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Technologies

Publié le 31 mai 2016Lecture 9 min

Rotablator™ en 2016

C. BRASSELET , Polyclinique de Courlancy, Reims

Le Rotablator™ est une ancienne technologie initiée au début des années 1990 qui a vu transitoirement s’étioler son intérêt à une époque où l’adversaire principal de l’angioplasticien était la resténose intrastent.
Par la suite, la resténose postangioplastie désormais contrôlée, la technique a suscité un intérêt renouvelé et légitime du fait de l’élargissement des indications d’angioplasties à des patients de plus en plus âgés, de lésions diffusément calcifiées et d’anatomies coronaires de plus en plus ambitieuses.

Le matériel aujourd’hui disponible permet d’appréhender des lésions jugées hier inabordables. Néanmoins, malgré un support passif extrêmement favorable offert par les derniers cathéters guides et des ballons ayant un profil inespéré jusqu’à il y a peu de temps, le franchissement ou l’ouverture de certaines lésions continuent de mettre en défaut ce matériel optimisé. La technique Entre temps, les experts reconnus maîtres dans l’art de manier le Rotablator™ qui ont gardé l’usage et la maîtrise de cet outil, ont défriché le champ de la technique abrasive afin d’offrir aujourd’hui à ses utilisateurs un outil mature et affuté. Le choix du cathéter guide La plupart des procédures peuvent aujourd’hui être réalisées au travers de matériel 6 F. D’une part, le concept de debulking ayant laissé place au concept de modification de plaque, la taille des fraises est revue à la baisse. Ce downsizing dans la taille des fraises choisies sécurise le travail en 6 F, autorisant de facto l’abord en voie radiale. D’autre part, il est possible de conjuguer voie radiale et lumière interne de cathéter guide optimisée avec l’utilisation de cathéter guides sheathless. Le choix de la taille du cathéter guide est fondamental. Il est conditionné par la taille de la fraise à utiliser, mais il doit aussi anticiper les éventuelles difficultés techniques de la procédure en autorisant le recours à des fraises de plus gros calibre (tableau 1). Néanmoins, l’utilisation d’une fraise 1,25 mm reste possible en 5 F. Cette stratégie n’est pas recommandée. Elle peut simplement permettre de sortir d’une situation délicate. Travail du RotaWire™ Le travail du guide de Rotablator™ est classiquement jugé difficile et inconstant. La technique préconisée consiste à franchir la lésion avec son guide de prédilection, pratiquer un échange de guide, réaliser le temps d’athérectomie sur RotaWire™ (Boston Scientific), puis finaliser la procédure sur guide conventionnel. Deux RotaWire™ sont disponibles. L’extra-support sera privilégié pour la prise en charge de lésions aorto-ostiales, le reste des procédures étant à aborder sur guide floppy. La position distale du guide est un élément important de sécurité. Le tip doit rester le plus atraumatique possible, c’est-à-dire dans l’axe du vaisseau à traiter, le plus loin possible de la lésion abordée et en évitant sa descente dans les branches distales. Un tip trop prononcé, bouclé ou perdu dans un microvaisseau est un facteur favorisant de perforation vasculaire ou de rupture de guide. Choix de la taille et du nombre de fraise(s) La technique a beaucoup bénéficié du changement de concept de debulking vers celui de modification de plaque, corolaire de la stratégie de rotablation. La finalité n’est donc plus le gain luminal absolu mais l’assouplissement du vaisseau et/ou la rupture d’une gangue calcaire circulaire afin de permettre une angioplastie satisfaisante au(x) ballon(s) et une implantation de stent (actif) optimale. Ainsi, les petites fraises sont le premier choix pour le traitement des lésions situées sur des vaisseaux très tortueux ou concernant de longues plaques. À l’inverse, les grosses fraises seront réservées aux lésions aorto-ostiales ou lorsqu’un calibre coronaire exubérant rend caduque toute idée d’abrasion avec une fraise de petit calibre qui flotterait dans une lumière disproportionnée (figure 1). Figure 1. Différentes tailles de fraises. En pratique, une fraise de 1,5 mm représente la bonne option de première intention. Elle concilie les contraintes