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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 31 mar 2013Lecture 8 min

Intérêt de l’ECG pour le diagnostic étiologique d’une tachycardie ?

D. SCARLATTI, N. BITTON, G. THÉODORE, J.-P. CAMOUS, P. GIBELIN, É. FERRARI Service de cardiologie, CHU de Nice

La prise en charge des tachycardies, que les QRS soient larges ou fins, est déterminée par sa tolérance hémodynamique. En cas de bonne tolérance, le praticien doit essayer de différencier une origine ventriculaire d’une origine supraventriculaire grâce à différents indices essentiellement électrocardiographiques. Cette distinction détermine l’attitude thérapeutique : 
- une tachycardie ventriculaire sans cause aiguë réversible peut nécessiter l’implantation d’un défibrillateur automatique implantable, un traitement antiarythmique, voire une ablation par radiofréquence ; 
- une tachycardie jonctionnelle bénéficiera soit d’un traitement médicamenteux par bêtabloquant ou inhibiteur calcique, voire flécaïne en cas de voie accessoire, soit d’une ablation par radiofréquence ; 
- une tachycardie atriale nécessitera une anticoagulation selon le score cardio-embolique et une stratégie de contrôle du rythme ou de la fréquence.  

En cas de QRS larges, la première étape consiste à rechercher une origine ventriculaire    Les antécédents du patient (existence d’une cardiomyopathie, antécédent familial de mort subite, âge du début des palpitations) et la clinique (horaire, mode de début, symptômes associés, durée des crises, facteurs déclenchants) sont des éléments essentiels permettant d’orienter le diagnostic(1).  Concernant les critères électriques, il existe d’emblée une exception à la règle simple qui consiste à considérer toute tachycardie à QRS fins comme d’origine supraventriculaire.  Les tachycardies ventriculaires fasciculaires peuvent en effet présenter un faible élargissement des QRS du fait de leur origine septale (figure 1). Ces dernières sont le plus souvent à type de retard droit, axe gauche (cœur le plus souvent sain). Les critères distinctifs entre tachycardie ventriculaire (TV) et supraventriculaire (TSV) sont résumés sur la figure 2, utilisant de préférence les critères les plus spécifiques. Ils ont été évalués sur des tachycardies à QRS larges(2).    Figure 1. Tachycardie ventriculaire fasciculaire.    Figure 2. Algorithme proposé permettant de différencier une TV d’une TSV. Adapté d’après(2).     En cas de TV, l’onde R initiale en aVR est un critère simple à utiliser. Son explication est la suivante : en cas de TV, la dépolarisation ventriculaire active les ventricules de haut en bas d’où l’onde R initiale.    La durée de l’onde R en DII(3) (figure 3) et le rapport Vi/Vt partent du postulat que la dépolarisation myocardique est plus lente que celle du septum et donc que la pente d’activation initiale des QRS est plus faible lors d’une TV que lors d’une TSV.   Les critères morphologiques ne sont malheureusement pas utilisables en cas d’utilisation de traitement antiarythmique, en cas de TV de branche à branche et de TV fasciculaire (figure 4).  À noter que les manœuvres vagales, voire l’adénosine ou la striadyne peuvent être utilisées. Celles-ci sont en faveur d’une tachycardie ventriculaire si cette thérapeutique est sans effet sous réserve que la dose injectée est suffisante. Une dose « suffisante » est en règle générale « ressentie » par le patient. Néanmoins, les tachycardies ventriculaires infundibulaires peuvent être réduites par la striadyne.   Figure 3. Durée du pic de l’onde R en DII. Adapté d’après(3).    Figure 4. Critères morphologiques en faveur d’une TV ou d’une TSV.  En cas de QRS fins, il s’agit de déterminer son origine : atriale ou jonctionnelle    Schématiquement, il peut s’agir d’une tachycardie provenant de l’oreillette (tachycardie atriale focale [TAF], flutter ou fibrillation atriale) ou jonctionnelle (réentrée intranodale ou voie accessoire, essentiellement le syndrome de Wolff-Parkinson- White [WPW]).  Là encore, certains indices électrocardiographiques permettent de différencier une tachycardie atriale d’une tachycardie jonctionnelle ou d’un flutter (figure 5)(4).  La fibrillation atriale est rapidement diagnostiquée par l’irrégularité de ses cycles RR.  Certaines fréquences ventriculaires peuvent orienter le diagnostic (180/min plutôt en faveur d’une tachycardie jonctionnelle, 150/min plutôt un flutter), de même le mode de début et de terminaison.    Figure 5. Algorithme proposé permettant de déterminer l’origine d’une TSV.    Une extrasystole atriale peut entraîner une tachycardie atriale comme une tachycardie jonctionnelle, mais l’arrêt de la tachycardie sur une onde P élimine une tachycardie atriale (celle-ci recyclerait la tachycardie dans le cas d’une TA) (figure 6).    Figure 6. Arrêt de la tachycardie sur une onde P. Adapté d’après(4).     Les ondes P, lorsqu’elles ne sont pas visibles, évoquent une tachycardie jonctionnelle (par réentrée intranodale). Sinon, leur négativité dans les dérivations inférieures évoque une origine rétrograde en faveur d’une tachycardie jonctionnelle, bien que les tachycardies atriales focales inférieures gauches puissent présenter également une onde P négative en inférieur.  