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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 25 sep 2012Lecture 5 min

DAI en prévention primaire - Quelles indications ?

J. LACOTTE, F. SALERNO, M. AÏT SAÏD, A. ROSIER et J. HORVILLEUR, Institut cardiovasculaire Paris Sud, Massy

De toute évidence, le défibrillateur automatique implantable (DAI) n’est pas un traitement comme les autres. Même si les indications en prévention primaire sont larges et simples, car essentiellement basées sur la fraction d’éjection, le défibrillateur reste un traitement sous-utilisé, parfois proposé trop tard et dans bien des cas.

Les implantations progressent surtout grâce à la resynchronisation   Tout est plus simple quand le patient présente une insuffisance cardiaque symptomatique avec asynchronisme électrique (QRS ≥ 120 ms), susceptible d’être améliorée par la resynchronisation. Dans ce cas, l’implantation apparait totalement logique. De fait, près de la moitié des défibrillateurs posés l’an passé était un modèle triple chambre, ce type d’appareil tirant à lui seul la croissance d’activité vers le haut (figure 1).   Figure 1. Nombre de défibrillateurs implantés en France.    Cette tendance s’est accrue depuis les résultats de MADITCRT(1) et l’extension de l’indication de resynchronisation aux stades II de la NYHA (sous réserve d’un QRS ≥ 150 ms). Dans le même temps, la faible progression des implantations des défibrillateurs simple et double chambre démontre les difficultés à aborder la question de la mort subite et de sa prévention par un DAI lors d’une consultation de routine, chez un patient asymptomatique, parfois de longue date. Hors insuffisance cardiaque, les implantations prophylactiques de défibrillateur concernent des cadres plus marginaux, tels que les canalopathies, les cardiopathies congénitales, les cardiopathies hypertrophiques, etc. relevant de critères spécifiques qui ne seront pas abordés ici.   À quelles recommandations se référer ?   Le repérage des sujets à risque de mort subite est encore aujourd’hui un vrai défi pour les cardiologues.   Toutes les recommandations récentes, SFC(2), ESC(3), ACC/AHA(4) se basent sur la FEVG, la nature de la cardiopathie et l’existence d’une insuffisance cardiaque symptomatique (tableau).     Le traitement médicamenteux optimal par IEC et bêtabloquants est toujours un prérequis, puisqu’un tiers des patients récupère une FEVG permettant de « sortir » de la zone d’indication.   En dessous de 30 % de fraction d’éjection, les sociétés savantes s’accordent sur la logique d’implanter un DAI en prévention primaire, avec cependant quelques réserves concernant : • L’insuffisance cardiaque sévère : les patients en NYHA IV non ambulatoire ne doivent pas être implantés, sauf perspective de greffe ; • L’ischémie myocardique récente : la fraction d’éjection doit être réévaluée 40 jours et 3 mois respectivement après une nécrose ou une revascularisation avant de confirmer l’indication ; • L’espérance de vie, supposée supérieure à un an, sans que les recommandations ne précisent les moyens de l’estimer ou une limite d’âge, en sachant que les implantations restent exceptionnelles au-delà de 80 ans.   Entre 30 et 35 % de FEVG, les classes d’indications et le niveau de preuve retenus dans les recommandations sont moindres mais l’attitude pratique ne diffère pas, ce qui peut se comprendre compte tenu de la variabilité de la mesure, notamment en échographie.   Finalement, quel est le bénéfice démontré par le DAI ?   L’étude contrôlée la plus parlante par rapport à nos patients du quotidien est SCD-HeFT (Sudden Cardiac Death in Heart Failure Trial) : 2 521 patients porteurs d’une cardiomyopathie ischémique ou primitive, inclus sur les seuls critères de fraction d’éjection < 35 % et de classe NYHA II ou III (aucun trouble du rythme ventriculaire documenté). Ils étaient randomisés vers trois groupes : défibrillateur simple chambre, amiodarone ou placebo(5).   