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HTP-TEC

Publié le 16 mai 2023Lecture 8 min

Angioscanner après une embolie pulmonaire

Olivier CHABOT, d’après l’intervention de Marie-Pierre Revel (Hôpital Cochin) lors des Rencontres de l’HTP-TEC

Place de l’angioscanner en post-EP et pièges en cas d’HTP-TEC : y a-t-il un intérêt en dehors de la phase aiguë ? Et en cas de maladie thrombo-embolique veineuse avec possible hypertension pulmonaire chronique ?

Pour faire simple, il n’y a pas de place pour l’angioscanner en post-EP. C’est-à-dire qu'il n'y a pas d'indication à répéter un angioscanner chez un patient sous traitement pour évaluer la fonte des caillots, et cela d'autant plus qu'il y a une résolution incomplète des thrombi dans 40 à 60 % des cas. Résolution incomplète qui, le plus souvent n'a pas de retentissement clinique. Cela est d’ailleurs spécifié dans les recommandations récentes de la Société Européenne de Cardiologie(1) : on ne recommande pas, en routine, un suivi en imagerie des patients qui ont présenté une embolie et qui sont asymptomatiques. La prévalence du cœur pulmonaire chronique post-embolique (CPCPE) après un épisode d’EP aiguë est estimée à 2 à 3 %, un peu plus fréquent chez les patients qui restent dyspnéiques. Est-ce la conséquence d'un épisode d’embolie aigu ou est-ce la révélation d’une forme chronique lors de cet épisode aigu ? Une étude publiée en 2014 sur la prévalence de l’HTP-TEC au décours d’une EP aiguë a montré que, chez les 4,8 % des patients qui avaient développé une hypertension post-embolique, tous avaient au moins deux signes de thrombose chronique sur le scanner initial au moment de l'épisode princeps(2) (figure 1) illustrant ces signes de thrombose chronique chez une patiente avec des signes d’anomalies aiguës mais également des éléments de thrombo-embolie chronique. L’analyse en fenêtre parenchymateuse avec un post-traitement particulier qu’on appelle un MinIP (projection des intensités minimales) est une technique qui sensibilise la détection d’asymétrie de perfusion : chose qu’on ne voit que dans des situations chroniques ! Figure 1. Angioscanner lors d’une EP aiguë. Présence de signes d’EP aiguë (thrombus dans l’artère pulmonaire) mais aussi d’atteinte chronique avec une image linéaire endoluminale, qui correspond à ce qu'on appelle « web » ou « bande ». Dans la fenêtre parenchymateuse on visualise bien les zones non perfusées (les plus sombres) liées une thrombose chronique.   Les signes d’HTP-TEC à l’angioscanner spiralé Les signes d’HTP-TEC à l’angioscanner sont ceux de l'hypertension pulmonaire (HTP) associés à une triade : – des signes de thrombose artérielle pulmonaire chronique ; – une hypervascularisation systémique compensatrice (le plus souvent aux dépens des artères bronchiques, mais d'autres artères systémiques peuvent être mises en jeu) ; – une perfusion en mosaïque. Les 3 éléments sont nécessaires ! Les signes d’HTP (non spécifiques de la cause) sont : – des signes vasculaires : la dilatation du tronc pulmonaire (≥ 29 mm) et surtout en comparaison à l’aorte ascendante : il faut analyser le rapport artère pulmonaire/aorte ascendante pour gagner en spécificité (rapport AP/aorte ≥ 1) ; – des signes cardiaques : le plus important est l'hypertrophie du ventricule droit (VD) (paroi libre du VD ≥ 4 mm : elle devient musclée alors que normalement elle est tellement fine qu’on n’arrive pas à la mesurer : ce n’est pas instantané, cela signifie que le ventricule droit lutte en permanence contre des pressions trop élevées). Les autres signes (dilatation du VD, anomalies de courbure septale ou reflux de contraste dans la veine cave inférieure) peuvent exister en cas d’EP aiguë un peu sévère ; – d'autres signes comme des épanchements péricardiques et pleuraux, une réouverture du foramen ovale (expliquant les embolies paradoxales), qui