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Insuffisance cardiaque

Publié le 18 oct 2011Lecture 7 min

Apparition d’une insuffisance cardiaque chez un patient porteur d’une cardiomyopathie hypertrophique

A. HAGEGE, Hôpital Européen Georges-Pompidou, Paris

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Observation Ce patient de 77 ans est suivi depuis une quinzaine d’années pour une cardiomyopathie hypertrophique (CMH) obstructive, bien tolérée, ne se manifestant que par une dyspnée aux efforts importants (3 étages). L’échographie cardiaque a montré pendant longtemps une hypertrophie septale à 20 mm avec un petit ventricule gauche (45 mm, FEVG > 70 %), un SAM de la valve mitrale avec un gradient sous-aortique variant selon les échographies entre 60 et 80 mmHg. L’IRM montrait des zones de rehaussement focal aux jonctions septum-ventricules, très limitées. Un bêtabloquant à forte dose au long cours a été prescrit (bisoprolol 30 mg/j), bien toléré. L’épreuve d’effort réalisée sous traitement était normale (à 70 % de la fréquence maximale théorique sous traitement, sans chute tensionnelle ni anomalie rythmique), de même que les Holter ECG réalisés annuellement. Une hospitalisation est motivée par l’apparition d’une insuffisance cardiaque sévère rapidement évolutive, avec prise de poids de 5 kg en deux semaines, œdèmes des membres inférieurs, orthopnée. L’ECG enregistre alors une fibrillation auriculaire (FA) à conduction rapide à 100/min, avec bloc de branche gauche complet qui n’existait pas antérieurement. L’échographie en urgence montre une FEVG à 25 % avec dyskinésie septo-apicale, hypocinésie globale, ventricule gauche modérément dilaté (53 mm), hypertrophie septale à 18 mm, dilatation atriale gauche (51 mm, 35 cm2), minime fuite mitrale et disparition du gradient sous-aortique. Une réduction de la FA par choc électrique est récusée en raison de la présence en échographie transœsophagienne d’un thrombus mobile au fond de l’auricule gauche. L’évolution clinique est lentement favorable après la prise de diurétiques à forte dose, en intraveineux puis per os, l’introduction des antivitamines K et de l’amiodarone et le maintien des bêtabloquants. Une IRM cardiaque confirme l’hypertrophie (18 mm en septal), montre un rehaussement tardif étendu après injection de gadolinium touchant l’ensemble des parois hypertrophiées et confirme la dysfonction ventriculaire gauche (FEVG à 30 %). La télémétrie retrouve des épisodes asymptomatiques de tachycardies ventriculaires non soutenues (TVNS).   Les commentaires L’insuffisance cardiaque terminale est une des trois modalités majeures de décès dans la CMH, avec la mort subite et l’accident vasculaire cérébral ischémique (sur FA paroxystique ou soutenue). Elle est plus souvent modérée (dyspnée d’effort) et peut être corrigée par la diminution du gradient sous-aortique (bêtabloquant) et éventuellement l’adjonction de diurétiques à faibles doses. Il existe une relation entre l’intensité de la dyspnée et l’existence et la sévérité de l’obstruction sous-aortique, tandis que la réduction du gradient par les médicaments (bêtabloquant à forte dose, éventuellement associé au dysopyramide) permet la diminution de la contractilité septale, la diminution de l’effet Venturi et du SAM, d’où la diminution de l’obstruction sous-aortique et de la fuite mitrale secondaire, amenant à la diminution des pressions de remplissage ventriculaire gauche, des pressions capillaires pulmonaires, notamment d’effort, et l’amélioration des symptômes. On a montré que l’existence d’un gradient sous-aortique favorisait à long terme la progression vers l’insuffisance cardiaque sévèrement symptomatique (NYHA III/IV) ou le décès par insuffisance cardiaque ou accident vasculaire cérébral. L’efficacité des bêtabloquants à forte dose est inconstante sur le gradient de repos, mais décapite en général la majoration du gradient d’effort, ce qui explique probablement en partie chez ce patient l’amélioration fonctionnelle pendant de nombreuses années. L’association gêne fonctionnelle sévère (NYHA III) résistante au traitement médical, obstruction de repos ou d’effort ≥ 50 mmHg et hypertrophie septale ≥ 18 mm doit faire discuter une ablation septale (percutanée ou chirurgicale). La genèse de la FA dans la CMH est multifactorielle, associant une dilatation atriale et une probable véritable myopathie atriale. C’est l’arythmie la plus fréquemment observée en cas de CMH, 4 à 6 fois plus fréquente que dans la population générale. Les facteurs de risque principaux de la survenue d’une FA dans ce contexte sont : – la dilatation atriale gauche ≥ 45 mm (risque x 3,4), – la sévérité de l’atteinte fonctionnelle (NYHA III/IV) (risque x 2,8), – l’existence d’arythmies supraventriculaires au Holter. Cependant, comme on le voit ici, un Holter strictement normal n’évite pas la survenue à court terme d’une FA. Le degré d’HVG et l’existence d’une obstruction sous-aortique ne semblent pas