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Cas clinique

Publié le 30 nov 2015Lecture 6 min

Intervention coronarienne percutanée chez les patients en arrêt cardiaque - L’apport du massage cardiaque mécanique

A. SAMADI, D. DUMANT, E. SALENGRO, Centre Hospitalier Lucie et Raymond Aubrac, Villeneuve-Saint-Georges

Ce patient de 61 ans est admis aux urgences pour une douleur thoracique et une dyspnée évoluant depuis 15 jours avec aggravation récente (24 heures). À l’admission, le patient présente un arrêt cardiaque sur fibrillation ventriculaire (figure 1).

Figure 1. ECG montrant l’arrêt cardiaque sur fibrillation ventriculaire. La réanimation est débutée immédiatement (0 min de no-flow). Le patient est rapidement intubé et ventilé. Après 40 minutes de réanimation (16 mg d’adrénaline en bolus, 12 chocs et 300 mg d’amiodarone), on obtient un rythme sinusal à 30 bpm efficace, avec des pouls périphériques perceptibles. Le premier bilan biologique montre une acidose métabolique sévère (pH = 6,84), avec un premier taux de troponine Ultrasensible négatif (< 14 ng/l), et l’absence de trouble ionique sévère (Na : 135 mmol/l ; K : 5,3 mmol/l ; créatinine : 67 μmol/l ; lactates : 11,9 mmol/l ; Hb : 16,2 g/dl). Le système de massage mécanique LUCAS™ (figure 2) est alors mis en marche et le patient est transféré en salle de cathétérisme avec l’ECG de la figure 3. La coronarographie est réalisée par voie fémorale droite. Elle met en évidence une occlusion ostiale de l’IVA (atteinte monotronculaire), qui est traitée par thromboaspiration et stenting direct avec la mise en place d’une endoprothèse nue PRO-Kinetic (Biotronik) de 2,75 x 18 mm, permettant la restauration d’un flux TIMI 3. L’utilisation des appareils de compression limite le choix des incidences (figure 4) notamment antéropostérieure et OAD caudale qui sont peu exploitables. En dehors de ces limites, une coronarographie ± angioplastie est parfaitement réalisable, sans qu’il soit nécessaire de mettre le système en pause. Dans les suites de la procédure, le patient est transféré en réanimation polyvalente où son évolution est défavorable malgré une hémofiltration et une hypothermie ; une incrémentation des doses d’inotropes ( jusqu’à 50 mg/h d’adrénaline) s’avère nécessaire. L’échocardiographie met en évidence une fraction d’éjection effondrée à 15 % avec une ITV sous-aortique à 17 cm sous adrénaline. Devant un état de défaillance multiviscérale, une assistance circulatoire (ECMO) est implantée, sans efficacité. Le patient décède au bout de quelques heures dans un contexte d’orage ventriculaire. Figure 2. Système de massage mécanique LUCAS™. Figure 3. ECG au cours du massage mécanique avec LUCASTM à l'arrivée en salle de coronarographie. Figure 4. A : coronaire droite. B : occlusion ostiale de l'IVA. C, D : IVA pendant la procédure (flux Timi 2) avec incidence limitée par le système de compression. E : Résultat final. Discussion La mortalité par arrêt cardiaque extra ou intrahospitalier reste très élevée. Selon les statistiques américaines publiées en 2013, la survie en cas d’arrêt cardiaque en dehors de l’hôpital est de 9,5 % et pour l’arrêt cardiaque intrahospitalier, de 40,2 % à la sortie de l’hôpital(1). L’arrêt cardiaque au cours d’une coronarographie est rare et sa prise en charge reste un défi. Les supports circulatoires d’urgence se sont beaucoup développés ces dernières années (ballon de contre-pulsion, assistance percutanée du VG [systèmes Tandem ™ ou Impella™]), mais sont souvent difficiles à mettre en marche en l’absence de pouls. Les appareils de réanimation mécanique constituent une avancée dans la prise en charge des arrêts cardiaques, juste avant ou au cours de cathétérisme cardiaque, surtout dans les situations où le massage manuel n’est pas pratique ou n’est pas préférable. En effet, ces appareils évitent au personnel assurant la réanimation une exposition aux rayonnements ionisants pendant la coronarographie. Le LUCASTM (Lund University Cardiac Arrest System) est un appareil de compression sternale (système de ventouse) qui permet un massage cardiaque efficace et continu conformément aux règles en matière de réanimation cardiopulmonaire à une fréquence de 100/bpm et une profondeur de compression de 5 cm. Il permet une détente complète de la