peuvent cependant être vus dans des épisodes aigus et dans une situation chronique. Il est important de préciser que le seul signe existant uniquement dans une situation chronique, c’est l’hypertrophie du VD. Associés aux signes d’HTP, il y a donc une triade de signes suggérant l’existence d’une HTP-TEC. • Les signes de thrombose chronique (figure 2) : – des artères qui sont complètement hypotrophiées et qui ne rehaussent pas le signal (on ne le verra jamais en situation aiguë) ; – l’existence de thrombi marginés : un épaississement pariétal sur une artère pulmonaire n’est jamais de l’athérome, il n’y a pas d’athérome des artères pulmonaires. Donc, tout épaississement est soit un épaississement inflammatoire d’une vascularite (maladie très rare) soit c’est du « vieux caillot » ; – des sténoses ; – des pouching defects « un arrêt en doigt de gant », c’est-à-dire une artère qui s’interrompt tout à coup avec l’hypertrophie d’un vaisseau, qui suit l’artère retractée, pour essayer de revasculariser la partie du poumon qui est péri-bronchique ; – images de bande (image linéaire dans la lumière) ou de web (en toile d’araignée) représentant l’organisation fibreuse de vieux caillots. Figure 2. Signes de thromboses chroniques à l’angioscanner. • Les signes d’hypervascularisation systémique : quand la circulation artérielle pulmonaire est obstruée, les artères systémiques tentent de revasculariser le poumon, principalement par les artères bronchiques (figure 3). Normalement les artères bronchiques ne sont pas visibles, donc quand elle le sont, c'est pathologique (pas la peine d’essayer de les mesurer). D'autres artères peuvent être mises en jeu, comme les artères phréniques ou des artères mammaires internes mais c’est plus difficile à voir. Figure 3. Angioscanners montrant une hypervascularisation systémique (artères bronchiques ou phréniques ou mammaires). • Le dernier signe de cette triade est la perfusion mosaïque (figure 4). Le terme de perfusion est un peu trompeur car on a l'impression qu'il faut injecter pour voir ce signe ; en fait, ce signe se voit sans injection. La tonalité du poumon est hétérogène, avec des zones plus denses et des zones moins denses. Ce qui permet de faire la différence entre une maladie interstitielle avec du verre dépoli et une perfusion mosaïque c'est que, dans la perfusion mosaïque, il y a une asymétrie de vaisseaux. C’est-à-dire que dans les zones denses qui sont les zones normales, les vaisseaux sont plus gros et plus nombreux que dans les zones hypodenses où en fait il y a une raréfaction vasculaire. Et puis parfois cette perfusion mosaïque n’est pas visible sur l’angioscanner mais en sensibilisant avec la technique de minIP (projection d’intensité minimum ou mini-MIP) on peut la mettre en évidence (figure 5). L’équipe de Rossi et al. de 2012 proposait que l’évaluation de la perfusion mosaïque soit aussi forte que de regarder la perfusion en scintigraphie. Mais il faut connaître cette technique de post-traitement, en imagerie ; qui peut cependant être faite en routine (sur n’importe quel PACS on peut avoir ces reconstructions). Figure 4. Scanner montrant une perfusion mosaïque. Figure 5. Images en post-traitement minIP, avant et après endartériectomie. Rossi et al. Evaluation of mosaic pattern areas in HRCT with Min-IP reconstructions in patients with pulmonary hypertension: could this evaluation replace lung perfusion scintigraphy? Eur J Radiol 2012 ; 81(1) : e1-6. Le scanner spiralé à double énergie est également une technique dont on parle beaucoup et qui peut être utilisée pour évaluer la perfusion pulmonaire. L’acquisition des images est faite à deux énergies différentes et cela permet d'avoir des cartographies d'iode et donc l'évaluation de la perfusion (figure 6). Cette technique peut être limitée du fait de l’importance de l’irradiation, en effet