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Diabéto-Cardio

Publié le 23 jan 2018Lecture 15 min

Le tissu adipeux épicardique : une écharde au cœur

Bénédicte GABORIT, NORT (Nutrition Obesity and Risk of Thrombosis), Aix-Marseille Université, Inserm, INRA, Marseille ; Endocrinology Metabolic Diseases, and Nutrition Department, Pôle ENDO, AP-HM, Aix-Marseille Université

À la suite des travaux novateurs de Jean Vague sur l’obésité androïde, il est désormais reconnu que la répartition anatomique de l’excès de graisse joue un rôle déterminant dans la survenue de complications métaboliques. Il a notamment été montré que l’accumulation de tissu adipeux abdominal viscéral (TAV) est corrélée au risque de complications métaboliques et cardiovasculaires, et qu’elle contribue au développement du syndrome inflammatoire de bas grade associé à la dysfonction vasculaire(1). Le tissu adipeux épicardique (TAE) est un tissu adipeux viscéral qui fait partie des graisses ectopiques. Son rôle émergent dans les pathologies cardiovasculaires a fait renaître un intérêt croissant pour cette graisse, longtemps considérée comme un simple matelas adipeux pour le cœur(2).

Le tissu adipeux épicardique : définition et localisation anatomique   L’accumulation de graisse dans des sites non classiques a été identifiée par Desprès et coll. sous le terme de « graisse ectopique »(3). Son hypothèse est que l’anomalie initiale responsable du développement de la graisse ectopique est un dysfonctionnement du tissu adipeux sous-cutané (TASC) qui ne jouerait plus son rôle protecteur d’épurateur métabolique, soit parce qu’il est dans l’impossibilité de se développer (lipodystrophie), soit parce qu’il est devenu hypertrophique, dysfonctionnel ou insulinorésistant. Le dysfonctionnement du tissu adipeux sous-cutané, associé au développement du tissu adipeux viscéral (TAV) sécrétant des facteurs pro-inflammatoires favoriserait l’ectopie. De façon plus récente, la théorie de « l’expansibilité du tissu adipeux », est venue renforcer cette hypothèse, à savoir que l’incapacité du TASC à stocker le surplus d’acides gras est responsable de la redirection de ces acides gras libres vers les sites périphériques et les différents organes, dont le cœur(4). La survenue de complications métaboliques liées à l’obésité serait associée à ce défaut d’expansion et proviendrait alors de l’incapacité de l’individu à devenir « encore plus obèse ». La graisse ectopique comprend à la fois le développement de tissu adipeux particulier, comme le tissu adipeux épicardique (TAE) ou périvasculaire, et l’accumulation de triglycérides dans les cellules non adipeuses qui conduit aux tableaux cliniques de stéatose : stéatose hépatique, musculaire, cardiaque ou pancréatique (figure 1). Cette accumulation excessive de triglycérides est responsable de phénomènes lipotoxiques d’importance variable selon le type cellulaire : dysfonction mitochondriale, stress du réticulum endoplasmique, inflammation, accumulation de dérivés lipidiques toxiques (céramides, diacylglycérol), qui peuvent conduire à l’apoptose cellulaire. Figure 1. Les différents tissus adipeux et graisses ectopiques chez l’homme et la souris. Anatomiquement, le TAE est situé entre le feuillet viscéral interne du péricarde et le myocarde(2). Son action est supposée principalement locale sur le myocarde et les vaisseaux coronaires, contrairement à la graisse viscérale, ou intrahépatique dont l’action est principalement systémique via le système porte (figure 2). Il existe une relation anatomique et fonctionnelle très importante entre le TAE et le myocarde. Ces deux composants du cœur ont la même vascularisation et sont en contact direct, non délimités par un fascia. Le développement du TAE est cependant variable selon l’espèce. On retrouve une quantité importante de TAE chez le cobaye, le lapin, les grands mammifères et l’homme. En revanche, il est peu développé chez les petits rongeurs, comme la souris ou le rat, qui sont les