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Valvulopathies

Publié le 01 jan 2020Lecture 7 min

Rétrécissement aortique sévère asymptomatique

Claire CIMADEVILLA, service de chirurgie cardiaque du Pr Nataf, Hôpital Bichat-Claude-Bernard, Hôpitaux Universitaires Paris Nord Val-de-Seine, Paris

Le rétrécissement aortique calcifié (RAC) est la valvulopathie la plus fréquente dans les pays occidentaux. Sa prévalence augmente avec l’âge, elle représente 2 à 7 % de la population après 65 ans(13). Selon l’INSEE, le pourcentage de la population ayant plus de 75 ans est passé de 3,8 % en 1950 à 8,8 % en 2010. D’après leurs prévisions 16,3 % de la population aura plus de 75 ans en 2050, la prévalence du RAC ne devrait donc cesser d’augmenter dans les prochaines années(4).

L'évolution du RAC est insidieuse, longtemps asymptomatique. Sur le plan hémodynamique, on observe en moyenne une diminution de surface fonction - nelle de 0,1 cm²/an, une augmentation de la vitesse maximale du flux aortique de 0,3 m/s/an et du gradient moyen de 7 mmHg/an. Toutefois, cette évolution est très variable d’un patient à l’autre(5). L’échocardiographie est la méthode de référence dans le diagnostic de RAC et l’évaluation de sa sévérité. Le rétrécissement aortique est défini par une diminution de l’orifice valvulaire aortique, évaluée par la vitesse maximale du flux aortique (Vmax), le gradient moyen ventricule gauche-aorte, et la surface valvulaire aortique calculée selon l’équation de continuité. On parle de RAC pour une Vmax supérieure à 2,5 m/s, et de RAC serré pour un gradient moyen supérieur à 40 mmHg, une Vmax supérieure à 4 m/s, une surface valvulaire par équation de continuité inférieure à 1 cm² ou 0,6 cm²/m² de surface corporelle, ou un ratio des vitesses inférieur à 0,25(6). Évaluation des symptômes : pourquoi est-ce important ? Lorsque le rétrécissement aortique devient serré, alors le pronostic du patient est déterminé par la présence ou non de symptômes liés à la maladie. Les études princeps, toutefois basées sur des patients présentant des RAC dégénératifs et rhumatismaux, ont montré que la survie moyenne était de 5 ans en cas d’angor, 3 ans en cas de syncope, et 2 ans en cas d’insuffisance cardiaque(7). Il n’existe pas de traitement médical permettant d’empêcher ou de ralentir l’évolution de la maladie, encore moins de faire régresser la sténose aortique. Le seul traitement curatif est le remplacement valvulaire aortique qu’il soit chirurgical ou percutané selon le terrain du patient et la décision de la Heart Team. De l’évaluation des symptômes découle l’évaluation de la balance bénéfices/risques pour le patient. D’un côté, le risque de mort subite, dysfonction ventriculaire gauche, altération myocardique irréversible secondaire au rétrécissement aortique serré, de l’autre le risque lié à l’intervention (décès, accident vasculaire cérébral, pacemaker, entre autres) puis à moyen/long terme les complications de prothèses valvulaires cardiaques (dégénérescence, thrombose, infection…)(8,9). Ainsi, selon les recommandations européennes, dès l’apparition de symptômes l’indication de remplacement valvulaire aortique est de classe IA(10). Évaluation des symptômes : une question difficile L’évaluation des symptômes est un sujet complexe pour le clinicien avec une grande variabilité interindividuelle. Certains patients sont sédentaires ou présentent des comorbidités limitant la pratique d’activité physique telles que le surpoids ou les maladies d’ordre rhumatologiques. Chez ces patients la présence d’une gêne fonctionnelle peut se révéler à un stade déjà tardif. La notion de symptôme est subjective avec un ressenti différent d’un patient à l’autre, certains peuvent adapter leur activité quotidienne à leur capacité fonctionnelle, ce d’autant plus que l’apparition de symptômes est souvent progressive et insidieuse. Si au terme d’un interrogatoire minutieux le patient se déclare asymptomatique, alors doit être envisagée la réalisation d’un test d’effort. Le test d’effort et la sténose aortique En cas de sténose aortique serrée pour laquelle le patient se déclare asymptomatique, s’il est capable de réaliser un test d’effort alors celui-ci est indispensable pour orienter la prise en charge. On privilégie le test d’effort plus que le test pharmacologique, parce qu’il est plus physiologique d’une part, mais surtout parce qu’il y a plus de données dans la littérature démontrant son innocuité et son intérêt. Il ne faut pas oublier qu’en cas de sténose aortique serrée symptomatique le test d’effort est contre-indiqué, et qu’il y a alors indication chirurgicale formelle. Pendant l’effort devront être monitorés les symptômes, la fréquence cardiaque, la pression artérielle et l’électrocardiogramme. L’effort est arrêté en cas d’apparition de symptômes, de chute tensionnelle de plus de 20 mmHg, ou lorsqu’on atteint 80 à 85 % de la fréquence maximale théorique rapportée à l’âge. Le test d’effort réalisé chez des patients ayant un RAC serré asymptomatique est sûr : dans une métaanalyse regroupant 7 études, 491 patients avec une sténose aortique serrée asymptomatique ont bénéficié d’un test d’effort, aucune complication n’a été reportée(11). Cet examen permet de révéler des symptômes chez près d’un patient sur deux(12), avec un impact pronostic pour ces patients. Dans une des études princeps réalisées par Das et son équipe en 2005, parmi 125 patients asymptomatiques avec une sténose aortique au moins modérée, le test d’effort démasquait des symptômes chez 