cage thoracique (recoil) avec des cycles de compression/décompression symétriques (50/50). L’appareil est facile à transporter et manipuler. Il est doté d’une batterie rechargeable lithiumion polymère (Lipo) avec une autonomie permettant 45 min de massage en continu. La compression sternale est plus adaptée pour les malades ayant le torse bombé, alors que l’appareil avec ceinture de compression qui entraîne une compression plutôt thoracique que sternale (système Autopulse®, ZOLL) semble mieux convenir aux personnes minces(2). Dans une étude de faisabilité, il a été démontré que la compression thoracique mécanique assure une compression plus forte et plus constante par rapport à la compression manuelle(3). Sur les modèles animaux, la compression mécanique améliore la perfusion cérébrale et coronaire(4, 5). La mesure invasive de perfusion coronaire montre que le massage mécanique l’améliore comparativement au massage manuel. Une étude a évalué sur 5 ans l’utilisation de la compression mécanique chez 43 patients avec une durée moyenne de 28 min de massage ; 36 d’entre eux ont une angioplastie dont 27 avec succès ; seulement 11 patients ont survécus et sont sortis de l’hôpital. Cette étude a conclu que l’utilisation des appareils de compression permet de continuer le cathétérisme et qu’il est peu probable que ces patients survivent sans massage cardiaque continu au cours de l’intervention percutanée(6). Une autre étude sur la capnographie de malades réanimés après un arrêt cardiaque extrahospitalier et massés, soit manuellement, soit par compression mécanique, a montré que la capnie télé-expiratoire est plus élevée chez les malades massés par compression mécanique, témoignant d’une meilleure perfusion pulmonaire et d’un débit cardiaque augmenté (figure 5)(7). L’étude PARAMEDIC a comparé la compression mécanique par LUCASTM et le massage manuel sur la survie à 30 jours post arrêt cardiaque chez 4 471 patients (1 652 massages par LUCASTM et 2 819 massages manuels) et n’a pas montré d’amélioration sur la survie à 30 jours(8). Dans une revue de 6 études sur la survie hospitalière sans atteinte neurologique grave, les auteurs ont conclu que faute d’étude randomisée chez l’homme, on ne pouvait affir mer que la compression mécanique était bénéfique ou néfaste par rapport au massage manuel et que l’utilisation en routine de ces appareils ne pouvait être soutenue(9). De la même façon, les résultats d’une métaanalyse portant sur 10 études (dont 4 sur la qualité de réanimation et 6 sur le pronostic clinique), ne sont pas en faveur de l’utilisation en routine de la compression mécanique en cas d’arrêt cardiaque extrahospitalier ou pendant le transport(10) alors que le travail de M. Westfall et al. analysant 12 études (8 avec le système de ceinture compressive type ZOLL et 4 avec le système de ventouse type LUCASTM), a montré que la compression mécanique favorise significativement le retour en circulation spontanée par rapport à la compression manuelle (le bénéfice est principalement lié aux systèmes de ceinture compressive)(11). Il est important de souligner que la compression mécanique n’est pas plus traumatique que la compression manuelle. Ceci a été démontré dans une étude autopsique chez 85 patients décédés dans les suites d’une réanimation avec compression manuelle ou massage mécanique(12).  Figure 5. Amélioration de la capnie télé-expiratoire lors de la mise en place de la compression mécanique. Conclusion Grâce aux appareils de massage mécanique, la poursuite du massage cardiaque est désormais possible pendant le cathétérisme cardiaque en évitant une surexposition aux rayons X du personnel paramédical et médical, sans compromettre le pronostic du patient. En cas d’utilisation du LUCASTM, certaines incidences (surtout antéropostérieures poussées) sont peu exploitables, mais une angulation crânio-caudale modérée (30°) peut permettre une visualisation correcte des coronaires, rendant possible la réalisation d’une angioplastie si nécessaire. L’absence d’étude randomisée ne permet pas de conclure quant à la supériorité ou la non-infériorité du massage mécanique par rapport au massage manuel ; l’utilisation en routine de ce type de dispositif ne peut donc être recommandée.  

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