publicité
Facebook Facebook Facebook Partager

Congrès et symposiums

Publié le 09 mar 2004Lecture 20 min

Blocage combiné du système rénine-angiotensine

M. AZIZI, HEGP, Paris

XXIIIes Journées de l'hypertension artérielle


Le blocage combiné tire une première justification de la nécessité de réaliser un blocage complet du système rénine-angiotensine qui ne peut être fait par l’un ou l’autre des inhibiteurs. Ce blocage complet a montré des effets bénéfiques dans la prise en charge de l’HTA, de l’insuffisance cardiaque et en termes de néphroprotection.
Le blocage du système rénine-angiotensine (SRA) avec les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ou les antagonistes des récepteurs AT1 (ARA) est devenu une des approches thérapeutiques majeures en médecine.

Le blocage du SRA : une avancée majeure Lorsqu’a été synthétisé le premier IEC en 1976, l’implication du système rénine-angiotensine en parallèle avec le bilan sodé est devenue une approche thérapeutique dans l’hypertension artérielle aussi importante que l’inhibition du système nerveux sympathique. Les IEC ont été un outil pharmacologique pratique pour tester les hypothèses suivantes : le système rénine-angiotensine participe à la régulation de la pression artérielle de tous, en fonction du bilan sodé ; il peut avoir un rôle vasculotoxique propre. L’utilisation des IEC, en particulier en association avec la prescription de faibles doses de diurétiques (6,25 à 25 mg d’hydrochlorothiazide) a très rapidement démontré son efficacité antihypertensive, avec une excellente tolérance comparativement aux médicaments antihypertenseurs classiques. Le succès du blocage du système rénine-angiotensine dans le traitement de l’hypertension artérielle et des pathologies cardio-vasculaires et rénales est aujourd’hui incontestable. En pathologie rénale Cette thérapeutique réduit le débit de protéinurie, retarde l’apparition d’une insuffisance rénale et ralentit sa progression chez les patients ayant une néphropathie protéinurique chronique d’origine diabétique ou non.    En pathologie cardio-vasculaire L’utilisation de bloqueurs du système rénine-angiotensine réduit la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires chez des patients ayant une insuffisance cardiaque ou une dysfonction ventriculaire gauche, et chez les patients ayant eu un infarctus du myocarde. De plus, une forte dose d’IEC (ramipril 10 mg) diminue l’incidence de la mortalité de toutes causes comme celle des événements cardio-vasculaires et des accidents vasculaires cérébraux chez des patients à haut risque cardio-vasculaire, ainsi que l’a montré l’essai HOPE (Heart Outcomes Prevention Evaluation study). De nombreux mécanismes sont susceptibles de contribuer aux effets bénéfiques des médicaments bloquant le système rénine-angiotensine, tels que les conséquences hémodynamiques de la neutralisation des effets de l’angiotensine II, et de la neutralisation des effets de l’angiotensine II au niveau tissulaire sur la génération de facteurs de croissance, de radicaux libres et de médiateurs de la fibrose.   Le concept du blocage combiné     Un IEC, administré à dose usuelle en monoprise quotidienne, ne supprime pas totalement les concentrations d’angiotensine II tout au long du nycthémère, en particulier 24 heures après la prise du médicament. De façon similaire, les doses usuelles des ARA en monoprise quotidienne ne bloquent pas les récepteurs AT1 pendant 24 heures. Ces deux notions ont conduit au concept du blocage combiné du système rénine-angiotensine par la combinaison d’un IEC et d’un ARA.    Échappement biologique après administration d’un IEC ou d’un ARA L’échappement biologique observé après administration d’un IEC ou d’un ARA en monoprise quotidienne est dû à la conjonction de deux phénomènes : - d’une part, l’élimination progressive du médicament à la fin de l’intervalle entre deux prises ; - d’autre part, l’augmentation de la rénine dans le plasma consécutive à l’interruption du feedback négatif de l’angiotensine II sur la sécrétion de rénine. Cette augmentation réactive de la rénine, qui est une contre-régulation, augmente les concentrations d’angiotensine I en présence d’un IEC, ou d’angiotensine II en présence d’un ARA. De plus, il existe d’autres voies métaboliques, indépendantes