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Explorations-Imagerie

Publié le 15 nov 2017Lecture 8 min

Place des peptides natriurétiques de type B dans le dépistage de l’insuffisance cardiaque

Michel GALINIER1,2,3 et coll.*, CHU Toulouse

Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

L’insuffisance cardiaque reste une maladie grave, avec un pronostic très sombre dès la première hospitalisation pour décompensation, le taux de décès étant alors de 60 % à 5 ans. Il faut donc la dépister précocement pour enrayer son évolution grâce à la mise en œuvre d’un traitement anti-neurohormonal, bloquant le processus d’auto-aggravation généré par l’activation des systèmes rénine-angiotensine-aldostérone et sympathique.
Or, les patients minimisent volontiers leurs symptômes qui sont aspécifiques et ne les rapportent pas spontanément à une pathologie cardiaque.

Une équipe néerlandaise s’est intéressée à évaluer la prévalence de l’insuffisance cardiaque non connue chez des patients âgés de plus de 65 ans se présentant chez leur médecin généraliste pour une dyspnée à l’effort apparue dans les 12 derniers mois : 1 patient sur 6 présentait une insuffisance cardiaque, principalement à fraction d’éjection préservée(1). Chez les patients diabétiques de type 2, le risque de présenter une insuffisance cardiaque est multiplié par 6,98 en cas de dyspnée ou de fatigue et par 3,04 en cas d’œdèmes de chevilles(2). À côté d’une campagne pour sensibiliser la population à ces symptômes, résumée par l’acronyme EPOF, pour Essoufflement, Prise de poids, Œdèmes et Fatigue, les peptides natriurétiques de type B pourraient être d’une aide précieuse à condition qu’on les dose dans des populations à risque.   Un intérêt pronostique   Dans la population générale, quatre études se sont intéressées à la valeur pronostique des événements cardiovasculaires des peptides natriurétiques de type B(3). L’augmentation du risque de survenue d’un premier événement cardiovasculaire lié à une majoration d’une dérivation standard du logarithme des peptides natriurétiques varie de 22 à 116 % en fonction de l’âge de la population étudiée (tableau). Le rôle des facteurs de risque classiques dans la prédiction du risque cardiovasculaire diminue avec l’âge alors que celui des peptides natriurétiques augmente. Le choix du peptide natriurétique à privilégier pour ce dépistage a fait l’objet du Rochester Epidemiology Project(4). Dans cette cohorte prospective de 2 042 sujets d’âge ³ 45 ans, comptant 29 % d’hypertendus et 7 % de diabétiques, indemnes d’insuffisance cardiaque ou rénale, ont été réalisés un dosage du NT-proBNP et de deux types de BNP (Biosite et Shionogi) et une échocardiographie. Le NT-proBNP est apparu un meilleur prédicteur de mortalité que le BNP, même après ajustement aux phénotypes cliniques et aux anomalies échocardiographiques. Ainsi, du fait de sa plus grande stabilité, de moins de variations intra-individuelles, de son principe de dosage unique le rendant comparable d’un laboratoire à l’autre, le NT-proBNP apparaît comme le peptide natriurétique de choix dans le dépistage et le diagnostic ambulatoire de l’insuffisance cardiaque. La plus importante des études en population générale est celle réalisée à Rotterdam(3). Cette cohorte prospective a inclus 5 063 sujets d’âge ≥ 55 ans, comportant 60 % d’hypertendus et 9 % de diabétiques, d’âge moyen 68 ans, indemnes de maladies cardiovasculaires, après exclusion des participants avec un NTproBNP > 100 pg/ml entre 70 et 75 ans ou > 216 pg/ml après 75 ans. Dans cette étude, chaque majoration d’une dérivation standard du logarithme du NTproBNP augmente, après ajustement aux facteurs de risque classiques, le risque de premier événement cardiovasculaire de 57 % chez les hommes et de 69 % chez les femmes. En analyse multivariée, les patients situés dans le tertile supérieur de NT-proBNP ont un risque d’événement cardiovasculaire multiplié par 2,32 chez l’homme et par 3,08 chez la femme et un risque d’insuffisance cardiaque multiplié par 2,9 chez l’homme et par 5,93 chez la femme. Cependant la valeur médiane du tertile supérieur de NT-proBNP est basse, 18,3 pg/ml chez l’homme et 23,3 pg/ml chez la femme, rendant difficile son utilisation en pratique du fait d’une trop faible valeur prédictive positive qui générerait trop de faux positifs.   