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Insuffisance cardiaque

Publié le 31 mar 2016Lecture 7 min

Prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë : les recommandations

L. VAN AELST(1,2), A. MEBAZAA(2-4), 1. AP-HP, Département de cardiologie, Hôpital Lariboisière, Paris - 2. U942 Inserm, AP-HP, Paris - 3. AP-HP, Département d’anesthésie-réanimation, Hôpitaux universitaires Saint-Louis-Lariboisière, Paris - 4. Université

Grâce à de nombreux essais cliniques, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique (ICC) a été améliorée de façon notable(1). En revanche, par manque d’études, la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë (ICA) reste basée sur l’opinion des spécialistes. Néanmoins, en raison d’une incidence croissante de l’ICA, l’expérience des médecins, des infirmiers et des autres experts a beaucoup amélioré la prise en charge.
Inspiré par les nouvelles recommandations(2), cet article aborde la prise en charge de la plupart des patients en ICA et souligne le nouveau concept de time to therapy.

Définition   L’ICA est un syndrome caractérisé par le déclenchement rapide ou l’aggravation aiguë des symptômes (dyspnée, œdème des chevilles, fatigue) et des signes d’insuffisance cardiaque (crépitants, turgescence jugulaire, choc de pointe dévié) associés à une augmentation des taux de peptides natriurétiques (BNP, NT-proBNP). La plupart des patients se présentent avec une décompensation aiguë d’une ICC sous-jacente, habituellement avec une pression artérielle (PA) normale ou élevée. En revanche, l’ICA peut se présenter aussi comme le choc cardiogénique (CC), défini par une hypotension symptomatique en raison d’une diminution du débit cardiaque. Dans cet article, nous ne parlerons pas de CC, qui est redouté, mais également la moins fréquente des présentations. Nous renvoyons le lecteur au manuscrit original pour la prise en charge du CC(2).   Soins préhospitaliers et la golden hour   En accord avec le concept de time to therapy, le diagnostic une fois établi permet de débuter aussitôt le traitement de l’ICA dès la phase préhospitalière. Le monitorage non invasif (l’oxymétrie de pouls, la PA, la fréquence respiratoire et l’électrocardiographie [ECG] continue), doit commencer quelques minutes seulement après le premier contact et dans l’ambulance. Si la saturation pulsée en oxygène (SpO2) est à moins de 90 %, l’oxygénothérapie doit être instituée systématiquement ; au-dessus de 90 %, l’examen clinique indique si elle est nécessaire. Les premiers soins ne doivent pas retarder le transport rapide du patient dans l’établissement hospitalier le plus approprié. Dès l’arrivée à l’hôpital pour une suspicion d’ICA, il faut éliminer un CC et un SCA avec sus-décalage du segment ST (figure). Ensuite, l’évaluation se focalise sur l’appréciation de détresse cardiorespiratoire, à l’aide de la fréquence respiratoire, l’orthopnée, l’utilisation des muscles accessoires, la SpO2, la PA, le rythme et la fréquence cardiaque, la température corporelle ainsi que les symptômes et les signes d’hypoperfusion (pression pulsée basse, extrémités froides, altération de la conscience). En présence de détresse cardiorespiratoire, le patient bénéficie d’une prise en charge dans une unité ayant la possibilité d’initier rapidement l’assistance respiratoire et/ou le traitement cardiovasculaire. Après l’analyse de détresse cardio-respiratoire, l’évaluation se fait sur les signes cliniques de congestion : les œdèmes périphériques, des râles crépitants et la turgescence jugulaire. Outre l’examen clinique, des examens techniques aident à apprécier la sévérité et la cause de l’ICA : l’ECG, l’échographie thoracique à la recherche d’œdème interstitiel, l’échographie abdominale pour mesurer la veine cave inférieure, la radiographie thoracique à la recherche d’œdème alvéolaire, des lignes B de Kerley, d’une cardiomégalie, d’une tendance à la redistribution vasculaire, des épanchements pleuraux et d’identification d’autres causes de dyspnée. De plus, une prise de sang est essentielle pour doser les peptides natriurétiques, les D-dimères chez les patients avec une suspicion d’embolie pulmonaire et de façon systématique, les troponines pour le diagnostic d’un SCA, l’urée, la créatinine, les électrolytes, le glucose et le bilan sanguin complet. Les peptides natriurétiques aident à différencier l’ICA d’autres causes de dyspnée aiguë. Figure. Arbre de décision pour la prise en charge de l’insuffisance cardiaque aiguë. Bpm : battements par minute ; ECG : électrocardiogramme ; ETT : échocardiographie transthoracique ; FC : fréquence cardiaque ; FR : fréquence respiratoire ; ICA : insuffisance cardiaque aiguë ; min : minutes ; PA(S) : pression artérielle (systolique) ; RDV : rendez-vous ; SCA : syndrome coronarien aigu ; SAU : service d’accueil des urgences ; SpO2 : saturation artérielle pulsée en oxygène ; USIC : unité de soins intensifs cardiologiques. Oxygénothérapie et ventilation   En augmentant le shunt intrapulmonaire, la congestion cause l’hypoxémie. La SpO2 guide l’oxygénothérapie mais si elle est à moins de 90 %, l’oxygénothérapie doit être mise en place automatiquement. Si un patient en détresse respiratoire présente un œdème pulmonaire aigu, la ventilation non invasive (VNI) s’impose rapidement, même dans la phase préhospitalière.   