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Insuffisance cardiaque

Publié le 01 avr 2017Lecture 9 min

La réadaptation dans l’insuffisance cardiaque - Quels bénéfices ? Pour quels patients ?

Jean-Yves TABET, Hôpital Lariboisière, Paris ; Les Grands Prés, Centre de réadaptation cardiaque de la Brie, Villeneuve-Saint-Denis ; Institut Jacques Cartier, Massy

L’insuffisance cardiaque est une pathologie fréquente et responsable d’une morbi-mortalité importante. La réadaptation cardiaque comporte plusieurs volets réalisés par des équipes multidisciplinaires : réentraînement physique, optimisation des traitements médicamenteux, soutien psychologique et éducation thérapeutique permettent de lutter contre les conséquences délétères de l’insuffisance cardiaque, d’améliorer les symptômes, la qualité de vie et le pronostic des patients.

Bénéfices du réentraînement physique dans l’insuffisance cardiaque   Bénéfices physiopathologiques Le réentraînement physique permet de lutter contre les conséquences de l’insuffisance cardiaque (figure) : - diminution de la stimulation sympathique, renforcement du tonus vagal ainsi qu’une diminution de production de cytokines pro-inflammatoires et d’hormones natriurétiques (BNP) ; - régression de l’espace mort et amélioration de l’efficience respiratoire ; - amélioration de la compliance des gros vaisseaux dits « conductifs » et des petits vaisseaux dits « résistifs » ; - diminution de l’atrophie musculaire, de l’infiltration graisseuse et amélioration du ratio fibre oxydatives/ fibres glycolytiques. Figure. Intolérance à l’effort dans l’insuffisance cardiaque. Bénéfices cliniques • Qualité de vie et tolérance à l’effort Une amélioration de la qualité de vie est assez unanimement observée ainsi qu’une amélioration de la tolérance à l’effort objectivé par une amélioration du pic de VO2 de 12 à 31 %, après un programme de réentraînement physique et ce, quel que soit le protocole utilisé (endurance et/ou résistance). • Effets du réentraînement physique sur le pronostic Le bénéfice du réentraînement physique sur le pronostic des patients est probable mais reste plus discuté. Une étude prospective randomisée contrôlée, HFACTION(1) enrôlant plus de 2 000 patients et évaluant l’intérêt pronostique du réentraînement physique dans l’insuffisance cardiaque a montré des résultats mitigés, ne montrant un gain sur la réduction de la mortalité globale et sur le taux de réhospitalisation des patients qu’après ajustement à des critères préspécifiés (durée du test d’effort, existence d’une dépression, FEVG et présence d’une fibrillation atriale). Plusieurs registres et métaanalyses montraient au contraire un effet très bénéfique de la réadaptation chez le pronostic des patients insuffisants cardiaques. Une hypothèse pour expliquer ces divergences est que dans l’étude HF-ACTION, après une période de quelques semaines où la réadaptation était effectuée en centre, il était demandé aux patients de continuer le programme à domicile et l’observance était médiocre comme le montre le très faible gain sur la VO2 obtenu en fin de programme (+0,7 ml/kg/min). Une sous-étude de HF-ACTION montre d’ailleurs que la quantité d’exercice physique effectuée au cours du programme était un facteur pronostique indépendant(2).   L’éducation thérapeutique   L’éducation thérapeutique est un élément essentiel qui s’est développé dans la prise en charge des patients insuffisants cardiaques au cours de ces 10 dernières années. Nécessitant une prise en charge multidisciplinaire, elle trouve particulièrement sa place dans les centres de réadaptation cardiaque. Elle comporte plusieurs volets : - diagnostic éducatif, réalisé lors d’entretiens individuels afin d’identifier les besoins du patient ; - contrat d’éducation : des objectifs de compétences concernant la pathologie du patient et sa prise en charge sont définis avec lui ; - séances individuelles, et collectives en petits groupes, permettent d’aborder les différents volets de la pathologie, les facteurs de risque, les signes d’alerte et les conduites à tenir ; - évaluation des résultats obtenus au cours du programme. Cette prise en charge où le patient est au coeur du processus éducatif permet une meilleure prise en charge des facteurs de risque, une meilleure compliance au traitement et une réduction de la morbidité.   