qui dit double énergie dit double dose d’irradiation (sauf chez certains constructeurs avec des détecteurs capables de différencier 2 niveaux d’énergie). Le post-traitement de l’image par minIP suffit la plupart du temps ! Parfois la réalisation d’un angioscanner thoracique n’est pas possible ou peut être dangereuse, en particulier chez les patients ne supportant pas le décubitus dorsal. Dans ce cas, il faut se poser des questions avant de réaliser l’injection : le patient peut avoir une œdème aigu du poumon (OAP) ou une HTP sévère (voir vidéo du Pr Revel pour exemples). Figure 6. Angioscanner spirale à double énergie.   Pièges pouvant faire évoquer une HTP-TEC à l’angioscanner Parfois, bien que tous les signes d’HTP-TEC soient présents sur l’angioscanner, l’origine de l’HTP n’est pas la maladie thrombo-embolique veineuse mais une autre cause. Par exemple : – hypertension portale sur cirrhose (figure 7) (voir vidéo du Pr Revel pour le détail des exemples) ; – syndrome d’Eisenmenger (figure 8) (voir vidéo du Pr Revel pour le détail des exemples) ; – maladie de Takayasu (figure 9) (voir vidéo du Pr Revel pour le détail des exemples) ; – médiastinite fibrosante (figure 10) (voir vidéo du Pr Revel pour le détail des exemples) ; – crises vaso-occlusives sur une drépanocytose (figure 11) (voir vidéo du Pr Revel pour le détail des exemples). Figure 7. Scanner d’un patient avec tous les signes faisant évoquer une HTP-TEC : présence de caillots marginés, d’une hypertrophie de l’infundibulum. Mais existence d’une cirrhose avec une hypertension portale qui est la cause de l’HTP. Les caillots marginés sont en réalité des thrombi d'alluvionnement sur des artères pulmonaires dilatées. Figure 8. Scanner d’un patient avec une HTP et la présence de thrombi marginés. Il existe une CIV qui n’a jamais été opérée, c’est un syndrome d’Eisenmenger. Il ne s’agit pas d’embolies, mais de thrombi qui se forment localement sur des artères dilatées. Figure 9. Patiente ayant une CIA opérée dans l’enfance, dyspnéique avec une HTP identifiée à l’échographie cardiaque. Le scanner montre une HTP (tronc pulmonaire dilaté, artères bronchiques hypertrophiées dans le médiastin, signes de thrombose chronique). Mais l’aorte est hypotrophiée, signant une maladie de Takayasu. Ce sont des occlusions inflammatoires sur une maladie de Takayasu. Figure 10. Patiente ayant un OPA dans les suites de son accouchement. Le scanner montre une occlusion chronique dans le lobe inférieur gauche. L’artère pulmonaire gauche est remplacée par un matériel hétérogène dans son médiastin avec des zones denses (calcifications). Il s’agit d’une médiastinite fibrosante, responsable de l’occlusion de l’artère pulmonaire gauche.   Figure 11. Image de perfusion mosaïque. Signes d’HTP, hétérogénéité des densités avec dans les zones denses des vaisseaux hypertrophiés, et dans les régions périphériques, une absence de vascularisation. Ce patient a une drépanocytose, avec des crises vaso-occlusives répétées.   Conclusion Après une EP, le suivi systématique par imagerie n’est pas nécessaire en post-EP. En cas d’HTP-TEC, le plus souvent des signes existaient déjà lors de l'EP aiguë, il est donc important de les chercher sur l’angioscanner réalisé lors de cette EP. Un épaississement de la paroi libre du ventricule droit est le meilleur signe d’une situation chronique. Il faut se méfier des pièges avec les thrombi d’alluvionnement dans des artères anévrismales sur une HTP d'autres causes et les occlusions non cruoriques. Enfin, en cas de signes isolés d'HTP, avant de conclure à une forme idiopathique, il faut chercher des signes subtils d’HTP-TEC qui peuvent se résumer à des petites images en bandes. Et ne pas hésiter à analyser les images en post-traitement minIP pour la perfusion mosaïque. << RETOUR  

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