de l’enzyme de conversion qui génèrent de l’angiotensine II, en particulier tissulaire, dont les effets ne sont pas bloqués par les IEC. Parmi ces enzymes, la chymase cardiaque serait particulièrement impliquée, surtout au cours de l’insuffisance cardiaque. Ces deux phénomènes, élimination du médicament et contre-régulation, expliquent pourquoi, malgré la persistance biologique d’une inhibition de l’enzyme de conversion, on observe une atténuation de la réponse tensionnelle aux IEC 24 à 48 heures après la dernière prise, cette atténuation étant parallèle au retour aux valeurs initiales des concentrations d’angiotensine II. Cette contre-régulation est en partie la raison pour laquelle la courbe dose-réponse des IEC sur la pression artérielle chez les patients hypertendus est plate. Le même raisonnement s’applique aux patients ayant une insuffisance cardiaque : un blocage incomplet du système rénine-angiotensine contribue à une détérioration progressive de la fonction ventriculaire gauche chez ces patients, malgré l’administration d’un IEC à dose recommandée. Avantages du blocage combiné Ainsi, en raison de contre-régulations internes au système rénine-angiotensine, le blocage complet de ce système n’est, a priori, pas possible si l’on ne vise qu’un seul de ces composants. Au lieu d’augmenter les doses d’un IEC ou d’un antagoniste de l’angiotensine II, le blocage du système à deux niveaux successifs, en neutralisant la contre-régulation interne, pourrait permettre d’obtenir un blocage plus complet et donc des effets biologiques plus marqués. À première vue, l’addition de deux médicaments bloquant le système rénine-angiotensine à deux niveaux différents par un IEC et un antagoniste des récepteurs AT1 n’est pas un choix logique pour augmenter l’efficacité d’un traitement basé sur l’une ou l’autre stratégie. Chez l’hypertendu, l’avantage d’une telle approche, serait un accroissement d’efficacité thérapeutique par rapport à l’augmentation de la dose de chacun des composés administrés seuls et la limitation des effets liés à l’augmentation réactive de la rénine. Un avantage théorique d’une telle approche serait aussi de neutraliser en partie une stimulation excessive des récepteurs AT2 dont les conséquences ne sont pas encore précisément connues.   Démonstration du concept du blocage combiné     Comme prérequis aux études cliniques réalisées chez les patients hypertendus ou insuffisants cardiaques, les effets biologiques du blocage combiné du système rénine-angiotensine ont été étudiés dans un modèle d’investigation clinique (déplétion sodée légère du sujet normotendu). Ce modèle de déplétion sodée, induit par la combinaison d’une dose unique de 40 mg de furosémide et d’un régime sans sel, permet d’augmenter les taux de base de rénine active, d’aldostérone et des angiotensines par un facteur 2 à 3. Il réalise des conditions optimales pour démontrer une rénine-dépendance de la pression artérielle chez des sujets normotendus.    Effets du blocage combiné Ainsi, l’administration combinée en prise unique de captopril 50 mg et de losartan 50 mg a un effet additif sur la baisse de pression artérielle et la sécrétion de rénine. Aucun effet additif n’a été observé sur les taux plasmatiques d’aldostérone. L’administration de l’IEC neutralise l’augmentation attendue des taux plasmatiques d’angiotensine II due à l’antagonisme des récepteurs AT1. Une deuxième étude, réalisée selon le même plan expérimental, a montré que l’administration combinée d’une dose unique de losartan 50 mg et d’énalapril 10 mg a un effet plus puissant sur la baisse de pression artérielle et sur la sécrétion de rénine que le doublement de la dose d’énalapril de 10 mg à 20 mg. Les taux circulants d’angiotensine II restent faibles du fait de l’inhibition de l’enzyme de conversion, ce qui montre la neutralisation de la contre-régulation interne du système. L’augmentation massive de rénine dans le plasma est aussi le témoin d’un blocage plus complet du système rénine-angiotensine dans ce modèle expérimental. Absence d’effet sur l’aldostérone Contrastant avec les effets en termes de libération de rénine et de baisse de pression artérielle, aucun effet additif n’a été décelé concernant l’aldostérone plasmatique dans les deux études. La sécrétion d’aldostérone est régulée par de multiples autres facteurs que le système rénine-angiotensine. Cette absence d’effet additif sur la sécrétion d’aldostérone pourrait diminuer le risque d’hypoaldostéronisme et d’hyperkaliémie lors de l’administration chronique de ce type de combinaison chez les patients. Mais ce fait reste à démontrer, en particulier en présence d’une insuffisance rénale ou d’une néphropathie diabétique, où les risques d’hypoaldostéronisme sont plus élevés.     