plus utilisés dans les laboratoires de recherche (figure 1). C’est pourquoi l’importance physiologique de ce tissu adipeux a longtemps été remise en cause. Le TAE du cœur adulte représente en moyenne 20 % du poids de ce dernier sur les séries autopsiques. Il est localisé préférentiellement sur les sillons atrioventriculaire, interventriculaire, sur le bord libre du ventricule droit, et autour des principaux vaisseaux coronaires. Ainsi, les artères coronaires principales cheminent à la surface du myocarde, au contact direct du TAE. Figure 2. Séparation des graisses ectopiques en fonction de leurs possibles effets locaux ou systémiques. Caractéristiques fonctionnelles du tissu adipeux épicardique   À ce jour, il existe peu de données sur le rôle physiologique de ce tissu chez l’homme, les quelques études déjà anciennes réalisées n’ont pas forcément été validées in vivo, mais permettent de faire quelques suppositions sur les propriétés fonctionnelles de ce tissu adipeux ectopique. Une des premières propriétés attribuées à ce tissu est une fonction mécanique protectrice puisqu’il abrite les principales artères coronaires et les nerfs du système nerveux autonome cardiaque. Depuis longtemps, les physiologistes émettent l’hypothèse qu’il protège les artères de l’onde de pouls et des mouvements de torsion lors des contractions du muscle cardiaque. Des études plus récentes ont également montré qu’il avait un effet permissif sur le remodelage artériel excentrique lors des phénomènes d’athérogenèse(5). Il aurait également un rôle neurotrophique vis-à-vis des plexus ganglionnaires, car il exprime des gènes codant pour des facteurs essentiels au développement et à la survie des neurones sensoriels comme le nerve growth factor- β (NGF- β). Comparativement aux autres tissus adipeux, le TAE contient des adipocytes plus petits et plus nombreux par gramme de tissu(6). Il a une activité métabolique intense. Les acides gras libres représentent la source d’énergie principale du myocarde. Il a été montré que le TAE avait une activité lipogénique et lipolytique augmentée. Le TAE serait donc une véritable source d’acide gras pouvant répondre à l’importante demande énergétique du muscle cardiaque, particulièrement en condition d’ischémie. Dans des conditions physiologiques, le TAE pourrait représenter un système tampon absorbant les taux d’acides gras toxiques circulant entre le myocarde et le lit vasculaire. Le TAE exprime notamment des gènes codant pour des transporteurs d’acides gras spécialisés dans le trafic de lipides intracellulaires comme FABP-4 (fatty-acid-bindingprotein-4). Un des rôles du TAE serait ainsi de maintenir l’homéostasie des acides gras dans la microcirculation coronaire. Le TAE partage par ailleurs des caractéristiques histologiques et moléculaires avec le tissu adipeux brun. Il exprime UCP-1 (uncoupling protein-1) et aurait des caractéristiques du tissu adipeux beige ou brite, car il surexprime des marqueurs spécifiques comme CD137 (tableau)(7). Les adipocytes beige ou brite sont des adipocytes multiloculaires présents dans les îlots de tissu adipeux blanc qui seraient capables d’être recrutés et de produire UCP-1 sous l’action du froid, ou de certains facteurs comme l’irisine, les peptides natriurétiques cardiaques, ou le fibroblast growth factor-21 (FGF-21). Ces facteurs ont-ils une action directe sur la « beigisation » du TAE, ou stimulent-ils son potentiel thermogénique ? Cette question reste à élucider. Une étude récente suggère que les dérivés réactifs de l’oxygène (ROS) produits par le TAE de patients coronariens seraient capables d’induire une transdifférenciation du tissu adipeux beige vers blanc. Une autre étude chez l’homme a montré que l’augmentation du browning du TAE était associée à une moindre progression de l’athérosclérose. L’ensemble de ces données suggère un effet bénéfique du beiging du TAE sur la progression de la coronaropathie, mais des études complémentaires sont nécessaires afin de valider