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Congrès et symposiums

Publié le 14 oct 2013Lecture 11 min

ESC 2013 – Insuffisance cardiaque

P. DE GROOTE, Service de cardiologie, Pôle cardiovasculaire et pulmonaire, Centre hospitalier régional et universitaire de Lille

Pas de nouveauté majeure lors du dernier congrès de l’ESC dans le domaine de l’insuffisance cardiaque. Nous avons eu surtout la possibilité de découvrir les résultats d’analyses en sous-groupes des grandes études connues de mortalité. 

ATOMIC-HF   Il faut retenir la présentation des résultats de cette étude qui a évaluer la réponse dose-efficacité de l’omécamtiv mécarbil versus placebo. Trois doses successives et croissantes ont pu être comparées chaque fois à un groupe placebo. Les patients sous placebo faisaient bien entendu l’objet d’une prise en charge thérapeutique habituelle de l’insuffisance cardiaque aiguë. Entre chaque dose, un comité indépendant d’événements a analysé les résultats pour donner l’autorisation de poursuivre l’étude. Il s’agit d’une enquête importante, car l’omécamtiv mécarbil est un nouvel inotrope positif qui, expérimentalement, ne paraît pas délétère. Cet activateur de la myosine augmente la durée de la systole sans accroître la concentration intracellulaire de calcium et la consommation d’oxygène.   Les résultats L’étude ATOMIC-HF a randomisé 606 patients admis pour une décompensation cardiaque, avec une élévation du BNP et restant dyspnéiques au moins 2 heures après l’administration de diurétiques. La fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) devait être ≤ 40 %. Ainsi, 303 patients ont été inclus dans les 3 bras omécamtiv mécarbil et 303 dans les 3 groupes placebo. L’objectif principal était l’impact sur un score de dyspnée à 48 heures avec des objectifs secondaires concernant la tolérance et les événements cardiovasculaires à 3 et 6 mois. L’étude est négative avec un score de dyspnée qui s’améliore proportionnellement à la dose l’omécamtiv mécarbil, mais la différence n’atteint pas un seuil de significativité (p = 0,33 sur l’ensemble des groupes : à la première dose, le « risque relatif » par rapport au placebo est de 1,03, à la deuxième dose il est de 1,15 et, à la troisième dose, il est de 1,23). En ne prenant que le groupe de patients recevant la dose la plus importante (analyse préspécifiée), la différence est significative, avec 37 % de patients sous placebo améliorés et 51 % sous omécamtiv mécarbil (RR = 1,41 [1,02-1,93] ; p = 0,03). Il y a une corrélation très significative entre l’amélioration de la dyspnée et les concentrations plasmatiques d’omécamtiv mécarbil. La tolérance du produit est bonne avec – résultat très intéressant pour un inotrope positif – une fréquence cardiaque qui baisse d’autant plus que la dose d’omécamtiv mécarbil est élevée et une tension artérielle qui baisse d’autant moins que la dose d’omécamtiv mécarbil est élevée. On n’observe donc pas de tachycardie induite par l’omécamtiv mécarbil ; il y a même significativement moins de troubles du rythme supraventriculaire et pas plus de troubles du rythme ventriculaire. En ce qui concerne les événements cardiovasculaires, on constate, pour la dose intermédiaire et la forte dose, une diminution de 46 % de la mortalité et des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, baisse qui est presque significative (p = 0,06). Le seul élément troublant est l’augmentation des taux de troponine sous omécamtiv mécarbil, sans corrélation avec les concentrations du médicament. Il ne s’agit que de modifications biologiques ne correspondant pas à des épisodes de syndrome coronaire aigu et qui concernent un dosage ultrasensible de troponine.   