Effets du blocage combiné dans les modèles expérimentaux d’HTA     Toutes les possibilités de combinaison d’un IEC (énalapril) et d’un ARA (losartan) ont été testées chez le rat spontanément hypertendu en utilisant une échelle de doses allant de 1 à 30, permettant de montrer des effets synergiques du blocage combiné sur la baisse de pression artérielle, la libération de rénine et la baisse d’angiotensinogène. De plus, cette étude a permis de montrer les effets bénéfiques du blocage combiné sur le poids du ventricule gauche et ses effets néfastes sur la survenue d’une insuffisance rénale fonctionnelle réversible quand le blocage du système rénine-angiotensine est trop complet.       En bref   Sur la base des résultats obtenus chez les sujets normotendus et sur des groupes d’animaux hypertendus homogènes, on peut conclure que la combinaison de faibles doses d’un antagoniste des récepteurs AT1 et d’un IEC est plus efficace en termes de diminution de la pression artérielle que des doses plus élevées de chacune des drogues administrées individuellement. Il faut noter que la réponse tensionnelle au blocage combiné apparaît comme limitée chez l’animal. En effet, lorsqu’on augmente la posologie de l’IEC ou de l’ARA vers des doses maximales bloquant le système rénine-angiotensine, l’amplitude de l’effet synergique de la combinaison sur la baisse de pression artérielle est réduite.   Conséquences biochimiques du blocage combiné par un IEC et un ARA   Le blocage combiné du système rénine-angiotensine associe les conséquences biochimiques de l’inhibition de l’enzyme de conversion et du blocage des récepteurs AT1. Bien que la combinaison induise une plus forte libération de rénine que l’administration de chacun des deux médicaments en monothérapie, l’IEC peut influer favorablement sur la compétition entre l’angiotensine II endogène et l’antagoniste présent au niveau des récepteurs AT1 en diminuant les taux circulants d’angiotensine II. Réciproquement, la présence d’un antagoniste au niveau des récepteurs AT1 diminuera les effets de l’angiotensine II générés quand les taux d’angiotensine I circulants sont élevés et que les concentrations de l’IEC décroissent au niveau des sites actifs de l’enzyme. Peptides vasodilatateurs et natriurétiques En dehors d’un blocage plus complet des fonctions des récepteurs AT1, la combinaison d’un IEC et d’un ARA est susceptible d’induire l’accumulation de peptides vasodilatateurs et natriurétiques tels que la bradykinine et l’angiotensine comme les IEC. La réduction de la dégradation de bradykinine par l’IEC active le récepteur b2 de la bradykinine, d’où la libération de NO, de prostacycline et d’autres peptides vasodilatateurs dérivés de l’endothélium. L’augmentation de la concentration d’angiotensine pourrait potentialiser l’effet vasodilatateur de la bradykinine et de la stimulation de la libération de NO. La combinaison est susceptible de stimuler aussi les récepteurs AT2, mais moins qu’un ARA administré en monothérapie, en raison de la présence de l’IEC. La stimulation du récepteur AT2 pourrait entraîner une cascade natriurétique et vasodilatatrice impliquant la bradykinine, le NO et le GMP cyclique. Aldostérone En revanche, contrairement à ce qui est observé pour la rénine active, la prorénine et l’angiotensine I qui augmentent de façon massive avec le blocage combiné, aucun effet additif de cette thérapeutique combinée n’a été détecté sur les concentrations d’aldostérone plasmatique en dehors de l’insuffisance cardiaque.     