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Coronaires

Publié le 01 déc 2017Lecture 8 min

Sténose du tronc commun de la coronaire gauche : quelle approche thérapeutique en 2017 ?

Philippe DEGRELL*, Olivier VARENNE**, *Hôpital Bichat ; **Hôpital Cochin

Environ 5 % des patients adressés pour coronarographie diagnostique présentent une atteinte significative du tronc commun coronaire gauche (TC). Les sténoses touchant le TC ont plusieurs particularités qui méritent d’être prises en considération avant une revascularisation, soit par angioplastie coronaire, soit par chirurgie de pontage.

Tout d’abord, le territoire myocardique vascularisé par le TC représente environ 75 % du muscle cardiaque en cas de réseau coronaire droit dominant et même 100 % en cas de dominance gauche et son atteinte met en jeu le pronostic vital du patient.   Un bref historique   Le registre américain CASS, initié en 1974, qui a comparé la survie à long terme chez les patients coronariens traités médicalement à ceux traités chirurgicalement a clairement démontré un bénéfice à la revascularisation chirurgicale des patients avec une sténose du TC, en particulier s’ils sont symptomatiques ou s’ils ont une dysfonction ventriculaire gauche. C’est pourquoi, même si deux des cinq premières dilatations d’Andreas Grüntzig concernaient le TC, les recommandations étaient en faveur de la chirurgie dès qu’une atteinte du TC était diagnostiquée. Ainsi les recommandations de l’ESC de 2010 donnaient une classe I à toutes les sténoses du TC ≥ 50 % pour la chirurgie et étaient de classe IIa pour l’atteinte isolée du TC ostial ou médian et de classe IIb pour l’atteinte du TC distal avec score SYNTAX < 33(1). De même, les recommandations américaines de 2012 pour les sténoses ≥ 50 % du TC favorisaient la chirurgie (classe I) et n’étaient que de classe II pour l’angioplastie(2). Les progrès de l’angioplastie et les travaux de plusieurs équipes, en particulier coréennes, ont depuis, dans plusieurs registres, puis dans des essais randomisés récents, apporté de nouvelles données concernant la revascularisation par angioplastie des patients atteints de sténose du TC. Pour les revascularisations par angioplastie, on peut diviser le TC en trois parties anatomiques distinctes présentant des difficultés techniques très différentes. L’ostium ou la partie moyenne du TC et la partie distale, techniquement plus complexe à traiter, englobant la bifurcation vers l’artère interventriculaire antérieure (IVA) et l’artère circonflexe (Cx).   L’apport des registres   Le premier registre multicentrique à grande échelle comparant les résultats à long terme entre l’angioplastie coronaire et la chirurgie des atteintes du TC est le registre coréen MAIN-COMPARE publié en 2008(3). Le groupe angioplastie comprenait 1 102 patients qui ont été appariés à 1 138 patients traités chirurgicalement entre 2000 et 2006. Les patients, pour la majorité des hommes, étaient plus âgés, plus souvent diabétiques, avaient plus d’antécédents d’infarctus du myocarde (IDM) avec une fonction ventriculaire gauche (FEVG) plus basse, et avaient plus fréquemment une atteinte coronaire tritronculaire associée dans le groupe chirurgical. La moitié des patients avaient une atteinte du TC distal dans les deux groupes. Après appariement sur de multiples variables, il n’existait pas de différence significative entre les 542 paires ainsi formées. À 3 ans, il n’y avait pas de différence de mortalité (HR = 1,18 ; IC95% : 0,77-1,80) ni du critère primaire composite (décès, IDM, accident vasculaire cérébral [AVC]) (HR = 1,10 ; IC95% : 0,75-1,62) entre le groupe angioplastie et le groupe traité par chirurgie. Par contre, on notait un excès de revascularisations dans le groupe angioplastie (HR = 4,76 ; IC95% : 2,80-8,11) avec une tendance plus marquée dans le groupe traité par stents nus, qui constituait un quart des patients dilatés.   