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Insuffisance cardiaque

Publié le 07 fév 2012Lecture 7 min

Insuffisance cardiaque aiguë - Le cœur artificiel total

P. LEPRINCE, P. LEGER, A. PAVIE, Service de chirurgie thoracique et cardiovasculaire, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris

Le seul cœur artificiel total (CAT) actuellement sur le marché est le Jarvik-7, appelé Syncardia. Initialement implanté par Devries en 1982 avec l’idée d’une implantation définitive, il est actuellement utilisé en attente de transplantation. Son implantation est indiquée chez les patients en insuffisance cardiaque terminale liée à une défaillance biventriculaire. Il permet de restaurer d’excellents paramètres hémodynamiques. Les taux de survie sous CAT sont actuellement de 70 % à 80 % et dépendent avant tout de la sévérité des patients avant l’implantation et notamment du retentissement multiviscéral.

L'avènement de consoles portables permet aux patients de sortir de l’hôpital afin de regagner leur domicile. Le CAT permet aux patients de réaliser une bonne réadaptation afin d’aborder la transplantation cardiaque dans des conditions optimales. Le cœur artificiel total (CAT) se singularise non seulement par sa définition qui le met à part des autres systèmes d’assistance circulatoire, mais aussi par son histoire, ses caractéristiques hémodynamiques, ses indications et les résultats qui lui sont associés.   Définition À la différence des assistances circulatoires, le cœur artificiel total est une machine de substitution. Son concept implique donc qu’il soit biventriculaire. Certaines équipes ont décrit la confection d’un cœur artificiel à l’aide de ventricules paracorporels habituellement utilisés en assistance circulatoire. Il s’agit de situations rares. Dans la majeure partie des cas, les ventricules artificiels du CAT sont implantés de façon orthotopique, dans le thorax, à la place du cœur natif (figure 1). Plusieurs CAT ont été décrits, mais l’expérience clinique s’est faite pour l’essentiel avec le Jarvik-7. Rebaptisé Cardiowest dans les années 90, nous le décrirons sous son nom actuel : Syncardia. Figure 1. Les ventricules artificiels du CAT Syncardia. Description du CAT Syncardia Le CAT Syncardia est constitué de 2 ventricules indépendants en polyuréthane, de 70 ml chaque (initialement, il existait aussi des ventricules de 100 ml, mais la fabrication de ceux-ci a été arrêtée car les 70 cc permettent de suppléer la circulation des patients même de surface corporelle élevée. En revanche, la compagnie Syncardia va mettre sur le marché des ventricules de 50 ml pour les patients de petit gabarit). Chaque ventricule comporte un orifice d’entrée et un orifice de sortie, chacun muni d’une prothèse valvulaire mécanique monodisque Medtronic-Hall de 25 mm et 23 mm respectivement. Les ventricules sont reliés par 2 tuyaux d’environ 1 cm de diamètre à une console externe qui va délivrer de façon pulsée de l’air comprimé. Cet air comprimé mobilise le diaphragme de silicone qui est situé à l’intérieur des ventricules, permettant ainsi l’admission du sang puis son éjection. Les paramètres de contrôle sont les pressions d’activation de chaque ventricule (approximativement 200 mmHg à gauche et 60 mmHg à droite), la fréquence, le plus souvent aux alentour de 120/min, le pourcentage de systoles et l’aide au remplissage (dépression créée sur le diaphragme de silicone pour faciliter le remplissage des ventricules). L’implantation du cœur artificiel total Syncardia est réalisée par sternotomie médiane et sous circulation extracorporelle. Les 2 ventricules natifs sont réséqués en laissant en place les orifices atrio-ventriculaires et les gros vaisseaux (figure 2). Les ventricules artificiels sont implantés entre les orifices atrio-ventriculaires et les gros vaisseaux par l’intermédiaire de collerettes et de tubes (figure 3). Figure  2. Orifices atrio-ventriculaires et gros vaisseaux après résection des ventricules natifs. Figure 3. Les 2 ventricules en place. Pendant longtemps, la seule console disponible était la console hospitalière appelée « big blue » du fait de sa couleur et de son encombrement (environ 250 kg) (figure 4). Depuis plusieurs années, la société Syncardia a mis à disposition des consoles portables qui donnent aux patients une plus grande autonomie et surtout leur permettent de sortir de l’hôpital (figure 5). Figure 4. La console hospitalière « big blue » du CAT Syncardia. Figure 5. Retour à domicile des patients sous CAT. Même si l’implantation d’un CAT peut paraître plus agressive en comparaison d’une assistance circulatoire biventriculaire paracorporelle, le CAT présente de nombreux avantages. La connexion directe aux orifices atrio-ventriculaires et aux gros vaisseaux limite les pertes de charges, assurant ainsi des débits plus élevés tout en limitant les phénomènes de stase sanguine et donc le risque thromboembolique. Les ventricules artificiels sont disposés à l’intérieur du thorax et reliés à l’extérieur par 2 tuyaux de diamètre raisonnable, alors que les ventricules des assistances paracorporelles sont disposés à l’extérieur du patient et connectés au cœur par 4 canules percutanées. Enfin, dans certaines situations comme les patients porteurs de prothèses valvulaires cardiaques, les patients présentant des CIV, etc., le fait de réséquer le massif ventriculaire présente un avantage évident.   