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Congrès et symposiums

Publié le 04 déc 2012Lecture 8 min

Statines en prévention primaire - Quand et pour qui ?

D. ANGOULVANT, CHRU de Tours T. BEJAN-ANGOULVANT, CHRU de Tours

CNCF

Les données factuelles concernant le bénéfice clinique des statines en prévention primaire sont moins robustes qu’en ce qui concerne la prévention secondaire. Le cahier des charges de la prévention primaire est plus contraignant puisqu’il vise à prévenir l’apparition d’un premier événement clinique avec une exigence particulière au niveau de la tolérance et l’index thérapeutique.

Les statines ont été historiquement développées comme agents hypocholestérolémiants avec pour objectif de réduire les évènements cardiovasculaires via une diminution du cholestérol. Cette stratégie pharmaco-interventionnelle ciblant le cholestérol était motivée par les données épidémiologiques qui montraient une relation log-linéaire et sans seuil entre le taux de cholestérol total et la mortalité cardiovasculaire.   La prévention primaire    Les premiers essais cliniques ont ciblé des patients ayant un LDL-cholestérol élevé (hommes ayant un LDL > 1,55 g/l sous régime approprié dans l’étude WOSCOPS, hommes ou femmes ayant un LDL > 1,30 g/l et un HDL bas dans AFCAPS/TexCAPS).    Ces études, qui excluaient les patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde (IDM), ont montré que le traitement par statine diminue significativement la survenue d’IDM ou de décès de cause cardiovasculaire.    Les limites de ces études résidaient dans le profil de risque des patients inclus dont un nombre important était porteur d’un angor, d’un diabète, d’une AOMI.    Les critères définissant la prévention primaire font encore l’objet de débat. Il est aujourd’hui fréquent de qualifier de prévention « primo-secondaire » les mesures préventives proposées chez des patients asymptomatiques, sans antécédent d’évènement clinique majeur, mais dont le niveau de risque d’évènement ou de décès cardiovasculaire est élevé selon les modèles prédictifs comme SCORE ou Framingham. De plus, même si les études en prévention primaire ne prévoient d’inclure que des patients sans antécédents cardiovasculaires, l’analyse de la population en fin d’étude montre fréquemment une proportion parfois élevée de patients ayant un antécédent cardiovasculaire qui en principe devrait qualifier pour une démarche de prévention secondaire. Ce contingent de patients à haut risque peut influer favorablement sur le résultat de l’étude en termes d’efficacité et entrainer des biais d’interprétation.  Plusieurs métaanalyses récentes permettent de préciser la place des statines en prévention primaire en répondant, avec les réserves liées à la précision de ces analyses, à certaines questions.   Les statines en prévention primaire réduisent-elles la mortalité totale ?    Ces métaanalyses montrent avec une certaine reproductibilité chez les patients traités par statine versus placebo un risque relatif de mortalité totale de 0,83 à 0,93 associé à un intervalle de confiance dont la borne supérieure va de 0,95 à 1,01. Bien entendu, certains essais cliniques inclus dans ces métaanalyses se recoupent. Les différences entre ces métaanalyses sont caractérisées par les critères de sélection des essais cliniques, ce qui explique que le nombre de patients varie de façon importante. Ces critères de sélection portaient notamment sur le pourcentage de patients inclus et finalement jugés à haut risque bien que considérés en prévention primaire. À titre d’exemple la métaanalyse de la Cochrane Collaboration en 2011 n’a sélectionné que des essais cliniques ayant moins de 10 % de patients considérés à haut risque sur la base d’antécédents cardiovasculaires, alors que celle de Brugts dans le BMJ 2009 retenait des essais avec moins de 20 % de patients ayant des antécédents cardiovasculaires.  L’étude des Cholesterol Treatment Trialists (CTT) donne un éclairage nouveau car elle étudie l’effet des statines selon le niveau de risque estimé des patients. Prenant comme modèle d’estimation du risque celui de l’étude HPS, les auteurs montrent qu’une réduction significative de la mortalité totale est observée à la fois en prévention primaire et secondaire. Concernant les patients en prévention primaire, ce bénéfice était également observé chez les patients dont le risque estimé était faible (< 10 % à 5 ans). Le bénéfice du traitement par statine dans cette population à bas risque était également observé en ce qui concerne la réduction du risque d’IDM non fatal, de décès par maladie coronaire et d’AVC ischémique.    Les données de ces différentes analyses suggèrent sans ambiguïté que l’administration de statines en prévention primaire diminue la mortalité totale et les évènements cardiovasculaires.    Cet effet bénéfique est notamment retrouvé chez les patients à bas risque. En revanche, la taille de l’effet sur la mortalité totale mérite d’être débattue entre la réduction moyenne du risque (autour de 10 %) et la borne supérieure de l’intervalle de confiance qui est proche de l’absence d’effet.   La diminution du LDL explique-t-elle l’effet bénéfique des statines en prévention primaire ?    