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Coronaires

Publié le 15 jan 2017Lecture 10 min

La prise en charge invasive des coronaropathies : les études majeures de l’AHA

Y. COTTIN, CHU de Dijon

Il y a 3 mois, l’ESC proposait des nouvelles recommandations pour la prise en charge des patients en fibrillation atriale qui devaient bénéficier d’une angioplastie. Ces dernières proposaient en cas d’angioplastie élective ou post-SCA une trithérapie par AVK ou AOD en association avec une bithérapie aspirine + clopidogrel (DAPT), mais toutes les cartes viennent d’être rebattues après la présentation et la publication dans le NEJM de PIONEER.

PIONEER, une étude de sécurité Cette étude internationale randomisée avait comme objectif de comparer la sécurité de deux stratégies après stenting de patients en FA non valvulaire. Il faut convenir que cette situation n’est pas rare, concernant environ 10 % des angioplasties, qu’elles soient réalisées dans le cadre d’un SCA ou électives. De plus, le design de PIONEER a intégré les résultats de trois études majeures : - la première ATLAS SCA, qui avait inclus des patients en post-SCA mais sans FA, avait démontré une réduction des événements cardiovasculaires majeurs (décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde et accident vasculaire cérébral) en associant à la DAPT une faible dose de rivaroxaban à la posologie 2,5 mg deux fois par jour ; - l’étude principale ROCKET chez les patients en fibrillation atriale non valvulaire a démontré un bénéfice en termes de sécurité du rivaroxaban par rapport à la warfarine ; - enfin, l’étude WOEST a comparé chez des patients avec une indication AVK (60 % de FA) une bithérapie AVK + clopidogrel versus AVK + DAPT ; de plus, il faut souligner que l’étude WOEST avait démontré que le clopidogrel seul était associé à une réduction significative des accidents hémorragiques sans augmentation des événements ischémiques. L’étude PIONEER est donc particulièrement originale car la randomisation était réalisée après le stenting et les investigateurs devaient préciser la durée de la DAPT souhaitée (1, 6 et 12 mois). C’est ainsi que 2 124 patients ont été inclus dans 3 groupes de traitement : - groupe 1 : rivaroxaban à 15 mg/j + 75 mg/j de clopidogrel ; - groupe 2 : rivaroxaban à la posologie de 2,5 mg deux fois par jour en association avec une DAPT (1, 6 ou 12 mois) suivi jusqu’au 12e mois d’une association rivaroxaban à 15 mg/j + 75-100 mg d’aspirine ; - groupe 3 : AVK (INR entre 2-3) en association avec une DAPT (1, 6 ou 12 mois) suivi jusqu’au 12e mois d’une AVK plus 75-100 mg d’aspirine (figure 1). Il faut également noter que dans le groupe 1 la posologie de rivaroxaban était de 10 mg/j chez les patients avec une clairance de la créatine entre 30-50 ml/min. Tandis que les patients aux antécédents d’AVC ou AIT, d’hémorragie digestive ou présentant une clearance de la créatinine < 30 ml/min étaient exclus. Figure 1. Étude PIONEER. Patients avec une fibrillation atriale ayant bénéficié d’un stenting. Le résultat principal de jugement de sécurité était un critère combiné (saignements majeurs ou de saignements mineurs selon les critères TIMI ou des saignements nécessitant une attention médicale) à 12 mois. Les taux de saignements étaient signifi cativement plus faibles dans les deux groupes bénéficiant du rivaroxaban que dans le groupe recevant le traitement par AVK, respectivement 16,8 % pour le groupe 1, 18,0 % pour le groupe 2 et 26,7 % pour le groupe 3 ; avec groupe 1 vs 3 et 2 vs 3 (p < 0,001) (figure 2). Par ailleurs, il n’existe aucune différence significative entre les sous-groupes, en particulier pour le type de stent, l’indication du stenting (SCA ou angor stable), le score CHADs-VAsc, le score HASbled, mais également la durée de la bithérapie antiagrégante pour les groupes 2 et 3. Figure 2. Étude PIONEER. En parallèle de l’étude de sécurité, pour le critère secondaire d’efficacité qui incluait la mortalité de cause cardiovasculaire, les infarctus du myocarde ou les accidents vasculaires cérébraux aucune différence significative n’est mise en évidence entre les 3 groupes, respectivement, 6,5 %, 5,6 % et 6,0 % (figure 3). Figure 3. Étude PIONEER. L’importance de la posologie anticoagulante reste débattue dans cette population spécifique. Les