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Congrès et symposiums

Publié le 14 mar 2015Lecture 6 min

HTA maligne : l’urgence hypertensive à ne pas négliger

S. RUBIN, A. CREMER, P. GOSSE, Service d’hypertension artérielle et de cardiologie, hôpital Saint-André, CHU de Bordeaux


JESFC
L’HTA maligne est une présentation rare mais grave d’hypertension artérielle. Bien que l’émergence des antihypertenseurs modernes ait considérablement diminuée sa mortalité, elle reste importante (autour de 35 % à 5 ans). Le sexratio est de 2 hommes pour 1 femme. Son incidence est plus élevée dans la population noire et chez les Indiens dans les cohortes britanniques (peut-être influencée par un moins bon accès au système de soins)(1). Le caractère « malin » de cette HTA n’est pas corrélé à l’intensité de l’élévation de la pression artérielle ni à son étiologie (toutes les HTA secondaires, y compris les hyperaldostéronismes primaires peuvent se maligniser et c’est le cas aussi des HTA essentielles). Bien que l’HTA maligne puisse apparaître comme étant le mode de révélation de l’HTA, il s’agit le plus souvent d’une HTA ancienne et mal traitée qui s’acutise. 

Pourquoi l’HTA maligne est-elle si grave ?   L’HTA maligne s’exprime par une atteinte aiguë des organes cibles (cœur, rein, cerveau, œil)(2). Cette atteinte aiguë est gravissime puisqu’en l’absence de tout traitement elle conduit à la défaillance viscérale et au décès du malade. Cette constatation explique son nom de « maligne ». En 1919, Fahr décrivit sous le terme de « malignant sclerosis » les lésions vasculaires aiguës apparaissant dans le rein et les autres organes, secondaires à une hypertension artérielle. Les travaux de Wilson en 1936 et Ellis en 1938 montrèrent que la néphroangiosclérose maligne était secondaire à une forme particulièrement brutale d’HTA, c’est la naissance du terme « HTA maligne ». À l’époque, le taux de survie de ces malades était de moins de 1 % à 5 ans(1), à tel point qu’avec l’émergence de la dialyse ces patients ont pu être traités par néphrectomie bilatérale. L’arrivée des antihypertenseurs modernes a considérablement amélioré le pronostic.   Pourquoi l’HTA maligne est-elle si agressive ?   Il existe assez peu d’études expliquant le mécanisme physiopathologique des HTA malignes. Il a été montré qu’il existait une activation intense du système rénine angiotensine aldostérone et que cette activation était fortement corrélée à la microangiopathie de l’HTA maligne(3). Cette microangiopathie explique l’atteinte rénale, cérébrale, ophtalmologique et la cardio pathie ischémique microvasculaire retrouvées chez ces malades.   Quand y penser ?   La définition historique de l’HTA maligne était la présence d’une élévation importante de la PA — autrefois jugée uniquement sur la PAD (> 130 mmHg) — accompagnée d’une rétinopathie hypertensive maligne au fond d’œil (exsudats, hémorragies avec dans les cas les plus sévères l’œdème papillaire)(4). Les recommandations de l’ESH (European Society of Hypertension) de 2013 définissent l’HTA maligne comme une « élévation importante de la pression artérielle accompagnée d’une rétinopathie ischémique au fond d’œil » sans chiffre seuil de pression artérielle(5). L’accès au fond d’œil est devenu plus difficile de nos jours et il faut donc au clinicien voyant ces malades des paramètres facilement accessibles permettant de l’évoquer. À la différence des HTA « bénignes », il existe souvent un cortège de signes fonctionnels peu spécifiques mais pouvant être évocateurs par leur association : asthénie, amaigrissement, trouble visuel, céphalée, soif. Parfois, un accident vasculaire cérébral, en particulier hémorragique, est l’élément révélateur. L’atteinte ophtalmologique n’étant pas toujours facile à objectiver, l’examen doit se concentrer sur les autres organes. La place du cardiologue est importante. L’ECG retrouve des signes d’hypertrophie ventriculaire gauche électrique et souvent des anomalies de repolarisation (figure 1). L’échographie cardiaque est caractéristique d’une HVG concentrique importante avec souvent une altération de la fonction systolique(6) (figure 2). Biologiquement, une élévation modeste mais significative de la troponine est fréquente. Figure 1. ECG d’une patiente de 25 ans avec HTA maligne. Augmentation du voltage des QRS : RaVL = 13 mm et troubles de repolarisation. Figure 2. Échocardiographie de la même patiente. Coupe parasternale petit axe montrant une HVG concentrique très importante.   L’association HTA + signes fonctionnels aigus + HVG importante doit faire évoquer l’HTA maligne et ces patients doivent être redirigés vers un service spécialisé. Les autres organes cibles seront alors évalués par un dosage de la créatininémie, une recherche de protéinurie, une imagerie cérébrale et un fond d’œil. L’insuffisance rénale aiguë même modeste associée à une hypokaliémie (témoin de l’hyperaldostéronisme) est très évocatrice.   Faut-il rechercher une cause secondaire à l’HTA ?   