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Thérapeutique

Publié le 26 jan 2010Lecture 6 min

Cascade de la coagulation : cible et mécanisme d’action des nouveaux anticoagulants

L. DROUET, Laboratoire Angio-Hématologie, Hôpital Lariboisière, Paris

Ces dernières années, les mécanismes de la coagulation et de la thrombogenèse sont de mieux en mieux expliqués. Si bien que la séparation complète de la coagulation et des plaquettes et le schéma « classique » de la coagulation initialement développé par Macfarlane il y a plus de 35 ans - connu sous le nom de cascade de la coagulation - sont devenus obsolètes. Rien dans cette représentation n’est plus vraiment exact figure 1 :
– ni qu’il s’agisse d’un phénomène en cascade dans lequel chacun des facteurs s’anime à son tour pour aller activer les suivants ;
– ni qu’il existe deux voies séparées d’activation (les classiques voies intrinsèque et extrinsèque) ;
– ni que le système moléculaire de la coagulation soit totalement séparé des systèmes cellulaires en particulier des leucocytes et des plaquettes.

• Dans le schéma actuel figure 2, l’étape initiale (la seule et unique) physiologiquement active est celle du facteur tissulaire qui fixe et active le facteur VII en facteur VIIa. Le facteur tissulaire (TF) initiateur n’est pas physiologiquement disponible dans la bonne configuration et dans l’atmosphère phospholipidique de la circulation. Il peut être d’origine multiple : – celle que l’on présente toujours, qui est le facteur tissulaire exposé par blessure tissulaire (endothéliale) et qui expose ce facteur exprimé à l’état de base par les cellules qui ne sont pas en contact avec le sang ; – soit une forme que l’on connaît moins bien mais qui joue un rôle physiopathogénique capital, celui circulant, synthétisé par les leucocytes et mis en circulation par vésiculisation des membranes des leucocytes (polynucléaires neutrophiles activés). Ces microparticules membranaires portant le facteur tissulaire viennent se fixer à la surface des plaquettes quand elles sont activées (liaison par la P-sélectine).   Le facteur VIIa, sur la même surface phospholipidique où il a été activé, active à son tour le facteur X en facteur Xa et le facteur de stabilisation (le facteur V) constituant le complexe de la prothrombinase (figure 3). Dans ce complexe de la prothrombinase, le facteur Xa est ainsi à l’origine d’un premier burst (« jaillissement ») de thrombine à relativement faible concentration (de l’ordre du nanomolaire) (figure 4).   Ce burst initial de thrombine active les facteurs XI, IX, VIII constituant le système de la tenase générant les quantités importantes de facteur Xa qui amplifie les complexes prothrombinases. Pour la formation de ces différents complexes, des surfaces phospholipidiques sont nécessaires afin qu’ils puissent s’associer. Ces surfaces sont constituées soit par des surfaces tissulaires sous endotheliales exposées, soit par des surfaces formées par des plaquettes activées (figure 5).   Au final, on comprend donc comment la quantité finale de thrombine ainsi formée est explosive par rapport à la génération initiale de facteur VIIa (figure 6).   Pour limiter la potentielle génération explosive de thrombine et les quantités potentiellement énormes de thrombine, il existe plusieurs systèmes inhibiteurs constitutionnels naturels et physiologiques (figure 7) : – le TFPI qui est un inhibiteur de la phase initiale ; – le système de protéine C/protéine S qui est activé par la thrombine (activation de la protéine C en protéine C activée) ; – l’antithrombine (autrefois appelée antithrombine III) qui fixe et inhibe la thrombine.   Tous ces systèmes physiologiques sont pariétaux car liés à l’endothélium vasculaire (le manteau glycanique situé à la face luminale de l’endothelium concentre les molécules qui ont des sites de liaison moléculaire aux glycanes : l’antithrombine (de synthèse hépatique) et la thrombine générée et le TFPI, et par des récepteurs spécifiques (thrombomoduline et récepteur à la protéine C) le système de la protéine C/protéine S. Le schéma complet de l’hémostase ou de la thrombogenèse intègre donc l’interactivation ou l’activation coopérative des systèmes plasmatiques de la coagulation et des plaquettes. La part relative de la composante plasmatique par rapport à la composante plaquettaire dépend des conditions circulatoires : plus les conditions circulatoires sont des conditions de flux rapides/de contraintes de cisaillement élevées, plus la part cellulaire, en particulier de la participation plaquettaire, est forte plus les conditions circulatoires sont lentes/de stase plus la part de la coagulation moléculaire est importante (figure 8).   