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Cardio-Oncologie

Publié le 15 mar 2023Lecture 6 min

L’année 2022 en cardio-oncologie - Comment améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer exposés à une chimiothérapie cardiotoxique

Stéphane EDERHY pour le groupe de cardio-oncologie de la SFC, service de cardiologie, unité de cardio-oncologie et Groupe de recherche clinique en cardio-oncologie, hôpital Saint-Antoine

L’année écoulée aura été marquée par la publication au mois d’août 2022 des recommandations de cardio-oncologie de la Société européenne de cardiologie(1). Ce document de près 115 pages constitue le premier document de référence pour cette jeune spécialité.

Basé sur une méthodologie rigoureuse d’analyse critique de la littérature disponible, comparable à l’ensemble des recommandations de l’ESC, ce document propose pour la première fois des recommandations de niveaux I, II, III. Il fait suite à 3 consensus d’experts décrivant les méthodes de dépistage de la toxicité cardiaque(2), la place de l’imagerie(3), des biomarqueurs cardiaques(3), et la structuration et l’organisation des unités et services de cardio-oncologie(4). Cependant, seules 3 % de ces recommandations ont un niveau de preuve de rang A, 21 % de rang B et 76 % de rang C, traduisant la relative jeunesse de cette spécialité et l’absence d’études randomisées de large échelle. Ce document aborde à travers près de 50 tableaux, 100 figures et 840 références les différents temps (en amont, pendant et à distance de la chimiothérapie) de la prise en charge des patients atteints de cancer et exposés à une chimiothérapie potentiellement cardiotoxique. Il décrit en outre de manière exhaustive, mais concise les principales complications des différents projets thérapeutiques oncologiques (chimiothérapies, thérapies ciblées, hormonothérapies, immunothérapie et radiothérapie). Des algorithmes sont proposés pour accompagner et gérer les principaux syndromes cardiologiques rencontrés en pratique quotidienne, tels que la fibrillation atriale non valvulaire, l’hypertension artérielle, l’insuffisance cardiaque et l’allongement de l’intervalle QT, tenant compte des particularités à la fois diagnostiques et thérapeutiques propres à la population des patients atteints de cancer. Enfin, ce document décrit de manière synthétique la prise en charge de la population dite des survivants du cancer.   Comment évaluer les patients traités par anthracyclines et thérapies ciblées ?   Que retenir pour la pratique quotidienne et comment décliner ces recommandations dans la pratique de tous les jours, et ce, quel que soit le lieu d’exercice (ville, hôpital, clinique) ? L’exercice de la cardio-oncologie ne peut se résumer à une mesure de la FEVG en amont ou pendant l’administration d’une chimiothérapie potentiellement cardiotoxique contenant des anthracyclines, une thérapie ciblée ou leur combinaison. Ces recommandations proposent une organisation du suivi en amont, pendant et à distance de la chimiothérapie sur la base du score HFA-ICOS qui va en grande partie déterminer la nature du suivi (consultation de cardiologie habituelle versus consultation d’expertise de cardio-oncologie), le rythme de suivi clinique et paraclinique en précisant notamment un rythme pré défini d’exécution des examens d’imagerie, de dosage des biomarqueurs cardiaques et enfin le rythme de suivi à distance de l’administration du projet oncologique. Le score HFA-ICOS est une échelle d’évaluation du risque de cardiotoxicité d’un patient donné exposé à un projet oncologique contenant une chimiothérapie ou thérapie ciblée potentiellement cardiotoxique. Il doit être calculé pour tous les patients exposés à l’une des 6 classes thérapeutiques potentiellement cardiotoxiques (anthracyclines, anti-HER2, inhibiteurs du VEGF, inhibiteurs des tyrosines kinase, inhibiteurs du protéasome, inhibiteurs de BCR/ABL et anti-MEK/BRAF), mais ne concerne pas les patients traités par immunothérapie. Ces recommandations insistent sur la nécessité de structurer la prise en charge des patients atteints de cancer en consultation de cardio-oncologie au cours de laquelle seront relevés les antécédents, facteurs de risque cardiovasculaires, l’histoire et le projet oncologique. Ces éléments seront combinés aux données de l’examen clinique, de l’ECG, du dosage des biomarqueurs cardiaques et de l’échographie cardiaque pour évaluer le risque de toxicité cardiaque du projet oncologique. Il s’agit donc ici de migrer de la simple réalisation d’une ETT pour mesure de la FEVG à une véritable consultation de cardio-oncologique intégrant l’histoire cardiovasculaire du patient et le projet oncologique pour arriver à une proposition de suivi du patient en fonction du niveau de risque de cardiotoxicité et du score HFA-ICOS. Cette consultation d’expertise ne peut être réalisée et doit être proposée pour tous les patients classés