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Polémique

Publié le 30 nov 2009Lecture 10 min

Peut-on encore se passer de la FFR ?

P. DURAND, R. CADOR, Clinique Bizet, Paris

Faisons un rêve : celui de ne revasculariser que les sténoses responsables d’une ischémie sans se tromper et de traiter et protéger les patients avec la juste attitude, sans angioplastie ni stents inutiles et potentiellement générateurs de complications. À défaut de rêve, voici l’objectif que tout cardiologue interventionnel a du moins en tête. C’est aussi la meilleure réponse à tous les détracteurs de la cardiologie interventionnelle pour lesquels nous ne sommes que des « ferrailleurs » d’artères ne répondant qu’à un réflexe oculo-sténotique. La FFR (réserve coronaire fractionnelle) apparaît aujourd’hui à côté du bon sens clinique comme une aide indispensable à une juste indication.

Dans quel contexte a été développée cette technique ?  L’étude FFR a été développée dans les années 1990 à une époque où l’on discutait de la nécessité d’implanter un stent systématiquement après angioplastie par ballon et où s’affrontaient les partisans du stenting systématique et ceux du stenting provisionnel. Nous étions loin des problèmes de polymère biodégradable ou de thrombose tardive ! Les études DEBATE et FROST(1,2), réalisées avec le Doppler intracoronaire, ont suscité un débat passionné à l’époque puisqu’elles montraient qu’une angioplastie par ballon avec un bon résultat angiographique et une bonne réserve coronaire en fin de procédure (FFR > 0,90) était associée à un taux d’événements cliniques à 6 mois superposable à celui de l’angioplastie avec stenting systématique.  L’objectif de la technique n’était donc pas à l’époque l’évaluation de sténoses intermédiaires mais d’apprécier la qualité du résultat d’une angioplastie, notamment par ballon seul. Les premiers stents disponibles étaient d’ailleurs bien incapables de traiter ou de franchir toutes les lésions coronaires. Il suffit de se souvenir de la rigidité des premiers stents Palmaz-Schatz qui étaient de plus sertis manuellement avec éventuellement l’aide d’une pince à sertir.    Les cardiologues interventionnels se sont chargés d’écrire la suite de l’histoire, avec le concours de l’industrie qui n’a eu de cesse d’améliorer les prothèses, et ont très rapidement imposé le stenting systématique comme le gold standard de l’angioplastie coronaire, malmenant au passage les principes d’evidence based medicine.    La technique de mesure de la FFR par guide pression est alors tombée dans l’oubli, un bon stenting se chargeant d’assurer un bon résultat primaire et la promesse d’un taux de resténose assez faible.  La technique ne s’est cependant pas longtemps limitée à évaluer le résultat postangioplastie. En 1996, N.H. Pils publiait dans le New England Journal of Medicine un article princeps sur l’évaluation de la sévérité d’une sténose coronaire par la mesure de la FFR(3). Chez 45 patients consécutifs présentant une sténose intermédiaire de l’ordre de 50 %, les 21 patients ayant une FFR < 0,75 avaient un test d’ischémie positif qui est devenu négatif après l’angioplastie. En revanche, 21 des 24 patients ayant une FFR > 0,75 avaient des tests d’ischémie négatifs et n’ont présenté aucun incident clinique pendant 14 mois sans geste de revascularisation.  Pourquoi avoir sorti la technique de son placard ?  Bien que le stenting systématique se soit imposé comme le standard de l’angioplastie coronaire à la fin des années 1990 avec un niveau de sécurité aujourd’hui bien établi, la technique a toujours eu ses détracteurs qui préféraient un bon traitement médical à une angioplastie chez leurs patients. Les résultats de l’étude COURAGE et la polémique sur la thrombose tardive des stents actifs ont semblé apporter de l’eau à leur moulin et ont alors freiné l’enthousiasme des cardiologues interventionnels jamais remis en question auparavant.  Il n’était plus question de choisir entre une angioplastie par ballon et un stenting systématique mais de savoir s’il fallait encore dilater en dehors de l’urgence !    