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Polémique

Publié le 30 nov 2015Lecture 9 min

Combien de temps dure la bi-thérapie antiagrégante après une angioplastie coronaire ? … Un temps certain (Yves Cottin) - Combien de temps met le fût du canon pour refroidir ? … Un certain temps (Fernand Raynaud)

Y. COTTIN, CHU de Dijon

La question de la durée de la bithérapie par antiagrégant plaquettaire après implantation d’un stent coronaire (stenting) est toujours en débat. Elle est cependant un enjeu important pour le cardiologue interventionnel qui doit en tenir compte avant même l’implantation du stent, mais surtout pour les directives thérapeutiques et le suivi du patient. En ce domaine, les recommandations américaines et européennes issues des essais randomisés fournissent des schémas a priori simples et donc applicables à la majorité des patients.

L’objectif de cet article est de mettre en avant les éléments encore controversés concernant la durée de la bithérapie par antiagrégants plaquettaires et qui, en conséquence, apparaissent être des arguments pour proposer une individualisation de cette durée. Que disent les recommandations de 2014 ? Après un syndrome coronaire aigu (SCA) la situation est simple : c’est 12 mois de bithérapie. Mais, dans le cas d’une cardiopathie ischémique stable c’est plus « artistique », avec des délais qui tiennent compte du type de stent, du risque hémorragique et du risque ischémique, mais avec un schéma général d’au moins 1 mois après un stent nu et 6 mois après implantation d’un stent actif (tableau)(1). L’étude de référence sur la durée de 6 mois après stenting et en particulier après implantation d’un stent actif est celle de M. Valgimigli publiée dans Circulation en 2012 qui a comparé une bithérapie de 6 mois versus 12 mois(2). Pour le critère de jugement principal composite à 2 ans (décès de toutes causes, infarctus du myocarde [IDM] ou un accident vasculaire cérébral [AVC]), il n’y a aucune différence significative, respectivement, 10,0 % avec un traitement de 6 mois et 10,1 % avec une durée de 12 mois. En revanche, il y a eu une augmentation significative des accidents hémorragiques avec la durée la plus longue. Mais, dans ces mêmes recommandations, chez les patients à haut risque hémorragique, le délai peut être < 6 mois pour un stent actif avec une recommandation de grade IIb (tableau). La première étude citée pour une réduction de délai présente quelques particularités(3). Dans cette étude randomisée, conduite en ouvert, avec un stent au zotarolimus avec deux durées de bithérapie, 3 mois ou 12 mois à 1 an, il n’y a aucune différence significative entre les 2 bras pour les événements cardiovasculaires majeurs (décès de toutes causes, IDM ou AVC ; 6,0 % vs 5,8 % ; p = 0,84) et pour les hémorragies (2,3 % vs 2,9 % ; p = 0,25). Mais l’originalité de cette étude est la comparaison des deux groupes durant les 3 premiers mois et surtout entre le 3e mois et le 12e mois qui ne met en évidence aucune différence significative pour les critères de sécurité et/ou d’efficacité(3). De plus, les auteurs observent dans ce premier travail un arrêt prématuré chez 0,5 % des patients (9/1 563) du groupe 3 mois et chez 1,5 % des patients (32/1 556) du groupe 12 mois, liés essentiellement à un acte chirurgical. Et surtout, ces interruptions prématurées sont associées à une thrombose de stent chez 5 des 9 patients du groupe court terme et 4 patients des 32 du groupe 12 mois. La seconde référence est un article publié en 2012 dans le JACC, qui était une étude de non-infériorité et qui a randomisé 2 117 patients en comparant, une nouvelle fois, 3 mois à 12 mois de bithérapie (tableau)(4). Il n’y a eu aucune différence significative entre les 2 groupes pour les critères d’efficacité et de sécurité. Les auteurs ont souligné que dans le groupe 12 mois, c’est 62 patients parmi les 1 059 patients, soit 5,9 %, qui ont interrompu prématurément le traitement et que la durée moyenne de traitement a été de 196 ± 63 jours. Mais il faut souligner que ces deux études ont été publiées la même année que le travail de M. Valgimigli, ce