Un dépistage diagnostique   Il faut donc déterminer des populations à risque où il serait plus pertinent de proposer un dépistage de l’insuffisance cardiaque basé sur les peptides natriurétiques. Selon les récentes recommandations de la Société européenne de cardiologie(5), ces populations à risque sont les patients hypertendus, diabétiques de type 2, obèses, alcooliques et coronariens.   Les patients diabétiques La détection des patients diabétiques de type 2 à haut risque cardiovasculaire par le NT-proBNP a fait l’objet de trois études. Dans un travail danois, ayant inclus 315 diabétiques de type 2 avec normo-albuminurie (n = 183), micro-albuminurie (n = 80) ou macro-albuminurie (n = 47) suivis en moyenne 15,5 ans, le NT-proBNP au seuil de 62 pg/ml est apparu un puissant marqueur de risque à long terme, indépendant du taux d’excrétion urinaire d’albumine(6). Dans une étude réalisée à Vienne, ayant inclus 631 diabétiques non sélectionnés, suivis en moyenne 1 an, le NT-proBNP au seuil de 125 pg/ml identifie les patients à haut risque d’hospitalisation pour causes cardiovasculaires non planifiées et de décès avec une excellente valeur prédictive de 98 % mais une valeur prédictive positive d’uniquement 13 %(7) (figure 1). Figure 1. Détection des diabétiques à haut risque cardiovasculaire par le NT-proBNP : étude de Vienne(7). Au cours de l’étude SICA-Diabetes, ayant inclus 1 224 patients diabétiques de type 2, non insuffisants cardiaques ou rénaux, suivis 436 jours, le pourcentage d’hospitalisation cardiovasculaire et de décès, respectivement de 8 et 0,6 % pour un NT-proBNP < 125 pg/ml, passe à 13 et 1,2 % pour un NT-proBNP entre 125 et 250 pg/ml, à 19 et 3,9 % pour un NT-proBNP entre 250 et 300 pg/ml(8). L’intérêt d’une telle démarche de dépistage des patients diabétiques à haut risque d’événements cardiovasculaires, qui pourraient tirer bénéfice d’un traitement anti-neurohormonal, est validé par l’essai PONTIAC(8). À partir d’une population de 2 189 diabétiques, cette étude a sélectionné 300 patients présentant une valeur de NT-pro BNP > 125 pg/ml indemnes de maladies cardiaques et les a randomisés en deux groupes de 150 patients, l’un traité par IEC ou ARA2 à posologie titrée associé à un bêtabloquant et l’autre contrôle ne recevant pas ces traitements. Après un suivi de 2 ans, on observe une diminution significative de 69 % des hospitalisations et des décès de causes cardiaques dans le groupe traité par rapport au contrôle (figure 2). De plus, cette détection des diabétiques à haut risque d’insuffisance cardiaque pourrait permettre une individualisation du traitement hypoglycémiant, en évitant alors les classes thérapeutiques favorisant l’apparition d’une insuffisance cardiaque comme les glitazones et au sein des inhibiteurs des DPP4 la saxagliptine, et en favorisant l’utilisation des classes favorables comme les inhibiteurs de la SGLT2 ou neutres comme les biguanides(9). Figure 2. Essai PONTIAC : prévention des événements cardiaques chez les diabétiques de type 2 présentant un NT-proBNP > 125 pg/ml par les IEC/ARA2 et les bêtabloquants(8). Résultats. Les hypertendus La détection des patients hypertendus à haut risque à l’aide du NT-proBNP a fait l’objet de deux études. Au cours de la Frederiskberg Heart Failure Study, une cohorte prospective de 270 hypertendus recrutés par des médecins généralistes danois, d’âge moyen 70 ans, présentant une fraction d’éjection ventriculaire gauche ≥ 50 %, dont 15 % avaient des antécédents cardiovasculaires, a été suivie 3 ans(10). Une valeur de NT-proBNP au-dessus de la médiane, 104 pg/ml, identifie les hypertendus à haut risque d’événements cardiovasculaires (AVC/AIT et infarctus du myocarde) et de décès, indépendamment de l’âge, du sexe et des facteurs de risque traditionnels. À Lyon, une cohorte prospective de 684 hypertendus, d’âge moyen 52 ans, dont 13 % de diabétiques