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Cœur et médecine interne

Publié le 02 mar 2018Lecture 6 min

Devant un angor stable, faut-il toujours faire un test d’ischémie ?

Romain BOULESTREAU, Simon VITTE, Jean-François RIVIÈRE, Nicolas DELARCHE, Centre hospitalier François Mitterrand, Pau

Lundi matin, 1er patient de consultation, 51 ans, fumeur actif : « Bonjour Docteur, voilà : j’ai des douleurs à la poitrine depuis 4 mois, quand je monte les escaliers ou que je marche un peu vite ; mon médecin pense qu’il faut faire un examen des artères du cœur, qu’en pensez-vous ?
– Oui, probablement ! ».
Plutôt qu’analyser la probabilité pré-test, ou réaliser des tests d’ischémie, évaluer la stratification du risque : que d’étapes pour arriver finalement à la coronarographie, d’autant plus que je dispose de la FFR ; il est bien souvent tentant de brûler les étapes !

En ce premier quart du XXIe siècle, quel patient angineux n’a pas eu son exploration coronarographique ? L’étude américaine de Lin parue en 2008 montre que 45 % des patients angineux bénéficiant d’une revascularisation par angioplastie n’ont pas eu de tests d’ischémie dans les 3 mois qui précèdent l’acte(1). Être angineux ne conduit-il pas inévitablement à une coronarographie puis à une revascularisation le plus souvent par angioplastie, à bon escient ou non ? C’est la réalité du terrain mais cette dernière correspond-elle aux bonnes pratiques et recommandations et surtout amène-t-elle un bénéfice pour nos patients ? Le patient angineux stable décrit un angor plus ou moins typique depuis au moins 4 semaines, sans aggravation des crises ni en fréquence ni en intensité ; parfois, il peut être devenu asymptomatique suite à un traitement mis en place. Lui proposer une coronarographie d’emblée est tentant. On pourrait ainsi connaître son réseau coronaire et lui proposer une revascularisation, soit à visée symptomatique soit pronostique. Hormis le patient angineux stade 3 ou 4 de la CCS, l’intérêt de la revascularisation par angioplastie sur l’amélioration des symptômes peut être discutée après les résultats d’ORBITA(2) en attendant ceux d’ISCHEMIA. L’influence pronostique de la revascularisation (chirurgie ou angioplastie) est mieux appréhendée, tout particulièrement chez le patient ayant une sténose du tronc coronaire gauche ou bien ayant une atteinte tritronculaire dont une lésion de l’interventriculaire antérieure proximale. Dans tous les autres cas, occlusions coronaires chroniques comprises, l’apport d’une revascularisation sur le pronostic ultérieur du patient devra être discutée et prouvée. Le risque cardiovasculaire lié à la présence de l’athérome coronaire est proportionnel à son étendue et à son retentissement ischémique. L’étendue de cette ischémie est un marqueur essentiel du risque de mortalité cardiovasculaire et d’un infarctus(3). Le bénéfice de la revascularisation n’apparaît qu’au-delà d’une aire de 10 % d’ischémie, faisant alors mieux que le traitement médical optimisé(4-6), même avec 12 ans de recul pour COURAGE. Détecter l’ischémie et apprécier son importance doit donc être notre Graal ! Nous disposons pour cela de tests d’ischémie ou d’imagerie non invasifs à réaliser en amont de la coronarographie : l’outil idéal doit permettre de détecter le patient à bas risque cardiovasculaire, non susceptible de développer la maladie athéromateuse et de lui éviter un examen invasif ; mais aussi de dépister et d’évaluer le pronostic du patient à haut risque cardiovasculaire en évaluant l’étendue de l’ischémie coronaire présente. Deux approches se dégagent : l’évaluation du retentissement de la sténose coronaire sur la perfusion myocardique, d’une part, et la visualisation des anomalies de cinétique régionales secondaires à l’ischémie myocardique, d’autre part. Mais n’oublions pas que ces deux modalités d’étude n’interviennent malheureusement qu’à un stade déjà tardif de la maladie, en aval d’un développement avancé de l’athérome coronaire. On peut ainsi séparer des tests anatomiques (coroscanner et coronarographie) et des tests fonctionnels, qu’ils analysent le myocarde ou bien les artères coronaires (scintigraphie, échocardiographie et IRM de stress ou d’effort). Le dénominateur commun de ces explorations est la réserve coronaire, capacité dont disposent les artères coronaires à augmenter leur débit entre un état de repos et un état de stress ou d’effort, réserve inversement proportionnelle à la sévérité d’une sténose coronaire. Au-delà de 75 % de sévérité de rétrécissement, la vasodilatation en aval de la lésion est déjà maximale et ne peut augmenter, créant un déséquilibre entre les apports et les besoins en oxygène et donc une ischémie myocardique. Cette perte de réserve peut être mise en évidence par l’effort ou la