ces résultats. Le TAE pourrait aussi simplement protéger le myocarde et le sang circulant coronaire afin de prévenir la mort par choc hypothermique. Wt1 : Wilm’s tumor gene 1 ; UCP-1 : uncoupling protein 1. Un autre rôle important du TAE et désormais reconnu est celui d’être une importante source de molécules bioactives qui peuvent profondément modifier le métabolisme énergétique, aussi bien que les réponses vasculaires, immunologiques et inflammatoires. Le TAE présente une signature transcriptomique avec une surexpression des gènes codant pour le remodelage de la matrice extracellulaire, l’inflammation, les voies de l’immunité, de la coagulation et de la thrombose. Mazurek et coll. ont montré que le TAE de patients coronariens était plus riche en macrophages, et qu’il surexprimait et sécrétait des cytokines pro-inflammatoires tels que MCP-1, IL-1 β, IL-6, TNF α, comparativement au TASC. Par une approche combinant micro-array et prédiction informatique des protéines sécrétées, nous avons montré que le TAE surexprime une importante série de facteurs pro-inflammatoires et pro-athérogènes et particulièrement la phospholipase sPLA2-IIA(8). Cette phospholipase, présente dans les lésions d’athérosclérose, est connue pour son rôle crucial dans des cascades enzymatiques pro-inflammatoires, et c’est un facteur indépendant de risque cardiovasculaire. Du fait de l’absence de barrière anatomique, une hypothèse émise est que les facteurs sécrétés par le TAE (cytokines, adipokines, fibrokines, facteurs de croissance, acides gras libres, ROS) pourraient diffuser de façon paracrine ou vasocrine à travers la paroi vasculaire et participer à l’initiation de processus inflammatoires et athérogéniques. Le TAE sécrète aussi des cytokines protectrices comme l’adiponectine, l’adrénomédulline ou l’omentine qui pourraient contrebalancer ces effets possiblement délétères sur le cœur. C’est donc un véritable dialogue paracrine qui semble exister entre le TAE et les structures adjacentes cardiaques à savoir le myocarde et les artères coronaires. Enfin, le TAE, source de cellules immunes, pourrait avoir un rôle de défense immunitaire du myocarde contre les agents pathogènes et les médiateurs de l’inflammation.   Origine du tissu adipeux épicardique   L’origine du tissu adipeux blanc est un sujet qui a passionné les équipes de recherche ces dernières années et qui a permis de faire la découverte récente que le TAE aurait probablement une origine épicardique. Ce sont des études de lignage cellulaire qui ont permis de suivre la différenciation de cellules progénitrices chez la souris. Deux équipes ont notamment montré que les adipocytes du TAE provenaient de précurseurs adipogéniques issus du mésothélium qui ont, à une période tardive du développement, exprimé le gène Wt1 (Wilms’ tumor gene 1)(tableau)(9,10). Ce qui est très intéressant, c’est que ce programme embryologique d’epicardiumtofat-transition (ETFT) pourrait être réactivé en cas d’ischémie myocardique ou de lésion tissulaire sévère, par un mécanisme dépendant du récepteur de l’IGF1(11). Ceci permettrait de faire le parallèle avec l’observation des anatomopathologistes qui décrivent souvent une transformation graisseuse du myocarde sur les cicatrices d’infarctus. Par ailleurs, ces découvertes ouvrent d’étonnantes perspectives en thérapie cellulaire et en médecine régénérative, car les cellules souches issues de l’épicarde sont celles qui ont le potentiel cardiomyogénique le plus élevé, comparativement aux cellules issues du péricarde ou du TAV. De nouvelles études sont toutefois nécessaires afin d’élucider les mécanismes de cette ETFT dans des conditions physiopathologiques, et sa transposition chez l’homme.   