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HTP-TEC

Publié le 05 sep 2022Lecture 5 min

Quand faut-il envisager une hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique ?

Olivier CHABOT, d’après l’intervention d'Olivier SANCHEZ (HEGP, Paris)

Le suivi après une embolie pulmonaire (EP) est fondamental car, même si les traitements anticoagulants sont très efficaces et réduisent le risque de récidive de l’EP, des symptômes peuvent persister, au premier rang desquels, la dyspnée d’effort ou la limitation fonctionnelle. Le suivi post-EP est adapté en fonction de la présence, ou non d’une dyspnée d’effort et de facteurs de risque de maladie thrombo-embolique chronique(1).

L’hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique (HTP-TEC) est une maladie rare, alors que l’EP est plutôt fréquente : il n’est donc pas justifié de réaliser des examens systématiques pour dépister une HTP-TEC après une EP. Il est important pour le clinicien d’avoir un certain nombre de points d’appel qui vont lui permettre de demander des examens complémentaires pour dépister ou non une HTP-TEC. Le symptôme principal, c’est la dyspnée persistante. Dans le suivi d’une EP, selon diverses études(2-6) : – 56 % des patients se plaignent d’une dyspnée persistante ; – 44 % gardent une dysfonction ventriculaire droite à l’échographie cardiaque ; – 20 à 30 % (jusqu’à 50 % dans des études un peu plus anciennes) ont des séquelles obstructives vasculaires pulmonaires à la scintigraphie pulmonaire 1 an après une EP. Il faut retenir de ces données que si vous n’interrogez pas systématiquement les patients pour chercher une dyspnée ou une limitation persistante à l’effort après une EP, les patients considèrent que c’est normal. Ce sont souvent des patients âgés qui considèrent que quand on est âgé, il est normal d’être essoufflé. Fréquence de la dyspnée Plusieurs études de cohorte ont évalué la fréquence de la dyspnée au cours d’un épisode d’EP. Dans une cohorte néerlandaise de 607 patients avec une EP, 36 % de ces patients ont rapporté une dyspnée d’effort qui est apparue ou qui s’est aggravée après l’EP dans ¾ des cas. La quasi-totalité des patients était en classe 2 ou 3 de la NYHA, il s’agit donc d’une dyspnée relativement importante. On en revient à l’intérêt de l’interrogatoire des patients(7). Dans une autre étude qui a suivi une cohorte de malades dans les 12 mois qui suivent l’épisode d’EP, 43 % des patients rapportent une dyspnée d’effort. Cette dyspnée est plus fréquente et plus sévère chez les patients qui gardent des séquelles scintigraphiques par rapport à ceux qui n’en ont pas (qui reperfusent totalement leurs poumons)(8). Au cours du suivi des patients, il faut systématiquement poser la question : « Est-ce que vous êtes essoufflés ? ». Pourquoi les patients restent-ils dyspnéiques ? La principale raison est vraisemblablement la persistance d’inégalité des rapports ventilation/perfusion avec des territoires qui sont ventilés plus ou moins larges (figure). Sur cette figure de patients avec une HTP-TEC, il n’y a plus de perfusion dans un territoire qui est bien ventilé, c’est l’espace mort physiologique. L’espace mort physiologique est considérablement augmenté et peut générer de la dyspnée, notamment à l’effort. Étapes diagnostiques Chez ces patients qui ont un essoufflement persistant, la première étape est de rechercher des causes évidentes de dyspnée. Les causes pulmonaires telles que BPCO, asthme, fibrose pulmonaire ou autres sont recherchées à l’aide de la radiographie du thorax, des EFR, du scanner (bien regarder le parenchyme pulmonaire) et il faut faire éventuellement les gaz du sang. On doit aussi évoquer une insuffisance ventriculaire gauche confirmée ou non avec l’ECG ou l’échographie cardiaque. Toutefois, l’existence d’une de ces causes ne