Même si le résultat de la coronarographie et le contexte clinique dans lequel elle est réalisée permettent avec un peu de bon sens de porter la plupart du temps des indications consensuelles, il n’en reste pas moins des situations plus délicates : une symptomatologie suspecte avec une lésion significative mais non serrée, un patient pluritronculaire symptomatique sur une lésion très serrée mais présentant par ailleurs des lésions intermédiaires sur les autres artères.  De solides preuves scientifiques L’étude unicentrique publiée en 2005 par l’équipe de F. Schiele à Besançon(4) montre clairement que la mesure de la FFR permet d’éviter une revascularisation par angioplastie chez deux tiers des patients porteurs d’une sténose intermédiaire sans ischémie démontrée. Cette étude menée de janvier 2000 à octobre 2003 a admis une valeur seuil de 0,80, alors que le seuil validé auparavant était de 0,75, sans incidence sur le taux de patients revascularisés par angioplastie. Tous les patients coronarographiés durant cette période pouvaient être inclus dans l’étude et au final 6,5 % d’entre eux ont eu une mesure de la FFR soit 407 patients sur 6 288.  À 12 mois, la survie sans événements cardiovasculaires est identique chez les patients laissés sous traitement médical seul et chez ceux revascularisés par angioplastie avec une décision de revascularisation guidée par la mesure de la FFR (figure 1).  Figure 1. Survie à 1 an sans événements des patients revascularisés vs survie des patients laissés sous traitement médical seul (décision de revascularisation basée sur les résultats de la FFR). Rétrospectivement ont été définis deux groupes, le groupe compliant (336 patients) et le groupe non compliant (71 patients), respectivement définis par une décision thérapeutique guidée par la FFR et une décision non guidée par la FFR. Dans le groupe compliant, le taux d’événements cardiovasculaires à 1 an est significativement réduit par rapport au groupe non compliant (6 % vs 15,5 % ; p = 0,01). Les résultats à 5 ans de l’étude DEFER(5) publiés en 2007 valident ces résultats à long terme. Dans cette étude, les sténoses non fonctionnelles c’est-à-dire avec FFR > 0,75 traitées médicalement ont un très bon pronostic à 5 ans (figure 2). Le stenting systématique des lésions coronaires avec FFR > 0,75 n’apporte aucun bénéfice en termes d’événements cardiovasculaires par rapport aux mêmes lésions traitées médicalement (taux de décès et d’IDM < 1 % par an).  La principale limite de ces deux études est l’utilisation de stents nus. Il fallait donc confirmer les résultats avec les stents actifs.  Figure 2. Étude DEFER après 5 ans de suivi. L’étude FAME ou comment changer durablement nos habitudes de travail  L’étude FAME(6) confirme les données de l’étude du CHU de Besançon et de l’étude DEFER en évaluant les patients pluritronculaires traités avec des stents actifs. La valeur seuil retenue avait été fixée à 0,80. À 1 an, le taux de décès d’origine cardiovasculaire et d’infarctus du myocarde (IDM) est significativement réduit dans le groupe angioplastie guidée par la FFR par rapport au groupe angioplastie guidée par l’angiographie seule (7,3 % vs 11,1 % ; p = 0,04).  Les résultats de FAME à 2 ans ont été présentés au TCT 2009 à San Francisco et confirment le bénéfice de l’utilisation de la FFR avec un taux de décès/IDM de 8,4 % dans le groupe FFR contre 12,7 % dans le groupe angiographie seule (p = 0,03). Il existe également une tendance à la réduction des revascularisations mais cependant non significative (10,4 % groupe FFR vs 12,3 % groupe angiographie seule ; p = 0,35).  Si les données de l’étude SYNTAX nous permettent désormais de mieux choisir la technique de revascularisation pour les patients pluritronculaires notamment grâce à l’utilisation du score Syntax, les complications cardiovasculaires graves pourraient encore être significativement réduites chez les patients traités par angioplastie par une utilisation systématique de la FFR.    L’objectif est désormais une revascularisation fonctionnellement optimale sans être obligatoirement anatomiquement complète.  Une FFR pour quels patients ? L’évaluation ad hoc des sténoses coronaires intermédiaires est l’atout majeur de la FFR.  