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Risque

Publié le 15 oct 2017Lecture 9 min

ESC 2017 : inflammation enfin, LDL toujours !

Jean FERRIÈRES, Fédération de cardiologie, CHU de Toulouse

Encore une fois en 2017, le congrès européen de cardiologie n’aura pas déçu dans le domaine de l’athérosclérose et des lipides. Il y a eu bien sûr des communications nombreuses sur les anticorps monoclonaux anti-PCSK9, mais aussi et surtout la première communication originale sur les anti-inflammatoires purs dans l’athérosclérose et sur le dernier inhibiteur de la CETP encore en cours d’expérimentation, l’anacetrapib. La prévention cardiovasculaire dans toutes ses dimensions n’a également pas été oubliée dans les communications sélectionnées.

Quand les recommandations de prévention ESC de 2016 sont mises à l’épreuve de la réalité du terrain   Les dernières recommandations européennes de 2016 ont mis l’accent sur les mesures préventives pour éviter d’avoir un jour un infarctus du myocarde. L’ensemble des approches comportementales, nutritionnelles et médicamenteuses sont décrites très précisément dans ces recommandations et devrait être en théorie partagées par les médecins et leurs patients potentiels. À ce jour, aucun travail n’a réussi à démontrer l’efficacité conjointe du contrôle de l’ensemble des facteurs de risque et de la nutrition sur le pronostic. À partir d’une cohorte de 3 402 sujets âgés de 35 à 64 ans, l’équipe de Jean Ferrières a sélectionné 1 046 sujets qui avaient rempli un questionnaire nutritionnel quantitatif et qualitatif détaillé. Tous ces sujets ont été suivis pendant en moyenne 18 ans à la recherche des complications. Ainsi, il a été enregistré 186 décès dont 93 par cancer, 41 par maladies cardiovasculaires et 52 d’autres causes. L’âge, le sexe masculin, le fait d’habiter dans le Nord de la France, le tabagisme, l’hypertension artérielle, la glycémie élevée, une faible consommation d’acides gras polyinsaturés sont autant de caractéristiques associées à une plus grande mortalité totale et cardiovasculaire. De manière symétrique, un faible niveau d’éducation, une consommation exagérée d’alcool, une sédentarité importante, une obésité marquée et des taux bas de bon cholestérol-HDL sont associés à une augmentation de la mortalité totale. Dans un modèle multivarié qui tient compte de l’ensemble des paramètres enregistrés, les sujets qui sont les moins adhérents aux mesures préventives ont 3 fois plus de risque de décéder de maladie cardiovasculaire (figure 1) et 2 fois plus de risque de mourir. Les résultats ont été extrapolés à la population française : si les sujets ayant un comportement de prévention non approprié venaient à changer de modes de vie et à se traiter si nécessaire, on éviterait 90 702 décès cardiovasculaires et 419 020 décès toutes causes sur une période de 18 ans. En effet, les mesures préventives cardiovasculaires permettent d’éviter un nombre très important de décès par cancer car certains facteurs de risque comme le tabagisme, la sédentarité et l’obésité sont communs aux deux maladies. Figure 1. Non-adhésion (4e quartile contre les 3 autres quartiles) aux mesures préventives et mortalité cardiovasculaire à 18 ans en France. Au total, pour la première fois, il est démontré chez des sujets sains à l’entrée de l’étude que des mesures préventives simples permettent d’assurer une espérance de vie plus grande et un pronostic cardiovasculaire meilleur. Les recommandations des sociétés savantes étant basées sur des connaissances théoriques et cliniques, cette étude prouve dans la vraie vie que l’adhésion à ces mesures proposées est basée sur des résultats probants à long terme.   Les anti-inflammatoires comme espoir de traitement chez les patients coronariens   L’étude CANTOS était très attendue. Depuis de nombreuses années, la CRP est considérée comme un facteur de risque inflammatoire de l’athérosclérose coronaire. Néanmoins, la CRP est un facteur de risque grossier vis-à-vis de la subtilité de l’inflammation artérielle et le reflet de marqueurs biologiques plus spécifiques qui peuvent être dosés comme l’interleukine 6 ou le TNF-alpha. Dans ces conditions, c’est l’interleukine 1-bêta qui a été ciblée avec des anticorps monoclonaux contre ce biomarqueur dans l’étude CANTOS. Cette étude a inclus 10 061 patients ayant présenté un infarctus du myocarde et ayant un niveau de CRP d’au moins 2 mg par litre. Trois doses de canakinumab (50 mg, 150 mg et 300 mg en injections sous-cutanées une fois tous les 3 mois) ont été testées contre un placebo. Le critère primaire d’efficacité correspondait à l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral et des décès cardiovasculaires. Au 48e mois, la réduction médiane de la CRP a été de 26 % plus importante dans le groupe à 50 mg, de 37 % plus