37 % des patients, dont 29 % devenaient symptomatiques dans l’année(13). Si on reprend la métaanalyse du JACC de 2009 citée précédemment, un test d’effort pathologique était prédicteur d’événement cardiaque défini par l’apparition d’angor, dyspnée, insuffisance cardiaque, mort subite ou symptômes nécessitant un remplacement valvulaire aortique(11). Les critères de positivité étudiés ici étaient l’apparition de symptômes, une chute de pression artérielle ou l’absence de montée tensionnelle, une tolérance à l’effort inférieure à 80 % de la théorique et un sous-décalage du segment ST de plus de 2 mm. Ainsi il est recommandé de réaliser un test d’effort chez les patients ayant un RAC serré asymptomatique. En cas d’apparition de symptômes, il s’agit d’une indication de remplacement valvulaire aortique de classe I, en cas de chute tensionnelle à l’effort, de classe IIa(10). Les patients concernés sont les patients à faible risque opératoire, éligibles à une chirurgie conventionnelle, pour lesquels la balance bénéfice/risque est en faveur d’une chirurgie. Malgré les recommandations européennes, on a constaté en 2003 que seulement 5,7 % des patients ayant un RAC serré asymptomatique bénéficiaient d’un test d’effort. On n’a pas observé d’amélioration des pratiques dans le temps puisqu’en 2017, seulement 6,1 % des patients en bénéficient(1). Le « problème » des sujets âgés L’évaluation des symptômes chez les sujets âgés, population majoritairement atteinte de RAC, est souvent limitée par une mobilité altérée. Il est impossible pour eux de pratiquer un test d’effort dans 29 % des cas. De plus, dans cette sous-population de patients, malgré un suivi bisannuel, l’apparition de symptômes se fait d’emblée en classe III-IV de la NYHA ou CCS dans 1/3 des cas, avec un pronostic plus sombre, même en cas d’intervention(14). Un suivi rapproché est nécessaire. Ainsi, parmi les patients ayant un rétrécissement aortique serré asymptomatique ayant pu ou non faire un test d’effort, un suivi rapproché est indispensable, au minimum tous les 6 mois, voire tous les 3 mois, pour les plus sévères d’entre eux avec un interrogatoire policier. Ils doivent également être informés sur les signes d’alerte devant amener à consulter. Le test d’effort, lui, peut être renouvelé de façon annuelle. Les autres éléments pronostiques pouvant être pris en compte Chez un patient ayant un rétrécissement aortique serré asymptomatique, l’incidence de mort subite est inférieure à 1 % par an(15), mais comme nous l’avons vu précédemment la survenue de symptômes peut être très rapide, et leur identification difficile, aussi d’autres éléments pronostiques ont été identifiés pour en guider la prise en charge. L’échocardiographie est non seulement un examen essentiel à la quantification de la sténose aortique, mais également pour la stratification du risque du patient. On observe 80 % d’événements à un an chez les patients ayant un RAC serré asymptomatique à l’échocardiographie des calcifications valvulaires sévères associées à une évolutivité rapide des gradients. Ces éléments sont un prédicteur indépendant d’événement avec 80 % d’événements à 2 ans(16). Ainsi, pour des patients à faible risque opératoire, il est recommandé d’envisager un remplacement valvulaire aortique en cas de rétrécissement aortique serré asymptomatique avec évolutivité (définie par une augmentation de la vitesse maximale transvalvulaire aortique en Doppler continu > 0,3 m/s/an et des calcifications valvulaires sévères ou une vitesse maximale supérieure à 5,5 m/s). Ces recommandations ne sont pas valables pour les patients à risque opératoire intermédiaire ou élevé(10). Parmi les marqueurs biologiques, le NT-proBNP semble être intéressant. Plusieurs études rapportent qu’il est un prédicteur indépendant de survenue d’événement et de mortalité chez les patients ayant un rétrécissement aortique serré asymptomatique(17,18). Néanmoins les dosages de BNP sont à interpréter avec prudence chez ces patients souvent âgés avec comorbidités telles que la FA, une cardiopathie ischémique ou de l’insuffisance rénale(19). Ainsi, dans les recommandations, l’élévation du BNP est à prendre en compte dans l’indication opératoire si très élevée (trois fois la normale selon l’âge et le sexe) sans autre facteur confondant et faible risque opératoire, en vue d’une chirurgie conventionnelle(10). En pratique Le rétrécissement aortique est une pathologie fréquente dont l’incidence augmente avec l’âge qui nécessite une évaluation échocardiographique de première intention. En cas de rétrécissement aortique serré, la présence de symptômes est un élément pronostic majeur qui doit faire envisager une intervention chirurgicale. L’évaluation des symptômes doit se faire par un interrogatoire policier. Si le patient se déclare asymptomatique, une évaluation à l’effort doit être envisagée afin de démasquer des symptômes ou des éléments de mauvaise tolérance à l’effort. En cas d’impossibilité de réaliser une épreuve d’effort ou d’épreuve d’effort normale, d’autres éléments peuvent aider à stratifier le risque du patient en échocardiographie ou via le NT-proBNP, néanmoins ils doivent être interprétés avec prudence et mis en balance avec le risque opératoire du patient. Enfin, les patients ayant une sténose aortique serrée asymptomatique doivent être suivis de façon régulière et rapprochée, au minimum bisannuelle, voire trimestrielle, afin de dépister précocement l’apparition de symptômes.

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