Commentaires Même si ATOMIC-HF est une étude négative, les résultats sont encourageants. Tout d’abord, il est toujours difficile de démontrer la supériorité d’un nouveau médicament par rapport à la prise en charge habituelle sur un score de dyspnée. Nous savons tous que ces scores sont difficiles à réaliser et reflètent de manière approximative l’amélioration objective du patient. L’effet sur la fréquence cardiaque et sur la tension artérielle est particulièrement intéressant pour un inotrope positif. En effet, avec les inotropes actuellement à notre disposition, nous pouvons être gênés par la tachycardie induite et parfois par les chutes tensionnelles. Les résultats sur les événements cardiovasculaires sont rassurants, mais doivent être confirmés par une étude de mortalité. On rêve, bien entendu, d’une grande étude de mortalité comparant l’omécamtiv mécarbil à la dobutamine.   RELAX-AHF   En ce qui concerne l’insuffisance cardiaque aiguë, les résultats de RELAX-AHF dans les sous-groupes préspécifiés ont également été présentés.   • L’étude a évalué, par rapport au placebo, la sérélaxine dans l’insuffisance cardiaque aiguë. La sérélaxine est le peptide recombinant de la relaxine, hormone vasodilatatrice sécrétée pendant la grossesse. L’objectif principal était l’impact de la sérélaxine sur plusieurs scores de dyspnée. L’étude était positive, avec une amélioration significative des scores de dyspnée et une diminution significative de la mortalité totale et cardiovasculaire à 6 mois. Ces résultats sont encourageants, mais une grande étude de mortalité est indispensable pour les confirmer. À Amsterdam, le Pr Metra nous a présenté l’effet de la sérélaxine dans les sous-groupes suivants : sexe, âge, race, FEVG, antécédent d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, étiologie, fréquence cardiaque, tension artérielle, rythme cardiaque, fonction rénale et traitement. Les résultats sont identiques à ceux de la population globale de l’étude dans tous les sous-groupes analysés, sauf chez les patients de plus de 75 ans, chez ceux avec une clairance de la créatinine inférieure à 50 ml/min/1,73 m2 et chez ceux qui n’ont pas été hospitalisés dans l’année pour une décompensation cardiaque où la sérélaxine a un effet significativement plus important. Là encore, les résultats sont encourageants, mais doivent être pris avec beaucoup de prudence en raison du nombre limité d’événements par sous-groupe.   SHIFT Des sous-analyses de cette étude, évaluant l’ivabradine dans l’insuffisance cardiaque chronique stable, ont également été présentées. Rapidement, une analyse s’est intéressée aux 730 patients porteurs d’une bronchopneumopathie obstructive (BPCO), recevant moins de bêtabloquants (69 % vs 92 %) et à doses plus faibles. La réduction de l’objectif principal avec l’ivabradine par rapport au placebo est identique chez le patient BPCO ou non. Il en est de même chez les 2 010 patients présentant une tension artérielle basse à l’entrée (< 15 mmHg). Une troisième analyse s’est intéressée aux insuffisants rénaux modérés, qui tirent un bénéfice de l’ivabradine comparable à celui des autres patients.   Enfin, une équation d’évaluation du risque a été développée, à partir de paramètres cliniques et biologiques simples et sur toute la population de SHIFT : l’âge, la durée de l’insuffisance cardiaque, la classification NYHA, un antécédent de fibrillation auriculaire, la présence d’un bloc de branche gauche, la fréquence cardiaque élevée, la tension artérielle basse, la FEVG, la cholestérolémie et la créatininémie.   EMPHASIS-HF   Un poster, reprenant la population de l’étude, a évalué inhibiteurs des récepteurs aux minéralocorticoïdes et a montré l’intérêt de commencer rapidement l’éplérénone après une hospitalisation pour décompensation cardiaque, car la réduction des événements cardiovasculaires est plus significative. Cet effet est surtout lié à un nombre plus important d’événements qui surviennent rapidement après la sortie d’une hospitalisation pour décompensation cardiaque. En pratique, en l’absence de contre-indication, si le bilan biologique le permet et si l’indication est retenue, il est plus simple de commencer l’éplérénone avant la fin de l’hospitalisation.   