de modification de plaque, le respect d’un ratio fraise/artère proche de 0,6 et respecte les préoccupations budgétaires. S’affranchissant de toutes contraintes de temps de procédure, de radioprotection, de néphroprotection et de budget, une intervention en marche d’escalier débutant en utilisant une fraise de 1,25 mm, complétant ce geste à l’aide d’une fraise de 1,5 mm puis optimisant le résultat avec une fraise de 1,75 mm représente une stratégie séduisante. Ainsi, dans la plupart des situations, travailler en 1,5 mm en gardant prudemment à disponibilité une fraise 2,00 mm en cas de lésion inhabituelle ou aorto-ostiale sera la règle. Travail de la fraise Le travail de la fraise, mais aussi l’attention qui lui est portée, sont des paramètres importants de succès et de sécurité de la procédure. Trois éléments vont les conditionner : • Le premier concerne les modalités de mobilisation de la fraise. La lésion cible doit être picorée par un mouvement ferme mais non brusque, véloce mais non rapide afin d’entamer et d’éroder la chape fibreuse et/ou calcifiée, ce qui la rendra accessible à l’inflation d’un ballon. Picorer la lésion limite le risque de creuser une tranchée dans la lésion, permet au guide de se repositionner dans l’axe de l’artère coronaire, et de laisser ainsi retomber les tensions exercées sur l’ensemble fraise – guide – moteur (figure 2). Un certain nombre de gestes malheureux sont à proscrire. Une stratégie de push transfixiant de la fraise au travers de la lésion cible en est le premier. Le risque est alors grand de « planter » la fraise dans une lésion résistante conduisant à son blocage. Ainsi, l’effet Dotter est impropre à une rotablation de qualité, la fraise ne doit jamais être démarrée et stoppée au contact de la lésion, la fraise ne doit pas rester en rotation et immobile au contact de la lésion et il ne faut jamais arrêter la fraise au-delà du site lésionnel (figure 3). Figure 2. Système RotaLink™. Figure 3. Bonne et mauvaise modalité de travail de la fraise. • Le second concerne la durée de chaque temps de rotablation. Ceux-ci doivent durer un maximum de 15 s. Ce seuil pondère le risque d’échauffement de la paroi et limite le risque de survenue d’un bloc auriculo-ventriculaire complet qui était antérieurement anticipé par la pose d’une sonde de stimulation transitoire pour le traitement des lésions de la coronaire droite, impactant parfois lourdement le pronostic des patients en cas de perforation ou de tamponnade en cours de procédure. • Le troisième concerne la vitesse de rotation de la fraise. La fourchette optimale et moderne de vitesse de rotation varie entre 135 000 et 180 000 rotations par minute (rpm). En deçà de 135 000 rpm, le risque de blocage de fraise augmente. Au-delà de 180 000 rpm, le risque d’augmentation de l’activation plaquettaire et de majoration des complications ischémiques est démontré. Le dépistage d’une décélération excessive (> 5 000 rpm) est un paramètre de sécurité majeur. Dans ce cas, le traitement appliqué par la fraise est de mauvaise qualité avec un risque de lésion de la paroi vasculaire, la génération d’une chaleur locale excessive, la formation de débris de rotablation de grosses tailles, tous ces facteurs conduisant à un sur-risque de complications ischémiques. Stratégie de repli vers une angioplastie conventionnelle Savoir quand il faut arrêter le travail de rotablation est toujours délicat. Cela repose essentiellement sur l’expérience de l’opérateur qui juge grâce à la vision du mouvement de la fraise, au son produit par le moteur et au toucher de la fraise au contact de la lésion que la rotablation est effective. Dès lors, la persistance d’un effet « os de chien » traduit une préparation insuffisante de la lésion. Insister sur celle-ci avec un ballon à forte pression pourrait provoquer une dissection de part et d’autre de la lésion, rendant alors difficile la poursuite de la procédure. La sagesse repose dans ce cas sur l’utilisation d’une fraise de plus gros calibre afin de mieux préparer la lésion en abrasant plus efficacement la chape à fracturer. Stenting après rotablation réussie À la complexité évidente des lésions traitées par rotablation est assorti un taux important de