Quantification du tissu adipeux épicardique   Les premiers résultats de quantification du TAE reposent sur des études nécropsiques, qui ont montré que l’âge est un facteur particulièrement important dans le développement de ce tissu ectopique, et qu’à un âge avancé, le TAE peut recouvrir toute la surface du cœur(12). Le développement de nouvelles techniques d’imagerie ont permis de rendre possible la mesure du TAE in vivo chez l’homme avec des méthodes de plus en plus précises. Cependant, il est important d’étudier dans chaque publication la nomenclature car il existe souvent des confusions ou ambiguïtés : le tissu adipeux péricardique est souvent utilisé pour désigner le TAE, alors qu’il représente la somme du TAE et de la graisse paracardiaque (située à l’extérieur du péricarde pariétal, encore appelé extrapéricardique). Or, le TAE et le tissu paracardiaque ont une vascularisation et une origine embryologique différentes. L’IRM est alors l’examen le plus sensible pour permettre de différencier les deux tissus. Les travaux de Iacobellis ont été les premiers à valider la mesure de l’épaisseur du TAE au niveau de la paroi libre du ventricule droit, et à la corréler à la masse myocardique et à la fonction diastolique(13). Cette technique présente toutefois de nombreuses limites liées au caractère uniquement bidimensionnel et opérateur-dépendant de la mesure. De plus, les patients présentant une obésité sévère sont souvent anéchogènes. Le scanner multibarrettes sans injection est une méthode non invasive qui permet de mesurer la surface de TAE sur les coupes axiales avec une bonne résolution spatiale, en utilisant la fenêtre densitométrique spécifique du tissu adipeux, -190 à -30 unités Hounsfield. L’avantage de cette technique est que l’on peut mesurer le TAE a posteriori sur des coroscanners ou des scores calciques réalisés pour d’autres indications. Ce sont donc les grandes études cliniques comme la Framingham Heart Study ou la Multi-Ethnic Study of Atherosclerosis (MESA) qui ont permis de montrer que le tissu adipeux péricardique est associé à tous les marqueurs d’adiposité viscérale, aux facteurs de risque cardiovasculaire et à la fonction ventriculaire gauche(14,15). L’IRM est enfin la technique de référence pour mesurer les différents tissus adipeux. Elle offre une excellente résolution spatiale et une complète innocuité. C’est de plus la seule technique qui a été validée ex vivo sur des modèles animaux (mouton)(16). Elle permet de distinguer facilement sur des coupes cinéma petit-axe ou quatre chambres le TAE de la graisse paracardiaque. Elle a un caractère multiparamétrique (structure, fonction ventriculaire gauche, flux mitral) et elle peut être couplée à d’autres techniques comme le marquage de spins artériels pour la mesure de la perfusion, ou la spectroscopie proton (1H-MRS) pour la mesure des triglycérides intramyocardique. Ses inconvénients sont le caractère claustrophobique de l’aimant, la durée de l’examen (souvent supérieure à 45 minutes) et le diamètre du cylindre pour l’exploration des personnes obèses.   Rôle du tissu adipeux épicardique dans les pathologies cardiovasculaires   Tissu adipeux épicardique et coronaropathie Ces cinq dernières années, de nombreuses équipes de recherche ont montré qu’il existe un lien fort entre TAE et coronaropathie. Les résultats des études expérimentales montrent clairement que la coronaropathie est une maladie périvasculaire. Une des premières données indirectes sur le rôle possiblement athérogène du TAE a été faite par les physiologistes sur des modèles animaux. Ces derniers ont pu observer que les artères coronaires qui ont un trajet intramyocardique (communément appelé bridge myocardique) et qui sont donc dépourvues de TAE, ne présentent pas de lésion athéromateuse(17). Notre équipe de recherche a ensuite confirmé sur des nécropsies humaines que les patients décédés de cause coronarienne présentaient plus de TAE que les patients décédés de mort violente. Depuis, ces résultats ont été confirmés dans de nombreuses études cliniques. L’étude Heinz Nixdorf Recall en particulier a suivi de manière prospective plus de 4 000 sujets non coronariens à haut risque cardiovasculaire et a montré que le volume de TAE prédisait le risque de survenue d’un