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Cardiologie interventionnelle

Publié le 07 fév 2006Lecture 13 min

Cardiologie interventionnelle et échocardiographie perprocédure

J.-M. PORTE, T. ROYER et P. GUYON, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis

L’échocardiographie constitue un outil simple, facilement disponible et peu coûteux, répondant aux nouvelles exigences de repérage, de guidage et d’évaluation des résultats de la cardiologie interventionnelle. Ainsi, la collaboration entre le cardiologue interventionnel et l’échocardiographiste est devenue une nécessité pour nombre de procédures.

Nous exclurons de la discussion l’écho de contraste à la phase aiguë de l’IDM et la cardiologie interventionnelle pédiatrique qui constitue un domaine à part.   Échocardiographie et commissurotomie mitrale percutanée (CMP) Depuis la fin des années 80, la CMP est devenue la technique de référence du traitement du rétrécissement mitral (RM). L’évaluation échocardiographique préalable par voie transthoracique et transœsophagienne représente une étape essentielle dans la sélection des bons candidats et dans l’exclusion des principales contre-indications (thrombus OG ; IM > 2/4). Mais le rôle de l’échocardiographie ne s’arrête pas là et, comme la plupart des équipes, nous l’utilisons constamment pendant la procédure elle-même.   Échocardiographie transœsophagienne (ETO) L’ETO perprocédure est rarement nécessaire. Sa place est limitée aux situations où le cathétérisme transseptal est difficile (rapports anatomiques inhabituels, SIA anormalement rigide, etc.). Le but de l’ETO est alors de diriger la ponction transseptale sans risquer une perforation cardiaque. Sous légère neuroleptanalgésie, la sonde d’ETO est positionnée pour bien dérouler le septum interatrial (90 – 120°). Le mandrin de l’aiguille de Brockenbrough, qui repousse le septum comme un mât de tente, est parfaitement visible et l’on guide le cathétériseur afin de placer l’aiguille au centre de la fosse ovale pour traverser le septum en bonne position. Une fois la ponction transseptale effectuée, l’ETO n’est plus très utile car c’est en fait la voie transthoracique qui devient essentielle pour évaluer le degré d’ouverture commissurale, si bien que l’on retire généralement la sonde pour limiter l’inconfort du patient.   Échocardiographie transthoracique (ETT) La phase essentielle est l’évaluation échocardiographique par voie transthoracique du résultat de chaque inflation. En effet, dans la technique d’Inoue, qui est la plus souvent pratiquée, le ballon est gonflé successivement à des diamètres croissants. Cette évaluation échocardiographique perprocédure doit être rapide afin de ne pas prolonger inutilement la présence du matériel de dilatation potentiellement thrombogène dans l’oreillette gauche. Le contrôle ETT a pour but d’analyser trois domaines. - Le degré d’ouverture commissurale dans chacune des deux commissures, antéro-externe et postéro-interne : • ouverture complète lorsque les deux feuillets sont bien séparés et plus ou moins écartés en diastole au niveau de la commissure ; • ouverture partielle lorsqu’il persiste une continuité entre les deux feuillets. Le but est d’obtenir une ouverture bicommissurale complète avec une surface la plus large possible sans créer ou majorer une fuite mitrale (figure 1). Figure 1. Échocardiographie et commissurotomie mitrale percutanée. - La surface anatomique évaluée par planimétrie. Le Doppler est inutile car l’évaluation de la surface fonctionnelle par le temps de demi-pression est faussée par les variations brutales du régime de pressions et de compliance secondaires à la dilatation. De même, la mesure du gradient et de ses variations immédiates ne permet pas une évaluation fiable des résultats en cours de procédure. La planimétrie en coupe parasternale petit axe est donc la méthode la plus fiable pour évaluer la surface mitrale bien que les conditions de mesure ne soient pas toujours très aisées. - L’insuffisance mitrale (IM). L’aggravation d’une IM préexistante ou l’apparition d’un nouveau jet d’IM constitue un signe d’alerte qui le plus souvent impose l’arrêt de la procédure afin de ne pas risquer une IM massive en cas d’inflation supplémentaire. L’intérêt du contrôle échocardiographique est double. • Évaluer le volume de la fuite, apprécié de façon semi-quantitative sur les critères classiques (largeur et extension du jet couleur, PISA, intensité acoustique en Doppler continu, etc.). • Évaluer le mécanisme de la fuite, qui est un point crucial : certaines fuites n’ont aucun caractère inquiétant, bien au contraire ; il s’agit de petits jets commissuraux concomitants de l’ouverture commissurale. D’autres, au