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Congrès et symposiums

Publié le 04 déc 2012Lecture 8 min

Le risque cardiovasculaire en 2012 - Nos patients ont-ils changé ?

J. FERRIERES, CHU de Toulouse

CNCF

Chaque cardiologue qui est installé depuis un certain nombre d’années ou qui consulte dans une structure hospitalière publique ou privée a pu constater que les profils des patients examinés ces dernières années ont changé. La situation serait trop simple s’il y avait un seul paramètre à l’origine de cette modification de la présentation et de la sévérité des patients cardiovasculaires. Nous allons essayer de dresser rapidement les différents visages du risque cardiovasculaire en 2012.

L’évolution de l’espérance de vie    Même si l’on n’a pas sous les yeux les tableaux de l’INSEE, une simple promenade dans la rue suffit à percevoir le vieillissement de la population française. En raison de l’amélioration considérable du dépistage et du pronostic des affections cardiovasculaires, l’espérance de vie des français a fortement augmenté ces dernières années. Un homme de 60 ans peut espérer vivre encore 23 ans alors qu’une femme de 60 ans peut encore profiter de sa vie pendant 27 ans. Ainsi, les consultations relevant de la cardiologie sont prépondérantes en médecine générale puisque sur 100 consultations médicales après 65 ans, 65 sont consacrées aux maladies cardiovasculaires chez l’homme et 59 chez la femme. Avec 27 % des causes de décès, les maladies cardiovasculaires sont désormais en deuxième position en France après les cancers. C’est pourtant de cette baisse de la mortalité cardiovasculaire ainsi que de l’amélioration considérable du dépistage et du traitement des affections cardiovasculaires que dépend cette évolution récente de la mortalité générale en France. Le vieillissement au sens large et le vieillissement cardiovasculaire sont donc des évidences que l’on constate tous les jours à la consultation. Ainsi, les comorbidités, l’atteinte des fonctions cognitives et la dépendance sont souvent au premier plan chez nos patients.   La « chronicisation » des maladies cardiovasculaires    Le paradoxe est frappant entre une incidence de la maladie cardiovasculaire qui ne cesse de baisser et une prévalence des malades cardiovasculaires qui ne cesse d’augmenter.    Ainsi, les cardiologues ont créé une situation particulière où le fait d’avoir prolongé la vie des cardiaques leur donne encore plus de travail ! Les syndromes coronaires aigus sont plus souvent des syndromes coronaires aigus sans sus-décalage du segment ST ou des angors instables. Les formes rythmiques graves sont désormais accessibles aux thérapeutiques modernes et l’insuffisance cardiaque est mieux traitée. La taille de la population des patients cardiaques augmente alors que son agressivité initiale diminue mais les formes chroniques explosent. Le paradoxe est donc apparent puisque nous récoltons les fruits de nos succès récents, c’est-à-dire les résultats des traitements extrêmement efficaces des maladies cardiovasculaires. Si la gestion des revascularisations myocardiques ou des arythmies sévères ainsi que de l’insuffisance cardiaque est plus performante, la prévention des facteurs de risque mérite encore toute notre attention.   Les facteurs de risque classiques    Les maladies cardiovasculaires sont générées par quatre facteurs de risque principaux, le tabagisme, l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle et le diabète de type 2. Ces facteurs de risque sont aussi des facteurs de risque de la mortalité totale. Par conséquent, chaque fois que nous traitons les facteurs de risque majeurs de la maladie cardiovasculaire, nous allongeons également l’espérance de vie de nos patients. De nombreux autres facteurs de risque existent mais ils n’ont pas tous le même niveau de preuves et en tout cas, la réversibilité totale de ces facteurs de risque n’a pas été prouvée à ce jour. Néanmoins, la consultation médicale doit s’attarder sur ces facteurs de risque collatéraux dont la prise en charge peut être très bénéfique pour le patient.   Les facteurs de risque émergents    Certains facteurs de risque ou certains facteurs déclenchants se situent au niveau du patient et il est probablement facile de les éliminer.  C’est le cas de la consommation de drogues illicites qui peut être à l’origine de sévères cas de maladie coronaire. Par exemple, la consommation de cocaïne est associée à un risque 24 fois plus élevé de faire un infarctus du myocarde par rapport au non-consommateur.  L’insuffisance rénale chronique est un marqueur de risque majeur puisqu’elle est associée à de nombreuses situations cardiométaboliques susceptibles d’aggraver le risque.  