Blocage combiné et HTA     Des essais à court terme, réalisés chez des patients caucasiens ayant une hypertension à rénine basse, un diabète de type 2 ou une insuffisance rénale progressive, ont montré que l’administration d’un IEC et d’un ARA en combinaison induit une baisse plus marquée, de 3 à 6 mmHg, de la pression artérielle 24 heures après la prise des traitements, comparativement à chacune des monothérapies. Ainsi, quelques études de petite taille semblent montrer l’efficacité de cette approche chez l’hypertendu. Néanmoins, dans cette indication, la combinaison d’un IEC et d’un ARA paraît avoir la même efficacité antihypertensive que la combinaison d’un IEC avec un diurétique ou un inhibiteur calcique.       Déterminer la participation du SRA dans l’HTA En effet, à l’inverse des modèles physiologiques (déplétion sodée) et expérimentaux testés, la participation du système rénine-angiotensine dans le niveau tensionnel ou la pathogénie de l’hypertension artérielle chez l’homme est très hétérogène. Cette variabilité est le principal déterminant de la réponse clinique au blocage du système rénine-angiotensine. • Dans des conditions où la pression artérielle et l’hémodynamique centrale et régionale sont maintenues indépendamment du système rénine-angiotensine, il n’y aura pas ou peu d’effet du blocage combiné du système rénine-angiotensine. • En revanche, dans des conditions où le système rénine-angiotensine joue un rôle majeur dans le contrôle de la pression artérielle et l’hémodynamique centrale et régionale (insuffisance cardiaque par exemple, voir infra), un blocage plus efficace du système rénine-angiotensine sera obtenu par la combinaison d’un IEC et d’un ARA. Paramètres du choix • Le choix entre l’augmentation de la dose de chacun des deux produits ou la combinaison de doses plus faibles des deux médicaments sera plus influencé par la tolérance par les patients de chaque stratégie thérapeutique que par l’efficacité. • Le choix entre ces deux stratégies dépendra aussi de la démonstration de l’existence de conséquences spécifiques liées à chaque modalité d’inhibition du système, concernant les effets de l’accumulation de la bradykinine et la stimulation des récepteurs AT2.   Blocage combiné et insuffisance cardiaque     Au cours de l’insuffisance cardiaque chronique stable, quelques études de petite taille ont montré que le blocage combiné du système rénine-angiotensine a un effet bénéfique supérieur à celui de l’administration d’un IEC en monothérapie sur des critères intermédiaires tels que l’amélioration de la fonction ventriculaire gauche, la capacité à l’exercice, la prévention du remodelage ventriculaire gauche et la réduction de l’activation neurohormonale.  Des essais thérapeutiques en apparence contradictoires Les effets cardioprotecteurs du blocage combiné du système rénine-angiotensine ont été démontrés par les résultats des essais Val-HeFT (Valsartan Heart Failure Trial) et surtout CHARM-Added (Candesartan in Heart failure – Assessment of Reduction in Mortality and morbidity). Ces deux essais ont montré de façon concordante que l’addition d’un ARA à un traitement comportant un IEC à dose standard améliore la morbidité et la mortalité cardio-vasculaires chez les patients ayant une insuffisance cardiaque chronique stable (stade II-IV). Dans l’essai CHARM-Added, l’administration d’une forte dose de candésartan (titré à 32 mg/j ; dose quotidienne moyenne de 24 mg) à des patients insuffisants cardiaques (fraction d’éjection < 40 %), traités par une dose standard d’un IEC pendant au moins 6 mois, a réduit de 15 % (IC 95 % : 4- 25 %, p = 0,011) la survenue d’un décès cardio-vasculaire ou d’une réadmission pour poussée d’insuffisance cardiaque en comparaison à un placebo. Ainsi, 23 patients insuffisants cardiaques sous un IEC à dose standard doivent être traités pendant 3 ans par une forte dose de candésartan pour prévenir au moins un décès cardio-vasculaire ou une réadmission pour poussée d’insuffisance cardiaque. Les effets bénéfiques du candésartan ont été observés dans tous les sous-groupes, y compris ceux traités par un bêtabloquant. Les résultats de l’essai VALIANT (Valsartan in Acute Myocardial Infarction), publiés après ceux de CHARM-Added, apparaissent de prime abord contradictoires avec ces derniers. Dans l’essai VALIANT, 14 703 pa- tients ayant été victimes d’un infarctus du myocarde compliqué d’une insuffisance cardiaque ou d’une dysfonction systolique du ventricule gauche à la phase aiguë, ont reçu de façon aléatoire soit une combinaison de valsartan 