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Hypertension pulmonaire

Publié le 15 mai 2023Lecture 8 min

Hypertension pulmonaire : quel arsenal thérapeutique ?

Mathieu ALBERTINI, unité médico-chirurgicale de cardiologie congénitale adulte, Hôpital européen Georges-Pompidou, APHP, Paris

L’hypertension pulmonaire (HTP) regroupe un ensemble de pathologies cardio-pulmonaires caractérisées par une élévation des pressions pulmonaires ± des résistances vasculaires pulmonaires qui peuvent entraîner à terme une défaillance cardiaque droite. Nous aborderons au cours de cet article la prise en charge thérapeutique de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et de l’HTP thrombo-embolique chronique.

Tout d’abord, rappelons que la prise en charge thérapeutique de l’HTP est multidisciplinaire et réservée au centre de référence.   Hypertension artérielle pulmonaire   Évaluation initiale du pronostic L’évaluation pronostique des patients est une étape essentielle dès le diagnostic posé. Elle oriente la prise en charge thérapeutique initiale en séparant les patients en 3 groupes de risque (faible, intermédiaire et élevé), en fonction de paramètres cliniques, biologiques, d’imagerie et hémodynamiques (tableau 1).   Prise en charge thérapeutique La prise en charge de l’HTAP nécessite une prise en charge globale, comprenant des mesures générales, un traitement médical et une éducation thérapeutique.   Mesures générales Encourager l’activité physique régulière, adaptée à l’importance des symptômes. La vaccination contre la grippe, le pneumocoque et la Covid-19 est recommandée. La carence en fer est fréquente chez les patients atteints d’HTAP, définie par une ferritine < 100 g/L, ou une ferritine à 100- 299 g/l et un coefficient de saturation de la transferrine < 20 %. Elle est associée à une aggravation des symptômes et à un risque accru de mortalité. En présence d’une anémie ferriprive, il est recommandé de corriger le statut en fer chez les patients atteints d’HTAP (classe I, grade C). En cas de carence martiale même sans anémie, une supplémentation ferrique peut-être envisagée (classe IIB, grade C). L’oxygénothérapie de longue durée est recommandée chez les patients atteints d’HTAP avec une hypoxémie importante (PaO2 < 60 mmHg) au repos, l’objectif étant principalement symptomatique (classe I, grade C). Il ne faut pas s’attendre à une normalisation de la SpO2 en cas d’HTAP associée à un shunt droit-gauche par un foramen ovale perméable ou par une cardiopathie congénitale. Le traitement anticoagulant n’est généralement pas indiqué chez les patients avec une HTAP au vu du risque hémorragique et de l’absence de donnée robuste montrant son intérêt, mais peut être considéré individuellement (classe IIB, grade C). Un traitement diurétique en association avec un régime hyposodé est recommandé chez les patients atteints d’HTAP présentant des signes d’insuffisance cardiaque droite. Les femmes atteintes d’HTAP et en âge de procréer doivent recevoir des conseils clairs en matière de contraception. Les dispositifs intra-utérins au cuivre ou au lévonorgestrel représentent un mode de contraception efficace et peuvent être proposés à toutes les patientes y compris aux nullipares. Cependant, leur mise en place peut occasionner dans de rares cas une réaction vaso-vagale pouvant être mal tolérée en cas d’HTAP grave. Les méthodes hormonales faisant intervenir les œstroprogestatifs ne doivent pas être proposées, par ailleurs les progestatifs microdosés seuls et l’implant sous-cutané constituent tous deux un mode de contraception efficace. La contraception hormonale d’urgence post-coïtale est sûre et efficace chez les patientes avec HTAP. ⚠ Le bosentan, antagoniste des récepteurs de l’endothéline (ARE), peut réduire l’efficacité des contraceptifs hormonaux. Chez ces patientes, il est nécessaire d’utiliser une double contraception associant une méthode barrière et hormonale ou un dispositif intra-utérin. Concernant la grossesse, elle est formellement contre-indiquée (mWHO IV)(2), du fait du risque considérable d’aggravation de la maladie pouvant mettre en jeu le pronostic vital de la mère (11- 25 % de risque de décès) et de l’enfant. Pour les femmes atteintes d’HTAP ayant recours à une interruption de grossesse, il est recommandé que celle-ci soit réalisée dans le centre de référence. Si la grossesse se poursuit, le traitement de l’HTAP devra être adapté. Il est recommandé d’arrêter les ARE, le riociguat et le sélexipag en raison de leur tératogénicité potentielle. Par ailleurs, malgré des preuves limitées, les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (iPDE-5) et les analogues de la prostacycline sont considérés comme sûrs pendant la grossesse.   