C’est le cas de l’hypertension artérielle, du diabète de type 2, de l’hypertrophie ventriculaire gauche, de l’augmentation de la rigidité vasculaire et de l’anémie. La prévalence de l’insuffisance rénale chronique méconnue est en France extrêmement élevée, aux alentours de 8,2 % chez les adultes de 35 à 75 ans.  Les affections bucco-dentaires chroniques sont également responsables d’une exposition au risque cardiovasculaire. La parodontite est souvent silencieuse et est extrêmement prévalente en population générale. Nous avons montré que 39 % des sujets adultes avaient une parodontite sévère et méconnue. Cette parodontite entretient des foyers inflammatoires chroniques susceptibles de modifier la flore bucco-dentaire et d’entretenir un état d’insulinorésistance.  L’infection à VIH est extrêmement péjorative pour le patient car il s’agit très rapidement d’une maladie sévère, certes mieux contrôlée mais qui dure de nombreuses années. Le patient porteur d’une infection à VIH est souvent un consommateur de tabac et de drogues illicites. L’infection à VIH entretient une inflammation chronique source d’insulinorésistance et de diabète de type 2. La prescription des thérapeutiques antirétrovirales favorise l’émergence de dyslipidémies mixtes et de troubles de la glycorégulation. Le patient infecté par le VIH se voit donc exposé à de nombreux facteurs de risque cardiovasculaire et il n’est pas étonnant que ce patient développe des syndromes coronaires aigus alors qu’il est parfaitement suivi par ses différents médecins.  L’obésité est présente chez 12 % des sujets adultes en France et n’a pas encore occasionné de gros dégâts. En effet, il y a ce que l’on appelle un effet de cohorte, c’est-à-dire l’apparition chez les sujets jeunes d’obésité morbide qui déclencheront des diabètes de type 2 dans les années qui suivent.    On doit donc être préparé à une épidémie de diabète avec les conséquences cardiovasculaires de cette maladie métabolique.   Le rôle majeur de l’environnement    L’athérosclérose humaine était centrée exclusivement jusqu’à une date récente sur les facteurs de risque individuels. On a longtemps laissé de côté les facteurs de risque collectifs ou liés à l’environnement. Le facteur le plus évident est la nutrition.  Lorsque le « French Paradox » était le mode dominant de consommation des aliments, le risque cardiovasculaire était bas. Cette diète de type méditerranéenne riche en végétaux et accompagnée d’une consommation régulière de vin rouge disparaît peu à peu en Europe du Sud au profit d’une homogénéi sat ion des condui tes alimentaires privilégiant les graisses saturées et la rapidité des repas. Il faudra sans doute de nombreuses années avant que l’effet néfaste de ces nouveaux modes de consommation alimentaire ne se répercute sur l’incidence de la maladie cardiovasculaire. Néanmoins, l’ostracisme vis-à-vis de la consommation régulière de vin rouge a été à long terme néfaste puisque les sujets se sont détournés du vin rouge pour la bière et l’on connait le profil du buveur de bière générateur de «binge drinking« et d’obésité androïde. La consommation régulière et abondante de fruits et légumes bute sur des arguments économiques qu’il est important de souligner. Ce sont en effet les niveaux éducationnel et économique qui se répercutent sur les choix alimentaires et sur le risque cardiovasculaire.    Le retour à une diète méditerranéenne équilibrée suppose donc de nombreux messages éducationnels qui doivent débuter le plus tôt possible, c’est-à-dire dans l’enfance. Parmi les facteurs de risque émergents, il est évident que le trafic et le fait d’habiter dans de grandes villes exposent à un sur-risque cardiovasculaire. Nous avons montré il y a déjà quelques années l’impact de l’ozone sur l’infarctus du myocarde. Ainsi, nous avons estimé chez les sujets entre 35 et 64 ans que 4 à 5 % des infarctus du myocarde étaient dus à la pollution liée à l’ozone. La pollution n’est pas le seul facteur de risque et le seul fait d’être dans le trafic automobile expose à un sur-risque cardiovasculaire.    En pratique    Les facteurs de risque dits classiques continuent à être la cible principale des thérapeutiques en cardiologie.  Certaines thérapeutiques comme les médicaments hypotenseurs ne corrigent pas totalement le risque lié à l’hypertension artérielle. On doit donc s’assurer que l’ensemble des facteurs de risque est contrôlé de manière idéale. Par ailleurs, l’émergence de nouveaux facteurs de risque liés au mode de vie moderne impose un débat plus général impliquant des décisions politiques lourdes. Elever le niveau éducationnel, améliorer la situation économique des plus vulnérables et accompagner les personnes âgées dans leur maladie chronique afin de ne pas être dépendants sont probablement les priorités de la médecine de demain.

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