Pour quels patients ?   Les guidelines recommandent la prescription de réadaptation cardiaque chez tout patient insuffisant cardiaque stable en classe II ou III de la NYHA. Elle reste actuellement sous-utilisée dans la mesure où l’on considère que moins de 10 % des patients IC bénéficient de la réadaptation.   Quels sont les facteurs prédictifs de la réponse à la réadaptation ? Les bénéfices physiologiques et cliniques des patients réadaptés se retrouvent quels que soient l’âge et le sexe des patients, l’étiologie de la cardiopathie sous-jacente et les marqueurs de sévérité de la maladie (FEVG, taux de BNP et pic de VO2 initial). Il n’existe donc pas de facteur prédictif de la réponse à la réadaptation. Les données de l’étude HFACTION suggèrent qu’un bas niveau social serait associé à une moins bonne compliance au réentraînement physique. Une absence d’amélioration des capacités physiques définie comme une amélioration du pic de VO2 < 6 % (soit 1,5 à 2 ml/kg/min) après réentraînement physique est un facteur indépendant de mauvais pronostic et doit faire donc considérer ces patients à très haut risque d’événement à court et moyen terme(3).   Populations « spécifiques » ? • Patients présentant une HTAP L’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) a été longtemps considérée comme une contre-indication à la réalisation d’un test d’effort et au réentraînement physique par crainte de majoration brutale des pressions droites pouvant conduire à la syncope ou au décès. Une première étude contrôlée randomisée a montré qu’un réentraînement très prudent utilisant de faibles charges avec des efforts de 30 à 60 s était bien tolérée et s’accompagnait d’une amélioration de la capacité fonctionnelle et de la qualité de vie des patients(4). Plus récemment, deux autres études randomisées utilisant des niveaux d’activité physique plus intense ont confirmé ces résultats. La taille de ces études reste toutefois limitée et il faut noter qu’elles incluent essentiellement des patients présentant une HTAP précapillaire. Les cardiologues sont donc maintenant moins réticents à réadapter des patients porteurs d’une cardiopathie compliquée d’HTAP à condition bien entendu qu’ils soient cliniquement stables et que cette HTAP soit bien tolérée. • Patients en FA La fibrillation atriale (FA) n’est pas en soi un obstacle au réentraînement physique et à l’amélioration fonctionnelle des patients(5-7). Les données chez les patients insuffisants cardiaques en FA sont limitées, elles montrent que si la fibrillation atriale est associée à une diminution de la tolérance à l’effort elle ne semble pas corrélée à une baisse de l’amélioration des capacités fonctionnelles au cours du réentraînement(8,9). L’intensité de la réadaptation ne peut le plus souvent être monitorée par la fréquence cardiaque des patients, elle est le plus souvent basée sur les sensations du patient (échelle de Borg) ou définie par une charge d’entraînement. • Patients avec resynchronisation ventriculaire et/ou DAI Un peu plus de 500 patients parmi 1 043 patients porteurs d’un DAI dans la cohorte de HFACTION ont bénéficié d’un programme de réentraînement conventionnel. Il n’a pas été noté d’événement indésirable lié à l’exercice physique, notamment pas d’augmentation du taux de choc inapproprié(10). Une étude randomisée récente incluant 160 patients porteurs d’un DAI avec une FEVG moyenne de 40 % a confirmé qu’un réentraînement aérobie d’intensité moyenne était sûre et efficace avec un recul de près de 3 points du pic de VO2 dans le groupe patients réentraînés(11). Les bénéfices cliniques et physiopathologiques du réentraînement physique persistent chez les patients qui ont bénéficié d’une resynchronisation ; on observe en effet une diminution de l’activité sympathique(12) une amélioration de la vasodilatation NO-dépendante et une amélioration fonctionnelle comparable à celle des patients non resynchronisés(3). Bien entendu la réadaptation des patients appareillés récemment doit être adaptée, en évitant pendant les séances de gymnastique une sollicitation importante des membres supérieurs afin de ne pas risquer un déplacement, une rupture de sonde ou de favoriser un hématome de loge. • Patients porteurs d’une assistance ventriculaire gauche Les centres de réadaptation reçoivent depuis quelques années