et 12 % avec des antécédents cardiovasculaires, a été suivie en moyenne 5,7 ans. Le NT-proBNP, au seuil de 133 pg/ml, correspondant à la limite du tertile supérieur, identifie les hypertendus à faut risque de décès, indépendamment des facteurs de risque classiques, des anomalies échocardiographiques, de la fonction rénale et des données de l’enregistrement ambulatoire de la pression artérielle(11) (figure 3). Figure 3. Détection des hypertendus à haut risque par le NT-proBNP : expérience danoise(10). Courbes de survie. Les patients obèses La détection des patients obèses à haut risque n’a pas fait l’objet d’étude spécifique, mais l’influence du poids sur les relations entre les concentrations de peptides natriurétiques et le risque d’insuffisance cardiaque a été étudié chez 12 230 sujets indemnes d’insuffisance cardiaque à l’inclusion suivis en moyenne 20,6 ans(12). Malgré des valeurs plus basses de NT-proBNP chez les patients obèses, sa valeur pronostique d’insuffisance cardiaque persiste chez les patients en surpoids, obèses et obèses morbides avec un seuil qui semble abaissé ou environ de 100 pg/ml.   Un dépistage utile   Cette démarche de dépistage des sujets à risque d’insuffisance cardiaque a été validée par un grand essai d’intervention, l’étude STOP-HF, réalisée en Irlande(13). Cette étude a inclus 1 374 patients âgés de plus de 40 ans présentant des facteurs de risque d’insuffisance cardiaque, hypertension artérielle, diabète, obésité, dyslipidémie, maladie vasculaire, arythmie, non insuffisants cardiaques, sans dysfonction ventriculaire gauche connue, avec réalisation annuelle d’un dosage du BNP, non communiqué au médecin dans le groupe contrôle et déclenchant une prise en charge spécifique si > 50 pg/ml dans le groupe intervention, comportant un avis cardiologique, la réalisation d’une échocardiographie et d’autres investigations si nécessaire, puis un suivi par un cardiologue et une infirmière spécialisée. Après un suivi pouvant aller jusqu’à 8 ans, le critère primaire de l’étude, associant un critère clinique, la survenue d’une insuffisance cardiaque, et un critère paraclinique, l’existence d’une dysfonction ventriculaire gauche systolique (fraction d’éjection < 50 %) ou diastolique (fraction d’éjection ≥ 50 % et rapport E/e’ > 15) à l’échocardiographie réalisée en fin d’étude, est diminué de 41 % dans le groupe intervention sur la population totale de l’étude et de 54 % dans le sous-groupe de 498 patients présentant un BNP > 50 pg/ml (figure 4). Parmi les critères secondaires, on observe une diminution des événements cardiovasculaires dans le groupe intervention de 31 % dans la population générale et de 35 % dans le sous-groupe avec BNP > 50 pg/ml. Ce bénéfice semble essentiellement lié à une plus grande utilisation des médicaments bloquant le système rénine-angiotensine-aldostérone (IEC, ARA2, ARM) dans le groupe intervention. Figure 4. Prévention de l’insuffisance cardiaque chez les sujets à risque. Étude STOP-HF(13). Dysfonction ventriculaire gauche et insuffisance cardiaque. En pratique   Chez les sujets à haut risque d’insuffisance cardiaque, notamment les diabétiques de type 2 et les hypertendus anciens, doit être réalisé un dépistage de l’insuffisance cardiaque par un interrogatoire systématique à la recherche de symptômes rappelés par l’acronyme EPOF, un examen clinique et la réalisation d’un électrocardiogramme. Ceci pourrait être complété par un dosage de NT-proBNP qui, si le taux est < 125 pg/ml rend l’existence d’une dysfonction ventriculaire gauche peu probable, et si le taux est ≥ 125 pg/ml devrait conduire à la réalisation d’une échocardiographie et à la mise sous un bloqueur du système rénine-angiotensine-aldostérone en cas d’anomalies échocardiographiques (figure 5). Une telle démarche en permettant un traitement précoce des dysfonctions ventriculaires gauches asymptomatiques devrait permettre de retarder l’évolution de la maladie et donc l’évolution vers une insuffisance cardiaque. Figure 5. Diagnostic et dépistage de l’insuffisance cardiaque.

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