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Congrès et symposiums

Publié le 06 mar 2012Lecture 9 min

Prévention des AVC dans la FA : quelle stratégie pour quel patient ?

C. LAMBERT, d’après un symposium des laboratoires BMS/Pfizer, avec la participation de J.-Y. Le Heuzey (Paris), J. Eikelboom (Hamilton, Canada), A. Cohen (Paris), O. Hanon (Paris) et P.-G. Steg (Paris)

Journées européennes de la SFC (I)

Plus confortables dans leur utilisation et au moins aussi efficaces que les antivitamines K (AVK), les nouveaux anticoagulants vont permettre une meilleure prévention des accidents thromboemboliques de la fibrillation auriculaire (FA).

Les anticoagulants sont sous-prescrits dans la FA Au cours d’un symposium présidé par Jean-Yves Le Heuzey (HEGP, Paris) et John Eikelboom (Hamilton, Canada), Ariel Cohen (Hôpital Saint-Antoine, Paris) s’est intéressé aux raisons de la sous-prescription des anticoagulants dans la prévention de l’AVC chez les patients présentant une fibrillation auriculaire (FA). Qu’il s’agisse de prévention primaire ou secondaire, les études ont montré que les anticoagulants diminuent le risque d’AVC en cas de FA. De part et d’autre de l’Atlantique, les recommandations préconisent leur prescription en cas de risque thrombotique élevé (score CHADS2 ≥ 2), de l’aspirine en cas de risque faible (CHADS2 = 0) et de l’un ou de l’autre lorsque le risque est intermédiaire (CHADS2 = 1). Malgré ces recommandations, on constate qu’environ un patient sur deux ne reçoit pas de warfarine, bien que les AVK soient indiqués. La fréquence du traitement varie en fonction des pays concernés, mais la sous-prescription est systématique. Plus inquiétant encore, une étude révèle que seulement 10 % des patients ayant eu un AVC dans le contexte d’une FA sont efficacement traités par anticoagulant et que 29 % d’entre eux reçoivent un anticoagulant, mais à dose inefficace. Les raisons de cette sous-prescription sont connues, à commencer par l’index thérapeutique étroit des AVK. Selon une métaanalyse publiée en 2009, un patient sur deux devant bénéficier d’un traitement anticoagulant n’est pas traité et, lorsqu’il l’est, un sur deux n’est pas dans la zone thérapeutique ; ainsi, seulement un quart des patients bénéficient d’un traitement adéquat pour diminuer le risque d’AVC. L’un des obstacles majeurs à la prescription des anticoagulants est l’âge des patients, alors même que le risque thromboembolique augmente chez les plus âgés. Les comorbidités de ces patients expliquent que 70 % de ceux présentant un risque thromboembolique élevé ne sont pas correctement traités, l’abstention thérapeutique étant, de façon contradictoire, plus fréquente lorsque le score CHADS s’élève. Dans une étude française concernant 5 893 patients avec FA, pris en charge par des cardiologues et des médecins généralistes, plusieurs facteurs corrélés à la non-prescription des AVK ont été mis en évidence : la FA paroxystique (vs FA permanente), des troubles cognitifs, l’institutionnalisation, les comorbidités comme le cancer. À l’échelle européenne (EuroHeart Survey), l’inclusion dans un registre accroît le taux de prescriptions qui, en revanche, diminue au fur et à mesure que l’âge augmente. Une élévation du score CHADS semble favoriser le traitement anticoagulant, mais il apparaît que 65 % des patients ayant un score à 0 sont sous AVK, ce qui va à l’encontre des recommandations. On note également que les patients ayant une cardioversion électrique sont plus souvent traités par AVK que ceux ayant une cardioversion pharamacologique, alors que le risque thromboembolique est identique dans les deux cas. En conclusion, Ariel Cohen a souligné que les cardiologues ne suivaient pas les recommandations et que les nouveaux traitements anticoagulants peuvent remédier à cette situation. L’évaluation des risques thromboembolique et hémorragique : un gage de sécurité Selon Olivier Hanon (Hôpital Broca, Paris), la FA multiplie par 5 le risque d’AVC. On estime qu’en France, un AVC survient toutes les 20 à 30 minutes et qu’environ 20 % d’entre eux sont en rapport avec une FA. Outre les AVC, la FA multiplie par 2 le risque de démence ainsi que celui de décès. De plus, lorsqu’il survient