dobutamine, en cherchant à atteindre la fréquence maximale théorique (220-âge ou un double produit Fc*PA > 25 000). On peut également utiliser l’administration de vasodilatateurs associée ou non à un exercice moindre. Les agents pharmacologiques utilisés sont l’adénosine intraveineuse, ou le dipyridamole. Le test d’effort sur bicyclette ou tapis roulant est le plus utilisé, répandu et le moins cher ; toutefois, il ne donne aucune indication quant à la topographie de l’ischémie myocardique ni à son étendue. La valeur pronostique de ces tests est bien démontrée ; ainsi, par exemple, la scintigraphie myocardique d’effort ou de stress pharmacologique retrouvant une large ischémie supérieure à 10 % du volume myocardique s’accompagne d’un taux de 7,4 % d’événements, décès-infarctus non fatal par an(7). Pour l’échocardiographie d’effort ou de stress, l’ischémie myocardique est dépistée via les troubles de la cinétique myocardique induits par le stress avec une significativité pronostique au-delà de 3 segments altérés, une ischémie marquée dans le territoire antérieur s’accompagnant d’un taux d’événements de plus de 10 % par an. L’IRM de stress sous vasodilatateur permet d’analyser la perfusion myocardique ainsi que la cinétique ventriculaire gauche ; non génératrice de radiations ionisantes, non limitée par la fenêtre acoustique, cette technique s’impose comme la référence, mais elle n’est malheureusement pas disponible partout. Enfin, parmi les examens anatomiques, le coroscanner a désormais trouvé sa place avec une valeur prédictive négative intéressante ; il reste toutefois limité dans son analyse par une fréquence cardiaque rapide, la présence de calcifications importantes et par l’émission de radiations ionisantes. La tomographie à émissions de positrons (PET-Scan) est également un examen très performant permettant d’analyser coronaires et perfusion myocardique actuellement non accessible en routine. Tous ces examens, hormis le test d’effort, ont en commun d’avoir une excellente valeur prédictive négative (tableau 1). Ces éléments précisés, nous pouvons nous arrêter sur la démarche diagnostique à suivre chez le patient coronarien stable, bien codifiée dans les recommandations européennes, quoique déjà anciennes(8). Après un examen clinique, un ECG, une échocardiographie de débrouillage, voire un premier bilan biologique, il est possible de discerner les patients dont les douleurs ont une autre origine et ceux dont les comorbidités sont telles qu’une revascularisation peut paraître aléatoire ou justifier une analyse plus précise de la balance bénéfice/risque. Chez les autres patients, la mise en évidence d’une altération de la fraction d’éjection du ventricule gauche en deçà de 50 % doit conduire à une exploration coronarographique d’emblée. Dans tous les autres cas, il est souhaitable d’avoir recours à l’évaluation de la probabilité pré-test (PTP) : probabilité pour un patient donné de développer une coronaropathie, dépendante de la prévalence de la maladie coronaire au sein de la population, fonction de l’âge et du sexe du patient ainsi que de la présentation clinique. Cette PTP peut être scindée en 3 parties, de 0 à 14 %, de 15 à 84 % puis au-delà de 85 %, déterminant ainsi la démarche diagnostique. En deçà de 15 % (figures 1 et 2), aucune exploration n’est requise, le risque de faux positif de l’examen étant majeur. Au-delà d’une PTP de 84 %, une stratification du risque (SCORE) est nécessaire pouvant justifier la réalisation d’une exploration coronarographique (± avec FFR) d’emblée. Dans la zone intermédiaire, il est différencié 2 plages de PTP, 15-64 % et 65-84 % ; dans la première, (15-64 %) un test d’effort peut être effectué, ou mieux si disponible une imagerie fonctionnelle de stress-effort (I) ; la réalisation d’un coroscanner est également possible (IIa) chez les patients à probabilité intermédiaire faible, (< 50 %) ; dans la seconde, (65-84 %) une imagerie fonctionnelle de stress ou d’effort est requise (I) (tableau 2). Figure 1. Figure 2. Probabilité pré-tests. En pratique Chez un patient coronarien stable, il est essentiel de déterminer la PTP clinique : comprise entre 15 et 85 %, elle permet d’adapter la démarche diagnostique en privilégiant l’utilisation de tests d’ischémie non invasifs fonctionnels ou anatomiques en amont de l’examen coronarographique. Cela permet de confirmer le diagnostic en évitant au patient un examen coronarographique parfois inutile et de préciser, en amont, les territoires ischémiés, renseignements particulièrement instructifs en cas de sténoses multiples. En complément du traitement des symptômes angineux, la revascularisation peut alors se discuter si l’étendue de l’ischémie est suffisamment importante.

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