contraire, témoignent de lésions traumatiques a minima à l’origine de fuites modérées mais imposent l’arrêt de la procédure car une inflation supplémentaire conduirait inéluctablement à l’aggravation de la fuite. Il s’agit de jets commissuraux ou paracommissuraux souvent assez directionnels, relativement larges à la base, assez intenses en Doppler continu, sans évidence en ETT de rupture de cordage ni de déchirure valvulaire. L’ETO, lorsqu’elle est réalisée, montre qu’il s’agit de petites lésions traumatiques type rupture d’un petit cordage secondaire commissural ou minime déchirure valvulaire très localisée. Ces fuites modérées, secondaires à de petites lésions traumatiques, survenant sur un appareil valvulaire rigide et scléreux peuvent parfaitement rester stables au cours du suivi et ne pas nécessiter de correction chirurgicale secondaire. - Les IM traumatiques volumineuses s’observent dans environ 4 % des procédures et sont d’autant plus fréquentes que l’appareil valvulaire et sous-valvulaire est plus remanié, particulièrement en cas de calcifications des régions commissurales. Il s’agit de déchirures valvulaires qui siègent le plus souvent au niveau d’une zone paracommissurale, plus fréquemment postérieure et plus volontiers sur la petite valve. Ces fuites nécessiteront une correction chirurgicale, le plus souvent différée (remplacement valvulaire ou plastie conservatrice). Rarement, la fuite est massive et mal tolérée, nécessitant un transfert rapide au bloc opératoire. L’évaluation échocardiographique perprocédure permet probablement de limiter la survenue de ces fuites massives mais elles apparaissent parfois brutalement sans signe échographique prémonitoire.   En pratique   Une ouverture commissurale partielle sans apparition ou aggravation d’une fuite invite à poursuivre la dilatation avec des diamètres de ballon progressivement croissants. À l’inverse, certains critères échocardiographiques amèneront à arrêter la procédure : - l’obtention d’une surface finale indexée > 1 cm2/m2, - l’ouverture complète d’au moins une commissure, - l’apparition ou l’aggravation d’une fuite mitrale.   Échocardiographie et fermeture percutanée des CIA et PFO La cardiologie interventionnelle s’est beaucoup développée dans le domaine du traitement de la pathologie du septum interatrial, qu’il s’agisse de la fermeture des communications interauriculaires (CIA) ou, plus récemment des PFO. Comme la plupart des équipes, nous utilisons systématiquement l’échocardiographie transœsophagienne perprocédure pour « guider » la main du cathétériseur et « sécuriser » la procédure. Nous réalisons ces procédures sous courte anesthésie générale, le patient étant alors intubé-ventilé en présence d’un anesthésiste, ce qui permet un contrôle échocardiographique transœsophagien continu.   Bilan échocardiographique préprocédure Ce bilan, qui permet de sélectionner les bons candidats, a déjà été réalisé mais il est rapidement contrôlé pendant que le cathétériseur s’installe et réalise son abord vasculaire. Le but est double. S’assurer de l’absence de contre-indication à la procédure : • CIA non ostium secundum (ostium primum ; sinus venosus ; low septal defect) et CIA associées à un retour veineux pulmonaire anormal ; • CIA ostium secundum avec défect de grande taille : la taille maximale de défect au-delà de laquelle une fermeture percutanée devient aléatoire dépend du matériel utilisé. Pour la prothèse Amplatzer®, la plus utilisée dans ces indications, la taille maximale est de 34, voire 40 mm pour certains, de diamètre étiré (diamètre mesuré en échographie après inflation d’un ballon de calibration à cheval sur le défect : diamètre étiré = diamètre de l’empreinte). Pour la prothèse Starflex®, plutôt dédiée aux PFO, nous ne dépassons pas 20 - 25 mm à condition d’utiliser une prothèse de grande taille (Starflex® n°38) pour couvrir la totalité du défect et assurer un bon ancrage ; • CIA ostium secundum pour lesquelles il existe des berges insuffisantes pour permettre l’ancrage du dispositif. Une analyse soigneuse des rebords de la CIA doit être faite en effectuant une rotation dans tous les plans de l’espace (sonde ETO omniplan). L’échocardiographie transthoracique 3D peut être utile notamment en cardiologie pédiatrique afin de mieux préciser la forme de l’orifice, rechercher des défects multiples, apprécier l’ensemble des berges, mesurer la surface de la CIA. Pour certains, un rapport mesuré en ETT-3D surface du septum/surface de la CIA < 2 doit faire renoncer à la procédure.   