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Insuffisance cardiaque

Publié le 14 oct 2013Lecture 9 min

Quelle check-list chez le coronarien stable ?

Y. COTTIN, T. LECLERCQ, S. GOUSSOT, C. GAUDILLIERE, V. GASMI, CHU de Dijon

On estime qu'en France environ 4,8 % des hommes et 3,4 % des femmes souffrent d’angine de poitrine, avec un impact négatif sur leur qualité de vie, notamment sur l'activité physique, le bien-être émotionnel et les relations sexuelles. De plus, l’angor stable a des conséquences majeures sur notre système de santé avec un nombre important de consultations chez le généraliste et le cardiologue, d’examens complémentaires biologiques et d’imagerie, et bien sûr, un coût des stratégies de revascularisation par pontages aortocoronaires ou angioplasties.

Le pronostic des patients présentant une cardiopathie ischémique stable (CIS) selon la nouvelle nomenclature de l’ACC/AHA, y compris de l’angor, s’est considérablement amélioré au cours des 3 dernières décennies, en raison principalement de l’amélioration de la gestion des événements coronaraires aigus mais surtout par le contrôle des facteurs de risque, notamment en prévention secondaire. De plus, même si le traitement pharmacologique et non pharmacologique est bien codifié, la perception de la cardiopathie ischémique stable par les patients reste mauvaise. En effet, près de 50 % d’entre eux déclarent un impact significatif sur la qualité de vie globale, et/ou des limitations sur leurs activités, et/ou des inquiétudes importantes sur leur état de santé dans l’avenir. Tous les travaux dans « la vraie vie » suggèrent que de nombreux patients avec une CIS ne reçoivent pas un traitement médical optimal, avec 3 conséquences importantes : - la persistance de symptômes ; - une orientation précoce inappropriée vers des stratégies de revascularisation ; - et surtout, un impact majeur sur leurs pronostics à moyen et long termes. Enfin, le nombre croissant d’options pharmacologiques est un défi potentiel pour les médecins qui essaient de faire en sorte que les patients reçoivent un traitement approprié et optimal. C’est pourquoi cet article entend faire une revue pratique de la prise en charge de la CIS dans le but d’améliorer le contrôle des symptômes, la qualité de vie et le pronostic.   Définition du traitement médical optimal   Un des derniers articles publiés sur le sujet est celui de Dagenais dans Circulation(1). Pour cet auteur, le traitement médical optimal (TMO) inclut : - la gestion du style de vie : abandon du tabac, régime, perte de poids et exercice physique régulier ; - un traitement pharmacologique pour maintenir l’HbA1c < 7,0 %, le LDL-cholestérol < 1 g/l (2,6 mmol/l), et une pression artérielle ≤ 130/80 mmHg ; - une thérapeutique médicamenteuse antiangineuse adaptée et personnalisée.   • Un point majeur du travail de Dagenais est l’évaluation mensuelle pendant 6 mois puis tous les 3 mois avec un suivi moyen de 5,3 ans, avec l’utilisation d’un questionnaire standardisé sur l’angine de poitrine et les équivalents angineux à chaque visite. Son travail a inclus des patients diabétiques de type 2 avec une cardiopathie ischémique stable, randomisés en deux groupes : TMO ou revascularisation et TMO. Après un suivi de 5 ans, deux messages majeurs se dégagent : - Tout d’abord l’importance de la titration des anti-ischémiques dans les premiers mois de la prise en charge, avec une stabilité dans le suivi. En effet, le nombre d’anti-angineux était classé en « aucun », « 1 anti-angineux » ou « plus d’un anti-angineux ». Ce travail a montré que dans les deux groupes, il y a eu une titration au cours de la première année puis une stabilisation du nombre de traitements sur les 4 années suivantes. On note également que 5 à 10 % des patients ne bénéficiaient d’aucun antiischémique (figure 1).   Figure 1. Evolution de la prescription des anti-ischémiques chez les patients avec CIS.    - Le deuxième message est l’importance des revascularisations (21 % dans le groupe revascularisation et 38 % dans le bras traitement médical ; p = NS) mais il apparaît surtout que ces dernières étaient liées par ordre décroissant à : – une aggravation des symptômes (50 %) ; – un syndrome coronaire aigu (23 %) ; – une aggravation de l’ischémie (20 %) ; – et à la progression des lésions coronaires (7 %).   • La métaanalyse récente de Pursnani(2) a comparé le traitement médical à la revascularisation par angioplastie transluminale. Elle a inclus 12 études randomisées et 7 182 patients avec 3 périodes d’analyse : court terme (< 1 an), intermédiaire (1-5 ans) et long terme (> 5 ans). Au regard des critères de jugement retenus (mortalité toutes causes, mortalité cardiovasculaire, infarctus non fatals, ou revascularisation), les auteurs ne mettent en évidence aucune différence significative entre les deux groupes et les trois périodes. Mais surtout, cette métaanalyse souligne la forte disparité de la définition d’un TMO, allant de la prescription d’une statine seule dans une étude, à l’association aspirine + bêtabloquants + dérivés nitrés à la dose maximale tolérée (RITA 2). Ce point est fondamental et pour l’auteur ces différences traduisent peut-être les progrès et l’utilisation croissante des traitements médicaux efficaces pour les patients atteints de coronaropathie stable. Néanmoins, il faut souligner que même dans les essais les plus récents de cette métaanalyse, les patients n’atteignent pas les recommandations actuelles pour les cibles des lipoprotéines de faible densité, conséquence d’une sous-prescription des statines ainsi que des bêtabloquants et d’autres traitements anti-angineux. Pour exemple, le pourcentage de prescription des inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou les bloqueurs de l’angiotensine II varie de 8 à 79 %, et celui des statines de 10 à 93 %. À ce jour, seulement 4 essais ont fixé des objectifs pour le TMO : COURAGE non diabétiques, COURAGE diabétiques, BARI-2D et FREEDOM sur le traitement BASIC mais également sur les objectifs à atteindre. Dans un travail publié dans le JACC en 2013(3), Farkouh et son équipe soulignent que pour quatre cibles prédéfinies (TA < 130 mmHg ; LDL < 1 g/l, arrêt du tabac et HbA1c < 7 %), le pourcentage de contrôle total varie de 8 à 23 % selon les études. L’auteur suggère un effet « plafond » dans la pratique clinique en ce qui concerne le contrôle de multiples facteurs de risque. Mais surtout il pense qu’il est impératif d’explorer et de définir de nouvelles méthodes pour atteindre les objectifs thérapeutiques dans le cadre de la prévention secondaire.   De nombreux facteurs ont probablement contribué au succès limité dans les essais randomisés et dans le monde réel : - le non-respect des recommandations ; - la mauvaise adhérence des patients aux traitements sur le long terme ; - les coûts ; - le nombre de traitements.   Une évaluation régulière   Une des méthodes d’amélioration repose sur l’évaluation régulière des patients et des acteurs de santé sur leurs objectifs selon le modèle de l’ACEME (Assessment Collaboration Education Monitoring), qui reste une référence et comporte : - une évaluation de la gestion des médicaments et des capacités du patient, y compris ses compétences cognitives ; - une collaboration sur une stratégie qui crée et maintient un plan adapté aux besoins du patient ; - l’éducation du patient pour expliquer les effets des traitements et argumenter pourquoi un régime ou un traitement sont importants(4). Mais tous les travaux utilisant cette méthode soulignent que dans le contexte des maladies chroniques, le « timing » des évaluations est majeur et surtout que ces derniers doivent être multiples : prévus, mais également inopinés et utilisant des moyens de communications variés.   Quel traitement en 2013 pour le coronarien stable ?   Une fois que le diagnostic de CIS est confirmé, une approche pharmacologique doit être initiée et surtout optimisée pour contrôler des symptômes, mais également pour améliorer le pronostic. Lors du choix de la thérapeutique, les préférences du patient doivent être prises en compte, ainsi que la préexistance d’atteinte rénale ou d’insuffisance hépatique et le risque potentiel d’interactions médicamenteuses. Chaque patient présentant une CIS doit bénéficier d’un traitement médicamenteux optimisé, et chaque traitement doit être titré à la dose maximale tolérée avant d’envisager de passer à un autre agent. Il est également conseillé de prescrire des combinaisons de médicaments avant de tenter une trithérapie pour la maîtrise des symptômes. Enfin, une revascularisation peut être envisagée chez les patients présentant une anatomie adaptée et qui ne répondent pas aux traitements médicaux.   Contrôle des symptômes Aujourd’hui, il est recommandé de privilégier les traitements anti-ischémiques qui ralentissent la fréquence cardiaque, car il a clairement été établi qu’il existait une relation entre cette dernière et le risque cardiovasculaire. Le contrôle de la fréquence cardiaque est la première et la plus importante des étapes en vue d’obtenir un contrôle des symptômes chez les patients souffrant d’angor stable stable avec deux approches concernant la stratégie pharmacologique : l’approche anglaise du NICE (figures 2 et 3) et celle de l’ESC (figure 4). Mais dans les deux recommandations, la fréquence cardiaque cible est de 55-60 battements par minute (bpm), et le traitement doit être adapté en fonction des symptômes et de la fréquence cardiaque. En dehors de contre-indications, les bêtabloquants doivent être titrés à la dose maximale tolérée, en visant une fréquence cardiaque < 60 bpm. Si le patient reste symptomatique, en fonction de sa fréquence cardiaque et de sa pression artérielle, un autre traitement anti-ischémique doit être initié. À noter que l‘utilisation des bêtabloquants ou de l’ivabradine avec le diltiazem n’est pas recommandée en raison des interactions.   