Cette étude rapporte, comme tous les travaux équivalents, que (figure 2) :   1. La mortalité annuelle d’une cardiomyopathie dilatée en classe NYHA II/III est d’environ 7 % sous traitement médical optimal. 2. Le défibrillateur apporte un bénéfice significatif en termes de mortalité, quel que soit le mode de lecture des courbes de survie. En lecture verticale, le défibrillateur réduit la mortalité globale de 23 % (p = 0,007) ce qui correspond à « une vie sauvée tous les 15 patients implantés ». 3. En lecture horizontale, les courbes de survie sont décalées de un an par le défibrillateur, quatre ans après l’implantation. 4. Le bénéfice apporté par le défibrillateur apparait avec un certain retard, les courbes de survie ne commençant à diverger qu’après 12-18 mois. Avant ce délai, les patients les plus sévères au plan hémodynamique décèdent, avec ou sans défibrillateur. Cela justifie que l’on s’interroge avant l’implantation sur l’espérance de vie en tenant compte des marqueurs pronostiques de l’insuffisance cardiaque.   Figure 2. Courbe de survie de l’étude SCD-HeFT(5). Quels sont les patients idéaux à implanter ?   Certainement pas ceux dont l’insuffisance cardiaque est la plus évoluée, comme en témoignent les divergences de réponse entre les patients en classe NYHA II (bénéfice net du DAI) et NYHA III (pas de différence significative vs placebo ou amiodarone) de l’étude SCD-HeFT (figure 3).   Figure 3. Différences de bénéfice du DAI entre classe II et III dans l’étude SCD HeFT(5).    Par conséquent, la difficulté essentielle avant d’implanter ou non un DAI est d’apprécier le pronostic de l’insuffisance cardiaque à court terme, plus que de stratifier le risque de mort subite, forcément important.   Actuellement, la FEVG est le principal critère décisionnel, critère certes simple, mais sujet à une grande variabilité inter-techniques et inter-observateurs. Au-delà de la FEVG, la sélection rationnelle des patients implique certainement de prendre en compte les comorbidités et des critères de gravité de l’insuffisance cardiaque.   Dans cette logique, on peut citer une analyse post-hoc de l’étude MADIT II(6) qui comparait initialement le DAI simple chambre au placebo chez des patients porteurs d’une cardiopathie ischémique avec FEVG < 30 %. Cinq critères étaient associés à la mortalité dans le bras contrôle : âge > 70 ans, NYHA > II, urée > 26 ng/ml, QRS > 120 ms, présence d’une fibrillation atriale. Il en ressort un bénéfice optimal du DAI chez les patients ayant un ou deux facteurs de risque (figure 4). En revanche, il n’apporte aucun bénéfice chez les patients n’ayant aucun facteur de risque (faible mortalité, avec ou sans défibrillateur) ou plus de 3 facteurs de risque (mortalité importante, surtout par insuffisance cardiaque).   Figure 4. Courbes de survie, avec défibrillateur simple chambre ou traitement médicamenteux conventionnel, pour 3 sous-groupes de patients présentant une FEVG < 30 % et 1,2 ou plus de 3 facteurs de risque : âge > 70 ans, NYHA > II, urée > 26 ng/ml, QRS > 120 ms, fibrillation atriale (étude post hoc Madit II).    Le patient idéal à implanter est donc : - Suffisamment sévère au plan rythmique pour présenter des troubles du rythme ventriculaire soutenus, susceptibles d’être traités par le défibrillateur, - Pas encore assez grave au plan hémodynamique pour mourir à court terme d’une insuffisance cardiaque réfractaire, mode de décès majoritaire des porteurs de DAI (60 %).   En pratique   Au même titre que les traitements médicamenteux, le défibrillateur fait partie intégrante de l’arsenal thérapeutique et doit absolument entrer dans la réflexion thérapeutique de tout cardiologue. Même si la pose d’un défibrillateur ne doit pas être banalisée, il est important de protéger les patients tôt, c’est-à-dire dès que la fraction d’éjection passe en dessous de 30-35 % et donc avant le stade où l’insuffisance cardiaque évoluée constitue un facteur limitant l’espérance de vie.

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