Indications et résultats Le CAT est indiqué en attente de transplantation dans les cas de défaillance biventriculaire. Cela suppose, bien entendu, que tout espoir de récupération myocardique est exclu. Il s’agit donc, le plus souvent, de patients présentant une cardiomyopathie dilatée chronique, en insuffisance cardiaque terminale biventriculaire. Comme nous l’avons déjà précisé, le CAT est particulièrement indiqué dans certaines situations spécifiques où la résection du massif ventriculaire présente en soi un intérêt : patients porteurs de prothèses valvulaires, communication interventriculaire, pathologie associée de l’aorte ascendante, cardiopathies congénitales de l’adulte, troubles du rythme réfractaires, thrombus intraventriculaire majeur, rejet chronique de greffon cardiaque, tumeurs cardiaques, etc. L’équipe de Bad Oeyenhausen a aussi rapporté son expérience dans les situations de choc cardiogénique postinfarctus sévère(1). Sur le plan méthodologie, la publication probablement la mieux contrôlée est celle de J. Copeland, réalisée sous contrôle de la FDA(2). Il s’agit d’une étude non randomisée, réalisée dans 5 centres nord-américains (principalement celui de Tucson) et incluant 81 patients. Dans cette étude, 79 % des patients implantés étaient finalement transplantés après un délai moyen de 79,1 jours. Ce résultat a été comparé à la survie obtenue chez un groupe contrôle de 35 patients présentant les mêmes critères d’inclusion et d’exclusion, mais non implantés avec un CAT et identifiés dans les différents centres de façon rétrospective. Dans ce groupe contrôle, seulement 46 % des patients ont finalement été transplantés (p < 0,001). Après transplantation, la survie à 1 et 5 ans était de 86 % et de 64 % dans le groupe implanté, contre 69 % et 34 % dans le groupe contrôle. De nombreux paramètres hémodynamiques étaient améliorés par le CAT, avec, notamment, un index cardiaque passant de 1,9 l/min/m² à 3,2 l/min/m² et une normalisation des fonctions rénale et hépatique dans les 3 semaines suivant l’implantation. En 2003, nous avons rapporté notre propre expérience de 127 patients(3). Nous avons montré l’amélioration progressive de la survie sous CAT passant de 40 % dans les premières années à 75 % dans l’expérience la plus récente. Cette amélioration tient avant tout à une meilleure sélection des patients. En effet, dans les premières années, le CAT était utilisé en sauvetage, le plus souvent en extrême urgence, chez des patients ayant un retentissement multiviscéral sévère et au statut neurologique parfois incertain. Actuellement, les implantations sont réalisées de façon réglée, chez des patients en insuffisance cardiaque terminale et dont l’état hémodynamique ne permet pas d’attendre la disponibilité d’un greffon ou dont les complications liées à l’insuffisance cardiaque (ascite, cachexie avec fonte musculaire extrême, insuffisance rénale et/ou hépatique…) rendent la transplantation aléatoire. Un autre élément important de notre étude était l’allongement progressif des durées d’implantation passant d’une moyenne de 17 jours initialement à près de 2 mois au cours des dernières années. Chez ces patients, il est en effet illusoire et délétère de vouloir réaliser une transplantation peu de temps après l’implantation de CAT. Nous préconisons actuellement d’attendre 6 mois avant d’inscrire le patient sur la liste d’attente de transplantation, afin de lui assurer une bonne réhabilitation physique et de s’éloigner de la période des 3-4 mois qui est chirurgicalement plus difficile. Enfin, dans cette étude, nous rapportions un taux extrêmement faible d’accidents vasculaires cérébraux avec uniquement 2 accidents ischémiques transitoires pour la totalité de la série. Dans une autre étude, nous avions aussi rapporté une expérience favorable chez des patients de petit gabarit avec des surfaces corporelles allant de 1,5 m² à 1,7 m²(4), alors qu’une surface corporelle inférieure à 1,7 m² constituait une contre-indication à l’implantation dans l’étude de Copeland et coll.   Conclusion   Dans de nombreux centres, le CAT Syncardia a trouvé, au cours des dernières années, sa place dans le traitement de l’insuffisance cardiaque terminale biventriculaire. Son efficacité hémodynamique permet de stabiliser, puis de réhabiliter des patients dont le pronostic est menacé à très court terme ou chez lesquels le risque d’une transplantation cardiaque directe semble trop élevé. L’avènement des consoles portables a complètement modifié la qualité de vie des patients leur permettant un retour à domicile. L’implantation définitive, bien qu’envisagée par certains, paraît peu raisonnable, compte tenu de la limite apportée à la qualité de vie des patients. Les autres projets (Abiocor, Carmat, etc.) qui sont des cœurs artificiels totalement implantables ont ce but, mais leurs résultats restent pour l’instant incertains ou inconnus.

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