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Mise au point

Publié le 31 mai 2013Lecture 8 min

L’abciximab est-il has been dans les ST+ ?

P. AVINÉE, A. PY, F. LEYER, J.S. MALLET, A. MAREK, E. DADEZ, P. SALLET, Clinique de l’Europe, Amiens

L’utilisation des anti-GPIIb/IIIa a enfin été officialisée en bail out dans les recommandations de la Société européenne de 2012, avec un niveau de recommandation IIa et un niveau de preuve C. Leur emploi en préhospitalier a cependant été remis en cause après les résultats de l’étude FINESS… Est-ce justifié ?  

Les études en angioplastie primaire Elles ont positionné l’abciximab (ReoPro(R), Lilly) comme le produit de référence de sa catégorie. Cinq études ont en effet montré une réduction d’événements entre 34 et 59 %, sans excès de risque hémorragique (figure 1).  Les métaanalyses de De Luca et de Montalescot poolent les résultats de plusieurs études, dont ISAR 2, ADMIRAL et ACE, qui montrent une réduction significative du risque combiné « décès et réinfarctus », du risque de réinfarctus pris isolément et de la mortalité (figure 2).    Figure 1. Les études d’angioplastie primaire(1-5) ont positionné l’abciximab comme l’anti-GP gold standard de sa catégorie, avec le niveau le plus élevé de recommandation de sa catégorie : IIa A (recommandations STEMI ESC 2012)   Figure 2. Métaanalyses ACE, ADMIRAL et ISAR-2 : résultats après 3 ans de suivi. ACE a un impact important dans cette métaanalyse, du fait notamment des résultats sur la réduction significative de mortalité. Pour la première fois, les IDM sélectionnés dans ACE n’atteignent qu’un maximum de 6 h. (d’après(6)). L’abciximab chez les patients STEMI traités en préhospitalier Les études identifient une utilisation de l’abciximab optimale dans le STEMI : le plus rapidement chez les patients pris en charge précocément après le début de la douleur. Cette tendance est clairement identifiée dans l’analyse des résultats de sous-groupes sur le préhospitalier STEMI, en particulier dans l’étude ADMIRAL, mais également dans la métaanalyse EGYPT de De Luca et le registre Bologne. Dans l’étude ADMIRAL, deux points doivent particulièrement retenir l’attention : • l’augmentation très significative de flux TIMI 3 chez les patients traités en préhospitalier et arrivant en salle de coronarographie, ce taux passant de 5,4 % à 16,8 % ;  • 25 % des patients sont du « précathlab » – Samu ou urgence –, soit un peu moins de 100 malades : dans ce sous-groupe les résultats sont très probants, avec une réduction importante d’événements (de 21,1 % à 2,5 %) (figure 3). Tel que confirmé par la métaanalyse EGYPT et le registre Bologne – bénéfice au prétraitement démontré malgré une perte de 20 min sur le délai en salle –, mieux vaut privilégier le prétraitement tel que mis en œuvre en Samu qu’une arrivée en salle « à l’américaine », c’est-à-dire le plus rapidement possible.    Figure 3. Bénéfices de l’abciximab dans l'étude ADMIRAL en fonction du lieu d'administration(3) ; 25 % des malades d’ADMIRAL sont du « précathlab » (Samu ou urgences), soit un peu moins de 100 malades.   L’efficacité de l’abciximab paraît donc parfaitement établie… et il reste compatible avec les autres traitements utilisés en phase aiguë. Alors pourquoi une remise en question du niveau de recommandation ?  Les résultats de l’étude FINESSE  L’étude FINESSE a été élaborée à l’époque de l’étude GUSTO V, et son concept d’angioplastie facilité. Elle a initialement été mise sur pied pour tester l’association d’une demi-dose de lytique (rétéplase) associée à l’abciximab. Dans cette étude, il a été délibérément choisi d’inclure des patients jusqu’à la 6e heure après le début de la douleur, et les délais de transfert en salle de coronarographie étaient longs (entre 1 et 4 h) (tableau 1).    Le bras abciximab n’a été ajouté qu’en dernier lieu, l’abciximab n'a donc été testé que sur des patients randomisés tardivement.  Les résultats de cette étude se sont donc révélés négatifs, tant sur le critère primaire composite que sur l’ensemble des critères secondaires.  Cependant, si on analyse plus finement ces données en se concentrant en particulier sur les infarctus antérieurs, randomisés moins de 3 h après le début de la douleur, comparaison qui était préspécifiée dans l’étude, les résultats sont très différents : réduction significative du critère composite de 15,8 à 12 %, et de la mortalité de 6,6 à 5,3 % (figure 4).    