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Échocardiographie

Publié le 16 mar 2010Lecture 10 min

Qu'est-ce que la FEVG ?

T. TOUCHE, Centre Cardiologique du Nord, Saint-Denis


Les Journées européennes de la SFC
Dans le cadre d’une session d’un nouveau style intitulée « Des questions quotidiennes pas si simples », l’une des questions posées par les organisateurs des journées européennes 2010 de la SFC était « qu’est-ce que la fraction d’éjection ventriculaire gauche ? ».
Tous les cardiologues savent que la FEVG est l’un des indices de fonction systolique globale du ventricule gauche, que c’est de loin le plus utilisé d’entre eux et qu’elle est égale à la différence des volumes télédiastolique et télésystolique du ventricule, rapportée au volume télédiastolique : (VTD-VTS) / VTD.

  Pour aller plus loin on peut proposer cinq éléments de réponse. La FEVG, un indice omniprésent dans les recommandations Le chiffre guide le choix des traitements dans le postinfarctus, notamment l’indication d’un défibrillateur implantable, l’indication à la resynchronisation dans l’insuffisance cardiaque à QRS larges, l’heure de la chirurgie dans l’insuffisance mitrale et l’insuffisance aortique, la manière d’évaluer les pressions de remplissage du ventricule gauche en écho-Doppler (tableau). Elle participe même à la classification des maladies cardiaques, car il faut parler aujourd’hui d’« insuffisance cardiaque à FEVG normale » (ou basse), plutôt que d’« insuffisance cardiaque à fonction systolique normale » (ou altérée). La FEVG, un indice mesurable par de nombreuses techniques L’angiographie par cathétérisme était la technique de référence autrefois, l’imagerie par résonance magnétique (IRM) est la technique de référence actuelle, le scanner cardiaque peut également permettre des mesures précises. Mais dans la pratique clinique, on ne recourt pas à ces techniques dans le seul but de mesurer la FEVG. La scintigraphie myocardique peut donner une évaluation des variations de la FEVG entre le repos et l’effort mais sa précision est limitée pour la valeur absolue de la FEVG. La ventriculographie isotopique est un examen simple qui reste une alternative intéressante à l’échographie lorsque cette dernière est de qualité insuffisante. En échographie, la seule méthode retenue par les recommandations actuelles, le même texte ayant été publié aux États-Unis et en Europe(1), est la méthode bidimensionnelle biplan, en utilisant la méthode des disques, également connue sous le nom de règle de Simpson modifiée (figure 1). Les vues 4 cavités et 2 cavités sont obtenues en choisissant l’espace intercostal et le temps respiratoire optimaux, de façon à la fois à obtenir une visualisation optimale des parois (notamment la paroi antérieure) et à éviter d’amputer la pointe du ventricule de façon importante. Les images sont gelées précisément en télédiastole et télésystole et comparées côte à côte. Le tracé manuel part de l’anneau mitral d’un côté ou de l’autre, inclut les piliers mais aussi la totalité des trabéculations pariétales qui forment l’image échographique du contour de la cavité, et se termine à l’anneau du côté opposé au point de départ. Le tracé reste parallèle à l’épicarde, notamment dans les régions où l’endocarde est mal vu. Figure 1. Écho 2D biplan, méthode des disques. Infarctus antérieur. Cette mesure doit être précédée d’une estimation visuelle de la FEVG, et les deux évaluations doivent être confrontées. En effet, le tracé sur des images arrêtées fait perdre l’intégration spatiale et temporelle de la cinétique des parois, que l’œil seul est capable de réaliser : intégration spatiale d’un nombre important de coupes, dont les coupes parasternales, intégration temporelle tout au long du cycle cardiaque. Si la FEVG mesurée s’écarte trop de la FEVG estimée, une ou plusieurs autres mesures doivent être faites, pour que la première mesure soit ou bien confirmée, ou bien remplacée. Les recommandations conseillent l’utilisation d’un agent de contraste si les zones de mauvaise visualisation de l’endocarde dépassent 20 % du contour. En France, un agent de contraste est disponible pour cette application (Sonovue) mais il est sous-utilisé. Les contraintes sont de faire une ordonnance au patient pour qu’il commande le produit en pharmacie, de lui faire l’avance de ce produit si l’utilisation du contraste n’a pas été prévue et de mettre en place une voie veineuse. Ces contraintes méritent d’être surmontées, au moins dans les grands services d’échocardiographie, lorsque le contexte clinique justifie une mesure précise de la FEVG et que l’échographie de base est de qualité insuffisante. Comparativement aux échographies bidimensionnelles réalisées il y a 20 ans environ (figure 2), le progrès majeur a été l’imagerie d’harmonique, qui favorise grandement l’identification du contour endocardique ; mais il y a un recul notable, il n’est plus possible de superposer comme précédemment les tracés des contours des deux vues télédiastolique et télésystolique sur la même image. Avec cette méthode, il était possible d’utiliser la ciné-loop pour faire des mouvements de va-et-vient dans le