resténose intrastent « nu », que rend légitime l’utilisation systématique de stents actifs, sauf situations particulières à discuter au cas par cas. Traitement des complications au cours d’une procédure de rotablation En angioplastie traditionnelle d’une manière générale et lors d’une procédure de rotablation en particulier, la meilleure façon d’éviter de devoir traiter une complication reste de l’éviter ou d’en limiter immédiatement les conséquences ! • La plus courante est la survenue d’un phénomène de slow flow ou de no reflow en cours de procédure. Utiliser de plus petites fraises ayant pour finalité une rotablation et non plus un debulking de la lésion, à vitesse plus faible et durant des périodes de traitement restant < 15 secondes participe largement à la réduction de l’incidence de ce type de complications. Lorsqu’elles surviennent, laisser « récupérer » l’artère en cours de traitement, éventuellement complété par l’injection de dérivés nitrés, contrôle habituellement la difficulté passagère. Parfois, un support hémodynamique pourra être nécessaire avec l’optimisation de la volémie. Les molécules « anti » slow flow ou no reflow plus classiquement utilisées lors des NSTEMI ou des STEMI peuvent être employées. Enfin, dans les situations extrêmes, un support hémodynamique mécanique pourra être nécessaire. • La survenue d’une dissection doit être monitorée car elle doit faire stopper la poursuite de la rotablation. En cas d’impossibilité à lever l’obstacle résiduel qui résisterait aux ballons semi- ou non compliants, deux attitudes sont préconisées. En cas de dissection d’allure non menaçante avec un risque d’occlusion aiguë estimé faible, une temporisation de la poursuite de la procédure de 3 à 4 semaines est de mise afin de laisser cicatriser cette dissection. À l’inverse, si le risque de dissection occlusive est estimé important, toutes les options seront à mettre en oeuvre pour finaliser la procédure. • Le blocage de la fraise reste l’angoisse des opérateurs. Optimiser sa technique en respectant les tips and tricks d’une rotablation sécuritaire, est un excellent moyen de prévenir un blocage de fraise. La solution commence par : 1. une tentative de traction et de poussée sur le corps de la fraise ; 2. amener un guide et franchir la zone de rotablation pour inflater un ballon au contact de la fraise pour la libérer ; 3. intuber profondément le cathéter guide pour aller le plus au contact possible de la fraise et tenter ainsi de la libérer. La dernière option sera chirurgicale… • La perforation va au-delà de l’angoisse rattachée au blocage de la fraise. Elle survient sur des artères « hostiles » au travers desquelles il conviendra de descendre en urgence un stent couvert, dont le profil et les capacités de franchissement sont assez peu adaptés au traitement d’une artère éligible à une rotablation… Un drainage péricardique additionnel pourra être indispensable. Parfois, la seule option sera l’inflation d’un ballon occlusif très en amont du site de perforation, afin de stopper le flux dans l’artère perforée, dans l’optique d’une prise en charge chirurgicale urgente. Comment débuter un programme de rotablation Plus un opérateur sera rompu aux procédures de rotablation, meilleurs seront ses résultats. Acquérir cette expérience passe par une phase de training, si possible intéressant la rota-team en devenir, c’est-à-dire l’opérateur pressenti et une partie de son équipe paramédicale. Cet apprentissage devra être réalisé auprès d’un opérateur et d’une équipe forte d’une grande expérience. Conclusion Le debulking utilisant des fraises de gros calibres à des vitesses de rotations de 200 000 rpm a vécu. Tout démontre aujourd’hui la pertinence, la sécurité et l’efficacité d’une rotablation « douce » visant à préparer la plaque à une angioplastie traditionnelle. Dans de bonnes conditions et aux mains d’équipes entraînées, le Rotablator™ est aujourd'hui un outil incontournable au sein d’une unité de cardiologie interventionnelle. Le maîtriser, c’est-à-dire contrôler ses différents pièges, offre une sécurité et une efficience essentielles à la prise en charge moderne de nos patients coronariens.

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