Les causes principales d’HTA secondaires sont les néphropathies, les hyperaldostéronismes primaires ou secondaires, les phéocromocytomes, certaines prises médicamenteuses (pilules estroprogestatives, etc.). À la phase aiguë d’une HTA maligne, il existe un hyperaldostéronisme secondaire, indépendamment de l’étiologie de l’HTA. Nous avons constaté que le dosage des catécholamines urinaires était élevé à la phase aiguë sans rapport avec un éventuel phéochromocytome. Il n’est donc pas souhaitable de réaliser des dosages hormonaux ou des catécholamines à la phase aiguë dans le but de rechercher une cause secondaire. La principale cause secondaire à ne pas méconnaître dès la phase aiguë est une néphropathie vasculaire ou glomérulaire. Le dosage d’une protéinurie — des lors que la pression artérielle est proche de la normale — est alors indispensable car si son débit est important (> 1 g/jour ou 100 mg/mmol de créatinurie) l’avis d’un néphrologue doit être sollicité pour ne pas méconnaître une glomérulopathie éventuellement accessible à un traitement spécifique. Dans notre centre nous demandons en plus un écho-Doppler des artères rénales et un scanner surrénalien non injecté dans les premiers jours bien que cette attitude ne soit pas codifiée pour une orientation vers une cause secondaire qui devra être alors recherchée. À distance de la phase aiguë, l’avis d’un centre spécialisé en HTA est préconisé pour poser l’indication d’une recherche éventuelle d’une cause secondaire.   La microangiopathie thrombotique : le diagnostic différentiel à ne pas négliger   Les microangiopathies thrombotiques regroupent des pathologies s’exprimant par une hémolyse biologique secondaires à des microthrombi intravasculaires. On décrit classiquement les SHU (syndrome hémolytique et urémique) dont l’atteinte principale est rénale (insuffisance rénale aiguë) et les PTT (purpura thrombotique et thrombocytopénique) dont l’atteinte principale est neurologique (altération de la cognition, convulsion, coma). L’avantage pour le clinicien est qu’une thrombopénie profonde (< 50 000/mm3 plaquettes) associée à une haptoglobine indosable est au premier plan du tableau et doit faire systématiquement évoquer le diagnostic. Dans ce cas l’avis d’un centre de compétence est préconisé. La transfusion plaquettaire doit être limitée.   Quelle prise en charge pour ces malades ?   Le traitement de l’HTA maligne reste mal codifié. Faute d’étude il peut varier d’un centre à un autre. Le dénominateur commun doit dans tous les cas être un blocage efficace du système rénine angiotensine aldostérone (SRAA) au centre du processus physiopathologique. Dès le diagnostic évoqué, notre équipe propose l’introduction immédiate d’un inhibiteur de l’enzyme de conversion – ou d’un sartan – à dose minimale per os (par exemple ramipril 1,5 mg). La première dose doit être délivrée sous surveillance médicale ; certains patients présentent une baisse rapide et importante de la pression artérielle dès la première prise souvent favorisée par une déshydratation qu’il faut alors corriger. En cas de bonne tolérance nous doublons la prise toutes les 6-8 heures afin d’arriver dès les 48 premières heures à une dose supramaximale du traitement. Par exemple nous montons jusqu’à 20 mg de ramipril par jour. L’insuffisance rénale aiguë, fréquente, ne doit nullement retarder le blocage du SRAA. La surveillance de la fonction rénale et de la kaliémie reste nécessaire mais notre expérience nous montre qu’elle n’est presque jamais un obstacle au traitement maximal. Lorsque le blocage du SRAA est jugé optimal (dose supra-maximale) ou plus tôt quand la pression artérielle (PA) reste élevée, nous introduisons un inhibiteur calcique de type dihydropyridine, toujours per os. Dans un troisième temps, si la PA reste toujours mal contrôlée, et si la fonction rénale et la kaliémie le permettent nous introduisons un diurétique thiazidique ou un bloqueur des récepteurs de l’aldostérone (spironolactone). Ce schéma permet dans la grande majorité des cas un contrôle satisfaisant des chiffres tensionnels. L’atteinte des organes cibles régresse dans la majorité des cas (œil, cerveau, cœur) sur plusieurs mois. C’est en général l’atteinte rénale qui déterminera le risque de morbimortalité ultérieur(7).  La non-obtention immédiate du fond d’œil ne doit pas faire retarder l’introduction d’un bloqueur du SRAA.   En pratique    L’HTA maligne est une maladie grave qui conduit à une atteinte sévère et parfois définitive des organes cibles en l’absence de traitement. Le degré d’atteinte rénale initial est un facteur pronostique majeur. L’association HTA sévère symptomatique et atteinte d’au moins deux organes cibles doit faire évoquer le diagnostic. L’évaluation rapide des organes cibles (cœur, rein, cerveau, œil) est indispensable pour confirmer le diagnostic. Il faut éliminer une glomérulonéphrite ou une microangiopathie thrombotique par le dosage d’une protéinurie, d’un taux de plaquettes et d’une haptoglobine. Le blocage rapide du SRAA est au centre du traitement.

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