80 mg 2 fois par jour et de captopril 50 mg 3 fois par jour, soit du valsartan 160 mg 2 fois par jour en monothérapie, soit du captopril 50 mg 3 fois par jour en monothérapie. Le traitement a été débuté après une durée médiane de 8 jours après l’infarctus du myocarde. Dans cet essai, la combinaison de valsartan et de captopril n’a pas davantage réduit la mortalité totale, la mortalité cardio-vasculaire et l’incidence des événements secondaires comparativement au captopril ou au valsartan administrés en monothérapie. Néanmoins, une analyse a posteriori a montré que l’administration de la combinaison s’accompagne d’une réduction significative de l’incidence cumulative des réadmissions pour infarctus du myocarde ou insuffisance cardiaque. De plus, la combinaison a eu un effet additif en termes de baisse de pression artérielle et d’incidence des effets secondaires (hypotension et augmentation de la créatinine) comparée à chacune des monothérapies. Ainsi, l’effet du blocage combiné sur l’incidence des hospitalisations récurrentes et sur l’hémodynamique systémique et rénale, montre que le blocage biologique du système rénine-angiotensine obtenu avec la combinaison est en réalité plus important que celui obtenu avec le captopril administré en monothérapie. L’utilisation d’une forte dose de captopril (50 mg 3 fois par jour) a réduit la probabilité de détecter une différence entre la combinaison et le groupe captopril, car la dose de captopril utilisée était déjà au maximum de la courbe dose-réponse. Pourquoi des résultats apparemment divergents ? La discordance apparente entre les résultats de CHARM-Added et de VALIANT peut s’expliquer par : - une différence entre les patients en termes de pronostic (les patients coronariens ayant une probabilité de décès immédiat plus élevée, alors que les patients insuffisants cardiaques chroniques ont une probabilité de décès tardif) ; - une différence en termes de risque cardio-vasculaire absolu (les patients recrutés dans l’essai VALIANT avaient une insuffisance cardiaque moins sévère à l’état de base que ceux recrutés dans CHARM-Added, puisque la fraction d’éjection ventriculaire gauche était de 35 % en moyenne contre 28,8 % respectivement) ; - une différence en termes d’activation du système rénine-angiotensine, plus marquée au cours de l’insuffisance cardiaque chronique qu’au cours de l’infarctus du myocarde.     Dans l’essai CHARM-Added, le candésartan était titré jusqu’à une dose de 32 mg, administrée en monoprise quotidienne et ajouté à un traitement par IEC préexistant, dont la dose n’était pas optimisée de façon concomitante au candésartan. Dans l’essai VALIANT, la dose de captopril, administré en monothérapie ou en combinaison, était titrée jusqu’à 50 mg 3 fois par jour, et le valsartan était titré à une dose de 160 mg 2 fois par jour. Lorsque l’intervalle compris entre deux doses d’un IEC ou d’un ARA est court (administration 2 fois par jour ou 3 fois par jour), la réactivation neurohormonale intermittente entre chaque dose est plus efficacement neutralisée que lorsque l’intervalle entre les deux doses est de 24 heures (administration 1 fois par jour) ou éventuellement encore plus longue si les patients sont non observants au traitement. Les résultats des deux essais peuvent donc être réconciliés Ces deux essais montrent la nécessité cruciale du choix de la meilleure dose et de l’intervalle de dose optimal pour un bloqueur du système rénine-angiotensine chez les patients à haut risque, après infarctus du myocarde et chez les patients insuffisants cardiaques chroniques, afin de neutraliser de façon plus complète et plus prolongée les effets de l’angiotensine II et d’éviter une réactivation neurohormonale entre chaque prise médicamenteuse.   En pratique   Le phénomène d’échappement neurohormonal au blocage du système rénine-angiotensine peut être réduit : - soit par l’administration concomitante d’un IEC et d’un ARA à faible dose administrée 1 fois par jour, - soit par l’administration d’un ARA (candésartan 32 mg/j, valsartan 160 mg 2 fois par jour) ou d’un IEC, administrés en monothérapie à forte dose, à condition qu’un blocage complet du système rénine-angiotensine sur 24 heures puisse être obtenu par le choix approprié de l’intervalle entre les doses.       