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Vasculaire

Publié le 21 avr 2009Lecture 12 min

Comment détecter les plaques d'athérosclérose vulnérables ?

F. HYAFIL et L.-J. FELDMAN, Hôpital Bichat, Paris

Malgré les progrès thérapeutiques récents, les complications de l’athérosclérose demeurent la première cause de mortalité dans les pays occidentaux. Il est d’un intérêt clinique majeur de détecter les plaques d’athérome vulnérables, à haut risque évolutif.

La coronarographie est l’examen de référence pour détecter les plaques d’athérosclérose sténosantes, ayant un retentissement hémodynamique sur le flux artériel. Cependant, les études anatomopathologiques de patients décédés d’infarctus du myocarde ont montré que 70 % des plaques d’athérome coronaires en regard des thrombus artériels (plaques « coupables ») ne présentaient pas de sténoses serrées de la lumière artérielle. Ces données ont été confirmées par des études rétrospectives retrouvant une faible proportion de sténoses coronaires serrées au niveau des futures plaques d’athérosclérose coupables sur les coronarographies précédant un événement coronarien aigu. L’étude du degré de sténose artérielle engendré par les plaques d’athérome aide à définir les indications de revascularisation coronaire mais ne permet pas de prédire le risque d’événement coronarien aigu. Les syndromes coronariens aigus sont associés dans la majorité des cas à la rupture ou l’érosion d’une plaque d’athérome avec formation d’un thrombus au contact du sous-endothélium. Les mécanismes aboutissant à la rupture d’une plaque d’athérosclérose et à la formation d’un thrombus intracoronaire restent encore mal compris. Devant l’absence de modèle animal pertinent de rupture spontanée de plaque, les recherches se sont concentrées sur l’étude anatomopathologique des plaques d’athérosclérose rompues. La comparaison des plaques d’athérome « coupables », compliquées d’une thrombose artérielle, avec des plaques « stables » a permis de définir les principales caractéristiques histologiques et biologiques des plaques d’athérome coupables. Les plaques d’athérosclérose ayant le même aspect histologique et biologique que les plaques coupables sont considérées comme des « plaques vulnérables », susceptibles de se rompre et d’engendrer une thrombose coronaire aiguë. Il serait d’un intérêt clinique majeur de détecter ces plaques d’athérosclérose vulnérables, à haut risque évolutif. Techniques invasives de détection L’essor de la coronarographie a favorisé le développement de sondes intracoronaires d’imagerie. Le principal avantage de l’imagerie invasive de la paroi artérielle est son excellente résolution spatiale. De nombreuses techniques d’imagerie basées essentiellement sur les propriétés d’absorption et de réfraction des ondes spectrales ou des ultrasons, ont été testées pour tenter de détecter les plaques d’athérosclérose vulnérables (figure 1). D’autres techniques se sont intéressées à la mesure de la température (thermographie), aux propriétés mécaniques (élastographie) ou à la composition moléculaire (spectrométrie du proche infrarouge) des plaques d’athérosclérose. Les approches les plus prometteuses sont actuellement la tomographie par cohérence optique (TCO) et l’histologie virtuelle. Figure 1. Imagerie intra-coronaire d’une plaque d’athérosclérose vulnérable par tomographie par cohérence optique (A) et par échographie (B). La tomographie par cohérence optique permet de visualiser la fine chape fibreuse (flèches noires) recouvrant le noyau lipidique (LC) avec une très bonne résolution spatiale mais avec une pénétration limitée dans l’épaisseur de la plaque d’athérosclérose. L’échographie endocoronaire de la même plaque d’athérosclérose retrouve une paroi artérielle hypoéchogène mais avec une résolution spatiale et un contraste inférieurs à la tomographie par cohérence optique. GW, artéfact lié au guide d’échographie. Adapté de MacNeill et al. Tomographie par cohérence optique La TCO étudie la réfraction des ondes optiques dans les plaques d’athérosclérose. L’utilisation de longueurs d’ondes très courtes permet d’obtenir une excellente résolution spatiale (environ 10 µm) mais avec une pénétration limitée dans la paroi artérielle (1 à 2 mm). Cette technique peut être comparée à l’échographie endocoronaire de haute résolution. La TCO permet cependant une meilleure évaluation de la composition lipidique (signal faible) ou fibreuse (signal intense) des plaques d’athérosclérose. Dans une étude préliminaire, l’épaisseur de la chape fibreuse a été mesurée in vivo dans les plaques d’athérosclérose