doit pas faussement rassurer par la présence d’une maladie cardio-respiratoire plus fréquente, car on peut trouver une HTP-TEC dans près de 10 % des cas chez ces patients ayant une maladie pouvant expliquer la dyspnée(9). Ensuite, chez les patients qui restent essoufflés et qui n’ont pas d’insuffisance respiratoire ou d’insuffisance cardiaque, l’épreuve d’effort est vraisemblablement un examen clé dans l’exploration de la dyspnée. La mesure de 2 paramètres va attirer l’attention vers une maladie vasculaire pulmonaire : le pouls d’oxygène et la pente VE/VCO2. Une étude sur une cohorte de patients avec une hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) et une insuffisance ventriculaire gauche montre que chez ces patients, qui avaient un niveau de dyspnée comparable (classe 2 ou 3 de la NYHA) et une distance parcourue au test de marche à peu près équivalente, à l’épreuve d’effort, ceux ayant une HTAP avaient un pouls d’oxygène plus bas et une pente VE/VCO2 plus élevée(10). Pour ce qui concerne plus spécifiquement la pathologie thrombo-embolique chronique, une étude de McCabe et al.(11) avec trois groupes (contrôles sains, patients avec des séquelles d’EP mais sans HTP et des patients avec une HTP-TEC) a montré que le pouls d’oxygène, la pente VE/VCO2 et la mesure de l’espace mort étaient les paramètres qui permettaient d’orienter vers une origine vasculaire pulmonaire de la dyspnée persistante. Lorsque l’on suspecte une HTP-TEC, l’échocardiographie et la scintigraphie ventilation/perfusion sont les 2 examens clés de dépistage*. HTP-TEC sans dyspnée ? Faut-il exclure formellement l’hypothèse d’une HTP-TEC chez les patients sans dyspnée persistante ? Dans ce cas, il faut évaluer les facteurs de risque d’HTP-TEC. Le facteur de risque principal est un antécédent thrombo-embolique. Dans le registre européen, près des ¾ des patients rapportaient un épisode thrombo-embolique avant le diagnostic d’HTP-TEC(9). Dans ce même registre, il y a aussi 25 % des patients qui ont une HTP-TEC sans avoir jamais fait d’EP. Les autres facteurs de risque d’HTP-TEC, selon Bonderman et al.(12), sont les shunts ventriculo-atriaux, les pacemakers, la splénectomie, les dysthyroïdies et les anticorps antiphospholipides. Cette étude montre également que le caractère récidivant de l’EP ou le fait que l’EP soit non provoquée sont également des facteurs de risque bien identifiés d’HTP-TEC. L’élévation anormalement élevée de la pression artérielle pulmonaire (PAP) systolique à la phase aiguë de l’EP est un autre paramètre important, c’est un signe d’alerte qu’il faut garder en tête. Ces patients n’ont pas forcément une HTP-TEC. Un certain nombre vont normaliser leur PAP systolique, d’autres gardent une PAP systolique anormalement élevée au cours du suivi. Donc il faut les surveiller et refaire une échocardiographie ultérieurement. Conclusion La dyspnée d’effort est fréquente et il faut donc la rechercher systématiquement en interrogeant les patients. Elle est vraisemblablement liée aux inégalités des rapports ventilation/perfusion. Ainsi, elle nécessite toujours une démarche diagnostique systématique pour chercher : – une atteinte cardio-respiratoire ; – une HTP-TEC avec une scintigraphie et une échocardiographie. S’il y a des anomalies à la scintigraphie ou à l’échographie, il est nécessaire d’adresser ces patients à un centre de compétence pour réaliser un cathétérisme cardiaque droit et une imagerie vasculaire pulmonaire spécifique. De plus, il faut avoir l’attention attirée dès le diagnostic de l’EP aiguë : si les patients ont des antécédents thrombo-emboliques, si l’EP est non provoquée, si elle anatomiquement proximale et si la PAP systolique est anormalement élevée.   Avec le soutien institutionnel de   << RETOUR  

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