importante dans le groupe à 150 mg et à 41 % plus basse dans le groupe à 300 mg par jour par rapport au placebo. Le canakinumab n’a pas diminué le taux des lipides. Après un suivi médian de 3,7 ans, le taux d’incidence de l’événement primaire était de 4,5 événements pour 100 personnes-années dans le groupe placebo, 4,11 événements pour 100 personnes-années dans le groupe à 50 mg, de 3,86 événements pour 100 personnes-années dans le groupe à 150 mg et 3,90 événements pour 100 personnes-années dans le groupe à 300 mg. Le risque relatif versus placebo était de 0,93 et non significatif dans le groupe à 50 mg, de 0,85 et significatif pour le groupe à 150 mg, et de 0,86 et significatif pour le groupe à 300 mg. Seul le groupe à 150 mg (figure 2) présentait toutes les caractéristiques de significativité en fonction des ajustements pour le critère primaire, mais aussi pour le critère secondaire qui comportait en plus les hospitalisations pour angor instable nécessitant une revascularisation urgente avec un risque relatif de 0,83 très significatif. Le canakinumab a été associé à une plus grande incidence 80 des infections avec décès par rapport au placebo. Enfin, il n’y a pas eu de différence significative de la mortalité totale entre les groupes traités et le groupe placebo. Figure 2. Critère primaire (l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral et les décès cardiovasculaires) dans l’étude CANTOS. Le canakinumab et ses aspects cardiovasculaires ont été publiés dans le New England Journal of Medicine alors que les résultats sur le cancer ont été présentés en même temps dans le Lancet. Ce sont peut-être les aspects dans le domaine carcinologique qui sont les plus intéressants pour cette nouvelle thérapeutique. Les concentrations de CRP étaient significativement plus élevées chez les patients qui ont présenté un cancer du poumon par rapport aux sujets qui sont restés indemnes de cancers ; la CRP était de 6 mg versus 4,2 mg par litre et l’interleukine 6 était de 3,2 versus 2,6 ng par litre. Après un suivi médian de 3,7 ans, par rapport au placebo, le canakinumab a été associé à une diminution dose-dépendante de la CRP de 26 à 41 % et une diminution de l’interleukine 6 de 25 à 43 %. Le nombre total de cancers avec décès a été significativement plus bas dans le groupe canakinumab par rapport au groupe placebo ainsi que dans le groupe à 300 mg individuellement. L’incidence du cancer du poumon a été significativement moins fréquente dans le groupe canakinumab 150 mg et dans le groupe canakinumab 300 mg par rapport au placebo. La mortalité par cancer du poumon est moins fréquente dans le groupe canakinumab à 300 mg par rapport au placebo ainsi que dans l’ensemble du groupe canakinumab par rapport au placebo. Les infections avec décès ont été significativement plus communes dans le groupe canakinumab par rapport au placebo. La mortalité totale n’a pas différé entre le groupe canakinumab et le groupe placebo. Les hypothèses des auteurs de l’étude sont en faveur du rôle de la thérapeutique anti-inflammatoire avec le canakinumab ciblant l’interleukine 1-bêta dans la genèse du cancer du poumon et de sa mortalité. En synthèse, l’étude CANTOS et le canakinumab semblent ouvrir une nouvelle brèche dans la thérapeutique du coronarien. Pour la première fois, un traitement anti-inflammatoire ciblé réussit à modifier le pronostic des patients coronariens et c’est un premier pas majeur pour des essais thérapeutiques futurs avec d’autres anti-inflammatoires sous la forme d’anticorps monoclonaux parfaitement humanisés.   L’étude FOURIER et le LDL-cholestérol pour des valeurs extrêmement basses   Dans une analyse préspécifiée de l’étude FOURIER portant sur 25 982 patients, les auteurs ont étudié la relation entre le LDL-cholestérol obtenu à la 4e semaine et les événements cardiovasculaires qui ont suivi ; il s’agissait d’un critère composite comportant les décès cardiovasculaires, l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, la revascularisation coronaire et l’angor instable. Ce critère composite ainsi que de nombreux autres critères cliniques ont été analysés après une médiane de suivi de 2,2 ans. L’analyse finale a porté sur 13 013 patients sous évolocumab et 12 969 sous placebo. Parmi l’ensemble des patients, 10 % ont atteint des valeurs de LDL-cholestérol inférieures à 0,5 mmole par litre (0,20 g/l), 31 % ont eu des concentrations de LDL-cholestérol entre 0,5 et 1,3 mmole par litre (0,20 à 0,40 g/l), 13 % ont présenté des valeurs de LDL-cholestérol entre 1,3 et 1,8 mmole par litre (0,40 à 0,70 g/l), 29 % ont présenté des concentrations de LDL-cholestérol entre 1,8 et 2,6 mmoles par litre (0,70 à 1,00 g/l), et 17 % avaient des LDL-cholestérols supérieurs à 2,6 mmoles par litre (> 1,00 g/l). Les auteurs ont observé une relation