coronaires rompues. La majorité des plaques rompues avait une épaisseur de chape fibreuse inférieure à 50 µm, confirmant les résultats des études anatomopathologiques antérieures qui avaient établi le seuil de 60 µm. Enfin, la présence d’une l’hétérogénéité du signal dans les plaques permettrait d’identifier une infiltration par des macrophages dans la chape fibreuse. Ces résultats restent cependant à confirmer in vivo. Les principales limitations de la TCO sont la nécessité de perfuser l’artère coronaire avec du sérum physiologique durant l’acquisition des images ainsi que le coût d’acquisition de la source de lumière laser. Histologie virtuelle Les images d’histologie virtuelle sont obtenues par un post-traitement des images d’échographie endocoronaire. Les images d’échographie endocoronaire sont reconstruites en analysant la vitesse et l’intensité de la réfraction des ondes ultrasonores. L’histologie virtuelle est basée sur l’analyse spectrale des ondes réfractées par les plaques. En fonction des caractéristiques spectrales de ces ondes, le contenu des plaques est codé à l’aide de différentes couleurs en tissu fibreux, lipidique ou calcifié. Après avoir été validées ex vivo, les premières études sont actuellement réalisées in vivo. Elles devraient aider à confirmer l’intérêt de l’histologie virtuelle pour l’identification de certaines caractéristiques des plaques vulnérables telle que la présence d’un volumineux noyau lipidique. Les techniques d’imagerie invasive permettent d’obtenir une imagerie de haute résolution capable en particulier d’identifier la rupture des plaques et de détecter les caractéristiques de ces plaques rompues in vivo. Cependant, ces techniques restent complexes et coûteuses. De plus, aucune ne propose actuellement de critères précis et reproductibles de vulnérabilité de la plaque. Techniques non invasives de détection L’imagerie non invasive des artères coronaires nécessite des résolutions spatiale et temporelle élevées du fait de la petite taille des artères et de leur mouvement au cours du cycle cardiaque. Les progrès récents des techniques d’imagerie non invasive utilisées en pratique clinique courante, tels le scanner et l’imagerie par résonance magnétique (IRM), autorisent maintenant leur application à l’étude des plaques d’athérosclérose coronaires. La médecine nucléaire permet également, mais avec une moins bonne résolution spatiale, d’étudier les activités biologiques au sein des plaques d’athérosclérose à l’aide de molécules marquées avec des traceurs radioactifs. Imagerie par résonance magnétique L’IRM multicontraste, en analysant un tissu avec différentes séquences IRM, permet de déterminer sa composition en lipides et en eau. Elle constitue donc une technique d’imagerie non invasive prometteuse pour détecter la présence d’un volumineux noyau lipidique et d’une fine chape fibreuse, caractéristique des plaques d’athérosclérose vulnérables. Des études récentes d’imagerie des artères carotides ont montré une bonne corrélation entre l’IRM de ces plaques et les données histologiques, ainsi qu’une diminution du contenu lipidique des plaques sous statines. Malgré des progrès constants, cette technique nécessite toujours des temps d’acquisition prolongés et son utilisation pour l’imagerie des plaques d’athérosclérose coronaires reste limitée par les mouvements respiratoires et cardiaques. De manière similaire aux traceurs utilisés en médecine nucléaire, des agents de contraste IRM ciblant des molécules ou des cellules propres aux plaques vulnérables sont développés pour associer à une imagerie « anatomique » l’identification des activités biologiques avec une haute résolution spatiale. • Une première classe de ces nouveaux agents de contraste pour l’IRM est basée sur des molécules paramagnétiques telles que le gadolinium. L’accumulation de molécules de gadolinium dans un tissu raccourcit le temps de relaxation T1 des protons et donc augmente le signal IRM sur des séquences pondérées en T1. La spécificité de ces agents de contraste est obtenue en liant une ou plusieurs molécules de gadolinium à un ligand ayant une forte affinité pour une activité biologique ou un type cellulaire, marqueurs de vulnérabilité. L’agent de contraste se lie ainsi à son récepteur et entraîne une augmentation de l’intensité du signal IRM dans les régions vulnérables de la plaque. Certaines molécules appartenant à cette nouvelle génération d’agents de contraste sont actuellement testées chez l’animal pour la détection de l’activité protéolytique ou de thrombus en utilisant un ligand ciblant des enzymes dégradant