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HTP-TEC

Publié le 20 mar 2023Lecture 6 min

Dépistage de l’HTP-TEC : place de la scintigraphie de ventilation/ perfusion

Olivier CHABOT, d’après la présentation de Pierre-Yves SALAÜN (CHRU de Brest), lors des Rencontres de l’HTP-TEC

La scintigraphie de ventilation/perfusion (V/P) est aussi un examen clé dans le dépistage de l’hypertension pulmonaire thrombo-embolique chronique (HTP-TEC). Elle est parfois réalisée avant l'échographie pour des raisons d'accessibilité à l'examen.

Les recommandations de l’ESC/ERS stratifient le risque d’HTP-TEC(1) et positionnent la scintigraphie V/P. Ce qu'on recherche, ce sont des anomalies perfusionnelles sans anomalie ventilatoire (c'est le caractère bien « mistmatché » des lésions). La place de cet examen est clairement le dépistage – c’est l’examen décisif pour dépister l’origine thrombo-embolique chronique d’une hypertension pulmonaire. Il faut donc que l'information qui soit transmise lors de la demande ne soit pas simplement la dyspnée (qui pourrait nous amener à faire évoquer un processus aigu plutôt qu’un processus chronique), mais bien ce que l’on recherche car même si la sémiologie est la même, la manière dont on va analyser l’image sera différente. L’enjeu de cette scintigraphie de ventilation/perfusion va être d’orienter les patients vers la poursuite de leur prise en charge et en aucun cas en faire le diagnostic. Malheureusement, il est possible qu’il y ait un sous diagnostique de l’origine thrombo-embolique chronique d’une hypertension pulmonaire (HTP), car il y a de nombreux cas où lors de la prise en charge de l’HTP aucune scintigraphie n'a été réalisée et donc il existe un défaut potentiel de prise en charge(2,3).   Scintigraphie ou angioscanner pulmonaire ?   La scintigraphie et l’angioscanner sont des examens qui ont des performances et des apports différents, ils sont complémentaires. Dans une étude de Tunariu et coll.(4) qui a évalué l’efficacité de la scintigraphie versus l’angioscanner chez des patients ayant une HTP, la sensibilité de la scintigraphie est élevée et supérieure à celle de l’angioscanner, en particulier sur des atteintes distales. Donc, la scintigraphie V/P va permettre de sélectionner des patients qui doivent avoir des explorations complémentaires, car éliminer une origine non thrombo-embolique chronique permettra d'orienter les patients autrement.   La scintigraphie V/P à une dosimétrie favorable, c’est un examen qui est très peu irradiant. Elle n’a aucune contre-indication spécifique, et en particulier au produit de contraste iodé. Elle a surtout une interprétation simple parce qu’elle a une sémiologie identique à la sémiologie standard lorsqu'on réalise une scintigraphie dans le cas d'une embolie pulmonaire (entre défects aigus ou chroniques), on l’interprète de la même manière. En revanche les conclusions, forcément, ne seront pas les mêmes. Mais ce qui veut dire qu'il n'y a pas de condition technique, ni d'interprétation, ni de compétences spécifiques, et que cet examen de dépistage peut être réalisé dans n'importe quel centre de médecine nucléaire. Pour l’EP aiguë, l’angioscanner a eu une prédominance qui est forte du fait de sa place dans la stratégie diagnostique et de sa facilité d’accès. Pour ce qui est de l’HTP-TEC, il ne faut pas substituer les deux examens, car la sensibilité de l’angioscanner est insuffisante pour être sûr d’éliminer une origine thrombo-embolique chronique(4) même lorsque que l’angioscanner est négatif. De plus, il y a un certain nombre de faux positifs, même si ces causes sont potentiellement assez rares (par exemple un sarcome de l'artère pulmonaire). À l’angioscanner, il existe un signe qui peut orienter vers une HTP-TEC c’est la mosaïque vasculaire, un élément intéressant de dissociation entre les zones très perfusées et les zones moins perfusées. Ce signe se retrouve de manière plus fréquente en cas d'HTP-TEC, mais en revanche, il peut exister aussi dans des cas d’HTAP idiopathiques(4). Ce n’est donc pas un signe pathognomonique de l’HTP-TEC. Des anomalies visibles sur l’angioscanner, bien que souvent accessibles à une endartériectomie, peuvent sous-estimer des anomalies distales ou sous-segmentaires, et ceci même avec des scanners multicoupes. Il y a donc un risque de surévaluation de l’opérabilité dans ces cas d’atteinte proximale et distale. Au total, dans la stratégie de dépistage de l’HTP-TEC, la scintigraphie V/P, parce qu'elle est extrêmement sensible, va permettre de sélectionner les patients à explorer. Dans ce contexte de la définition de la maladie et donc potentiellement de son opérabilité, les autres examens, et en particulier l'angiographie pulmonaire, voire l’angioscanner haute résolution nous donnera des éléments complémentaires mais dans une deuxième étape du diagnostic.   