Blocage combiné et néphroprotection     Les effets rénaux du blocage combiné nécessitent une attention particulière. Les deux stratégies principales pour retarder l’apparition d’une insuffisance rénale ou ralentir son évolution chez des patients ayant une néphropathie chronique sont la réduction de la pression artérielle et la restriction protéique, quoique cette dernière reste controversée. Bien que la baisse de pression artérielle en elle-même réduise le débit de protéinurie, le blocage spécifique du système rénine-angiotensine a un effet additionnel et retarde l’évolution naturelle des maladies rénales plus efficacement que d’autres antihypertenseurs non spécifiques. La plupart des effets néphroprotecteurs des inhibiteurs du système rénine-angiotensine sont observés chez des patients ayant des néphropathies protéinuriques ; cet effet est corrélé à leur efficacité majeure en termes de diminution du débit de protéinurie. Un double objectif pour la néphroprotection Pour une néphroprotection optimale, l’objectif thérapeutique est d’associer un contrôle optimal de la pression artérielle à un contrôle maximal du débit de protéinurie. Néanmoins, de nombreux patients ayant une néphropathie chronique n’ont pas atteint l’objectif tensionnel et ont une protéinurie persistante malgré une plurithérapie antihypertensive incluant des doses recommandées d’IEC. En dehors de l’âge, d’une susceptibilité individuelle, de facteurs génétiques, de l’implication de multiples facteurs pathogéniques biologiques et de l’intervalle de temps entre l’apparition de la protéinurie et le début du traitement, la réponse insuffisante à un IEC pourrait être expliquée par un blocage incomplet du système rénine-angiotensine, en particulier si le système rénine-angiotensine intrarénal est régulé de façon indépendante du système rénine-angiotensine circulant. La quantité massive de rénine synthétisée et libérée dans le rein, la quantité limitée d’enzyme de conversion endothéliale rénale, la compartimentalisation de l’angiotensine II dans les liquides interstitiels et tubulaires, la consommation intrarénale d’angiotensinogène, ainsi que l’uptake de l’angiotensine II par les récepteurs AT1 intrarénaux influencent les concentrations intrarénales d’angiotensine I et d’angiotensine II qui peuvent donc différer de leur concentration plasmatique. Preuves expérimentales Les effets additifs de la combinaison d’un IEC et d’un ARA ont d’abord été démontrés sur le débit de protéinurie. Le blocage combiné du système rénine-angiotensine avec des doses usuelles, voire maximales, d’un IEC et d’un ARA réduit la pression artérielle, le débit de microalbuminurie et de protéinurie de façon plus importante que l’IEC ou un ARA administrés en monothérapie, chez des patients diabétiques de type 1 ou de type 2, de même que chez des patients ayant une néphropathie protéinurique non diabétique.    Preuves cliniques La démonstration formelle des effets néphroprotecteurs du blocage combiné du système rénine-angiotensine est venue avec le résultat de l’essai COOPERATE. Dans cet essai, qui a inclus 263 pa- tients ayant une néphropathie chronique non diabétique et une protéinurie persistante (> 0,3 g par 24 h), l’administration d’une combinaison de trandolapril 3 mg par jour et de losartan 100 mg par jour a réduit de 60 % le risque de doublement de la créatinine ou de survenue d’une insuffisance rénale terminale comparativement au trandolapril 3 mg en monothérapie ou au losartan 100 mg administrés en monothérapie. Le bénéfice lié au traitement a été indépendant du niveau initial de la protéinurie et de la réduction de la pression artérielle qui a été similaire. La combinaison a réduit de façon massive le débit de protéinurie comparativement aux monothérapies (75 % pour la combinaison, 42 % pour le losartan, 44 % pour le trandolapril). Mécanismes des effets bénéfiques de la combinaison Le mécanisme des effets néphroprotecteurs de la combinaison d’un IEC et d’un ARA est probablement multifactoriel. Il implique des modifications de l’hémodynamique systémique et capillaire glomérulaire, une neutralisation plus complète des effets cellulaires de l’angiotensine II ou l’association des deux phénomènes. En effet, la combinaison permet une neutralisation plus complète des effets autocrines de l’angiotensine II sur l’hémodynamique intrarénale, sur la perméabilité et la structure glomérulaire, sur la réduction des concentrations de TGF b1 (facteur fibrosant) et sur l’expression glomérulaire de la néphrine (protéine transmembranaire qui joue un rôle majeur dans la fonction barrière des glomérules).     