La durée de l’espace entre le QRS et l’onde P’ permet alors de préciser le mécanisme de la tachycardie jonctionnelle :  - un espace RP’ court (< 70 ms) ou une onde P’ non visible évoquant une réentrée intranodale (RIN) ;  - un espace RP’ long (> 70 ms) pouvant évoquer une voie accessoire plutôt qu’une RIN ;  - un espace RP’ très long (RP’ > P’R) évoquant alors une voie accessoire rétrograde décrémentielle comme une tachycardie par rythme réciproque de Coumel ou une RIN atypique.    Lorsque l’onde P’ n’est pas visible, le crochetage du QRS en aVL est en faveur d’une réentrée intranodale (spécificité de 92 %)(5) (figure 7).    Figure 7. Différents types de notch en aVL d’après(5).     Enfin, l’alternance électrique est plutôt en faveur d’une tachycardie jonctionnelle, la variabilité relative de fréquence ventriculaire plutôt en faveur d’une TAF bien que ces deux signes ne soient pas spécifiques. La présence d’un bloc de branche ralentisseur est une entité rare qui répond au principe que le chemin à parcourir lors d’un bloc de branche du même côté que la voie accessoire (bloc de branche gauche et Kent latéral gauche par exemple) rallonge le cycle.  Il peut également s’agir d’une tachycardie sinusale inappropriée répondant probablement à un mécanisme d’automatisme anormal après exclusion des autres causes de tachycardie sinusales « secondaires ». Le début et la fin sont alors progressifs et les ondes P d’allure « sinusale ».  Les manœuvres vagales puis l’adénosine ou la striadyne peuvent apporter, là encore, des informations intéressantes en l’absence de contre-indication (asthme, tachycardie atriale préexcitée). Une réduction de la tachycardie sous striadyne plaide pour une tachycardie jonctionnelle (mais attention, certaines tachycardies atriales focales se réduisent sous striadyne) alors qu’un ralentissement transitoire évoque une tachycardie atriale ou un flutter (figure 8).  Signalons que cette thérapeutique est utilisable chez la femme enceinte (grade IC).    Il y a donc un faisceau d’arguments qui permet de déterminer l’origine de la tachycardie. Quand le mécanisme reste inexpliqué, une exploration électrophysiologique est indiquée du fait de l’implication potentielle du diagnostic dans la prise en charge thérapeutique.   Figure 8. Réponses possibles à l’adénosine. Quel traitement proposer ?    • En cas de flutter atrial typique ou commun (dépendant de l’isthme tricuspidocave), l’aspect électrique est plutôt caractérisé par des ondes F biphasiques à négativité prédominante dans les dérivations inférieures avec V1 positif et V6 négatif (antihoraire) ou positives en inférieur avec V1 négatif et V6 positif (horaire).  Les recommandations européennes(6) qui datent maintenant de 2003 préconisaient une ablation par radiofréquence pour un premier épisode (grade IIaB) ou pour des récurrences (grade IB).  Il semble maintenant admis, au vu des effets secondaires des traitements antiarythmiques, de réaliser précocement ce type de procédure.  Une anticoagulation curative doit alors être effectuée pour entourer le geste et être poursuivie au long cours le cas échéant selon le score embolique.  Des ondes F discrètes et positives en V1 évoquent une origine gauche, ce qui complique la procédure d’ablation (abord trans-septal).    • En cas de tachycardie atriale, une stratégie « contrôle de fréquence ou de rythme » est envisageable selon les mêmes recommandations en privilégiant les bêtabloquants et inhibiteurs calciques (grade IC). Les crises récurrentes symptomatiques nécessitant plutôt un traitement ablatif par radiofréquence (grade IB).  Une anticoagulation curative doit alors être effectuée selon le score embolique.    • En cas de tachycardie jonctionnelle par RIN, un traitement médicamenteux par inhibiteur calcique ou bêtabloquant peut être proposé à la demande « pill in pocket » ou au long cours selon la fréquence des crises ou une ablation par radiofréquence (IB).  S’il s’agit d’une voie accessoire, la flécaïne peut être utilisée du fait de son effet bloqueur sur les canaux sodiques (la voie accessoire étant « Na+ dépendante » alors que la voie nodo-hisienne est « Ca++ dépendante »). Une exploration électrophysiologique ne se justifie que pour vérifier la perméabilité en cas de conduction antérograde (préexcitation). L’exploration doit être réalisée en seconde intention si l’épreuve d’effort ne note pas de disparition brutale de la préexcitation. On déterminera ainsi le risque de mort subite inhérent à ce faisceau qui peut conduire l’influx de façon très rapide en cas de fibrillation atriale notamment.  Par ailleurs, l’échocardiographie permettra d’éliminer une anomalie associée au faisceau accessoire comme une maladie d’Ebstein.    Durant l’exploration d’un patient symptomatique, l’ablation peut alors être réalisée afin de prévenir les crises (grade IB) et éviter le traitement médicamenteux.

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