qui explique les différences de période de référence, mais surtout qu’aucune présélection sur le haut risque hémorragique ou sur le haut risque ischémique n’avait été pré-spécifiée. En conséquence, il n’y a pas dans les recommandations 2014 de définition précise du haut risque hémorragique ou ischémique disponible. Dans ces mêmes recommandations 2014, une prolongation audelà du 6e mois chez les patients à haut risque ischémique et à bas risque hémorragique peut également être proposée avec également un grade IIb, mais comme constaté, aucune référence n’est disponible (tableau). En conséquence, il est établi que l’évaluation du risque hémorragique et ischémique est clinicien-dépendante. Quoi de neuf depuis les recommandations de 2014 ? DAPT et PEGASUS, deux essais randomisés et en aveugle ont été publiés. Ils ont évalué l’effet de d’une bithérapie antiplaquettaire en termes de prévention secondaire chez les patients coronariens au-delà du 12e mois après une angioplastie pour DAPT, et après un IDM pour PEGASUS, que les patients aient ou non un antécédent d’angioplastie coronaire. Les résultats de ces deux études ont montré que la bithérapie au long cours, par rapport à une monothérapie par aspirine, réduit significativement le taux d'événements ischémiques, mais au prix d’une augmentation des saignements modérés ou sévères. De plus, dans DAPT il est enregistré une surmortalité non cardiovasculaire. Ces deux études sont à mettre en parallèle avec deux métaanalyses majeures : La métaanalyse publiée dans le Lancet par S. Elmariah qui a inclus 14 essais et 69 644 patients et qui a démontré que la durée du traitement ne modifie pas significativement la mortalité totale(5). Cependant, les populations sélectionnées dans ces études pourraient ne pas être représentatives de la pratique courante chez les patients ayant une coronaropathie stable. Les études ont en effet inclus des patients avec angioplasties électives et des syndromes coronariens aigus, des stents de tous types, un large éventail de courte durée (3, 6 et 12 mois) et à long durée (6, 12, 24 et 30 mois) pour la bithérapie antiplaquettaire, et différents inhibiteurs des P2Y12. Dans une seconde métaanalyse publiée en 2015 dans le Lancet par T. Palmerini qui a inclus 10 essais récents et 31 666 patients, la mortalité toutes causes était significativement plus faible pour les courtes durées de bithérapie, en raison d'un taux inférieur de 33 % pour la mortalité non cardiovasculaire malgré un taux significativement plus faible de thrombose de stent chez les patients ayant eu une bithérapie de plus longue durée(6). Dans la cardiopathie stable, la durée standard est donc de 6 mois et les adaptations de durée sont à discuter en fonction et seulement en fonction du profil du patient. Plusieurs auteurs proposent des algorithmes applicables en clinique, mais souvent des arbitrages sont nécessaires en fonction des patients (figure 1)(7). Figure 1. Dans la cardiopathie stable, la durée standard est donc de 6 mois (d’après M Gilard(7)). Toujours plus court, mais surtout plus ciblé ? Une étude, dénommée LEADERS FREE, publiée dans le New England Journal of Medicine en novembre 2015, rebat certaines cartes. En effet, c’est la première à avoir inclus des patients ayant un profil spécifique de haut risque hémorragique avec une durée de bithérapie de 1 mois et en comparant deux stents : un stent nu à un stent actif à l’umirolimus sans coating. Pour la première fois, le haut risque hémorragique était défini, et ce, par la présence d’au moins un des paramètres listés dans l’encadré. Dans cette étude qui a inclus 2 466 patients, il y a eu une différence significative à 1 an pour le critère de jugement principal de sécurité (décès cardiovasculaire, IDM et thrombose de stent) en faveur du stent actif par rapport au stent nu, 9,4 % vs 12,9 % (p < 0,001 pour la noninfériorité et p = 0,005 pour la supériorité). Aucune différence significative n’a été enregistrée entre les deux groupes concernant les accidents hémorragiques. Toutefois, bien que la durée de la bithérapie ait été courte, de seulement 1 mois, il a