéloprolifératifs (polyglobulie essentielle, thrombocytose essentielle, leucémie myéloïde chronique) peuvent se compliquer d’artériopathies thrombotiques distales, touchant essentiellement les artères de petit calibre avec des risques de nécroses digitales, et plus rarement les artères de moyen et gros calibre. Cependant leur survenue avant l’âge de 40 ans est exceptionnelle. Elles ne seront évoquées qu’en présence d’anomalies biologiques spécifiques.   Syndromes canalaires et kystes adventiciels Ces syndromes canalaires comprennent : - le syndrome de la traversée cervico-thoraco-brachiale qui se révèle sur le plan vasculaire par un syndrome de Raynaud, un gonflement des doigts, plus rarement par des signes vasculaires majeurs (ischémie d’effort, ischémie de membre, ischémie digitale, thrombose veineuse). Les symptômes vasculaires sont presque toujours associés à des manifestations neurologiques souvent révélatrices ; - le syndrome de l’artère poplitée piégée et le syndrome du canal des adducteurs, révélés par une claudication du membre inférieurs, voire par des troubles trophiques ou des syndromes ischémiques aigus. Les kystes adventiciels, affection assez rare, se révèlent en règle générale par une claudication intermittente du sujet jeune. Dans tous les cas, le diagnostic est facilement effectué par l’imagerie artérielle (écho-Doppler artériel, angio-scanner, angio-IRM voire artériographie) associée parfois à des manœuvres positionnelles.   Autres diagnostics Parmi les autres diagnostics à évoquer devant une artériopathie du sujet jeune, un certain nombre ne pose pas de difficultés diagnostiques spécifiques puisque l’interrogatoire permettra facilement de les privilégier ou de les écarter. Ainsi, les artériopathies iatrogènes médicamenteuses et non médicamenteuses, les causes toxiques professionnelles et non professionnelles (cocaïne, amphétamines) pourront être évoquées au cas par cas (tableau 2). L’artériopathie diabétique, dans un contexte de diabète mal équilibré ou évoluant depuis plusieurs années, est classiquement distale touchant les vaisseaux de petit calibre (microangiopathie), le plus souvent associée à une atteinte rénale, ophtalmologique, à une cardiopathie diabétique et à une neuropathie périphérique. Elle est en fait associée aussi à une atteinte des artères de moyen et gros calibres (macroangiopathie). De la prise en charge idéale de cette artériopathie dépendra le pronostic vital des patients diabétiques. Enfin, dans des cas particuliers et devant la négativité des explorations précédentes, le diagnostic d’artériopathie athérothrombotique sur athérosclérose accélérée pourra être évoquée. Certaines situations pathologiques favorisantes seront recherchées, en particulier : • les facteurs de risques vasculaires classiques à savoir l’hypertension artérielle, la dyslipidémie, le diabète, des antécédents familiaux d’artériopathie, le tabagisme, l’hyperhomocystéinémie, • une insuffisance rénale avec ou sans dialyse, • une corticothérapie au long court, souvent dans le cadre des connectivites ou de greffe d’organe (cœur, rein). La prise en charge ne sera pas différente de celle d’une athérothrombose classique avec le contrôle de tous les facteurs de risque, le traitement médical par antiagrégants plaquettaires, les hypolipémiants, les vasodilatateurs artériels et la chirurgie artérielle si nécessaire, et les mesures hygiéno-diététiques (marche, alimentation équilibrée).   Conclusion   Les artériopathies du sujet jeune en raison de la diversité des pathologies causales (tableau 1) relèvent d’une prise en charge diagnostique et thérapeutique multidisciplinaire. Toutes ces étiologies devront être évoquées selon la nature de l’artériopathie, parfois sa localisation et des signes extravasculaires associés. De la précocité du diagnostic dépendra une meilleure prise en charge thérapeutique et une amélioration du pronostic souvent fonctionnel, vital parfois. Une bibliographie sera adressée aux abonnés sur demande au journal.

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