L’insuffisance rénale   Plusieurs sessions se sont intéressées au patient fragile, en particulier insuffisant rénal. Nous savons tous que l’insuffisance rénale est un paramètre de très mauvais pronostic. Toute élévation de la créatininémie augmente de manière indépendante le risque d’événements. L’évaluation de la fonction rénale peut être difficile chez l’insuffisant cardiaque. Après l’équation du MDRD, qui a détrôné la classique formule de Cockcroft-Gault, il semblerait qu’une nouvelle équation de la filtration glomérulaire soit plus proche de la réalité, celle de CKD-EPI, qui prend en compte l’âge, le sexe et la race(1). Des « calculateurs » sont facilement disponibles sur Internet. Chez l’insuffisant cardiaque, plusieurs études ont confirmé la supériorité de cette équation sur les précédentes avec, en particulier, une meilleure estimation du pronostic. Une mesure précise de la filtration glomérulaire est conseillée en cas d’âge avancé, de maigreur importante, d’obésité, de paraplégie, de myopathie, chez le végétarien et avant la prescription prolongée de médicaments néphrotoxiques. Les nouveaux biomarqueurs rénaux n’ont pas encore réussi à remplacer le dosage classique de l’urée et de la créatinine sanguine. La cystatine C, dont la concentration plasmatique n’est pas liée à la masse musculaire, a un dosage pour le moment trop onéreux et n’apporte pas d’avantages supplémentaires majeurs par rapport aux anciens dosages. Le dosage du NGAL pourrait nous aider dans la prédiction précoce d’une atteinte rénale aiguë. Il s’agit d’un marqueur tubulaire qui augmente dans les 2 heures après une souffrance rénale, donc bien plus rapidement que la variation de la créatininémie, qui met 48 heures avant de s’élever. Si le NGAL est < 100 mn/ml, le risque rénal est faible ; s’il est compris entre 150 et 300, il est souhaitable d’éviter tous produits néphrotoxiques et de faire attention aux doses de diurétiques ; enfin, s’il est supérieur à 350, le risque rénal est important avec probablement la nécessité de réaliser une dialyse. On peut le voir aux différentes valeurs seuils, les zones d’ombre persistent et nous ne disposons pas encore suffisamment d’études pratiques pour doser de manière régulière ce biomarqueur. Il serait très intéressant de pourvoir adapter la dose des diurétiques en fonction de l’évolution du NGAL pour éviter les insuffisances rénales aiguës induites par des déplétions trop importantes. La position des cardiologues et des néphrologues divergent quant au maintien ou non des IEC/ARA II en cas d’insuffisance rénale aiguë. Le néphrologue conseille l’arrêt de ces molécules, mais plusieurs études ont démontré une surmortalité hospitalière et posthospitalière en cas d’arrêt des IEC/ARA II, ou en cas d’arrêt des bêtabloquants, en présence d’une insuffisance rénale aiguë. Il s’agit d’études non randomisées, et cette surmortalité peut aussi s’expliquer par la gravité plus importante des patients chez qui ces molécules ont été arrêtées.   EchoCRT   Pour terminer, cette étude d’envergure a évalué l’intérêt de la resynchronisation chez les patients à QRS fins. Vous avez sans doute pu lire les résultats de cette étude présentée par des rythmologues émérites. Je me permets, dans ces lignes, de donner le point de vue de l’« insuffisant cardiologue ». Ce travail a évalué l’impact de la resynchronisation chez des insuffisants cardiaques en classe III-IV de la NYHA, avec une FEVG ≤ 35 % et des QRS < 130 ms. Bien entendu, il fallait en plus un critère échographique d’asynchronisme. Pour une fois, le critère est relativement simple. L’asynchronisme était défini par la présence d’un délai de 80 ms du pic de vélocité systolique de deux parois opposées en Doppler tissulaire ou d’un délai antéropostérieur de plus de 130 ms du strain radial. Toutes les