Médicaments à initier, à éviter et à continuer   Les diurétiques de l’anse intraveineux provoquent une décongestion rapide. Ils sont les médicaments les plus fréquemment utilisés en cas d’ICA. Un bolus de furosémide, au moins équivalent à la dose orale d’entretien, est recommandé chez le patient connu comme étant insuffisant cardiaque, et une dose basse (40 mg en intraveineux) pour le patient pour qui c’est une première alerte. La diurèse dans les 60-90 minutes suivantes permet de dire si cette dose est suffisante ou doit être augmentée. Si la PA systolique est normale ou élevée (≥ 110 mmHg), l’administration des vasodilatateurs est conseillée car leur emploi est associé à une mortalité diminuée. Il faut éviter de prescrire de la morphine qui est souvent associée à une nécessité de ventilation mécanique, à l’admission en unité de soins intensifs cardiologiques (USIC) et à la mortalité(3). On poursuit le traitement de l’ICC en présence d’ICA, sauf s’il existe une instabilité hémodynamique, une hyperkaliémie ou une insuffisance rénale sévère.   Sortie du service d’accueil des urgences (SAU)   Le traitement initial doit permettre la baisse de la fréquence cardiaque au repos à moins de 100 battements par minute, une diminution des plaintes du patient, l’absence d’orthostatisme, un débit urinaire satisfaisant, la SpO2 > 95 % sans oxygénothérapie et l’absence d’aggravation d’insuffisance rénale. La bonne réponse au traitement initial est un indicateur important de sortie du SAU. Cependant, la mortalité et la fréquence de réadmission après la sortie de l’hôpital pour une poussée d’ICA sont importantes. L’absence d’une bonne stratégie d’identification des patients ayant besoin d’une hospitalisation entraîne l’admission de quasiment tous les patients. En l’absence d’un taux élevé des peptides natriurétiques, de tension artérielle basse, d’aggravation d’insuffisance rénale, d’hyponatrémie et d’élévation des troponines, les patients pourraient donc sortir du SAU et retourner à domicile avec un rendez-vous, idéalement dans les 72 heures après la sortie. En revanche, une première présentation d’ICA, nécessite obligatoirement une hospitalisation.   Critères pour hospitalisation en salle, en USIC ou en service de réanimation   L’examen clinique, qui se fait en utilisant les signes et les symptômes de détresse cardio-respiratoire (cf. supra), permet de déterminer le degré de surveillance du patient (sortie de l’hôpital, observation en salle, USIC ou service de réanimation). En cas de détresse cardio-respiratoire, le patient bénéficie d’une prise en charge en USIC ou en service de réanimation pour la suite des soins.   Suivi et sortie de l’hôpital   Les patients sont pesés quotidiennement et le bilan liquidien calculé chaque jour. Le suivi des signes vitaux (fréquences cardiaque et respiratoire, pression artérielle) est obligatoire. La fonction rénale et les électrolytes doivent être contrôlés chaque jour. Le dosage des peptides natriurétiques, avant la sortie de l’hôpital, est important pour la poursuite des soins. Les patients ne sortent de l’hôpital que si l’hémodynamique est stable, s’ils sont euvolémiques (ou proche de l’être), prenant les médicaments oraux recommandés et ayant une fonction rénale stable pendant au moins 24 heures. Idéalement, les patients revoient leur médecin généraliste ou leur cardiologue en ville, dans la première semaine (surtout si la décompensation avait été sévère), et l’équipe multidisciplinaire hospitalière, dans les quinze jours après la sortie de l’hôpital. Une équipe multidisciplinaire assure l’éducation, la titration des médicaments modifiant l’évolution d’insuffisance cardiaque et veille sur les problèmes d’observance et les facteurs favorisant l’ICA.   L’union fait la force : l’ICA et le rôle des infirmiers   La prise en charge et le suivi infirmiers aident à identifier la détresse cardio-respiratoire et les soins nécessaires. L’évaluation infirmière est effectuée au moins toutes les quatre heures. Cette évaluation inclut la mesure du rythme et la fréquence cardiaque, la PA, le rythme respiratoire, la SpO2, la conscience et le bilan liquidien. Toutes les modifications négatives des paramètres vitaux (SpO2 basse, tension artérielle basse, diurèse faible) sont à communiquer au médecin responsable. En plus d’assurer l’interface avec les médecins, les infirmiers transmettent l’information aux patients et à leur famille, ce qui limite les inquiétudes des uns et des autres. En résumé, la prise en charge moderne de l’ICA doit être très précoce, multidisciplinaire avec une planification stricte de la phase post-hospitalisation. Remerciements : les auteurs remercient Mme Françoise Marchal de son aide éditoriale.

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