la matrice extracellulaire, ou la fibrine, respectivement. • Une autre classe d’agents de contraste IRM est basée sur des molécules superparamagnétiques telles que des nanoparticules de fer. Ces particules de fer, à forte concentration, entraînent des perturbations du champ magnétique détectables en IRM sous la forme d’artefacts noirs, ou effet T2*. Une importante infiltration par des macrophages est fréquemment retrouvée dans la chape fibreuse et le cœur lipidique des plaques vulnérables. Les macrophages pourraient favoriser la rupture des plaques d’athérosclérose en secrétant des enzymes protéolytiques et accélérer la formation d’un thrombus en déposant dans les plaques des molécules procoagulantes. Les USPIO (Ultrasmall Superparamagnetic Particles of Iron Oxide) sont des nanoparticules d’oxyde de fer recouvertes de sucres mesurant environ 20 nm de diamètre et captées de façon préférentielle par les macrophages. Les USPIO, après une injection intraveineuse, se concentrent dans les régions riches en macrophages et permettent de détecter des plaques d’athérosclérose riches en macrophages dans l’aorte chez le lapin hypercholestérolémique et dans les artères carotides chez l’homme. Malheureusement, le meilleur délai pour la détection des USPIO dans les plaques d’athérosclérose en IRM est de 36 heures après l’injection, ce qui limite clairement leur utilisation en clinique. Le développement de ces agents de contraste pourrait à terme permettre d’obtenir avec l’IRM une imagerie « moléculaire » de la plaque d’athérosclérose avec une résolution spatiale supérieure à celles de la médecine nucléaire et sans nécessiter d’irradiation. Scanner multicoupes L’amélioration constante des résolutions spatiale et temporelle du scanner par l’accroissement du nombre d’acquisitions parallèles (barrettes) et de leur vitesse de rotation permet non seulement d’estimer de mieux en mieux le calibre de la lumière artérielle mais aussi de détecter la présence de plaques d’athérosclérose coronaires. Une étude récente a montré que le volume des plaques d’athérosclérose coronaires mesuré par le scanner 64-coupes est corrélé avec les mesures réalisées par l’échographie endocoronaire. Le scanner permet aussi de détecter la présence d’un remodelage positif (vers l’extérieur de la paroi artérielle) des plaques d’athérosclérose, qui est un des nombreux marqueurs de plaques vulnérables. Malheureusement, l’étude de la composition des plaques d’athérosclérose coronaires par le scanner est plus difficile. Le volume occupé par les calcifications pariétales (« score calcique »), mesuré sur les acquisitions sans agent de contraste, est utilisé depuis plusieurs années comme un marqueur d’extension de la maladie athéromateuse mais ne permet pas d’identifier les plaques d’athérosclérose vulnérables. L’analyse de la densité des plaques d’athérosclérose avec le scanner permettrait de détecter la présence d’un volumineux noyau lipidique de densité plus faible que le tissu fibreux (plaques « hypodenses »). Cependant, la densité des plaques d’athérosclérose semble être en partie liée à la quantité d’agent de contraste présente dans la lumière artérielle, ce qui limite la reproductibilité des mesures et rend difficile la définition de critères de vulnérabilité de la plaque. Récemment, nous avons décrit un nouvel agent de contraste pour le scanner formé de nanoparticules d’iode qui se fixent dans les macrophages des plaques d’athérosclérose de lapin (figure 2). Cet agent de contraste pourrait permettre d’identifier en scanner non seulement la taille des plaques d’athérosclérose mais aussi leur activité inflammatoire. Figure 2. Imagerie de plaques d’athérosclérose avec le N1177, un nouvel agent de contraste pour le scanner marquant les macrophages. Noter sur le scanner l’augmentation de la densité (pointes de flèche blanches) d’une plaque d’athérosclérose de l’aorte d’un lapin correspondant a l`accumulation de l’agent de contraste N1177 dans les macrophages présents dans le cœur lipidique en histologie. Adapté de Hyafil et al. Le scanner permet une détection non invasive de plus en plus précise du nombre et du volume des plaques d’athérosclérose coronaires. Le défi est maintenant d’identifier parmi ces nombreuses plaques celles à risque d’évoluer vers un SCA. Tomographie par émission de positrons Le 18F-fluorodéoxyglucose (FDG) est un substrat utilisé couramment en tomographie par émission de positrons (TEP) pour détecter les tissus ayant une activité métabolique élevée telles que les cellules inflammatoires ou tumorales. Les macrophages activés ont une consommation