Tolérance du blocage combiné   Si le blocage combiné permet d’obtenir une réponse hémodynamique supplémentaire et une neutralisation plus complète des effets cellulaires de l’angiotensine II, le prix à payer sera : - l’addition des effets secondaires, en particulier ceux qui dépendent de l’inhibition de l’enzyme de conversion (toux et œdème angioneurotique) ; - le risque potentiel d’un blocage complet du système rénine-angiotensine dans les conditions où la pression artérielle et la perfusion rénale sont extrêmement rénine-dépendantes.    Augmentation du risque d’insuffisance rénale fonctionnelle Si la combinaison d’un IEC et d’un ARA est de plus en plus fréquemment utilisée, il est important de tenir compte de l’augmentation du risque d’insuffisance rénale fonctionnelle. Ce risque est incontestable chez certains patients : les patients âgés, les patients en hypovolémie (diurétique à forte dose, vomissement, diarrhée, etc.), ceux traités par des inhibiteurs de la COX ou ayant une sténose artérielle rénale, et au cours de l’anesthésie générale.  Autres effets indésirables • Dans l’essai CHARM-Added, 4,5 % des patients traités par candésartan ont eu une hypotension significative, entraînant un arrêt du traitement. • De plus, l’incidence d’une augmentation significative de la créatinine a été pratiquement doublée dans le groupe candésartan (7,8 % contre 4,1 %) ainsi que l’incidence de l’hyperkaliémie, en particulier si les patients recevaient en plus de la spironolactone. • Le risque d’hyperkaliémie augmente aussi lorsqu’il existe une réduction du débit de filtration glomérulaire en dessous de 35 ml/min. • À côté de la surveillance de la concentration de potassium et de créatinine, en particulier chez les patients ayant une insuffisance rénale, l’hématocrite devrait être aussi surveillé, car il existe un potentiel d’aggravation d’une anémie par la combinaison d’un IEC et d’un ARA. Une évaluation plus complète et plus rigoureuse de ces risques est donc nécessaire. Elle fera appel à des études pharmaco-épidémiologiques sur de nombreux patients ayant diverses pathologies telles que l’hypertension artérielle, l’insuffisance rénale et une insuffisance cardiaque.   En conclusion   Les doses usuelles des IEC et des ARA ont d’abord été déterminées sur la base d’essais réalisés au cours de l’hypertension artérielle. Il est hautement probable que les doses nécessaires pour réduire le débit de protéinurie et ralentir la progression de l’insuffisance rénale chez les patients ayant une néphropathie, pour ralentir l’apparition de lésions vasculaires et pour prévenir la morbi-mortalité cardio-vasculaire chez les patients insuffisants cardiaques, soient plus élevées que celles sélectionnées pour obtenir une réduction de la pression artérielle. Tous les résultats obtenus expérimentalement dans des modèles animaux d’insuffisance rénale, d’infarctus du myocarde et d’athérosclérose, ainsi que ceux obtenus au cours d’essais randomisés contrôlés, ont montré de façon convaincante que plus la dose d’un IEC ou d’un ARA était élevée, plus l’effet bénéfique observé sur les organes cibles était important. Une alternative à l’augmentation des doses d’un bloqueur du système rénine-angiotensine en monothérapie est le blocage combiné du système rénine-angiotensine. L’administration d’un IEC et d’un ARA en combinaison en monoprise quotidienne permet de maintenir pendant 24 heures un blocage complet et permanent du système rénine-angiotensine. Il est néanmoins nécessaire de rester vigilant quant à la survenue possible d’effets secondaires avec cette stratégie thérapeutique.

Attention, pour des raisons réglementaires ce site est réservé aux professionnels de santé.

pour voir la suite, inscrivez-vous gratuitement.

Si vous êtes déjà inscrit,
connectez vous :

Si vous n'êtes pas encore inscrit au site,
inscrivez-vous gratuitement :

Version PDF

Articles sur le même thème

  • 2 sur 155

Vidéo sur le même thème