à risque intermédiaire ou haut risque de toxicité selon le score de risque HFA ICOS. La figure 1 (évaluation préthérapeutique), le tableau 1 (score HFA-ICOS) et le tableau 2 décrivent la surveillance en amont, pendant et à distance d’une chimiothérapie contenant des anthracyclines. Ce travail en apparence fastidieux peut être simplifié par l’adoption d’une application accessible via le site de l’ESC (ESC pocket guidelines). La place de l’imagerie cardiaque est précisée dans ce document. L’échographie transthoracique (ETT) reste l’examen de première ligne (classe I,C) pour évaluer la fonction cardiaque (mesure de la FEVG en 3D [classe I,B]). Le strain longitudinal global (classe I,C) est recommandé pour dépister la toxicité cardiaque des chimiothérapies. L’IRM cardiaque peut être proposée en alternative à l’ETT lorsque celle-ci est non diagnostique ou non disponible (classe IIa,C). La mesure de la FEVG isotopique ne sera proposée qu’aux patients pour lesquels l’ETT ne serait pas diagnostique et l’IRM cardiaque non disponible (classe IIb,C).   Comment évaluer les patients traités par immunothérapies ?   L’administration d’une immunothérapie est associée à une majoration du risque de toxicité cardiaque via une augmentation du risque de myocardites, d’infarctus du myocardique et/ou de troubles de la conduction ou troubles du rythme ventriculaire. Le risque de myocardite, bien que faible, estimée à moins de 1 %, reste cependant associé en l’absence d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adaptée à une mortalité comprise entre 30 et 50 %. Les enjeux diagnostiques et de prise en charge sont donc majeurs et en partie abordés dans ces recommandations. Depuis la première description en 2016 de cette entité, seuls les critères diagnostiques proposés par un groupe d’experts internationaux étaient disponibles (critères de Bonaca). Les recommandations ESC 2022 proposent d’adopter une stratégie diagnostique basée sur la réalisation d’une biopsie endomyocardique ou sur le dosage de la troponine combiné à 1 critère majeur (IRM cardiaque formelle du diagnostic interprété selon les critères de Lake Louise) ou une élévation de la troponine associée à 2 critères mineurs (symptomatologie clinique, ou trouble du rythme ventriculaire, ou dégradation de la FEVG, ou événement immuno-médié notamment musculaire, ou IRM cardiaque évocatrice). Ces recommandations précisent et c’est là aussi une avancée, les conditions de prise en charge des patients admis pour une suspicion de myocardite secondaire à l’administration d’une immunothérapie. Les patients présentant une suspicion de myocardite doivent être admis en secteur télémétré pour y être explorés rapidement( classe I),l’immunothérapie doit être interrompue (classe I). L’évaluation initiale comportera la réalisation d’un ECG, d’une échographie cardiaque, d’un statut coronaire par voie invasive ou non invasive et une IRM cardiaque (classe I,B). Si le diagnostic ne peut être affirmé ou infirmé avec certitude au terme de cette première évaluation une biopsie endomyocardique pourra être réalisée (classe II,A). Ces recommandations encouragent l’administration de corticoïdes à forte dose par voie intraveineuse chez les patients admis pour une myocardite confirmée (classe I,C). En cas d’échec du traitement par corticostéroïdes de première ligne, un traitement par un immunosuppresseur en association aux corticostéroïdes devra être discuté(MMF, immunoglobuline IV, échange plasmatique, tocilizumab, abatacept, alemtuzumab, ou tofacinib). Près de neuf mois se sont écoulés depuis la parution de ces recommandations et la publication de certaines études vient déjà nuancer les messages issus de ces recommandations. Ainsi les recommandations proposent chez les patients à haut risque selon le score HFA-ICOS exposés aux anthracyclines de les traiter par statine pour moduler le risque de dysfonction systolique du VG (classe IIa). Hundley, dans la première étude randomisée portant sur cette stratégie, a montré que l’administration d’une statine versus placebo ne permettait pas de moduler le risque de dysfonction systolique VG dans la population exposée aux anthracyclines. En revanche, Neilan dans une étude présentée à l'ACC 2023, montre que les statines peuvent réduire l'incidence des altérations de la FEVG sans moduler cependant le risque d'insuffisance cardiaque. Dans le domaine de la prévention secondaire de la toxicité cardiaque des anthracyclines, les recommandations proposent de mesurer la troponine et de traiter les patients IEC et/ou bêta-bloquants en cas d’élévation de la troponine au décours de l’administration d’un projet contenant des anthracyclines (classe IIa). Une étude communiquée à l’ESC 2022 par Henriksen, non encore publiée, mais dont le rationnel est disponible ne montre pas de bénéfice de cette stratégie de cardioprotection.

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