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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 07 avr 2009Lecture 6 min

L'ablation du flutter atrial commun

J. LACOTTE, S. MARRAKCHI, Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris

Le flutter atrial, dans sa forme commune, chemine le long d’un circuit situé derrière la valve tricuspide. C’est le trouble du rythme le plus souvent ablaté. En effet, l’intervention est rapide et radicale dans presque tous les cas. Mais il ne faut pas oublier que la présence d’un flutter sous-entend qu’il existe un substrat, également favorable à la survenue d’une fibrillation.

Que faut-il pour développer un flutter ? – Un circuit délimité au sein du myocarde atrial par des obstacles naturels ou acquis (ostia veineux, anneaux valvulaires, cicatrices chirurgicales, blocs créés par une précédente ablation, etc.) ; – des propriétés de conduction propices, autrement dit une zone à conduction plus lente et unidirectionnelle dans laquelle l’influx va stagner assez longtemps pour que le reste du circuit sorte de sa période réfractaire ; – une extrasystole atriale qui va entrer dans le circuit et s’y recycler tant que les propriétés de conduction lui sont favorables. Tous les flutters n’empruntent pas le même circuit Le circuit classique du flutter commun est situé dans l’oreillette droite, derrière la valve tricuspide, et se propage presque toujours de façon antihoraire (figures 1 et 2) : – l’influx descend sur la paroi latérale de l’oreillette droite entre la tricuspide en avant et la crista terminalis en arrière, cette dernière se comportant comme un bloc de conduction vertical entre les deux veines caves ; – il traverse ensuite un chenal étroit entre la veine cave inférieure et l’anneau tricuspide, désigné sous le terme d’isthme cavo-tricuspide, cible de l’ablation (figure 3) ; – puis il remonte le long du septum atrial qui correspond à la zone de conduction lente, avant de gagner le toit de l’oreillette et de redescendre sur la paroi latérale. Figure 1. Circuit du flutter commun dans l’oreillette droite vue en oblique antérieur gauche et droit. En blanc, lignes naturelles de bloc (VCS et VCI = veines caves, CT = crista terminalis, AT = anneau tricuspide). En bleu, circuit du flutter avec rotation anti-horaire. En rouge, ligne d’ablation dans l’isthme cavo-tricuspide. Figure 2. Aspect ECG d’un flutter commun et d’un flutter atypique. Noter l’opposition de polarité entre V1 et V6 (identique à DII) dans la forme commune et la concordance V1 – V6 dans l’autre cas. Figure 3. Aspect de la ligne d’ablation réalisée par le cathéter de radiofréquence entre l’anneau tricuspide (AT) et l’ostium de la veine cave inférieure (vue autopsique avec ouverture du cœur le long du bord droit (courtesy from Medtronic). Des circuits « atypiques » peuvent survenir n’importe où dans l’oreillette gauche ou droite, les topographies habituellement rencontrées étant : – le flutter de la paroi latérale de l’oreillette droite tournant autour d’une atriotomie chirurgicale (cure de cardiopathie congénitale, CIA surtout) ; – le flutter de l’oreillette gauche observé après ablation d’une fibrillation, finalement organisée ou cloisonnée dans un labyrinthe s’activant en plusieurs foyers ou circuits ; – le flutter gauche périmitral après correction chirurgicale d’une valvulopathie mitrale. Comment savoir si le flutter est commun ? On ne le saura avec certitude qu’une fois le flutter ablaté, sinon cartographié. Mais il faut être capable d’identifier par avance les flutters atypiques et certaines tachycardies atriales, beaucoup plus difficiles à éradiquer et dont l’ablation requiert un équipement lourd (cartographie 3D, transeptal). • La première étape est de considérer tous les patients déjà ablatés d’une fibrillation ainsi que ceux opérés par voie atriale comme porteurs d’un flutter atypique, quel que soit l’aspect de l’ECG. Dans ces cas, le circuit actif peut tout aussi bien être classique qu’atypique, parfois même, multiple. • La deuxième étape consiste à analyser le tracé (figure 2) qui sera considéré comme commun si les auriculogrammes sont : – réguliers, avec des cycles compris entre 200 et 250 ms (300 à 250 cpm), parfois plus lents lors d’une récidive après ablation (récupération d’une conduction dans l’isthme cavo-tricuspide) ; – diphasiques, tantôt ascendants, tantôt descendants, jamais isoélectriques contrairement aux tachycardies atriales focales ; – discordants en polarité : quand l’activation monte en V1, elle