Les essais randomisés   En 2008, le premier essai randomisé, LEMANS, comparant l’angioplastie du TC à la chirurgie a été publié(4). Il comprenait 105 patients stables et symptomatiques avec une ischémie documentée et une sténose > 50 % du TC, distal pour la majorité, considérés accessibles aux deux techniques de revascularisation. Dans le groupe angioplastie, 35 % ont reçu un stent actif et dans le groupe chirurgie, 81 % un greffon artériel sur l’IVA. Le critère de jugement principal, le gain de fonction ventriculaire gauche à 12 mois, était en faveur de l’angioplastie (p = 0,047). Les MACCE (mortalité cardiaque, IDM, AVC, interventions répétées et thromboses de stent) étaient également en faveur de l’angioplastie à 30 jours (2 % vs 13 % ; IC95% : 0,79-0,99 ; p = 0,03) et similaires dans les deux groupes à un an (RR = 1,09 ; IC95% : 0,85-1,38). Le deuxième essai est une analyse en sous-groupes prédéfinie de l’étude randomisée SYNTAX, publiée en 2010(5), comprenant 705 patients avec une sténose > 50 % du TC, en majeure partie distale, traités soit par stent Taxus au paclitaxel, soit par chirurgie. Le critère primaire à un an (décès, IDM, AVC, revascularisations répétées) était similaire entre la chirurgie et l’angioplastie (13,7 % vs 15,8 % ; p = 0,44) avec significativement plus d’AVC dans le groupe chirurgie (2,7 % vs 0,3 % ; p = 0,009), mais moins de revascularisations (6,5 % vs 11,8 % ; p = 0,02). À noter des résultats plus favorables pour la chirurgie dans le sous-groupe des patients avec un score SYNTAX > 32. À 5 ans, le critère primaire reste similaire dans les deux groupes (36,9 % vs 31,0 % ; p = 0,12) ainsi que le taux de décès (12,8 % vs 14,6 % ; p = 0,53). Il y a significativement plus d’AVC dans le groupe chirurgie (4,3 % vs 1,5 % ; p = 0,03) mais toujours plus de nouvelles revascularisations dans le groupe traité par stent actif de première génération (26,7 % vs 15,5 % ; p < 0,01)(6). En 2011, deux essais randomisés de non-infériorité ont comparé l’angioplastie avec stent actif au sirolimus de première génération à la chirurgie. Le premier, mené chez 201 patients avec une sténose du TC, surtout distal, ne comprend pas, dans son critère de jugement principal, les AVC (décès, IDM, revascularisations répétées)(7). À un an, l’angioplastie est inférieure à la chirurgie (19,0 % vs 13,9 % ; p non-inf = 0,19), essentiellement en raison d’un excès de revascularisations dans le groupe angioplastie (14,0 % vs 5,9 % ; pnon-inf = 0,35). Si on compare les critères durs (décès, IDM et AVC) les résultats sont en faveur de l’angioplastie (5,0 % vs 8,9 %) en raison de deux AVC survenus en périopératoire dans le groupe chirurgie. Le deuxième essai, l’étude PRECOMBAT, a randomisé 600 patients en Corée du Sud, avec comme critère principal composite les décès, les IDM, les AVC et les revascularisations sur le vaisseau cible(8). À un an, l’angioplastie est non inférieure à la chirurgie (8,7 % vs 6,7 % ; pnon-inf = 0,01). De nouveau, les événements dans le groupe angioplastie sont liés à un excès de revascularisations itératives, car à 2 ans le critère composite (décès, IDM, AVC) n’est pas significativement différent entre les deux groupes (4,4 % vs 4,7 % ; p = 0,83). Ces résultats, issus d’essais randomisés de petites tailles, nécessitaient confirmation dans des populations plus larges mais suggéraient une bonne efficacité et sécurité de l’angioplastie avec une tendance défavorable sur le risque de réinterventions, possiblement lié à l’utilisation de stents actifs de première génération. Très récemment, deux essais randomisés de non-infériorité de grande taille ont été rapportés durant le congrès du TCT, comparant chirurgie et angioplastie avec stents actifs de dernière génération. Le premier essai, EXCEL(9), a randomisé 1 905 patients avec une sténose du TC, distale dans 80 % des cas, entre une angioplastie avec un stent actif à l’évérolimus et une chirurgie de pontage, toute artérielle dans un quart des cas. Les critères d’inclusion exigeaient un score SYNTAX < 33, mais la population d’étude finale, équilibrée entre les deux groupes, comprenait 24,2 % de patients avec un score > 33. Dans le groupe angioplastie, sur le plan technique, une approche avec un seul stent était privilégiée à une technique à deux stents. En cas de branche fille de calibre large > 3 mm, en général l’artère circonflexe, avec une sténose significative ou > 5 mm de longueur, une technique à deux stents pouvait être choisie d’emblée. Le choix de la technique (T-stenting, TAP, crush, culotte ou V-stenting) était à la discrétion de