événement coronarien (fatal ou non) à 8 ans, indépendamment des facteurs de risque cardiovasculaire classiques et du CAC (coronary artery calcification) score(18). D’autres études ont ensuite rapporté une association entre le TAE et le risque de rupture de plaque, l’infarctus du myocarde, l’angor instable, le flux de réserve coronaire, et la resténose de stent. Selon la sévérité de l’atteinte coronaire, ce lien est retrouvé inconstant dans certaines études, surtout chez les patients avec une atteinte déjà prononcée. Les résultats des études expérimentales les plus récentes montrent clairement que le TAE interviendrait à un stade précoce du processus d’athérogenèse. Du fait de sa disposition péricoronaire préférentielle, les médiateurs inflammatoires et activateurs du stress oxydatif sécrétés par le TAE de patients coronariens sont capables de stimuler l’adhésion des cellules monocytaires à la paroi vasculaire, et d’augmenter l’expression de molécules d’adhésion endothéliales (VCAM, ICAM) (figure 3)(19). Le TAE de patients coronariens a une expression plus faible d’adiponectine que celle de patients non coronariens, suggérant que c’est probablement un déséquilibre dans le profil sécrétoire du TAE (adipo/cytokines pro- ou antiathérogènes) qui contribue au déclenchement des voies de signalisation de l’inflammation, à l’oxydation des dérivés lipidiques et à la rupture de l’homéostasie dans la paroi vasculaire. Au total, il existe plus qu’un lien entre TAE et coronaropathie mais les mécanismes expliquant ce lien sont encore en cours d’exploration. Des études expérimentales montrent que l’adipectomie du TAE chez le cochon soumis à un régime athérogénique réduit la progression de l’athérosclérose coronaire et incite à reconnaître le TAE comme un véritable acteur indépendant de la maladie coronaire(5). Figure 3. Dialogue paracrine entre le tissu adipeux épicardique, le myocarde et les vaisseaux coronaires. Implication physiopathologique. MMP : métalloprotéases ; ROS : reactive oxygen species ; SAOS : syndrome d’apnées obstructives du sommeil ; ACFA : arythmie complète par fibrillation atriale. Tissu adipeux épicardique et fibrillation atriale La fibrillation atriale (FA) est le trouble du rythme cardiaque le plus fréquent en pratique clinique. Il augmente le risque d’AVC thromboembolique et d’insuffisance cardiaque. L’obésité est un facteur de risque de FA. Chaque augmentation d’un point d’IMC est associée à une augmentation du risque de FA de novo de 3 à 8 %. Plusieurs groupes ont montré qu’il existe une augmentation de la quantité de TAE en cas de FA, et que la quantité de TAE est un facteur prédictif de récidive après ablation(20). Ce lien persistait après ajustement aux marqueurs d’adiposité classiques, et à la taille de l’oreillette gauche. Des études ont révélé que ce serait le TAE périatrial qui serait particulièrement associé au risque de FA et à sa récidive après ablation, et qu’il serait le siège de domaines à haute fréquence favorisant les microcircuits de réentrée électrique. Des études in vitro ont montré que le sécrétome du TAE provenant de l’oreillette gauche est capable de modifier les propriétés électrophysiologiques des cardiomyocytes et d’induire une fibrose du myocarde via la sécrétion d’adipofibrokines, comme les métalloprotéases (MMP), ou l’activine-A (figure 3)(21). L’analyse histologique du TAE périatrial de patients opérés en chirurgie cardiaque a mis en évidence la présence d’infiltration adipocytaire associée à de la fibrose dans le myocarde atrial(2). L’ensemble de ces données suggère que le TAE pourrait participer au remodelage de la structure, des propriétés mécaniques et électriques de l’oreillette, promouvant l’apparition de troubles de la conduction, l’activation de foyers ectopiques dans les ostia des veines pulmonaires, constituant un véritable substrat arythmogène.   