sur une FA, l’AVC est plus grave et grevé d’une morbi-mortalité supérieure à celle d’un accident vasculaire en rapport avec une HTA. En l’absence de traitement, la FA est également corrélée à un taux de récidives accru comparativement à un AVC survenant sur une HTA. Pour évaluer le risque thromboembolique d’un patient, on dispose du score CHADS2 qui prend en compte l’âge, l’existence d’une HTA, d’un diabète, d’une insuffisance cardiaque et les antécédents d’AVC. Lorsque ce score est ≥ 2, la prescription de warfarine est recommandée ; lorsqu’il est égal à 0, l’aspirine est indiquée et lorsqu’il est égal à 1, le clinicien doit choisir sur des critères complémentaires entre AVK et aspirine. Des problèmes se posaient dans cette première version du score, notamment le fait qu’un seul point soit attribué à un âge ≥ 75 ans, alors que ce facteur augmente considérablement le risque thromboembolique. Dans la nouvelle formulation (score CHADS2 vasc), ce critère est coté à 2 points (1 point entre 65 et 74 ans) et d’autres critères concernant les maladies cardiovasculaires ont été ajoutés (IDM, artériopathie périphérique ou plaque aortique), ainsi que le sexe féminin. L’avantage de ce nouveau mode d’évaluation, qui a été testé sur 75 538 patients au Danemark, est de mieux stratifier les patients à faible risque (CHADS1 et 2). Deux-tiers des patients en FA étant âgés de plus de 75 ans, l’anticoagulation est la réponse adéquate dans la majorité des cas avec le score CHADS2 vasc. Avec ce nouveau score, le traitement antithrombotique n’est plus indiqué chez les patients ayant un 0, tandis que ceux ayant un 1 devraient plutôt recevoir un AVK.   Le bénéfice clinique net L’évaluation du risque thromboembolique doit être complétée par une analyse bénéfice/risque, car les anticoagulants représentent la première cause de iatrogénie en France. Le bénéfice reste toutefois positif, puisque le risque d’AVC est en moyenne de 8 % par an chez les patients avec FA alors que celui d’hémorragie majeure sous AVK n’est que de 2 % par an, et celui d’hémorragie cérébrale entre 1 et 2 % par an, bien qu’il soit plus important en début de traitement (4 % à 5 % par an). Lorsque le praticien hésite à prescrire un AVK en raison du risque de saignement, il arrive qu’il prescrive de l’aspirine. Mais celle-ci est-elle réellement moins dangereuse ? Il apparaît que le risque d’hémorragies majeures est un peu diminué comparativement aux anticoagulants, mais que le risque d’hémorragie cérébrale est identique. Le calcul du bénéfice clinique net (BCN) consiste à confronter les risques thromboembolique et hémorragique. Or, il apparaît que plus le patient est âgé, plus le BCN est élevé. Le risque hémorragique peut être évalué par le score HAS-BLED qui n’est pas aisé à réaliser en routine, notamment en raison du nombre de critères qu’il comporte. Un autre score, le score HEMORRAGE a intégré d’autres critères, notamment chez les sujets âgés : le risque de chute, les troubles cognitifs, le cancer et l’existence d’une thrombopénie. Le risque hémorragique n’est pas une fatalité, il peut être abaissé, en particulier par la maîtrise des chiffres tensionnels. L’éducation thérapeutique, la vérification des interactions médicamenteuses, le contrôle régulier de l’INR, le passage d’une infirmière en cas de troubles cognitifs et la prévention des chutes participent également à la diminution de ce risque.   Quelle place pour les antiagrégants plaquettaires ? Philippe-Gabriel Steg (Hôpital Bichat, Paris) a remarqué qu’en pratique l’aspirine est souvent administrée à des sujets à haut risque dès lors qu’il existe un problème d’équilibration des AVK, d’éducation du patient (par exemple troubles cognitifs) ou encore un risque hémorragique. Or, son efficacité est modeste et elle prévient, dans les métaanalyses, environ 20 % des AVC comparativement au placebo. Cette action est très inférieure à celle des anticoagulants oraux, puisque les études ayant comparé les deux traitements montrent que les AVK ont une efficacité de 40 % supérieure dans cette indication. Pour résoudre ce problème, l’idée a été d’associer deux antiagrégants plaquettaires, en ajoutant le clopidogrel à l’aspirine, une combinaison qui a été