l’opérateur. Dans le groupe chirurgie, une revascularisation par greffons artériels était fortement recommandée, avec l’artère mammaire interne gauche implantée sur l’IVA et l’artère mammaire interne droite sur les autres artères coronaires, soit in situ ou en greffon libre. À 3 ans, le critère primaire composite (décès, AVC, IDM) était non inférieur dans le groupe angioplastie vs chirurgie (15,4 % vs 14,7 % ; pnon-inf = 0,02). Par contre, il y avait plus de revascularisations dans le bras angioplastie que dans le bras chirurgie à 3 ans (12,9 % vs 7,6 % ; p < 0,001). Le deuxième essai, NOBLE, a randomisé 1 201 patients, avec > 80 % d’atteintes distales du TC, entre une angioplastie avec un stent actif dans tous les cas et une chirurgie avec au moins un greffon artériel dans 95 % des cas(10). À 5 ans, le critère primaire incluait les revascularisations au cours du suivi et était plus fréquemment atteint dans le groupe angioplastie (29 % vs 19 %, p = 0,0066). Il n’existait pas de différence significative concernant la mortalité ou les AVC mais un excès de revascularisations et d’IDM au cours du suivi dans le groupe angioplastie. Une métaanalyse récente, comprenant les 5 essais sus-cités avec plus de 4 500 patients, a permis de confirmer que l’angioplastie du TC donne des résultats équivalents à la chirurgie dans une population à bas risque chirurgical (Euroscore < 4) concernant les critères durs —décès, AVC et IDM (OR = 0,97 ; IC95 % : 0,79-1,17 ; p = 0,73) —pris ensemble et isolément (figure 1)(11). On note par contre une nouvelle revascularisation au cours du suivi plus fréquente dans le groupe angioplastie (OR = 1,85 ; IC95 % : 1,53-2,23 ; p < 0,001). Figure 1. Odds ratio pour le critère composite (décès, IDM, AVC). À gauche : post-angioplastie du TC ; à droite : pré-angioplastie du TC. Les plus récentes recommandations européennes, parues en 2014, attribuent une indication de classe I pour la chirurgie et l’angioplastie en cas de score SYNTAX < 23, de classe II et III (contre-indication) pour l’angioplastie en cas de score SYNTAX entre 23 et 32 et > 32 respectivement(12) (tableau). On peut ainsi dire en 2017 que les lésions du TC ne sont plus exclusivement réservées à la chirurgie et que l’angioplastie donne des résultats très satisfaisants, comparables à cette dernière en termes de mortalité, d’IDM et d’AVC. Par contre, malgré les avancées technologiques des nouveaux stents actifs, l’angioplastie est toujours associée à un risque accru de nouvelle revascularisation. Technique   Comme pour les autres bifurcations de l’arbre coronaire, la technique du provisional stenting avec un seul stent est privilégiée pour l’atteinte du TC distal(13). En effet, il y a moins d’événements cardiovasculaires majeurs en cas de stent seul, comparativement à une technique à deux stents d’emblée, mais ces données sont issues uniquement d’études observationnelles. Une étude randomisée, EBC MAIN, menée par l’European Bifurcation Club, comparant une technique à un seul stent à une technique à deux stents pour les atteintes du TC distal est actuellement en cours(14).   L’utilisation de l’imagerie endocoronaire est fortement recommandée au cours des angioplasties du TC. Dans le registre coréen MAIN-COMPARE, 402 patients appariés ont bénéficié d’une angioplastie du TC sous guidage par échographie endocoronaire (IVUS) ou par angiographie seule. La mortalité à 3 ans dans le sous-groupe de patients traités par stent actif était significativement plus basse dans le groupe guidé par IVUS (4,7 % vs 16,0 % ; p = 0,048)(15).   En pratique   Les lésions du TC étaient il y a quelques années encore, la chasse gardée des chirurgiens cardiaques. Ces dernières années ont vu de plus en plus de patients avec sténoses du TC traités par angioplastie. Les techniques d'imagerie endocoronaire, les simplifications techniques (recommandation de stenting en T provisionnel) et les nouveaux antiplaquettaires puissants ont permis cette évolution validée dans les recommandations. Les patients avec sténose du TC doivent faire l'objet d'une analyse clinique et paraclinique précise afin de choisir, au sein de la Heart Team, la stratégie la mieux adaptée à un patient donné.

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