être prédictifs de la survenue d’une FA. Si l’âge > 50 ans multiplie le risque par 2, un tiers des arythmies (paroxystiques ou soutenues) sont observées chez le sujet jeune, avec un risque cardio-embolique majeur. La FA en tant que telle serait aussi responsable d’environ 20 % de toutes les morts subites cardiaques observées en cas de CMH. Si un tiers des FA soutenues sont assez bien tolérées, la FA peut précipiter la survenue d’une insuffisance cardiaque et multiplie par 8 la survenue d’un AVC ischémique (d’où la nécessité d’une anticoagulation précoce et systématique quelle que soit la durée de l’épisode) et le risque de décès par un facteur 4. L’impact pronostique de la FA dans la CMH est beaucoup plus marqué que dans la population générale avec un taux doublé de décès cardiovasculaires (x 4) ou d’AVC (x 8). Si la FA est plus fréquente chez le sujet âgé, sa sévérité (c’est-à-dire la survenue d’événements cardiologiques délétères) est plus importante lorsqu’elle survient avant 50 ans, aussi bien sur la mortalité totale que les AVC ou la progression vers l’insuffisance cardiaque sévère (risque x 4 à 10 ans). Le risque thrombo- embolique particulièrement élevé de la FA de la CMH serait dû à une hypercoagulabilité suggérée par l’élévation de facteurs thrombogènes sériques et à l’hyperagrégabilité plaquettaire liée à l’obstruction sous-aortique. Enfin, le passage en FA peut être le signe d’une dégradation de la fonction myocardique avec passage vers une forme « end-stage » (< 5 % des cas) dans laquelle on observe une dilatation bi-atriale franche, un profil transmitral restrictif, un amincissement pariétal progressif avec hypokinésie ventriculaire gauche. L’ensemble peut s’accompagner d’une fibrose extensive en IRM comme constatée chez ce patient. Les causes de cette fibrose extensive (ischémies myocardiques répétées, épisodes de myocardite, etc.) restant mal connues. Dans le cas présent, une coronarographie systématique a vérifié la normalité des gros troncs coronaires. En dépit de l’âge avancé de ce patient, la présence d’un facteur de risque majeur de mort subite (TVNS au Holter) associé à une fibrose myocardique extensive en IRM et à une altération franche de la FEVG a amené à la décision d’implantation à distance de l’épisode actuel d’un défibrillateur cardiaque.   La prise en charge de la FA des CMH • En cas de CMH, tout accès de FA, même isolé et non soutenu, doit faire l’objet d’une anticoagulation à vie. • En cas de FA aiguë avec intolérance hémodynamique, le choc électrique en urgence s’impose après avoir vérifié par échographie transœsophagienne l’absence de thrombus intracavitaire. • En cas de FA chronique : – le ralentissement de la fréquence cardiaque est possible soit par les médicaments, soit en cas d’échec dans certains cas selectionnés, par ablation du nœud auriculoventriculaire, avec mise en place d’un pacemaker définitif ; – le retour en rythme sinusal peut être obtenu soit par choc électrique, soit par ablation (geste probablement plus risqué et moins efficace que dans d’autres pathologies, et pour lequel l’expérience reste encore limitée) et le maintien du rythme sinusal assuré par les médicaments. Certaines données rétrospectives indiquent que le maintien du rythme sinusal s’accompagne à long terme de moins d’événements délétères (décès cardiovasculaire, embolique ou progression vers l’insuffisance cardiaque sévère) que le seul contrôle de la fréquence cardiaque. • La surveillance régulière, notamment chez les sujets jeunes, par échographie de la dilatation atriale gauche et par Holter de l’absence d’arythmies devrait être la règle.   Prise en charge de la FA des CMH selon les recommandations ESC 2010   L’anticoagulation orale est la règle avec une cible INR entre 2 et 3, que la FA soit paroxystique, persistante ou permanente. La prévention des récidives la plus efficace passe par l’amiodarone (la place de la dronedarone dans ce contexte reste inconnue) tandis que l’association bêtabloquant + disopyramide a aussi l’avantage d’être souvent efficace sur le gradient sous-aortique. En cas de maintien de l’arythmie, bêtabloquant et verapamil sont souvent efficaces pour contrôler la fréquence cardiaque. L’ablation par radiofréquence est parfois favorable, surtout dans les formes paroxystiques, mais moins fréquemment que dans les indications classiques, notamment quand l’oreillette est franchement dilatée et la dysfonction diastolique sévère. L’ablation des FA symptomatiques réfractaires au traitement médical incluant l’amiodarone se solde par 67 % des patients en rythme sinusal à 3 ans avec amélioration fonctionnelle. L’ablation chirurgicale (intervention de Maze) a été peu étudiée dans ce contexte, mais semble avoir une certaine efficacité dans de petites séries. La décision d’implantation d’un défibrillateur en cas de FA doit être mûrement réfléchie en raison de la fréquence élevée des chocs inappropriés.

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