Figure 4. Données plus précises de l'étude FINESSE… A : l’ESC ne recommande pas l’angioplastie facilitée par des anti-GPIIb/IIIa dans les conditions générales de réalisation de FINESSE… B : mais les conditions particulières d’utilisation de l’abciximab en France… (STEMI pris en charge précocement par le Samu)… C : donnent un tout autre regard sur FINESSE (d'après(7,8)). Il en est de même pour les infarctus antérieurs pris en charge précocément. Ces données valorisent la prise en charge française : si l’on se concentre sur la cohorte enrôlée par les ambulances (Samu en France principalement), le bénéfice de l’abciximab seul en préhospitalier est très évident, avec un risque d’événements réduits de 20 à 3,2 %.  Dans le même esprit, il est intéressant de comparer les délais d’inclusion entre les différentes études :  • 165 min dans l’étude FINESSE, où l’on n’observe pas de différence significative de TIMI 3 au moment de la coronarographie (15 % dans le groupe traité vs 13 % dans le groupe témoin) ;  • 120 min dans le registre EUROTRANSFER : cette fois le taux de TIMI 3 est très significativement augmenté (de 18 % dans le groupe traité vs 9 % dans le groupe témoin).  Que retenir de l’étude FINESSE ?  L’étude n’était pas adaptée au bras abciximab, le recrutement étant trop tardif et les délais d’acheminement, trop longs.  Le contexte européen de prise en charge diffère selon les pays – la prise en charge en France est bien organisée avec les Samu –, ce qui explique les résultats sensiblement différents dans les sous-groupes.     L’ensemble de ces études démontre que l’abciximab est utile, en particulier pour les STEMI graves, vus tôt, moins de 3 h après le début de la douleur, puis acheminés rapidement en salle de coronarographie, dans l’optique d’une angioplastie primaire.  Nouveaux antiagrégants plaquettaires : quelle place pour l’abciximab ? La réponse à cette question non résolue peut être éclairée par deux points :  • l’étude FABOLUS PRO relève que le prasugrel met environ 6 h pour atteindre une efficacité comparable à celle du tirofiban, ce qui laisse la place aux anti-GPIIb/IIIa, en particulier pour les infarctus les plus graves.  • l’étude TRITON-TIMI 38 fournit des données de tolérance : plus de 50 % des patients ont recu des anti-GPIIb/IIIa dans les 2 groupes (prasugrel et clopidogrel). Cette étude montre en revanche une parfaite tolérance des anti-GPIIb/IIIa, qu’ils soient associés au clopidogrel ou au prasugrel. De plus, on constate également un effet bénéfique du prasugrel par rapport au clopidogrel, qui n’est pas influencé par l’utilisation ou non d’un anti-GPIIb/IIIa (figure 5).    Figure 5. TRITON-TIMI 38 : hémorragies intracrâniennes à 15 mois(9). Et avec la bivalirudine ?  L’étude HORIZONS-AMI met en évidence une réduction significative de mortalité obtenue dans le groupe bivalirudine à 30 j (de 2,9 à 1,8 %), mais il s’agit d’un critère secondaire. On observe d’ailleurs un taux significatif de thromboses aiguës de stents dans les 24 premières heures (1,3 % dans le groupe bivalirudine vs seulement 0,3 % dans le groupe GPIIb/IIIa associé à de l’héparine non fractionnée) (tableau 2). La bivalirudine est une « super-héparine », pas un antiagrégant plaquettaire !  Dans cette étude, le risque d’événements est significativement diminué par la bivalirudine (12,2 à 9,2 %) exclusivement en raison de la réduction des hémorragies majeures (avec l’utilisation de la voie fémorale), de 8,5 à 5,1 %, avec un petit p très significatif, mais avec un taux d’événements cardiaques de 5,4 %, identique dans les deux groupes (figure 6).  Cette étude n’est donc pas en défaveur des anti-GPIIb/IIIa en termes d’événements cardiaques. Les résultats seraient sans doute différents dans la pratique européenne et la voie radiale, ce qui réduit les risques à utiliser les anti-GPIIb/IIIa.  Le rapport bénéfice/risque très favorable de la bivalirudine en fait une thérapeutique de choix, chez les patients à risque hémorragique élevé… À condition que le Samu n’ait pas débuté une HBPM… Enfin, la bivalirudine ne concerne pas le préhospitalier.     Figure 6. Étude HORIZONS-AMI : évaluation sur les différents critères d'analyse(9). Conclusion  L’abciximab garde un intérêt non contesté en salle de coronarographie dès lors qu’est constaté un processus thrombotique important, mais également en préhospitalier, en particulier dans les infarctus antérieurs, pris en charge dans les 3 h, et à risque hémorragique faible, ce qui met en valeur la prise en charge française : prise en charge rapide par les Samu, concertation avec l’angioplasticien, acheminement rapide en salle de coronarographie, voie d’abord radiale.  Par ailleurs, ce traitement reste compatible avec les HBPM et avec les nouveaux antiagrégants plaquettaires, ce qui est un avantage par rapport à la prise en charge habituelle et à la bivalirudine. 

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