les patients porteurs d’une assistance ventriculaire gauche. Une étude pilote incluant 14 patients porteurs d’une assistance VG a montré la faisabilité du réentraînement physique dans cette population, il existait une tendance non significative à l’amélioration des capacités fonctionnelles et de la qualité de vie, probablement liée au faible nombre de patients inclus(14). L’étude RehabVAD a randomisée 26 patients porteurs d’une assistance VG qui ont bénéficié soit d’un traitement classique, soit d’une réadaptation comportant 18 séances ou les patients réalisaient des séances d’endurance à 60-80 % de la FC de réserve. Il a été observé une amélioration significative de la qualité de vie et de l’effort maximal et sous-maximal et de la force musculaire(15). Ceci confirme les données d’une étude rétrospective qui a inclus 41 patients assistés(16). • Patients avec une IC à fonction ventriculaire gauche conservée La réadaptation des patients porteurs d’une IC avec une FEVG conservée est relativement récente. Des études récentes montrent qu’il existe de nombreuses similitudes physiopathologiques avec l’IC à fonction VG altérée : - myocardique : augmentation de la fibrose(17), baisse de la densité capillaire(18) ; - mais aussi périphérique : altérations musculaires avec une diminution du fibres oxydatives au profit des fibres glycolitiques(19), augmentation de la graisse musculaire(20) et altérations vasculaires avec une altération de compliance des vaisseaux conductifs et résistifs(21,22). Ces altérations se traduisent par une intolérance à l’effort, proche de celle des patients porteurs d’une IC à FEVG préservée, avec une altération de l’augmentation du débit cardiaque et de la différence artério-veineuse à l’effort, responsable d’une diminution importante du pic de VO2(23). Une métaanalyse regroupant 5 études contrôles ayant étudié la faisabilité et l’efficacité du réentraînement physique chez ces patients a récemment été publiée. Celle-ci montre que le réentraînement physique est sûr et s’accompagne d’une amélioration de la tolérance à l’effort et de la qualité de vie sans changement significatif de la fonction diastolique(24). Les patients ont bénéficié d’un programme de réentraînement de 12 à 24 semaines à une intensité de 50-70 % du pic de VO2. L’effet de la réadaptation sur le pronostic de ces patients reste inconnu. • Réponse à la réadaptation selon les populations Les données de l’étude HFACTION ont montré que si les populations incluses avaient des caractéristiques différentes (les femmes avaient une tolérance à l’effort avant la réadaptation moins bonne que les hommes, tout comme les patients BPCO souvent plus âgés, les patients de race noire étaient plus jeunes et présentaient plus de facteurs de risque modifiables), il n’existait pas de différence en termes de réponse au réentraînement physique(25,26). De même, si les bénéfices physiopathologiques peuvent être différents en fonction de l’étiologie de la cardiopathie (hypertensive ischémique ou non ischémique), l’amélioration de la tolérance à l’effort est comparable(27). Enfin, les patients âgés répondent aussi bien à la réadaptation que les patients plus jeunes(28), la limitation du réentraînement dans cette population étant essentiellement liée aux problèmes moteurs.   En pratique   La réadaptation cardiaque fait partie intégrante du traitement de l’insuffisance cardiaque chronique. Le réentraînement physique permet de lutter efficacement contre les anomalies périphériques et la stimulation neuro-hormonale rencontrées dans cette pathologie, sans effet délétère sur le remodelage ventriculaire gauche ; il s’accompagne d’une amélioration des symptômes, de la qualité de vie et de la tolérance à l’effort. L’éducation thérapeutique permet une meilleure compliance au traitement et une réduction de la morbidité. Les études montrent que la réadaptation est faisable et efficace quel que soit le type de patient et de cardiopathie. Elle est réalisée chez des patients autrefois contre-indiqués et dans des nouvelles indications. Une absence d’amélioration des capacités fonctionnelles après réalisation d’un programme de réadaptation bien conduit est un facteur de mauvais pronostic à moyen terme.  Références sur demande à la rédaction : biblio@axis-sante.com

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