Tissu adipeux épicardique et apnées du sommeil Le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS) se définit par la survenue répétée d’obstructions plus ou moins complètes des voies aériennes supérieures au cours du sommeil, responsables de désaturations nocturnes itératives, d’hypoxie intermittente chronique, et de micro-éveils à l’origine d’une déstructuration de la qualité du sommeil et de complications cardiovasculaires qui font toute la gravité de cette pathologie. Des études récentes ont montré qu’il existe une corrélation positive entre la quantité de TAE et l’index d’apnées-hypopnées, et que l’importance du TAE est associée à la sévérité du SAOS(22). Des études de faible effectif ont montré un effet positif d’un traitement par pression positive continue (CPAP) sur l’épaisseur de TAE. Cependant, un traitement par CPAP chez des patients en obésité sévère atteints d’hypertrophie ventriculaire gauche n’a pas montré de normalisation de la quantité de TAE, comparativement à des volontaires sains ajustés pour l’âge. Il est possible que l’hypoxie intermittente et l’activation du système sympathique induite par le SAOS modulent les caractéristiques fonctionnelles et l’impact paracrine du TAE sur le myocarde. Des études mécanistiques sont cependant nécessaires afin de mieux comprendre l’impact du SAOS sur le TAE.   Effet des interventions thérapeutiques sur le tissu adipeux épicardique   Déterminer si le TAE est un marqueur de risque cardiovasculaire modifiable est une question essentielle. Des interventions thérapeutiques à visée de perte pondérale par des régimes, l’exercice physique ou la chirurgie bariatrique ont été menées, et résumées dans une métaanalyse(24). Bien que les études soient hétérogènes, de faible effectif et avec des méthodes de mesure variables, cette métaanalyse montre qu’une perte de poids significative induite par un régime ou une chirurgie bariatrique est capable d’induire une réduction significative de TAE, mais qui ne peut être prédite par la seule diminution de l’IMC(24). Les études de chirurgie bariatrique, malgré une perte de poids beaucoup plus importante que les régimes, n’ont pas montré de réduction plus importante du TAE — comme s’il existait une limite dans la perte de TAE, est-ce pour nous rappeler son importance physiologique ? Une hypothèse alternative est que l’hypoxie induite par un SAOS pourrait induire une fibrose de ce tissu adipeux, limitant la réponse du TAE à la perte de poids(23). Des études expérimentales sont nécessaires pour élucider les mécanismes de la flexibilité des graisses ectopiques aux diverses interventions thérapeutiques. Les études sur l’activité physique réalisées chez des patients obèses montrent plutôt un effet modeste non significatif. Les statines données entre 24 et 48 semaines ont un effet positif mais également modéré avec une réduction du TAE de -0,8 à -10 %. Chez des hommes diabétiques de type 2 (n = 78), une étude randomisée n’a pas montré d’effet de la metformine, mais une augmentation du volume de la graisse péricardique sous pioglitazone. Les insulines basales et les inhibiteurs de la DPP-4 ou les agonistes du GLP-1 ont également montré un effet significatif sur la perte de TAE, et une étude récente a confirmé que le TAE exprimait les récepteurs au GLP-1 et GLP-2(25-27). Enfin, des études sont en cours avec les inhibiteurs des SGLT2, qui ont montré un bénéfice sur les événements cardiovasculaires. La baisse du TAE est-elle associée à une réduction du nombre d’événements coronariens ? C’est une question à laquelle il faudra répondre dans les années qui viennent.   Conclusion   Le tissu adipeux épicardique est un tissu de graisse ectopique doté de propriétés physiologiques diverses qui joue probablement un important rôle local paracrine sur l’apparition des complications de l’obésité et du diabète de type 2, en particulier les complications cardiovasculaires. Mieux comprendre ses caractéristiques sécrétoires et moléculaires est un défi à relever pour les années futures. "Publié dans Diabétologie Pratique"

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