En pratique Des berges < 5 mm représentent une contre-indication, sauf en ce qui concerne la berge rétroaortique qui est souvent la plus étroite, voire parfois même inexistante, car le dispositif peut malgré tout être correctement ancré si la couverture des autres rebords est suffisante. Un important réseau de Chiari peut représenter une contre-indication car il gêne le déploiement de la partie atriale droite du système. Optimiser le choix du matériel qui va être implanté • Pour les CIA, le choix du calibre de la prothèse tient compte du diamètre étiré de la CIA. En effet, les berges du défect septal peuvent être très souples ; or, il faut une certaine rigidité tissulaire pour permettre un bon ancrage de la prothèse. Ainsi, le diamètre étiré est généralement supérieur au diamètre maximal du défect septal mesuré en échographie. Il faut implanter une prothèse de taille supérieure au diamètre étiré tout en veillant à ce que la prothèse une fois déployée ne gêne pas le jeu de la valve mitrale antérieure et ne couvre pas le sinus coronaire. • Pour les PFO, la tendance est d’utiliser une prothèse la plus petite possible afin de limiter la quantité de matériel étranger mais le choix est un compromis qui dépend de trois critères : - la hauteur séparant le PFO de la base de la valve mitrale antérieure : cette hauteur est mesurée en coupe transverse quatre cavités (vers 0°). Nous choisissons une prothèse de calibre inférieur à deux fois cette hauteur afin de ne pas entraver le jeu de la valve mitrale antérieure qui risquerait de créer une fuite ; - l’anatomie du PFO : lorsque le chenal du PFO est étroit, voire inexistant, le choix se porte vers les prothèses de petites tailles (ex : Starflex® n°23) ; lorsque le chenal est au contraire long, une prothèse de grande taille est plus adéquate afin d’éviter le risque qu’une des pattes du système ne s’enclave dans le chenal du PFO ; - l’existence d’un anévrisme du septum interatrial (ASIA) associé : dans ce cas, nous privilégions les prothèses de grande taille afin de couvrir la totalité de l’anévrisme, d’autant qu’il n’est pas rare que celui-ci soit multiperforé.   Échocardiographie transœsophagienne perprocédure L’intérêt est multiple. Aider le franchissement en bonne position du SIA par le guide. • Pour les CIA, le passage du guide de l’oreillette droite à l’oreillette gauche est très aisé et ne pose pas de problème. • Pour les PFO, ce passage peut être plus difficile et l’échographiste renseigne le cathétériseur pour l’aider à franchir le PFO en bonne position. Il peut arriver que le guide franchisse la fosse ovale en dehors du PFO en raison de la fragilité tissulaire. Le plus souvent, on décide alors de retirer le guide puis de recommencer les manipulations pour passer à travers le PFO. Cependant, il est possible de le laisser en place mais l’on choisira une prothèse de plus grande taille afin de couvrir le PFO situé en position excentrée. Apprécier le bon positionnement au sein de l’oreillette gauche de la gaine de Mullins, en évitant de buter sur l’auricule gauche, structure fragile. Contrôler le bon déploiement de la partie atriale gauche du système qui est ensuite ramenée au contact du septum. L’échographiste contrôle la bonne application de la face atriale gauche de l’ensemble des éléments de la prothèse avant l’étape suivante qui est le déploiement de la face atriale droite. Contrôler le bon déploiement de la partie atriale droite du système : l’échographiste vérifie que les microbulles de purge, parfaitement bien visibles à l’extrémité de la gaine de Mullins, passent non plus dans l’oreillette gauche mais dans l’oreillette droite. Cela indique le bon positionnement et permet de donner le signal du déploiement de la face atriale droite du système (figure 2). Figure 2. Écho-cardiographie et fermeture percutanée des PFO. Appréciation du résultat final : pour la prothèse Starflex®, l’aspect final est celui d’un chromosome X dont le centromère serait situé sur la fosse ovale. Il faut s’assurer du bon déploiement de l’ensemble des pattes et vérifier que le SIA est bien pris en sandwich. En effet, si tel n’est pas le cas, le système est encore complètement récupérable. Si le contrôle est satisfaisant, le cathétériseur largue la prothèse qui n’est alors plus récupérable. En fin de procédure, une injection de contraste échographique dans les cavités droites est pratiquée pour contrôler l’étanchéité. Cependant, il n’est pas rare que cette épreuve de contraste soit négative alors que le contrôle ETT du lendemain, sensibilisé par une manœuvre de Valsalva, montre un petit passage résiduel qui disparaîtra le plus souvent dans les 3 à 6 mois du fait de l’endothélialisation de la prothèse. Détecter une éventuelle complication : dans notre expérience, nous avons observé en cours de procédure : • un cas de néoformation d’un thrombus à l’extrémité de la gaine de Mullins flottant au sein