Attention, la scintigraphie, bien qu'examen sensible, a aussi des faux positifs qui grèvent sa spécificité, avec par exemple la fibrose médiastinale, des compressions extrinsèques des voies vasculaires qui peuvent, en ce qui concerne la sémiologie scintigraphique, montrer des obstructions qui en fait ne sont pas intraluminales. Ce qui est plus problématique, c’est la maladie veino-occlusive qui va mimer complètement à la scintigraphie des anomalies mismatchées perfusionnelles, mais qui pourront être redressées une fois que ces patients seront adressés à des centres de compétence qui en feront alors le diagnostic.   Comment interpréter une scintigraphie V/P ?   Cette interprétation repose sur la perfusion mais il faut bien rechercher les défects perfusionnels non concordants avec un défect ventilatoire (mismatchés), parce que sinon, on va diminuer la spécificité de l’imagerie. Et on fait une analyse segmentaire pulmonaire en comptant le nombre de segments ou de sous-segments afin de quantifier une obstruction vasculaire. Des altérations perfusionnelles bilatérales assez diffuses qui, non matchées en ventilation, font évoquer une origine thrombo-embolique chronique et donc la nécessité d'orienter ce patient vers un centre de compétence (figure 1). Si les anomalies sont concordantes en ventilation et en perfusion (matchées), on peut éliminer une HTP-TEC (figure 2).   La problématique n’est pas tant la définition du mismatch, mais sa quantification. Dans les recommandations de 2015, un mismatch était un seuil suffisant pour dire qu'on pouvait évoquer une origine thrombo-embolique chronique. Mais selon l’étude princeps de Tunariu et coll.(4) où l'exploration avait été faite avec des critères d’interprétation selon PIOPED, il fallait avoir au moins deux segments pour orienter vers une origine thrombo-embolique chronique. En fait, on se rend compte que lorsqu’on s'intéresse à l'obstruction réelle, et c'est assez logique physiopathologiquement, il faut en moyenne entre 30 à 40 % d’obstruction vasculaire, pour avoir une HTP-TEC (Wang et coll.). Il faut garder cette sensibilité, c’est-à-dire être capable de ne perdre aucun patient, mais en même temps il faut avoir en tête que, pour avoir une hypertension pulmonaire, l’obstruction doit être significative et être visualisée comme telle.   Dans une étude réalisée sur la cohorte du registre des HTP-TEC brestoises(5), il a été mis en évidence que la ventilation et les anomalies perfusionnelles mismatchées à la ventilation sont fondamentales que c’est le pattern de base du diagnostic de l'obstruction vasculaire et de l'HTP-TEC. Cette étude a montré qu’avec plus de 2,5 atteintes segmentaires, on pouvait s’orienter vers un HTP-TEC. On a donc dans ce papier un seuil optimal de 2,5, qui garantissait qu’on n’avait aucune origine thrombo-embolique chronique chez les patients avec moins de 2,5 segments d’obstruction mismatchés au niveau de la scintigraphie V/P. Il faut cependant avoir en tête que la moyenne d’obstruction était de 6,4 ; ainsi l’objet n’est pas de trouver la petite anomalie mismatchée discutable, mais bien une obstruction significative et bilatérale. La tomoscintigraphie est un peu une évolution technologique de la scintigraphie qui permet d’avoir une acquisition en 3D et de voir plus de choses. Cependant, elle n’a que peu d’intérêt dans ce cadre-là et n’est clairement pas supérieure à l’acquisition planaire car les anomalies sont majeures et on doit pouvoir les voir sans difficulté.   Conclusion Les recommandations pour le dépistage d’une HTP-TEC sont : • la scintigraphie V/P est l’examen à réaliser pour le dépistage de l’origine thrombo-embolique chronique chez les patients présentant une suspicion ou une probabilité d’HTP ; • le risque principal de l’utilisation de l’angioscanner est le sous-diagnostic, en particulier pour les atteintes distales ; • l’angiographie pulmonaire reste l’examen de référence et devra être réalisée pour confirmer le diagnostic ou avec un angioscanner haute résolution, dans un centre de compétence car la sémiologie est différente, l’interprétation est plus complexe et la mise en œuvre n’est pas la même ; • la scintigraphie V/P permet d’exclure le diagnostic d’HTP-TEC lorsqu’elle est normale, alors qu’un angioscanner normal ne permet pas d’exclure une HTP-TEC ; • la scintigraphie V/P permet de sélectionner les patients avec une origine thrombo-embolique chronique possible qui seront à orienter vers un centre de compétence pour en faire le diagnostic; • les anomalies doivent être mismatchées et le seuil au moins équivalent à 2 segments pulmonaires. Figure 1. Multiples défects perfusionnels mismatchés. Figure 2. Multiples défects perfusionnels matchés. Avec le soutien institutionnel de   << RETOUR  

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