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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 avr 2017Lecture 6 min

Les hospitalisations pour insuffisance cardiaque - Est-ce une fatalité chez le sujet âgé ?

Olivier HANON, Université Paris-Descartes 5, Paris, EA4468 ; service de gériatrie, hôpital Broca, Paris

En raison du vieillissement de la population, l’insuffisance cardiaque (IC) concerne fréquemment des personnes âgées avec une prévalence d’environ 15 % après 80 ans(1). Outre le risque de décès, la principale complication de l’IC à cet âge est le risque d’hospitalisations répétées. L’insuffisance cardiaque représente ainsi, l’une des causes les plus fréquentes d’hospitalisation de la personne âgée(2). Après 80 ans, dans la moitié des cas, les causes d’hospitalisations sont d’origine non cardiovasculaire en rapport avec la présence de comorbidités. À cet âge, près d’un patient sur 4 décède dans les 3 mois suivant un épisode de décompensation cardiaque(3) et près de 40 % des patients meurent dans l’année(4). Ainsi l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque représente un marqueur de gravité chez le sujet âgé et signe un risque élevé de mortalité et de réhospitalisation.

L’hospitalisation : un marqueur de gravité de l’insuffisance cardiaque chez le sujet âgé L’hospitalisation pour insuffisance cardiaque représente clairement un marqueur de sévérité chez le patient âgé. Des données françaises(5) issues d’une population de 69 076 patients hospitalisés pour la première fois pour décompensation cardiaque mettent en évidence, entre 80 et 89 ans, un taux de réadmission à 1 an pour insuffisance cardiaque de 49 % et un taux de réhospitalisations toutes causes confondues de 74 % (tableau 1). La revue de la littérature faite par la HAS en 2015(6) indique que les principales causes de réhospitalisations chez l’insuffisant cardiaque sont en rapport avec : - des facteurs d’origine cardiovasculaire (fréquence cardiaque élevée, pression artérielle systolique basse, fibrillation atriale, syndrome coronarien aigu) ; - des facteurs d’origine non cardiovasculaire, en particulier la présence de syndromes gériatriques (troubles cognitifs, confusion, dénutrition, chutes, dépression), d’une perte d’autonomie, de comorbidités (cancer, insuffisance rénale, BPCO, hyponatrémie), d’une polymédication et d’une situation sociale défavorable (tableau 2). Globalement, plus de 50 % des réhospitalisations pour insuffisance cardiaque pourraient être évitées, en particulier dans les cas où elles sont en rapport avec un traitement pharmacologique incorrect, une sortie mal organisée ou un mauvais suivi, une insuffisance du système d’aide social, une mauvaise observance ou des facteurs iatrogènes(7). Dans ce cadre, plusieurs études indiquent que des interventions multidisciplinaires (cardiologue, médecin généraliste, gériatre, infirmière) à domicile auprès des insuffisants cardiaques ont des effets bénéfiques et permettent de réduire significativement les réhospitalisations(8) ou l’entrée en institution(9). Spécificités de la prise en charge thérapeutique de l’insuffisant cardiaque après 80 ans Faute d’études spécifiquement consacrées au sujet de plus de 80 ans, la majorité des recommandations est extrapolée des données fondées sur les preuves obtenues sur des populations plus jeunes. Globalement, la stratégie de prise en charge pharmacologique chez l’octogénaire reste identique à celle du sujet plus jeune, tout en gardant à l’esprit les précautions particulières d’utilisation des médicaments à cet âge. L’amélioration symptomatique doit être l’objectif prioritaire pour restaurer la meilleure qualité de vie possible, en évitant en particulier les réhospitalisations itératives. Globalement, les données épidémiologiques soulignent une sousprescription des médicaments recommandés en cas d’insuffisance cardiaque après 80 ans. Cette sous-prescription est liée à une crainte des effets secondaires (hypotension, insuffisance rénale, hyperkaliémie, bradycardie, etc.) due aux nombreuses comorbidités associées et à la fréquence de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée dans cette population. Pourtant, la présence de comorbidités, si elle implique la nécessité d’une surveillance renforcée, ne doit pas pour autant limiter la prescription d’un traitement recommandé. En l’absence d’étude spécifique, la posologie optimale correspond à la posologie maximale tolérée, si possible assez proche de celle atteinte dans les grandes études de mortalité. IEC (ou ARA2) La prescription doit se faire avec une augmentation progressive de la posologie en tenant compte de la fonction rénale (clairance de la créatinine). La coprescription avec des anti-inflammatoires