évaluée par le programme de recherche ACTIVE. Deux essais ont testé cette hypothèse, ACTIVE-A qui a été conduit chez des patients ayant une contre-indication aux AVK et ACTIVE-W dans lequel l’association a été comparée à la warfarine. La première étude a montré que l’efficacité de l’association aspirine clopidogrel est de 28 % supérieure à l’aspirine seule. Ce résultat doit toutefois être relativisé car les événements pris en compte étaient, certes, des AVC, mais également des événements coronariens. Quoi qu’il en soit, l’étude ACTIVE-W a répondu à la question posée en montrant que la warfarine est nettement supérieure à l’association des deux antiagrégants plaquettaires, avec un risque relatif à 1,44. Plus récemment, le même type de programme a été entrepris avec un nouvel anticoagulant antifacteur Xa, l’apixaban (5 mg x 2/j), qui a été évalué en comparaison à l’aspirine dans l’étude AVERROES chez des patients non candidats aux AVK, et versus warfarine dans l’étude ARISTOTLE. L’apixaban présente les avantages des nouveaux anticoagulants oraux : pratiquement pas d’interactions médicamenteuses ou alimentaires, un effet beaucoup plus rapide, pas de nécessité de monitorage et, au total, un grand confort d’utilisation. Les résultats d’AVERROES montrent que l’apixaban est deux fois plus efficace que l’aspirine pour prévenir les AVC et les embolies systémiques (RR : 0,46). Le gain est en rapport avec une diminution des AVC ischémiques, le nombre d’hémorragies méningées étant comparables dans les deux groupes. Au total, l’apixaban est plus efficace que l’aspirine, mais pas plus dangereux. Compte tenu de ces résultats, la place de l’aspirine est appelée à se réduire au profit des nouveaux anticoagulants.   Des études convergentes John Ekeilboom (Hamilton, Canada) a tiré les principales leçons des études conduites dans la FA avec les nouveaux anticoagulants qui ont inclus un total de plus de 50 000 patients. Parmi ces études, on peut distinguer celles qui ont été conduites chez des patients pouvant recevoir des AVK (études RELY, ROCKET-AF et ARISTOTLE) et celles menées chez des patients présentant des contre-indications à la warfarine et recevant de l’aspirine (étude AVERROES vs aspirine). Le premier message à retenir est que les nouveaux anticoagulants sont au moins aussi efficaces que la warfarine dans la prévention des AVC de la FA sans accroître le nombre des hémorragies majeures. L’aspirine diminue de 22 % le risque d’AVC dans la FA ; associée au clopidogrel, la diminution atteint 28 %, mais avec la warfarine 43 % des AVC sont évités. Quelle que soit la molécule (dabigatran, rivaroxaban, apixaban), ces inhibiteurs du facteur Xa sont au moins aussi efficaces, si ce n’est plus, que la warfarine. Dans toutes ces études, les nouveaux traitements réduisent également la mortalité cardiovasculaire et la mortalité toutes causes. Deuxième message important, les antiXa réduisent de un tiers à deux-tiers la complication la plus redoutée des AVK : les hémorragies intracrâniennes. Ces complications touchent environ un patient sur 200 atteints de FA et recevant des AVK. L’un des sujets de préoccupation avec ces nouveaux traitements est l’absence d’antidote en cas d’hémorragie. Il faut souligner que le risque de saignement est diminué avec ces médicaments par rapport à celui auquel étaient exposés les patients sous AVK. Parmi les raisons de cette sécurité accrue, on peut inclure : une action spécifique sur un seul facteur de coagulation ainsi qu’un nombre réduit d’interactions médicamenteuses et alimentaires qui permettent d’obtenir une stabilité thérapeutique. Avec la warfarine, les hémorragies intracrâniennes peuvent être notamment dues : aux fluctuations de son effet anticoagulant, à son action sur le facteur tissulaire VII qui initie le processus de coagulation, ainsi qu’à de possibles coagulopathies induites par les AVK. La troisième leçon que l’on peut tirer des résultats de ces études est que ces nouvelles thérapeutiques vont permettre de traiter une population plus large de patients en FA. L’arrivée de ces molécules constitue donc une occasion de diminuer la morbimortalité liée aux AVC dans la FA.

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