Dans ce schéma physiologique intégré pour contenir la formation de thrombine et/ou limiter la dissémination de la thrombine formée, on conçoit les débordements qui conduisent à la thrombose (figure 9).   Pour s’opposer à cette thrombogenèse, on peut envisager de : – soit chercher à inhiber la phase initiale, mais l’on comprend que cette inhibition ne peut être que la loi du tout (risque hémorragique) ou partiel (c’est-à-dire rien) et que les systèmes amplificateurs sous jacents expliquent que le risque d’échappement est important ; – soit chercher à inhiber l’un des deux intermédiaires les plus importants de ce système complexe que sont la thrombine et le facteur Xa. Ce sont les deux cibles moléculaires contre lesquelles sont développés les nouveaux anticoagulants. Définir la cible est important mais n’est pas suffisant, il faut choisir comment. Pour cela, il faut déterminer le mode d’inhibition (qui peut être direct ou indirect (potentialisation d’un système physiologique existant). Si le choix est de préférer, comme pour ces nouvelles molécules, une inhibition directe il faut aussi prendre en compte leur affinité pour leur cible et l’accessibilité de leur cible (circulante ou liée). Ces derniers points sont capitaux mais pas toujours mis en avant pour autant ou même considérés. La zone où se forme ce thrombus est une zone de concentration des facteurs de coagulation sous une forme activée. L’affinité des inhibiteurs pour leur cible moléculaire joue un rôle important dans la possibilité d’inhibition des molécules à la surface et surtout dans la zone de thrombus où ces facteurs sont particulièrement concentrés (figure 10).   Mais il faut aussi prendre en compte l’accessibilité de cette cible par l’inhibiteur, c’est ce qui permet de comprendre l’avantage des inhibiteurs directs (des petites molécules synthétiques) par rapport aux inhibiteurs indirects comme les héparines ou même des séquences saccharidiques qui ont pour la cible à inhiber (la thrombine ou le facteur Xa) de très fortes affinités mais forment des complexes macromoléculaires qui ont une plus faible accessibilité aux facteurs de coagulation activés liés à ou prisonniers du réseau de fibrine et présentes dans le thrombus. Les inhibiteurs directs synthétiques sont des petites molécules ce qui facilite l’accessibilité. Ces molécules diffèrent donc par leur cible et dans la même famille par leur affinité pour leur substrat. Avec une mention supplémentaire pour la thrombine qui, du fait de sa forte affinité pour la fibrine, est concentrée dans et à la surface du thrombus. Pour être efficace, l’inhibiteur doit être capable aussi d’inhiber le site actif de la molécule quand elle est liée à et dans ce réseau de fibrine. Les autres points de différences de ces nouvelles molécules sont leur pharmacocinétique, leur biodisponibilité, leur métabolisme qui conditionnent les risques, par exemple d’accumulation, chez les patients insuffisants rénaux et les interactions médicamenteuses. La première de cette nouvelle génération à être commercialisée est le Pradaxa® qui depuis la disparition de l’Exanta est devenu le nouveau chef de file des antithrombines directes actives par voie orale. Sa petite taille lui permet de venir inhiber directement le site actif de la thrombine (figure 11).   La deuxième molécule de cette nouvelle génération à être commercialisée est le Xarelto® qui est le chef de file des antitfacteur Xa actifs par voie orale. Sa petite taille lui permet de venir inhiber directement le site actif de la thrombine (figure 12).   Quelle cible choisir à inhiber et par quelle molécule ? On a surtout montré jusqu’ici le mode d’action, c’est-à-dire l’efficacité. Il faudrait de la même façon évaluer la sécurité relative de l’inhibition de ces différentes cibles (figure 13).   En se basant sur des considérations théoriques de thrombogenèse, de pharmacocinétique et d’affinité de molécule, on peut facilement bâtir des théories montrant la supériorité théorique (efficacité et sécurité) de l’inhibition d’une cible par rapport à l’autre et dans une cible d’inhibition d’une molécule par rapport à l’autre. Mais il faut rester humble, la théorie ne résiste pas à l’évidence basée sur les preuves et ce sont les essais cliniques et uniquement eux qui nous aideront dans notre choix. À nous de prendre connaissance des essais cliniques pour vérifier que le traitement a bien été évalué (tant en sécurité qu’en efficacité) dans la pathologie et surtout la polypathologie de nos patients habituels.

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