descend en V6 (ainsi que dans les dérivations inférieures) et inversement. Autrement dit, la concordance de polarité de V1 à V6 est un argument fort en faveur d’un flutter atypique. Si le flutter est commun, pourquoi l’ablater ? – Pour régulariser le rythme, d’autant plus que le flutter est tout aussi récidivant et réfractaire aux anti-arythmiques que la fibrillation. Si l’ablation après un premier épisode de flutter bien toléré n’est pas forcément passée dans les mœurs (classe IIa), il faut la proposer dès lors que le flutter est mal toléré ou si récidivant (classe I)(1) ; – parce que la conduction atrio-ventriculaire est parfois rapide, sans parler du flutter à conduction 1 sur 1 induit par les antiarythmiques ; – pour supprimer le traitement antiarythmique ou anticoagulant, raisonnement un peu spéculatif car conditionné par la guérison du flutter (très probable) et la non-apparition ou récidive d’une fibrillation (probable à long terme) ; – parce que l’ablation est une intervention simple, avec un taux de succès d’environ 90-95 % au prix de rares complications, exceptionnellement graves ou létales(1,2). Les questions non réglées Attendre la récidive ou ablater dès le 1er accès Citons l’étude LADIP(2) qui a porté sur une centaine de patients, randomisés dès le premier épisode de flutter symptomatique, soit vers un traitement par amiodarone (une fois le flutter réduit par stimulation) soit vers une ablation (figure 4). Après un suivi d’un an, on constate que : – le flutter récidive dans 30 % sous amiodarone et dans seulement 4 % après ablation (p < 0,0001) ; – le traitement médicamenteux génère des effets secondaires alors que l’intervention n’a produit aucune complication immédiate ou ultérieure (10 % vs 0 %, p = 0, 3) ; – la fibrillation sème le trouble dans les deux groupes, avec une incidence de 25 % après ablation et de 18 % sous amiodarone (p = 0,03) à comparer aux 27 % et 21 % de FA constatée avant l’inclusion. Figure 4. Résultats de l’étude LADIP après 13 mois de suivi moyen (randomisation après 1er accès de flutter symptomatique entre ablation ou réduction par stimulation et amiodarone). Flutter et fibrillation, même maladie ? L’ablation du flutter ne semble malheureusement pas avoir d’impact sur la fibrillation, qu’il s’agisse d’éviter ses récidives ou de prévenir son apparition ; – les patients qui faisaient de la FA en refont, ce qui justifie le plus souvent de maintenir les AVK et les antiarythmiques, sinon d’envisager l’ablation conjointe des deux troubles du rythme d’emblée ; – les patients qui ne font que du flutter sous antiarythmiques donnés pour une arythmie sont candidats à l’ablation du flutter et à la poursuite de l’anti-arythmique. Cette thérapie « hybride » est codifiée (indication consensuelle) et retient l’idée que ces flutters pharmaco-induits sont plus le reflet de l’efficacité du traitement sur la FA que de ses effets pro-arythmogènes ; – les patients qui n’ont jamais de FA risquent d’en faire. Il faudra donc être prudent quant à la promesse d’arrêter complètement et définitivement le traitement antiarythmique et anticoagulant après l’ablation du flutter. Quand arrêter les AVK ? Sous quelles conditions ? – L’ablation doit être considérée comme une cardioversion, donc les AVK seront maintenus pendant un mois, le temps que les oreillettes retrouvent une contraction efficace et que les lésions de radiofréquence perdent leur caractère thrombogène ; – au-delà, la stratégie n’est pas définie mais elle est avant tout conditionnée par la présence d’une fibrillation relevant d’un traitement par AVK au long cours ; – l’attitude est plus délicate en l’absence d’antécédents de FA mais en présence de comorbidités corrélées à l’apparition d’une arythmie et associées à un risque cérébral élevé (HTA, diabète, cardiopathie). Dans ce cas, il faudra établir une surveillance rapprochée du rythme et la maintenir quelques mois avant de suspendre les AVK, quitte à les reprendre… Finalement que dire au patient ? L’ablation du flutter permet de se débarrasser d’un trouble du rythme récidivant et souvent gênant, au prix d’une intervention, courte, exceptionnellement pourvoyeuse de complications graves. Il faudra également mentionner le caractère douloureux de l’intervention, plus confortable sous neuroleptanalgésie. Le bénéfice à long terme est hypothéqué par la possibilité de voire apparaître une fibrillation justifiant la reprise des antiarythmiques et des anticoagulants.

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