non stéroïdiens représente une contreindication absolue et doit être notée sur l’ordonnance en raison du risque d’automédication avec ces molécules. Bêtabloquants La prescription doit se faire, chez un patient stabilisé, en utilisant des doses initiales faibles et des périodes de titration, jusqu’à l’obtention d’une fréquence cardiaque < 70/min. Diurétiques de l’anse Ils sont indiqués en cas de signes congestifs et améliorent les symptômes. Les principaux risques d’effets indésirables des diurétiques chez les personnes âgées sont : - une hypovolémie (en cas de diarrhée, vomissements, fièvre, forte chaleur) ; - une hyponatrémie (en particulier en cas de traitement antidépresseur sérotoninergique) ; - une hypokaliémie (en particulier en cas de diarrhée et de prise de laxatifs). Antialdostérones Il n’existe que très peu de données en faveur de l’utilisation systématique de cette classe thérapeutique après 80 ans. L’étude RALES a inclus seulement 250 sujets de plus de 75 et très peu de plus de 80 ans. En raison des risques d’hyperkaliémie et d’insuffisance rénale lorsqu’on associe un antialdostérone à un IEC, leur utilisation reste limitée après 80 ans et nécessite une surveillance biologique accrue. Inhibiteur de la néprilysine (sacubitril, valsartan) L’étude PARADIGM-HF(10), a inclus 1 563 sujets de plus de 75 ans avec une IC à FE altérée déjà traitée par IEC. Quel que soit l’âge, on observe une réduction significative de 20 % de la mortalité cardiovasculaire et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque sous Inhibiteur de la néprilysine (Entresto®) en comparaison à l’énalapril. Une réduction de la mortalité totale, des épisodes d’insuffisance rénale sévère et d’hyperkaliémie est aussi retrouvée quel que soit l’âge. Les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie 2016(11) recommandent l’utilisation de cette thérapeutique en cas d’IC à FE altérée et de persistance des symptômes sous traitement IEC. La surveillance de la pression artérielle doit être systématique en raison du risque majoré d’hypotension. Ivabradine La Société européenne de cardiologie recommande l’utilisation de l’ivabradine en cas d’IC à fraction d’éjection altérée chez un patient en rythme sinusal dont la fréquence cardiaque reste > 70 bpm(11). Dans l’étude SHIFT(12), le bénéfice de l’ivabradine (Procoralan®) sur la réduction des hospitalisations pour IC et la mortalité cardiovasculaire est observé quel que soit l’âge. Ainsi, dans le groupe de sujets âgés de plus de 69 ans (n = 1 712), on retrouve une diminution significative du critère principal (hospitalisations pour IC et la mortalité cardiovasculaire) de 16 % (0,84 [0,71-0,99], p = 0,035). Ces résultats sont aussi retrouvés dans le sous-groupe de sujets âgés de plus de 75 ans (réduction mortalité cardiovasculaire, p < 0,05). Chez le sujet âgé, l’ivabradine présente l’intérêt de réduire la fréquence cardiaque sans baisser la pression artérielle. Son utilisation est donc particulièrement recommandée en cas d’hypotension orthostatique, fréquente après 80 ans, ne permettant pas d’augmenter les posologies de bêtabloquants pour atteindre une FC < 70 min. Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée L’absence d’essai thérapeutique randomisé à ce jour rend difficile les recommandations quant au moyen de traiter ce type d’insuffisance cardiaque. L’objectif du traitement vise à corriger les poussées d’œdème pulmonaire (diurétiques, dérivés nitrés) et à prendre en charge les facteurs déclenchants et les comorbidités (hypertension artérielle, fibrillation atriale, cardiopathie ischémique, infection bronchopulmonaire, BPCO, anémie). Préconisations de sortie de l’hôpital afin d’éviter une réhospitalisation Il convient de prévoir une sortie de l’hôpital de préférence en fin de matinée ou en début d’après-midi. Le compte rendu de sortie, les informations sur la prise des médicaments et le suivi médical et biologique doivent être fournis au patient ou à son entourage. En pratique L’insuffisance cardiaque est une pathologie fréquente et grave chez le sujet âgé, elle affecte la quantité et la qualité de vie, en particulier en raison des nombreuses réhospitalisations qu’elle engendre. Après 80 ans, les actions permettant d’éviter les réhospitalisations associent à la prise en charge cardiologique, la prise en compte des comorbidités, en particulier des syndromes gériatriques, de la précarité sociale et du risque iatrogénique. Dans ce cadre, l’étroite collaboration entre cardiologues, gériatres, médecins traitants et personnels paramédicaux (infirmières, aides-soignantes) apparaît essentielle à la prise en charge des insuffisants cardiaques très âgés.

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