cycle cardiaque, pour vérifier que le déplacement réel de chaque région entre les deux contours superposés a été bien apprécié. Avec les images numériques et leur standardisation (DICOM), les mesures et tracés sont liés à l’image arrêtée sur laquelle ils ont été pratiqués, et ils disparaissent lorsqu’on se déplace vers d’autres images du cycle cardiaque. Figure 2. Écho 2D avant l’ère de l’imagerie d’harmonique et des images numériques. Infarctus antérieur. Les images actuelles sont beaucoup plus précises mais il n’est plus possible de superposer les tracés télédiastolique et télésystolique sur la même image. L’échographie tridimensionnelle (3D) est au moins en théorie la technique idéale de mesure échographique de la FEVG (figure 3). Le 3D réalise l’intégration spatiale et temporelle de la cinétique des parois du ventricule. Mais si les recoupes 2D des captures 3D sont de très bonne qualité avec au moins un des équipements disponibles (sonde 3D transœsophagienne de la société Philips), les sondes 3D transthoraciques gardent pour le moment une qualité d’image en recoupe 2D inférieure à celle des sondes uniquement 2D, si bien que la mesure 3D de la FEVG ne peut être réalisée que chez des patients de bonne échogénicité. Figure 3. Échocardiographie 3D. Akinésie antérieure. Par ailleurs, le tracé du contour endocardique sur l’ensemble des parois ventriculaires serait fastidieux, il faut donc une technique de détection automatique de contour, mais cette détection doit toujours être vérifiée et très souvent corrigée manuellement, en introduisant des points de référence supplémentaires. Le speckle tracking permet également une mesure semi-automatique de la FEVG (figure 4). Avec cette technique, le suivi du déplacement pariétal est souvent incomplet en télésystole, conduisant à une sous-estimation de la FEVG : là aussi, la mesure correcte nécessite une correction manuelle avec introduction de points de référence supplémentaires. Enfin, le speckle tracking n’est disponible pour le moment qu’en 2D ; il faut faire séparément une mesure de FEVG en 4 cavités et une autre en 2 cavités. Ces nouvelles techniques, contraste, speckle tracking et 3D, peuvent ou pourront prochainement être combinées deux à deux ou toutes les trois ensemble : l’avenir dira le gain en précision et en reproductibilité de ces différentes possibilités. Figure 4. Speckle tracking. Sujet normal. À l’inverse, d’anciennes méthodes de mesure de la FEVG sont déconseillées aujourd’hui, notamment la mesure TM en extrapolant les volumes ventriculaires à partir des diamètres grâce à la formule de Teichholz. Cette méthode est utilisée depuis longtemps à condition que la cinétique ventriculaire gauche soit raisonnablement homogène. Sur les échographes, cette valeur de la FEVG s’affiche automatiquement lors des mesures TM du VG et, du fait de sa simplicité, elle n’est pas près d’être abandonnée. Mais elle reste très imprécise, même en cas de cinétique homogène. La fraction de raccourcissement du diamètre TM (FRD) est en fait souvent suffisante, par exemple pour chiffrer la cinétique d’un cœur normal, et il faudrait apprendre à s’en contenter plutôt que de faire des extrapolations hasardeuses de mesures linéaires à des évaluations de volumes. Il est facile d’interpréter la FRD ; elle est très proche de la moitié de la FEVG Teichholz dans un large intervalle de dimensions et de cinétique du ventricule. La FEVG Teichholz surestime souvent le raccourcissement du grand axe ventriculaire, et donc la FEVG vraie. Lorsque le raccourcissement du grand axe est négligeable, ce qui est souvent le cas dans les hypokinésies ventriculaires importantes, et que la cinétique est homogène, la FE est assimilable à (DTD2-DTS2)/DTD2, et aussi au pourcentage de réduction de la surface d’une coupe petit axe médioventriculaire. Une autre méthode simplifiée est d’évaluer la FEVG à partir d’un score de cinétique segmentaire. Elle peut donner des résultats acceptables entre les mains d’opérateurs habitués à cette approche. Mais sa validation a été très limitée et elle n’est pas citée dans les recommandations. La FEVG, un indice dérivé des volumes ventriculaires Cette vérité élémentaire est occultée lorsque la FE est estimée visuellement ou par une méthode simplifiée. Or, d’une part, l’amélioration de la précision de la mesure écho de la FEVG passe par l’amélioration de la mesure des volumes et, d’autre part, les volumes en eux-mêmes ont une valeur diagnostique et pronostique considérable. Leur mesure est de plus en plus recommandée. On peut dire que si, historiquement, l’échocardiographie avait commencé par le 2D plutôt que par le TM, la place des estimations de volume serait certainement beaucoup plus grande aujourd’hui. Les volumes ventriculaires sont sous-estimés par l’échographie, même en 3D, si on les compare à ceux de l’angiographie ou de l’IRM. La limite supérieure de la normale pour le VTD indexé à la surface corporelle est 75 ml/m2 en échocardiographie, alors qu’elle est de l’ordre de 100 ml/m2 par les autres techniques. En télésystole, VTS est à lui seul un indice de fonction systolique, très dépendant de la post-charge mais