échographies, ainsi que les ECG, ont été analysées en aveugle par un laboratoire central. Initialement, 1 680 patients ont été inclus, mais seulement 821 ont bénéficié de l’implantation d’un défibrillateur resynchronisateur. Parmi les patients non randomisés, 53 % n’ont pas les critères d’asynchronisme et 20 % ont des résultats échographiques non compatibles avec l’étude (dont 15 % une FEVG > 35 %). Trente-six pour cent des patients ne sont pas randomisés pour un problème échographique. Ce chiffre élevé montre les limites de l’échographie dont, par rapport à l’ensemble de la population, 7,4 % de FEVG > 35 % estimée par le laboratoire central. On peut s’attendre à une proportion bien plus élevée en pratique quotidienne. Compte tenu de la morbidité des défibrillateurs, en prévention primaire chez les patients avec FEVG limite, il me semble indispensable d’évaluer par des méthodes différentes la FEVG et savoir prendre son temps avant d’implanter un défibrillateur. À l’opposé, seulement 1 % de la population n’est pas randomisé en raison d’une erreur dans la mesure de la largeur du QRS. Les échecs d’implantation sont faibles (4 %). Tous les patients sont implantés d’un DAI resynchronisateur et 809 patients sont randomisés, dont 404 dans le groupe resynchronisé. Il s’agit d’une population jeune (âge moyen : 58 ans), avec une FEVG à 27 % et des QRS fins (105 ms), 53 % ont une cardiopathie ischémique. Comme souvent dans les études « rythmologiques », les patients reçoivent un traitement médical optimal de l’insuffisance cardiaque avec 95 % d’IEC/ARA II, 96 % de bêtabloquant et 60 % d’antialdostérone. L’objectif principal est le critère combiné mortalité totale et hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Au cours du suivi, peu de patients (4,6 %) font un cross-over. L’étude a été arrêtée prématurément en mars 2013 pour « futilité » et pour un possible effet délétère de la resynchronisation. Les résultats sont neutres sans différence significative de l’objectif principal entre les deux groupes avec cependant une tendance défavorable chez les patients resynchronisés (RR = 1,2 [0,97-1,57] ; p = 0,15). Résultat troublant, les mortalités totale et cardiovasculaire sont significativement plus importantes chez les patients resynchronisés (RR = 1,81 [1,11-2,93] ; p = 0,02 pour la mortalité totale et RR = 2,26 [1,27-4,01] ; p = 0,004 pour la mortalité cardiovasculaire). Les décès par insuffisance cardiaque, mais aussi par mort subite, sont significativement plus fréquents chez les patients resynchronisés. Ces résultats sont concordants dans tous les sous-groupes analysés. De plus, il n’y a pas de modification de la classification NYHA, ni de la qualité de vie, ainsi qu’aucune modification significative échographique (pas de régression des volumes ventriculaires ni d’amélioration de la FEVG). Enfin, il y a significativement plus d’événements indésirables dans le groupe resynchronisé (chocs inappropriés, déplacement de sonde). L’étude EchoCRT apporte des réponses parfaitement claires : la resynchronisation est inutile chez les patients avec un QRS < 130 ms et un asynchronisme échographique, et seul l’ECG permet de sélectionner les patients susceptibles de bénéficier d’une resynchronisation. Sur le plan pratique, la recherche d’un asynchronisme à l’échographie cardiaque est inutile – mais doit à mon sens la recherche doit être poursuivie. La variabilité de l’estimation de la FEVG doit rendre extrêmement prudente la décision de mettre en place un défibrillateur en prévention primaire chez des patients avec une FEVG proche de 35 %. Il semble préférable, contrairement à ce qui est préconisé par certains, d’implanter un DAI resynchronisateur plutôt qu’un resynchronisateur seul en cas d’indication confirmée (en dehors de l’indication hémodynamique de l’insuffisant cardiaque en phase terminale).

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