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Hypertension pulmonaire

Publié le 02 nov 2010Lecture 6 min

Hypertension artérielle pulmonaire : pourquoi le cathétérisme cardiaque reste-t-il indispensable ?

N. LAMBLIN, CHRU Lille

Les Journées françaises de l'insuffisance cardiaque

Les dernières recommandations communes des Sociétés européennes de cardiologie et de pneumologie, définissent l’hypertension pulmonaire (HTP) comme une pression artérielle pulmonaire (PAP) moyenne par mesure hémodynamique invasive ≥ à 25 mmHg[1] (cf. Cardiologie Pratique 939). Compte tenu des nombreuses informations fournies par l’échocardiographie, il peut paraitre étonnant que ces recommandations aient gardé le cathétérisme comme examen de référence. Ce résumé synthétise pourquoi le cathétérisme reste nécessaire au diagnostic et à la prise en charge de l’HTAP.

L’HTP est définie précapillaire (d’origine « artérielle et/ou artériolaire » pulmonaire) lorsque la pression pulmonaire d’occlusion (PAPO) est ≤ 15 mmHg. Dans la dernière classification des HTP, les HTP précapillaires correspondent au groupe 1 qui regroupe l’ensemble des hypertensions artérielles pulmonaires (HTAP) au sens où toutes ces pathologies partagent des caractéristiques physiopathologiques et anatomopathologiques communes aboutissant à un remodelage diffus des artérioles pulmonaires distales avec augmentation des résistances pulmonaires ; le groupe 3, des HTP des maladies pulmonaires chroniques hypoxémiantes ; le groupe 4, de l’HTP des thromboembolies chroniques et le groupe 5, des HTP aux mécanismes non clairs et/ou multifactoriels (où l’on retrouve par exemples la sarcoïdose, l’histiocytose X, les maladies métaboliques)[1]. Valeur diagnostique Les HTAP (groupe 1) sont un ensemble de pathologies chroniques, évolutives et au pronostic à long terme encore très sombre.   L’indication du cathétérisme cardiaque se pose lors de la phase du diagnostic initial, puis lors du suivi, en particulier en cas d’aggravation, de modifications des symptômes ou de modifications de la thérapeutique.   De nombreuses études, déjà anciennes, ont montré de bonnes corrélations entre la « mesure » de la PAP systolique (PAPs) en échographie. Cette mesure est obtenue par la mesure de la vitesse maximale de l’insuffisance tricuspide (VIT) pour laquelle la formule de Bernoulli simplifiée (4xVIT2) donne le gradient de pressions entre le ventricule droit et l’oreillette droite, auquel on ajoute une estimation de la pression de l’oreillette droite (POD) selon la morphologie de la veine cave inférieure. Cependant, ces études étaient souvent réalisées sur des patients sélectionnés chez qui l’échogénicité était satisfaisante et qui présentaient une insuffisance tricuspide avec une enveloppe Doppler correcte. Ces études ont montré que l’estimation de la POD était la principale source des écarts de la PAPs en échographie et sa mesure hémodynamique. La mesure de la PAPm est également possible en échographie avec la même formule appliquée à la mesure de la vitesse protodiastolique de l’insuffisance valvulaire pulmonaire à laquelle on ajoute l’estimation de la POD.   En 2003, Abbas et coll. ont montré une corrélation avec un coefficient R à 0,93 mais en ne retenant que 26 patients sur les 44 évalués[2]. Beaucoup plus récemment, plusieurs études ont validé l’intérêt de l’échocardiographie dans le dépistage de l’HTAP dans des populations non sélectionnées mais à risque d’HTAP. Ainsi, chez des patients atteints de sclérodermie systémique, un algorithme associant la prise en compte de la dyspnée et de VIT a été évalué[3] : les patients sclérodermiques sans HTAP connue, avec une VIT > à 3 m/s ou ceux avec une dyspnée inexpliquée et une VIT > à 2,5 m/s étaient suspects d’HTAP. Sur 570 patients sans HTAP connue et évalués en échographie, 33 répondaient à cette définition et ont eu un cathétérisme. L’HTAP a été confirmée pour 18 (54 %) patients, il n’existait pas d’HTAP pour 12 patients (36 %) ; l’HTP s’est révélée post-capillaire pour 3 patients (10 %). Un algorithme équivalent, avec en cas d’absence d’insuffisance tricuspide la prise en compte d’une éventuelle insuffisance pulmonaire, a montré des résultats similaires chez 247 patients séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) et présentant une dyspnée non expliquée par une autre cause[4]. Sur les 18 patients ayant les critères échographiques de suspicion d’HTAP, l’HTAP a été confirmée chez 5 patients (28 %), 12 patients n’ayant pas d’HTP et 1 patient ayant une HTP post-capillaire. On peut noter que, dans cette population, l’index cardiaque moyen était de 3,6 ± 0,8 l/min/m2 et que ce bon débit cardiaque a pu participer au taux élevé de faux positifs[4].   