Figure 2. Algorithme de contrôle du rythme cardiaque chez le coronarien stable (NICE). Figure 3. Algorithme de contrôle du rythme cardiaque chez le coronarien stable (NICE). Figure 4. Améliorer le pronostic Dans les dernières recommandations de l’ESC publiées lors du congrès d’Amsterdam, les auteurs classent les patients en 3 groupes : - haut risque, mortalité annuelle > 3 % ; - risque intermédiaire entre 1 et 3 % ; - bas risque > 1 %. Mais surtout, ils rappellent que la stratification du risque repose sur l’évaluation clinique (facteurs de risque, âge, mais surtout sur les symptômes, etc.), la fonction ventriculaire gauche, les tests d’ischémie et l’anatomie coronarienne.   Pour améliorer le pronostic, les thérapeutiques suivantes ont démontré un bénéfice chez tous les patients présentant une CIS. • Le traitement antithrombotique : aspirine 75 mg/j ou clopidogrel 75 mg/j en cas d’hypersensibilité à l’aspirine ou vraie intolérance. • Une statine avec un objectif de LDL-C < 1 g/l, ou s’il existe une vraie intolérance aux statines, l’ézétimibe 10 mg/j ou le bézafibrate 400 mg/j. • Un inhibiteur de l’enzyme de conversion doit être prescrit, et pas seulement chez les patients ayant une indication co-existante : ramipril avec une titration idéale à 10 mg/j ou périndopril avec une titration idéale à 8 mg/j. • Les bêtabloquants sont indiqués pour le traitement d’entretien à long terme (jusqu’à 2 ans) chez les patients ayant eu précédemment un infarctus du myocarde. Les patients souffrant d’angor stable qui demeurent symptomatiques sous traitement médical optimal toléré doivent être orientés vers une évaluation plus approfondie et une éventuelle revascularisation.   Quel suivi ?   Les patients contrôlés sous TMO ou non contrôlés doivent être suivis régulièrement pour réévaluer les facteurs de risque et, surtout, l‘adhésion au traitement médicamenteux afin d’améliorer leur pronostic à long terme. La place du patient dans le suivi est majeure avec un impact important des programmes de réadaptation cardiaque structurés ou des aides nationales comme le plan anglais « Angine de poitrine » (www.anginaplan.org.uk). Il n’existe pas de recommandations sur le délai optimal d’évaluation par le clinicien. Ainsi, dans l’étude COURAGE(5) l’optimisation est suivie sur 5 ans mais en « intention de traiter ». En revanche, dans l’étude BARI- 2 l’évaluation était mensuelle pendant les 6 premiers mois. L’évaluation étant multifactorielle (TA, FC, HbA1c, symptômes, facteurs de risque, LDL-C, etc.), un objectif d’obtention d’un contrôle entre 3 et 6 mois semble applicable à la majorité de nos patients, au moins pour la pression artérielle, la fréquence cardiaque, le LDL-C et les symptômes. De plus en plus de travaux ont recours à une stratégie partagée avec le patient. Pour exemple, le travail de Coylewright(6), qui utilise des images pour expliquer au patient les choix stratégiques (figures 5 et 6), et qui montre également l’importance du délai de réévaluation à 1 semaine, 6 mois et 12 mois pour le « feedback » du patient.   Figure 5. Evolution des symptômes angineux sur 1 an avec recours à des images pour expliquer les choix stratégiques. Figure 6. Evolution des symptômes angineux chez 100 patients traités médicalement ou ayant également reçu un stent.    Mais dans les dernières recommandations de l’ESC, il est surtout souligné l’importance d’une réévaluation initiale précoce entre le 4e et le 6e mois et, après adaptation thérapeutique, cette réévaluation doit être annuelle (tableau).     En pratique   Le défi pour les soins primaires, chez le coronarien stable, est d’assurer le contrôle des symptômes mais également d’améliorer le pronostic. L’optimisation de leur traitement médical est fondamentale mais il est également indispensable que les patients reçoivent des conseils et un soutien appropriés, afin d‘assurer une amélioration de leur qualité de vie et d’obtenir leur adhésion sur le long terme. Parallèlement, des travaux sont en cours pour comprendre les « meilleures pratiques » et donc obtenir une utilisation judicieuse des traitements interventionnels et pharmacologiques pour une population appropriée.  

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