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Insuffisance cardiaque

Publié le 07 fév 2012Lecture 8 min

Insuffisance cardiaque aiguë - Traitement médical de l’insuffisance cardiaque avancée

M. GALINIER1, J.-N. TROCHU2 1CHU Toulouse-Rangueil, Toulouse 2Institut du Thorax, CHU Nantes-Laënnec

Le traitement médical de l’insuffisance cardiaque avancée (ICA), qui reste un problème de pratique quotidienne en cardiologie, a fait l’objet de peu d’études spécifiques, la sévérité clinique et les fréquentes comorbidités des patients ayant pu conduire à les exclure. Ainsi, les recommandations restent souvent basées sur l’analyse d’un sous-groupe ou l’extrapolation de résultats obtenus chez des patients moins sévères. On estime que les traitements recommandés aux autres stades de la maladie s’appliquent, puisque la définition de l’ICA inclut que les critères diagnostiques nécessaires soient présents malgré une optimisation du traitement antérieur.

Les bloqueurs du système rénine-angiotensine et les bêtabloquants sont cependant moins bien tolérés à ce stade évolutif en raison du faible niveau tensionnel et de l’insuffisance rénale (IR) secondaires à la diminution du débit cardiaque. Le contrôle de la volémie qui impose le recours à de fortes doses de diurétiques prend alors souvent le pas sur le traitement neuro-hormonal. L’utilisation des inotropes positifs peut s’avérer nécessaire. À cette étape ultime de la maladie, l’éducation thérapeutique et l’optimisation du suivi, où les peptides natriurétiques et demain la télésurveillance pourraient jouer un rôle, sont plus que jamais nécessaires, associées en cas d’impasse thérapeutique à une prise en charge palliative.   Le contrôle de la volémie Un contrôle strict de la volémie est impératif pour améliorer les symptômes congestifs, la qualité de vie et prévenir les décompensations. Les diurétiques sont à ce stade indispensables, bien qu’aucune étude n’ait prouvé leur efficacité sur la survie. Les règles hygiéno-diététiques sont essentielles, comportant : un régime hyposodé entre 2 et 4 g, un apport hydrique limité en fonction de la sévérité de l’hyponatrémie, très fréquente à ce stade de la maladie, le maintien d’un apport calorique suffisant pour lutter contre la cachexie et une activité physique adaptée. Les diurétiques de l’anse sont prescrits en première intention en recourant à des doses élevées pour permettre une euvolémie compte tenu de l’importance des signes congestifs. Ils devront alors être utilisés en plusieurs prises journalières. Les posologies de furosémide peuvent ainsi atteindre 250 à 500 mg/j voire plus, en 2 à 4 prises et l’utilisation du furosémide en perfusion continue est plus efficace que les injections répétées. L’association d’un thiazidique aux diurétiques de l’anse est synergique. Cette association est notamment utile en cas de signes congestifs résistants à une forte dose de diurétiques de l’anse. Ils sont débutés à faible dose, 12,5 à 25 mg/j d’hydrochlorothiazide, sous surveillance biologique stricte. La présence d’une IR ne contre-indique pas leur utilisation mais diminue leur efficacité. Les antagonistes des récepteurs de l’aldostérone possèdent un triple intérêt dans l’ICA : participer au contrôle de la volémie, éviter la survenue d’une hypokaliémie, bloquer la sécrétion résiduelle d’aldostérone. Dans l’étude RALES, où 29 % des patients inclus étaient en classe IV de la NYHA, la spironolactone a réduit de 30 % la mortalité. En raison du risque d’hyperkaliémie en association avec les bloqueurs du système rénine-angiotensine, la spironolactone ne pourra être prescrite que chez les patients dont la clairance est ≥ 30 ml/min et la kaliémie ≤ 5 mol/l. La dose initiale sera de 12,5 mg/l si la clairance de la créatinine est comprise entre 30 et 60 ml/min et de 25 mg/l pour une clairance ≥ 60 ml/min. La posologie ne devra pas dépasser 50 mg/j. La supplémentation potassique devra être stoppée ou réduite. Les nouveaux diurétiques se sont révélés décevants. Les antagonistes des récepteurs de la vasopressine n’ont pas démontré leur efficacité à moyen terme au décours d’une IC décompensée dans l’étude EVEREST. Néanmoins, ces agents aquarétiques seraient probablement utiles chez les patients avec hyponatrémie de dilution. Quant aux antagonistes du récepteur A1 de l’adénosine, comme la rolofylline, ils n’ont pas démontré de bénéfice au cours de l’étude PROTECT. Les techniques d’hémofiltration et l’hémodialyse ou la dialyse péritonéale pourront être proposées chez certains patients en cas de résistance aux diurétiques. L’inhibition neuro-hormonale L’inhibition des effets délétères des systèmes neuro-hormonaux demeure la base du traitement de l’IC à tous ses stades. Bien que le faible niveau tensionnel des patients à ce stade avancé de la maladie rende plus difficile leur utilisation, l’hypotension artérielle ne doit pas être à l’origine de leur non-prescription si elle n’est pas associée à des signes d’hypoperfusion périphérique. Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) ont été les premiers médicaments à montrer un bénéfice sur la survie dans l’ICA, l’étude CONSENSUS, réalisée il y a 25 ans chez 253 patients en stade IV, ayant retrouvé sous l’effet de 40 mg d’énalapril une diminution de la mortalité de 40 % à 6 mois, associée à une amélioration des symptômes et à un remodelage myocardique inverse. Depuis lors, ces données ont été confirmées avec de nombreuses autres molécules à tous les stades de l’IC systolique. Au cours de l’ICA, le faible niveau tensionnel des patients, les manifestations d’hypotension orthostatique, l’existence d’une IR rendent difficile le maintien des doses cibles des IEC, obligeant fréquemment le clinicien à réduire leur posologie à leur dose maximale tolérée. Les antagonistes des récepteurs de l’angiotensine II (ARA II) ont une place limitée dans le traitement de l’ICA, les patients en stade IV ayant été très peu inclus dans les études évaluant leur efficacité (4,5 % dans Elite II ; 2,6 % au cours du programme CHARM). L’utilisation d’un ARA II doit être systématiquement envisagée pour les patients intolérants aux IEC, leur effet sur la mortalité étant alors comparable à celui des IEC. L’utilisation préférentielle à ce stade des antagonistes des récepteurs de l’aldostérone et le faible niveau tensionnel des patients limitent en pratique le recours aux ARA II, la trithérapie bloquant le système rénine-angiotensine-aldostérone par IEC-ARA II-antialdostérone étant contre-indiquée du fait du risque d’hyperkaliémie. Les bêtabloquants se sont révélés efficaces dans le traitement de l’ICA, en association aux IEC, dans l’étude COPERNICUS, où la mortalité est diminuée de 35 %. Ces résultats sur la mortalité sont identiques en stades III ou IV. Il n’existait pas de différence entre les diverses molécules utilisées, carvédilol, métoprolol et bisoprolol. Comme pour les IEC, un traitement bêtabloquant à très faible dose pourra être débuté même si la pression artérielle est basse, si la systolique est ≥ 80 mmHg en l’absence de signes d’hypoperfusion ou de congestion. La titration sera prudente. En cas d’intolérance, l’aggravation de la dysfonction ventriculaire droite est parfois en cause ; lorsque les fortes doses de diurétiques et leurs associations ne permettent plus de contrôler la volémie, l’arrêt du traitement bêtabloquant permettra alors de mieux contrôler les signes congestifs. À ce stade évolutif, la stratégie médicamenteuse va donc privilégier la qualité de vie, alors que les traitements qui ont prouvé leur efficacité sur la réduction de la mortalité doivent être souvent diminués ou arrêtés. Cependant, les patients en ICA dont la fonction rénale le permet recevront le plus longtemps possible une trithérapie. Les inotropes positifs, électivement indiqués en cas d’épisodes de décompensation cardiaque aiguë avec bas débit cardiaque, peuvent également être utiles en cas de signes congestifs sévères résistants à un traitement diurétique optimisé. Chez les patients en fin de vie, certaines équipes proposent la mise en place d’une chambre implantable pour permettre le retour du patient à domicile sous perfusion continue d’ino-tropes. Les digitaliques ont une place controversée dans l’ICA en rythme sinusal. L’analyse des sous-groupes de patients de l’étude DIG a montré un intérêt particulier de la digoxine chez les patients les plus symptomatiques en classe III ou IV. Son bénéfice doit cependant être mis en balance avec le risque d’intoxication digitalique favorisée à ce stade de la maladie par la sévérité de la dysfonction myocardique, l’IR et les interactions médicamenteuses, imposant une surveillance rigoureuse de la digoxinémie avec un objectif compris entre 0,6 et 1 ng/ml. La dobutamine reste l’ino-trope intraveineux de référence. Les inhibiteurs des phosphodiastérase de type 3 sont d’emploi difficile au cours de l’ICA, du fait de leur action vasodilatatrice, souvent mal tolérée chez ces patients à faible niveau tensionnel, et de leur élimination rénale. Le lévosimendan, dans l’étude SURVIVE, n’entraîne pas de différence sur la mortalité, mais une diminution plus rapide du BNP au prix d’une baisse tensionnelle et d’une accélération du rythme cardiaque plus importante est constatée. La seule indication actuelle en France de ce médicament, uniquement délivrable sous ATU, se résume aux patients non sevrables de la dobutamine. Les vasodilatateurs pulmonaires ont une place encore limitée. La correction d’une carence martiale et d’une anémie, fréquentes à ce stade avancé de la maladie marquée par un état inflammatoire, mérite d’être effectuée. Un apport en fer améliore les symptômes, la voie veineuse étant la plus efficace. Des études sont en cours pour apprécier le bénéfice de l’érythropoïétine en cas d’anémie. Le suivi thérapeutique constitue une étape essentielle, la sévérité et la fragilité des patients en ICA nécessitant une réévaluation fréquente de leur thérapeutique, afin notamment d’obtenir un contrôle optimal de la volémie. La survenue d’évènements intercurrents nécessite des adaptations fines des posologies des médicaments et la collaboration rapprochée médecin généraliste/cardiologue autour de ces patients est indispensable. à côté de la clinique et des données biologiques standard, natrémie, kaliémie et créatininémie à contrôler au moins tous les 3 mois, la surveillance des peptides natriurétiques et demain la télémédecine pourraient prendre, dans les années à venir, une place de choix, permettant notamment d’adapter les posologies de diurétiques avant qu’une décompensation cardiaque ne survienne. Pour des unités spécifiques Ainsi, au stade d’ICA, le traitement médical repose autant sur l’expérience de chacun que sur la médecine fondée sur les preuves, justifiant le développement d’unités spécifiques, pouvant suivre et éduquer le patient, puis l’accompagner jusqu’au terme de sa vie. Le contrôle de la volémie occupe alors une place prépondérante prenant parfois le pas sur le traitement neuro-hormonal.

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