Traitement médical de l’HTAP • Inhibiteur calcique Les patients atteints d’HTAP idiopathique, héréditaire et médicamenteuse, qui répondent favorablement au test de vasoréactivité aiguë au NO (moins de 10 % des patients) peuvent répondre favorablement au traitement par inhibiteur calcique. Les inhibiteurs calciques qui ont été principalement utilisés dans l’HTAP sont la nifédipine, le diltiazem et l’amlodipine. L’efficacité de l’inhibiteur calcique doit être vérifiée par cathétérisme cardiaque droit avec renouvellement du test de vasoréactivité aigu pour adapter les doses. La posologie d’inhibiteur calcique utilisée dans cette indication précise peut être supérieure à la posologie utilisée dans l’hypertension artérielle. Les patients avec une réponse satisfaisante à long terme présentent un WHOFC I/II et une amélioration hémodynamique marquée (PAPm < 30 mmHg et PVR < 4 UW) sous traitement. En l’absence d’une réponse satisfaisante, un traitement supplémentaire spécifique de l’HTAP doit être institué. • Antagonistes des recepteurs de l’endotheline (ARE) L’endothéline est un peptide produit par les cellules endothéliales et par d’autres tissus, qui représente le facteur vasoconstricteur endogène le plus puissant connu à ce jour. Différents médicaments font partie de cette famille thérapeutique comme le bosentan, l’ambrisentan et le macitentan. La principale toxicité est d’ordre hépatique avec une cytolyse, réversible à l’arrêt du traitement ou après réduction de la posologie, nécessitant une surveillance mensuelle des transaminases. Les ARE sont contre-indiqués en cas de taux initial de transaminases à plus de trois fois la normale. Attention aux interactions médicamenteuses avec le bosentan (contraceptifs hormonaux, warfarine…), beaucoup moins fréquente avec l’ambrisentan. • Inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 (iPDE-5) L’inhibition de la PDE-5 est à l’origine d’une augmentation de la concentration intracellulaire de GMP cyclique, avec pour conséquence une relaxation du muscle lisse vasculaire pulmonaire et une inhibition de la prolifération des cellules musculaires lisses. Différents médicaments font partie de cette famille thérapeutique, le sildenafil en 3 prises par jour et le tadalafil en une prise par jour. • Stimulateur direct de la guanylate cyclase soluble (sGC) Alors que les iPDE-5 augmentent la voie NO-GMPc en ralentissant la dégradation du GMPc, les stimulateurs de la sGC augmentent la production de GMPc en stimulant directement l’enzyme, de manière indépendante de la présence ou de l’absence de NO. Un seul médicament : le riociguat. ⚠ Ne doit pas être associé avec les iPDE-5. • Analogues de la prostacycline et agonistes des récepteurs de la prostacycline La prostacycline est produite par les cellules endothéliales. Elle entraîne une relaxation des cellules musculaires lisses par le biais d’une augmentation de la concentration intracellulaire d’adénosine monophosphate cyclique (AMPc), et possède également un effet antiproliférant. • Époprosténol Ne peut être administré que par voie intraveineuse continue (demi-vie très courte 3-minutes), à l’aide d’une pompe connectée à un cathéter tunnellisé. Les effets secondaires sont fréquents : douleurs mandibulaires, céphalées, flushes, douleurs des membres inférieurs, nausées, vomissements et diarrhée. ⚠ Risque de thrombose ou d’infection du cathéter, ne doit jamais être arrêté brutalement en raison du risque de défaillance sévère du ventricule droit. • Tréprostinil, analogue stable de la prostacycline, administré par voie sous-cutanée continue. Les effets secondaires locaux sont fréquents (douleurs et réactions inflammatoires au point d’injection) et peuvent parfois conduire à l’arrêt du traitement. • Sélexipag, agoniste sélectif du récepteur de la prostacycline (IP), prodrogue administrée per os dont le métabolite actif stimule les récepteurs IP de la prostacycline.   