de l’oreillette gauche avant même la montée de la prothèse. La procédure a ainsi immédiatement été interrompue et le thrombus aspiré dans la gaine qui a été retirée, évitant ainsi un accident thromboembolique ; • un cas de tamponnade en fin de procédure ayant justifié une ponction percutanée par voie sous-xiphoïdienne. Ainsi, cette étroite collaboration entre le cathétériseur et l’échographiste permet d’optimiser ces procédures. - Certains cependant ne font pas du tout de contrôle échographique peropératoire pour les fermetures de PFO et se contentent de l’évaluation radioscopique. - D’autres proposent l’échographie endovasculaire qui permet d’éviter l’anesthésie générale mais qui pose un problème majeur de surcoût et qui, de plus, pose quelques difficultés de repérage ainsi que des manipulations pas toujours très aisées.   Échocardiographie et alcoolisation septale des CMO Parmi les modalités de traitement des cardiomyopathies obstructives (CMO) échappant aux thérapeutiques médicales, l’alcoolisation septale, introduite par Sigwart il y a maintenant 10 ans, a pris une place qui reste en plein essor. Il s’agit d’obtenir l’occlusion très sélective d’une artère septale dans le but de créer un petit infarctus limité au niveau du septum sous-aortique à l’origine de l’obstacle intra-VG.   Sélection des patients L’échocardiographie tient une place essentielle dans la sélection des candidats potentiels à l’alcoolisation : • CMO avec hypertrophie septale sous aortique > 15 mm ; • hypertrophie asymétrique (SIV/PP > 1,3) ; • obstacle intra-VG significatif malgré un traitement médical bien conduit (gradient maximal > 50 mmHg).   L’échocardiographie perprocédure a un double objectif Repérer de la zone cible à alcooliser L’échocardiographie de contraste permet de vérifier l’adéquation nécessaire entre le vaisseau cathétérisé et le myocarde cible. Les modalités de repérage échocardiographique diffèrent selon les équipes. Nous utilisons du produit de contraste radiologique préalablement insonifié qui est injecté sélectivement dans l’artère septale à alcooliser. On obtient ainsi une densification du myocarde vascularisé par cette artère. L’imagerie est réalisée par voie transthoracique en mode harmonique en ajustant les gains au minimum pour augmenter le contraste ultrasonore entre la zone injectée et le reste du myocarde. Si les gains sont trop forts, l’hyperéchogénicité naturelle du septum des CMO atténuera le différentiel de contraste avec les zones non injectées. Si l’artère septale injectée ne correspond pas au myocarde cible (mismatch vaisseau cible – myocarde cible), une autre artère sera recherchée jusqu’à obtenir une bonne concordance. Lorsque la zone « contrastée » est trop étendue, on devra rechercher une branche plus distale afin de ne pas risquer un infarctus trop étendu. Apprécier le résultat de l’alcoolisation Après chaque injection d’alcool (1 cm3), le résultat est immédiatement évalué par écho-Doppler : l’élément principal est la mesure du gradient intra-VG résiduel. Les critères secondaires sont l’appréciation de la zone de blanchiment (majoration de la densification du myocarde secondaire à l’alcoolisation), la persistance d’un mouvement systolique antérieur (SAM) et l’IM résiduelle. En effet, la réduction du gradient est quasi immédiate : • une diminution > 50 % de sa valeur initiale avec un gradient résiduel < 30 mmHg est considérée comme un succès ; • dans le cas contraire, une deuxième injection de 1 cm3 est réalisée au même site et le résultat à nouveau apprécié de la même façon ; • s’il persiste un gradient significatif, il faut rechercher une autre branche septale qui participe à la vascularisation de la zone cible et procéder à une nouvelle alcoolisation selon les mêmes modalités. La décision d’arrêter ou au contraire de poursuivre la procédure est donc complètement dépendante des résultats de cette appréciation échocardiographique réalisée en salle de cathétérisme (figure 3). Figure 3. Échocardiographie et alcoolisation des CMO. Enfin, diverses autres procédures utilisent l’échocardiographie en salle de cathétérisme mais nous ne ferons que les citer car nous n’en avons pas l’expérience : • exclusion de l’auricule gauche, • fermeture percutanée des fuites valvulaires paraprothétiques, • traitement percutané des IM (« edge to edge repair »).   En résumé L’échocardiographie accompagne les progrès continus de la cardiologie interventionnelle. Elle est aujourd’hui un outil indispensable en salle de cathétérisme pour nombre de procédures, permettant de répondre à des exigences croissantes de précisions diagnostiques, d’orientation et d’évaluation immédiate des résultats.

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