Enfin, une troisième étude de dépistage a concerné des patients candidats à la transplantation hépatique avec réalisation systématique d’une échocardiographie et d’un cathétérisme cardiaque[5]. Sur 165 patients évalués avec les deux examens, 17 patients avec des critères échographiques d’HTP (PAPs > 30 mmHg ou dilatation du VD). Parmi les 148 patients sans argument échographique d’HTAP, aucun ne présentait une HTP au cathétérisme cardiaque donnant pour l’échocardiographie, le résultat spectaculaire d’une sensibilité et d’une valeur prédictive négative de 100 %. Parmi les 17 patients suspects d’HTAP, 10 (59 %) avaient une HTAP lors du cathétérisme, 3 patients ayant une HTP post-capillaire et 4 patients n’ayant pas d’HTP, confirmant une moins bonne spécificité et valeur prédictive positive de l’échographie par rapport au cathétérisme. Cependant, ces algorithmes de diagnostic ne tentaient pas de discriminer les HTP pré- et postcapillaires, ce qui, si cela était réalisé, permettrait d’améliorer la valeur diagnostique de l’échocardiographie. Valeur pronostique Parallèlement au diagnostic positif, certains éléments à visée pronostique sont indispensables à recueillir lors du diagnostic. Le premier de ces éléments est sans doute la réponse au test de vasodilatation en aigu. Ce test est réalisé maintenantdans la plupart des centres par inhalation pendant quelques minutes de monoxyde d’azote (NO) à l’aide d’un masque facial. Ce test a pour objectif de distinguer une souspopulation de patients susceptibles de tirer un bénéfice au long cours de fortes doses d’inhibiteurs calciques. La réponse au test au NO est positive lorsque la PAPm diminue de 10 mmHg ou plus, avec une valeur de PAPm devenant ≤40 mmHg et cela, avec un débit cardiaque stable ou augmenté. Dans la série française, cette réponse positive est observée chez 10 % des patients atteints d’HTAP idiopathique. Parmi ces patients « répondeurs » en aigu, 54 % auront une efficacité au long cours des inhibiteurs calciques. Cette réponse prolongée est associée à un pronostic excellent à long terme (aucun événement après plus de 10 ans de suivi), identifiant probablement une forme clinique avec une physiopathologie différente[6]. L’évaluation pronostique initiale est une étape importante de la prise en charge. Les marqueurs pronostiques ont été étudiés dans différentes cohortes, dont récemment celle du registre national[7]. En analyse univariée, parmi les marqueurs pronostiques, deux nécessitent une mesure hémodynamique précise : la POD et le débit (ou l’index) cardiaque. Lors de l’analyse multiple, 3 marqueurs sont associés avec la survie des patients : le sexe féminin, la distance parcourue lors du test de marche de 6 minutes et le débit cardiaque[7]. L’évaluation du débit cardiaque est également fondamentale car il est le meilleur reflet de l’efficacité des thérapeutiques ciblées (prostanoïdes, antagonistes des récepteurs de l’endothéline et inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5). La plupart des thérapeutiques baissent peu ou pas du tout la PAPs (principal paramètre évalué en échographie de routine), diminuent modérément la PAPm mais surtout augmentent le débit cardiaque grâce à la diminution des résistances artériolaires pulmonaires. L’absence d’augmentation nette du débit cardiaque constitue un marqueur de risque de décès important, en particulier chez les patients les plus sévères ayant nécessité un traitement par époprosténol intraveineux[8]. En pratique Il ne faut surtout pas opposer échocardiographie et cathétérisme cardiaque droit dans l’HTAP. Ces deux examens sont en effet indispensables et complémentaires. En effet, l’HTAP étant une maladie rare, son dépistage dans les populations à risque et son diagnostic lors d’une dyspnée ne peuvent se faire par un examen invasif alors qu’ils sont très accessibles par une échocardiographie rigoureuse. Dans le contexte du dépistage, la sensibilité de l’échocardiographie est excellente (sans doute proche de 100 % lorsqu’elle est faite par un opérateur expérimenté). Avec une analyse précise du débit cardiaque et de l’évaluation des pressions de remplissage du ventricule gauche, la spécificité, encore insuffisante dans les études rapportées à ce jour, devrait s’améliorer et permettre sans doute de poser le diagnostic d’HTAP précapillaire de façon fiable dans de nombreux cas.  Cependant, le pronostic souvent encore sombre et les conséquences physiques et psychologiques d’une telle pathologie nécessitent un diagnostic de certitude. De plus, un test de vasodilatation en aigu (« test au NO ») doit être systématiquement réalisé lors du premier diagnostic de certitude et avant toute tentative de traitement ciblé. Enfin, à ce jour, même si plusieurs éléments pronostiques échocardiographiques ont été identifiés dans différentes études, la POD et l’index cardiaque restent de puissants marqueurs pronostiques, de même que leur amélioration sous traitement. La place de l’échocardiographie dans le suivi des patients, en particulier lorsqu’ils sont stabilisés, est sans doute très importante mais reste à définir précisément, de même que les paramètres les plus pertinents à utiliser dans ce contexte. 

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