peu dépendant de la précharge, et donc de grande valeur pour l’estimation de la fonction systolique dans les régurgitations mitrale et aortique, même si on lui substitue généralement DTS, pour des raisons historiques (poids de l’expérience acquise dans les études anciennes qui mesuraient le diamètre). La limite supérieure de la normale de VTS indexé est 30 ml/m2. La FEVG, un indice de fonction systolique sans véritable concurrent FRD, VTS et DTS sont également des indices de fonction systolique, déjà évoqués, très dépendants de la post-charge ; il en est de même pour la VCF, égale à FRD divisée par le temps d’éjection. Des travaux anciens proposaient de confronter ces indices à une estimation non invasive du stress télésystolique, représentant la post-charge, mais cette approche n’est pas passée dans la pratique. La dP/dt peut être estimée en Doppler continu lorsqu’il y a une insuffisance mitrale même minime et uniquement protosystolique. Elle est notamment influencée par la précharge. L’élastance télésystolique ou pente de la relation pression-volume télésystolique est souvent considérée comme l’indice de fonction systolique le moins dépendant des conditions de charge. Cet indice a pu utiliser des mesures échographiques de surfaces ou de volumes ventriculaires tout au long du cycle cardiaque par détection automatique de contour, avec une mesure invasive simultanée de la pression ventriculaire gauche. Une évaluation entièrement non invasive a également été proposée. Là encore, ces approches ne sont pas passées dans la pratique clinique. Les indices échographiques de fonction systolique disponibles depuis peu grâce au Doppler tissulaire et au speckle tracking sont le pic de vitesse systolique de l’anneau mitral vers l’apex et la déformation (strain) longitudinale globale, qui reflètent la fonction systolique longitudinale. On peut aussi citer l’étude de la torsion ventriculaire. Ces indices complètent l’évaluation de la FEVG mais ne la remplacent pas. La FEVG, un indice de fonction systolique Ce n’est pas à lui seul la fonction systolique. Cet indice dépend des conditions de charge et doit être interprété différemment selon la pathologie qu’on étudie. Dans l’insuffisance aortique, la post-charge est peu différente des conditions normales et l’apparition d’une altération de fonction systolique, orientant vers la chirurgie, est affirmée en présence d’une FEVG < 50 %. Dans l’insuffisance mitrale au contraire, la post-charge est diminuée et l’altération de la fonction systolique est affirmée en présence d’une FEVG < 60 % ; une diminution de la FEVG sera observée en postopératoire, souvent de l’ordre de 10 %. Dans l’hypertrophie concentrique du ventricule gauche, le nombre des éléments contractiles placés en parallèle augmente : même avec un raccourcissement anormalement bas pour chacun d’entre eux, ils peuvent générer un épaississement pariétal, un déplacement endocardique et une FEVG tout à fait normaux. Ainsi, une FEVG à 55 % en présence d’une hypertrophie concentrique suggère déjà une altération notable de la fonction systolique. Chez le sujet âgé, il peut y avoir une altération de la contraction longitudinale compensée par une augmentation de la contraction selon le petit axe du ventricule. La fonction systolique peut être anormale alors que la FEVG est normale. L’insuffisance cardiaque à FEVG normale ne doit plus être appelée insuffisance cardiaque à fonction systolique normale, pour la même raison. Ainsi les comptes-rendus d’échocardiographie devraient parler de FEVG normale et non de fonction systolique normale, tout particulièrement dans l’insuffisance mitrale, l’hypertrophie concentrique, le cœur du sujet âgé, et l’insuffisance cardiaque. La poussée hypertensive peut réduire la FEVG, mais rarement au-dessous de 45 %. Chez l’hypertendu mal contrôlé, le chiffre de pression artérielle au moment de l’examen doit faire partie du compte-rendu pour permettre une interprétation précise de la FEVG. Dans la sténose aortique, une altération modérée ou moyenne de la FEVG peut récupérer dès le postopératoire précoce. Dans la fibrillation auriculaire à réponse ventriculaire rapide, les FEVG mesurées après des RR longs permettent de minimiser l’influence de la réduction de précharge, mais il faut éviter de spéculer sur ce que sera la FEVG après le retour à la normale du rythme ou le ralentissement de la fréquence. Après resynchronisation sur BBG ou sur stimulation précédemment uniquement ventriculaire droite, le gain en FEVG à court terme est souvent de l’ordre de 10 %, sans préjuger d’une amélioration supplémentaire à plus long terme par remodelage. Ces exemples sont très schématiques car une étude détaillée de la fonction systolique ventriculaire gauche dans les différentes pathologies cardiaques dépasserait largement le cadre de cet article. On notera cependant que les variations de FEVG en fonction des conditions de charge et/ou des traitements sont souvent de l’ordre de 10 %, ce qui est une justification supplémentaire des efforts d’amélioration de la précision et de la reproductibilité de la mesure.

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