énergétique très augmentée et l’environnement hypoxique et acide des plaques d’athérosclérose favorise l’utilisation du glucose comme substrat et donc l’accumulation de FDG dans les macrophages. Un premier article a démontré la forte corrélation entre la concentration de FDG détectée dans les plaques d’athérosclérose carotidiennes en TEP et leur degré d’infiltration par des macrophages. Récemment, il a été détecté une accumulation de FDG beaucoup plus importante dans les plaques d’athérosclérose carotidiennes de patients symptomatiques. De nouveaux appareils, les TEP-scanner, permettent maintenant de superposer les images de TEP aux images de scanner acquises durant le même temps d’imagerie, améliorant nettement la localisation des régions accumulant du FDG. Dans une étude récente, des patients bénéficiant d’une imagerie par TEP-scanner avec injection de 18-FDG pour le suivi d’un cancer ont été randomisés en deux groupes : un groupe de patients a été traité par une statine, l’autre par un régime hypocholestérolémiant seul. Sur le deuxième TEP-scanner réalisé 4 mois plus tard, seuls les patients traités par statines avaient une captation diminuée de FDG dans les plaques d’athérosclérose (figure 3). Cette étude illustre les perspectives offertes par l’imagerie non invasive des plaques d’athérosclérose pour le suivi de l’efficacité des traitements. Figure 3. Imagerie de plaques d’athérosclérose carotidiennes avec la tomographie par émission de positrons après injection de 18F-FDG. Sur la première imagerie par TEP, on visualise la présence d’une captation intense de FDG dans les artères carotidiennes en vue coronale (flèches blanches). La fusion des images axiales de PET et de scanner a permis de localiser plus précisément la captation du FDG dans les plaques d’athérosclérose carotidiennes (encadré noir). Après 4 mois de traitement par statines, la captation de FDG a nettement diminué dans les mêmes plaques d’athérosclérose carotidiennes. Adapté de Tahara et al. La TEP avec le 18F-FDG représente une des techniques les plus prometteuses pour l’évaluation non invasive de l’activité inflammatoire dans les plaques d’athérosclérose. Une des limitations pour l’application aux plaques d’athérosclérose coronaires reste sa résolution spatiale faible (quelques millimètres) ainsi que la captation fréquente du FDG par le muscle cardiaque adjacent (environ 50 % des patients), gênant fortement l’analyse des artères coronaires. Scintigraphie Les traceurs radioactifs peuvent être détectés avec une grande sensibilité en scintigraphie et associés à des anticorps ayant une forte affinité pour les LDL (low density lipoprotein) oxydées, ou à un marqueur de l’apoptose comme l’annexine V. Dans une étude préliminaire, l’annexine V a ainsi été détectée dans les artères carotides de deux patients ayant présenté un accident vasculaire cérébral ischémique récent mais était absente chez deux autres patients avec des symptômes plus anciens. Cependant, la résolution spatiale de la scintigraphie reste encore trop faible pour l’imagerie des plaques d’athérosclérose coronaires. En pratique Imager les plaques d’athérosclérose coronaires représente un défi technologique en raison de la petite taille, de la sinuosité et surtout de la mobilité de ces artères. L’imagerie invasive permet d’obtenir une visualisation optimale des plaques d’athérosclérose coronaires mais elle n’offre pas d’évaluation globale de l’ensemble du réseau coronaire et n’est pas sans risque pour le patient. L’amélioration constante des résolutions spatiale et temporelle du scanner et de l’IRM permet de détecter avec une précision croissante les plaques d’athérosclérose coronaires de façon non invasive. Des études récentes ont montré qu’il existe souvent une inflammation diffuse et des ruptures de plaques multiples dans les artères coronaires de patients ayant un SCA, soulignant l’importance d’une évaluation globale de la vulnérabilité de l’athérosclérose coronarienne que seule l’imagerie non invasive peut fournir. Le développement de nouveaux agents de contraste pour l’IRM et le scanner ouvrent des perspectives d’imagerie « moléculaire » des plaques d’athérosclérose coronaires. Ces nouveaux outils d’imagerie devraient permettre l’étude non invasive de l’évolution spontanée et sous traitement de la composition des plaques d’athérosclérose coronaires et ainsi de mieux comprendre les mécanismes impliqués dans la survenue d’un SCA et d’évaluer l’efficacité des traitements visant à stabiliser les plaques d’athérosclérose coronaires.

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