Pour le patient, la décision thérapeutique va ainsi être prise immédiatement, en évitant le recours à des tests d’ischémie supplémentaires (scintigraphie myocardique, échocardiographie de stress et plus récemment IRM cardiaque de stress), ces tests étant parfois de réalisation difficile chez des patients limités par un traitement bêtabloquant efficace ou une artériopathie des membres inférieurs ou tout simplement difficiles d’accès pour des raisons géographiques ou de délais de rendez-vous.  L’impact économique est majeur :  - réduction de la durée d’hospitalisation voire passage à une seule hospitalisation au lieu de deux si l’on avait l’habitude d’explorer ces patients en les laissant quitter la structure avant de les réhospitaliser pour angioplastie en cas d’ischémie clairement démontrée ; - réduction du nombre de tests d’ischémie coûteux en particulier les scintigraphies myocardiques (coût d’une scintigraphie myocardique d’effort : 410 euros sans images de redistribution et 570 euros avec redistribution tardive). Pour les patients pluritronculaires traités par angioplastie, l’avantage est également évident pour la décision de revascularisation des différentes lésions et l’étude FAME(6) a également mis en évidence une diminution significative de la quantité de produit de contraste utilisé dans le groupe FFR.  En termes économiques, le coût de la procédure est également significativement réduit par l’utilisation de la FFR grâce notamment à la réduction significative du nombre de stents implantés (2,7 stents en moyenne dans le groupe angiographie vs 1,9 dans le groupe FFR ; p < 0,001) tandis qu’à long terme les patients présenteront moins de complications graves donc moins de réhospitalisations. La FFR est également un bon outil pour évaluer le résultat d’une angioplastie avec une bonne corrélation par rapport à l’IVUS. Une FFR > 0,95 en fin de procédure est associée à un excellent pronostic dans le registre Poststent FFR Registry(7). L’avantage de la FFR est alors la plus grande rapidité de mise en oeuvre et le coût inférieur d’un guide de pression par rapport à une sonde d’échographie endocoronaire (550 euros vs 650 euros en moyenne).  La valeur seuil de FFR qui s’impose actuellement est de 0,80.  Le revers de la médaille Une réduction de l’activité… Si toutes les lésions intermédiaires faisaient l’objet d’une étude par FFR, il ne fait aucun doute que l’activité d’angioplastie coronaire globale s’en ressentirait avec une baisse probablement significative. En effet, comme le montre le travail de l’équipe de Besançon, deux tiers des lésions intermédiaires évaluées par FFR sont traitées médicalement(4). Il en va de même pour les patients pluritronculaires dont certaines lésions ne seraient pas dilatées.  Ce frein à l’activité de cardiologie interventionnelle serait sans doute mal perçu dans de nombreux centres, ceux-ci n’étant malheureusement jugés que sur le nombre total d’angioplasties et de stents implantés. Il s’agit pourtant probablement de la seule solution pour que cessent les critiques sur l’angioplastie basée sur un réflexe oculo-sténotique et pour rendre à l’angioplastie ses lettres de noblesse. et un surcoût ! Le taux d’utilisation raisonnable de la FFR peut être estimé environ entre 5 et 10 % des coronarographies comme le montre le taux d’utilisation passant de 3 % en début d’étude à 10 % à la fin dans le travail de l’équipe de Besançon(4).  Le coût pour 1 000 coronarographies serait alors dans une fourchette de 27 500 à 55 000 euros (50 à 100 guides à 550 euros).  Pour la France où ont été réalisées environ 365 000 coronarographies en 2008 (source Observatoire national des actes de cathétérisme interventionnel), cela représenterait un coût compris entre 10 et 20 millions d’euros. Il s’agit d’un coût important d’autant plus qu’aucun remboursement n’existe et qu’il n’est pas à l’ordre du jour. Mais en regard du bénéfice attendu pour les patients (réduction des décès et IDM notamment), cette dépense semble devoir s’imposer. Conclusion Il paraît aujourd’hui difficile de se passer de la FFR tant la technique est bénéfique pour les patients, sûre et facile à mettre en œuvre.   Son coût et l’absence de remboursement sont les principaux freins à une plus large diffusion qui entraînerait pourtant une baisse du prix des guides.  Le matériel lui-même devrait encore évoluer avec des guides plus facilement pilotables et moins rigides.      Guide pression (Volcano®)

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