Stratégie thérapeutique dans l’HTAP idiopathique, héréditaire, médicamenteuse (non vasoréactive) et associée à une connectivité (figure 1)   L’objectif du traitement de l’HTAP est d’obtenir et de maintenir les patients à un risque faible d’événement (selon l’évaluation du risque en 4 groupes).   Stratégie thérapeutique percutanée (atrioseptostomie au ballon) ou chirurgicale (anastomose de Potts) L’atrioseptostomie au ballon est la création d’un shunt interatrial, l’anastomose de Potts est une technique chirurgicale dont l’objectif est de faire une communication entre l’artère pulmonaire gauche et l’aorte thoracique descendante. Ces techniques visent à décharger le ventricule droit permettant une augmentation du débit sanguin systémique, améliorant ainsi le transport systémique de l’oxygène malgré une désaturation artérielle en oxygène secondaire au shunt (désaturation exclusivement aux organes intra-abdominaux et aux membres inférieurs dans l’anastomose de Potts). Comme ces procédures sont complexes et associées à un risque élevé de mortalité (particulièrement l’anastomose de Potts), elles sont rarement pratiquées chez les patients atteints d’HTAP et ne peuvent être envisagées que dans des centres expérimentés dans ces techniques.   Transplantation pulmonaire La transplantation pulmonaire reste une option thérapeutique importante pour les patients atteints d’HTAP réfractaire à un traitement médical optimisé. Chez les patients atteints d’HTAP, l’orientation vers un centre de transplantation pulmonaire doit être envisagée, lorsqu’ils présentent une réponse inadéquate au traitement malgré une polythérapie optimisée ; lorsqu’ils présentent un risque de décès intermédiaire élevé ou élevé, lorsque les patients présentent une variante de la maladie qui répond mal au traitement médical, comme la maladie veino-occlusive. Actuellement, la plupart des patients reçoivent une transplantation bi-pulmonaire, tandis que la transplantation combinée cœur-poumons est réservée aux patients qui présentent une atteinte cardiaque associée non corrigible (cardiopathie congénitale).   Hypertension pulmonaire thromboembolique chronique (HTP-TEC)   L’HTP-TEC est une cause fréquente et importante d’HTP, avec une stratégie thérapeutique bien distincte. L’algorithme de traitement de l’HTP-TEC comprend une approche multimodale combinant l’endartériectomie pulmonaire, l’angioplastie pulmonaire au ballon et le traitement médical pour cibler les différentes lésions anatomiques : proximale, distale et microvasculaire (figure 2).   Stratégie thérapeutique de l’HTP-TEC (figure 3)   Traitement anticoagulant Une anticoagulation à vie est recommandée pour les patients atteints de HTP-TEC, car les embolies pulmonaires récurrentes plus ou moins accompagnées d’une résolution incomplète des caillots sont les caractéristiques physiopathologiques clés de cette maladie. Les AVK sont recommandés par les experts et sont le plus souvent utilisés comme traitement de fond chez ces patients. Plus récemment, les AOD ont été utilisés comme alternatives aux AVK, mais sans preuves provenant d’essais cliniques randomisés. Endartériectomie pulmonaire L’endartériectomie pulmonaire chirurgicale est une technique complexe avec une mortalité péri-opératoire relativement faible (< 2,5 %), quand elle est réalisée par des chirurgiens expérimentés dans ce domaine. C’est le traitement de choix en cas de lésion accessible permettant une diminution importante des RVP jusqu’à 65 %. Angioplastie pulmonaire au ballon L’angioplastie pulmonaire est devenue un traitement de référence pour les patients souffrant d’une HTP-TEC non opérable ou une HTP persistante/récurrente et symptomatique après une endartériectomie chirurgicale, améliorant l’hémodynamique (diminution des RVP de 49 à 66 %), la fonction cardiaque droite et la capacité d’exercice. Elle est le plus souvent réalisée après un traitement médical spécifique de l’HTAP permettant une préparation du lit microvasculaire avant les séances d’angioplastie.

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