été observé 19 % d’événements hémorragiques selon la classification BARC 1-5, 15 % pour les BARC 2-5, et 7 % pour les BARC 3-5. Ceci survient dans le contexte d’un profil de risque hémorragique élevé : âge > 75 ans : 16,4 % ; prise concomitante d’anticoagulant : 36 % ; hémoglobine < 11 g/dl : 15 % ; insuffisance rénale : 18 % ; chirurgie majeure programmée dans l’année : 15 %. Toujours plus long ? La prolongation de la durée de la bithérapie reste donc une question importante pour les cardiologues et leurs patients. Deux situations et/ou approches différentes : • l’une est la poursuite de la bithérapie après implan-tation d’un stent actif (consécutivement à l’étude DAPT) ; • l’autre est guidée par une évaluation du bénéfice en fonction du rapport risque hémorragique/bénéfice ischémique chez des patients à haut risque (consécutivement à l’étude PEGASUS). À l’AHA 2015, a été présentée une sous-étude de DAPT (Individualizing Treatment Duration of Dual Antiplatelet Therapy after Percutaneous Coronary Intervention) dont l’objectif était d’identifier les patients pouvant bénéficier, en termes de bénéfice clinique net, de la prolongation de la bithérapie antiagrégante après l’implantation d’un stent au-delà du 12e mois. Cette analyse est toutefois dépendante du contexte particulier concernant deux éléments de l’étude DAPT : le premier, est qu‘elle a été conduite en ouvert pendant les 12 premiers mois après l’implantation du stent et que seuls les patients ayant eu une bonne tolérance de la bithérapie antiagrégante ont pu être randomisés ; le second, est une randomisation en deux groupes : aspirine + placebo ou aspirine + clopidogrel (voire prasugrel). Les résultats présentés en 2014 et publiés dans le New England Journal of Medicine avaient montré une réduction signifcative des thromboses de stents (risque absolu : -1 %), des événements cardiovasculaires majeurs (décès, IDM ou AVC : risque absolu : - 1,6 %), mais une augmentation significative des hémorragies modérées ou majeures selon les critères de GUSTO de 1,6 % (en risque absolu) et des décès toutes causes de 1 % (en risque absolu) en cas de bithérapie prolongée. À partir de cette large étude, les auteurs ont prédéterminé les facteurs prédictifs du risque hémorragique et/ou du risque ischémique : âge, antécédents d’angioplastie ou d’IDM, stents de diamètre < 3 mm, stents actifs au paclitaxel, insuffisance cardiaque et/ou fraction d’éjection < 30 %, tabagisme en cours, diabète, angioplastie de pontages veineux, hypertension, artériopathie des membres inférieurs et insuffisance rénale. Un score a été établi pour chaque patient au 12e mois postimplantation du stent (figure 2) et l’analyse des résultats a conduit les auteurs de ce travail à proposer le maintien de la bithérapie pour les scores ≥ 2 (figures 3 et 4) car, dans ce cas, le bénéfice en termes de réduction du risque ischémique est supérieur au risque hémorragique et il y a donc une forte probabilité d’observer un bénéfice clinique net. Les résultats de DAPT seraient donc applicables à des patients stables n’ayant pas eu d’événement ischémique ou hémorragique dans l’année, ayant subi une angioplastie coronaire avec stent et ayant un score DAPT ≥ à 2 (calcul du score possible sur internet à www.daptstudy.org). Figure 2. Le score DAPT. Figure 3. Thiénopyridine en continu versus placebo. Score DAPT < 2 (bas) ; N = 5 731. Figure 4. Thiénopyridine en continu versus placebo. Score DAPT ≥ 2 (élevé); N = 5 917. Conclusion  L’optimisation de la durée de la bithérapie antiagrégante plaquettaire après stenting reste complexe. Les données de ces deux dernières années sont en faveur de l’intérêt d’une personnalisation qui prendra de plus en plus de nouveaux outils de calcul des risques hémorragiques et ischémiques. Dans tous les cas, une réévaluation régulière de ces risques est indispensable. Les apports des grandes bases de données en vie réelle sont en cours d’analyse, données qui incluent de plus des facteurs de morphologie coronaire, obtenues en angiographie, tel que le score Syntax résiduel. 

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