significative et monotonique (figure 3) entre les taux de LDL-cholestérol même les plus bas et le risque cardiovasculaire. Figure 3. LDL-C et événements cardiovasculaires (l’infarctus du myocarde, l’accident vasculaire cérébral, les décès cardiovasculaires, l'angor instable et la revascularisation coronaire) dans l’étude FOURIER. Pour les critères primaire et secondaire, la relation était continue et sans seuil de 0,2 mmole par litre (0,08 g/l) jusqu’à 4,5 mmoles par litre pour le critère primaire et le critère secondaire. Il n’y a pas eu d’association significative entre les taux de LDL-cholestérol et les effets indésirables quelle que soit la catégorie d’effets indésirables enregistrés. Bien évidemment, il est encore trop tôt pour affirmer la sécurité absolue de ces taux de LDL-cholestérol si bas, mais on peut désormais invalider la notion de courbe en J entre le LDL-cholestérol et le risque cardiovasculaire. Dans un autre travail avec l’évolocumab, les auteurs ont étudié la faisabilité d’abandonner la LDL-aphérèse lors des injections d’évolocumab de 140 mg tous les 15 jours ; 39 patients ont été inclus dans cet essai thérapeutique et les premiers résultats semblent montrer que dans 75 % des cas, les patients qui étaient sous LDL-aphérèses peuvent abandonner ce traitement invasif car ils obtiennent dans 50 % des cas environ des taux de LDL-cholestérol inférieurs à 1,8 mmole par litre. Si ce travail est confirmé, l’évolocumab pourrait rejoindre l’alirocumab comme traitement complémentaire ou de substitution de la LDL-aphérèse.   Le dernier inhibiteur de la CETP, l’anacetrapib, va-t-il sauver la classe ?   Il est certain que pour les spécialistes des lipides, c’est la publication de l’étude REVEAL qui était la plus attendue. Les inhibiteurs de la CETP sont des médicaments originaux qui assurent les échanges de lipides entre les lipoprotéines riches en triglycérides et les particules de HDL. En théorie, les inhibiteurs de la CETP devraient diminuer les remnants et augmenter le HDL-cholestérol. Après les échecs successifs des inhibiteurs de la CETP précédents, il ne restait plus que l’anacetrapib pour sauver la classe. Une étude majeure a été conduite sur 30 449 patients porteurs d’athérosclérose qui était essentiellement des patients coronariens dans 88 % des cas et porteurs de maladie vasculaire cérébrale dans 22 % des cas ; il y avait également 37 % de patients diabétiques. Le LDL moyen à l’inclusion était très bas aux alentours de 0,61 g par litre ; le HDL-cholestérol était aux alentours de 0,40 g par litre. Sous anacetrapib à raison de 100 mg par jour, le LDL-cholestérol a baissé de 17 % et le HDL-cholestérol a augmenté de 104 %, soit une différence absolue respective de 0,11 g par litre pour le LDL-cholestérol et de 0,43 g par litre pour le HDL-cholestérol. De manière similaire, les triglycérides ont baissé de 7 % et la lipoprotéine (a) a baissé de 25 %. Dans le groupe traité, l’incidence de la maladie cardiovasculaire a été de 10,8 % contre 11,8 % dans le groupe placebo, soit une différence très significative avec une baisse du risque relatif de 9 % ; l’effet clinique de l’anacetrapib est progressif et augmente au fur et à mesure des années pour atteindre 17 % au-delà de la 4e année (figure 4). Si l’on analyse les événements cardiovasculaires, on observe une baisse significative sous traitement de l’infarctus du myocarde ainsi que des revascularisations coronaires ; par contre, il n’y a pas d’impact sur la mortalité qu’elle soit coronaire, cardiovasculaire ou totale. Figure 4. Événements coronaires majeurs (l’infarctus du myocarde, les décès coronaires et la revascularisation coronaire) dans l’étude REVEAL. En résumé, après une durée de suivi médiane de 4 ans, l’anacetrapib est associé à une baisse significative de 11 % des décès coronaires et des infarctus du myocarde, ce qui lui permet de sauver la classe des inhibiteurs de la CETP. La question la plus difficile aujourd’hui sera de positionner cette nouvelle molécule par rapport aux statines, à l’ézétimibe et aux anticorps monoclonaux anti-PCSK9 chez les patients les plus sévères.      En pratique   Le congrès 2017 de la Société européenne de cardiologie a rempli tous ses espoirs avec de nombreuses communications originales dans le domaine de la prévention cardiovasculaire et des publications innovantes pour la plupart des domaines de la prévention. Ce congrès ouvre la porte pour les anticorps monoclonaux anti-inflammatoires spécifiques de l’athérosclérose et permet de conclure le chapitre des inhibiteurs de la CETP avec une molécule enfin efficace. Globalement, la stratégie hypolipidémiante et anti-inflammatoire s’inscrit dans une approche thérapeutique personnalisée chez nos patients les plus à risque.

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