Cette question mérite d’être posée car les stratégies de prévention primaire sont régulièrement construites autour du dosage de LDL sanguin. La métaanalyse de Ray en 2010 montre que le rapport de risque d’évènements cardiovasculaires entre les patients traités par statines et les patients sous placebo n’est aucunement corrélé à la diminution du LDL observée sous statines, ni d’ailleurs avec le niveau de LDL avant traitement. Le groupe d’Oxford à l’origine de l’étude HPS avait d’ailleurs démontré ce fait en objectivant un bénéfice clinique significatif et strictement équivalent entre les patients faibles répondeurs, moyens répondeurs et forts répondeurs en termes de diminution du LDL sous 40 mg de simvastatine.    Ces données semblent indiquer qu’il n’existe pas de relation statistique entre diminution du LDL sous statine et le bénéfice en termes de réduction du risque d’évènements cliniques.   La tolérance des statines est-elle acceptable dans une démarche de prévention primaire au regard de la taille de l’effet observé ?    C’est une question majeure, ce d’autant que des données récentes rappellent que les statines, outre leur intolérance musculaire décrite depuis longtemps, pourraient favoriser l’apparition d’un diabète. Les investigateurs de l’étude JUPITER ont publié en 2012 une analyse post hoc concernant l’apparition de diabète sous rosuvastatine 20 mg en prévention primaire. Ils observent une augmentation significative du nombre de nouveaux cas de diabète sous traitement actif chez les patients porteurs d’un syndrome métabolique, d’une obésité ou d’un prédiabète comparativement au groupe contrôle. Les données en termes de diminution d’évènements cardiovasculaires et de mortalité étaient les mêmes dans ce sous-groupe de patients que dans le reste de la population de l’étude avec un suivi moyen de 1,9 ans. Il n’y a pas de données de suivi au long cours chez ces patients qui, devenus diabétiques, entrent dans la catégorie du haut risque.  La métaanalyse des CTT ne montre aucune augmentation du nombre de cancers ou de décès par cancer sous statine. Le seul effet indésirable majeur susceptible d’impacter l’observance des statines est l’apparition de myalgies, de l’ordre de 5 à 6 %, qui sont significativement plus fréquentes que dans le groupe contrôle. Des données récentes montrent cependant une observance des statines en prévention primaire de l’ordre de 56 %, comparable à ce qui est observé avec d’autres classes thérapeutiques (IEC, ARA II).   Vers une prescription de statines en prévention primaire basée sur le niveau de risque ?    L’analyse post hoc réalisée chez les patients à haut risque de l’étude JUPITER concluait à un bénéfice du traitement par rosuvastatine 20 mg en prévention primaire des évènements cardiovasculaires chez des patients ayant un risque de décès cardiovasculaire à 10 ans > 5 % (SCORE) ou un risque combiné d’infarctus et de décès d’origine coronaire à 10 ans > 20 % (Framingham). Les patients de cette étude étaient des hommes > 50 ans et des femmes > 60 ans ayant un LDL à l’inclusion < 1,3 g/l et une CRPhs ≥ 2 mg/l. Ces données rétrospectives plaident en faveur d’une approche basée sur le niveau de risque. Par ailleurs, les résultats de la métaanalyse des CTT indiquent que le traitement par statine est associé à une diminution significative des évènements cardiovasculaires, y compris chez les patients ayant un risque prédit d’évènements bas (< 10 % à 5 ans).   Optimiser la prédiction du risque pour améliorer l’efficacité de la prévention primaire    Au total, l’approche basée sur le seul niveau de risque en prévention primaire a pour principaux arguments les résultats d’études anciennes chez des patients plutôt à risque élevé comme HPS, de métaanalyses, et sur les résultats plus récents de JUPITER qui incluait les patients sur la base d’un niveau de risque prédit par la présence d’un marqueur d’inflammation.  L’agence canadienne pour la santé cardiovasculaire recommande depuis 2009 le dosage de la CRPhs pour l’estimation du risque cardiovasculaire. D’autres outils incluant probablement des données issues du génotype en complément des données phénotypiques seront probablement demain à la disposition des médecins et de leurs patients pour estimer le risque individuel d’évènements cardiovasculaires. Ils permettront également de guider vers des mesures préventives personnalisées dont l’arsenal s’enrichira probablement au-delà des règles hygiéno-diététiques et des statines.    En pratique    Il semble raisonnable de proposer un traitement par statine en prévention primaire chez les patients à haut risque car leur profil est semblable à celui des patients en prévention secondaire.  Pour les patients à bas risque, l’indication doit être soigneusement évaluée et discutée entre le médecin et son patient en privilégiant en première intention la mise en œuvre effective des recommandations en termes d’alimentation, d’activité physique, et d’éviction du tabac. Ce changement de paradigme entre une prévention primaire basée sur la concentration de LDL dans le sang et une prévention basée sur le niveau de risque doit s’accompagner de progrès dans l’estimation individuelle du niveau de risque.

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