accidents hémorragiques sont plus fréquents dans le groupe 3 (AVK + DAPT), mais la posologie de rivaroxaban à 2,5 mg deux fois par jour n’est pas une posologie validée dans la FA et que dans le groupe 1 ou dans la seconde période pour le groupe 2 la posologie du rivaroxaban n’était que de 15 mg/j. Mais pour les auteurs, l’étude PIONEER n’est pas désignée pour un critère d’efficacité sur les AVC, néanmoins aucune alerte sur les 12 mois n’est mise en évidence entre les 3 groupes pour les AVC 1,3 %, 1,5 % et 1,2 % respectivement pour les groupes 1, 2 et 3. De plus, une petite étude japonaise « J ROCKET-AF » publiée en 2012 avait démontré une non-infériorité pour le critère principal (AVC et embolie systémique) à 900 jours entre les AVK et le rivaroxaban à 15 mg/j : 18,04 % par année de traitement avec le rivaroxaban contre 16,42 % par année de traitement par AVK (HR = 1,11 ; IC95% : 0,87-1,42 ; p < 0,001). Ce point est donc majeur mais il imposera une surveillance particulière. De plus, les résultats de l’étude doivent tenir compte du fait que dans le bras AVK la posologie restait INRguidée avec une cible classique entre 2 et 3. Une des problématiques majeures reste donc la durée de la bithérapie antiagrégante, en conséquence, un focus sur les groupes 2 et 3 doit est réalisée ; en effet, comme mentionné, la durée était établie avant la randomisation et non prédéfinie par le design de l’étude comme cela était le cas dans WOEST où, pour l’ensemble des patients, l’intention de traiter était de 12 mois (12 mois de DAPT + AVK vs AVK + clopidogrel). L’analyse de la durée de la DAPT n’a aucun impact sur le résultat de l’étude, toujours en faveur du groupe 2 (rivaroxaban 2,5 mg 2 fois/j + DAPT) par rapport au groupe 3 (AVK), que ce soit sur le critère principal de sécurité (figure 4) ou sur les hémorragies majeures (figure 5). De plus, la comparaison AVK + clopidogrel n’est pas possible avec les données de PIONEER. Dans le cadre du stenting, une attention particulière a été portée sur l’incidence des thromboses de stent, mais cette dernière est comparable entre les 3 groupes, respectivement 0,8 %, 0,9 % et 0,7 %. Au total, PIONEER est sans aucun doute l’étude la plus emblématique de l’AHA 2016 ; en effet, elle ouvre de nouveaux horizons dans la prise en charge de cette double pathologie (cardiopathie ischémique et rythmique), mais une attention toute particulière devra être portée sur les posologies et les durées de traitements. Figure 4. Hémorragies majeures ou mineures ou nécessitant une attention médicale particulière. Figure 5. Études futures. FUTUR, une étude de stratégie Cette étude a été présentée à l’AHA par Gilles Rioufol de Lyon. Le contexte de l‘étude prenait en compte 3 éléments majeurs : - un tiers des lésions coronaires avec une sténose > 50 % sont hémodynamiques (non significative en FFR [FFR > 0,80]) ; - la réalisation du FFR systématique modifie chez 40 % des lésions la stratégie de revascularisation même en cas de test d’ischémie antérieur ; - enfin un tiers des patients tritronculaires voient leurs scores SYNTAX requalifiés si la quantification n’inclut que les lésions avec une FFR < 0,80. Dans ce contexte, l’objectif de FUTUR était de démonter si la réalisation systématique d’une FFR modifiait, d’une part, la stratégie chez les patients pluritronculaires (pontages aortocoronariens, angioplastie ou traitement médical) et, d’autre part, le pronostic par rapport à une approche uniquement angiographique (figure 5). Le critère de jugement principal était un critère combiné incluant : la mortalité toutes causes, l’infarctus du myocarde, une nouvelle revascularisation et un accident vasculaire cérébral. Cette étude française randomisée multicentrique en ouvert devait inclure 1 721 patients dans 31 centres. L’étude a été arrêtée prématurément à la demande du DSMB après 936 patients inclus en raison d’une surmortalité observée chez les 836 premiers patients inclus dans le groupe FFR (4 %) versus 2 % dans le groupe angiographiquement guidé (p = 0,02) (figure 7). Mais il faut souligner que 28 % des décès ne sont pas d’origine cardiovasculaire. Les données présentées à l’AHA portaient donc sur les 797 patients ayant terminé leur suivi à un an, et il faut noter qu’il n’existe aucune différence significative entre les deux groupes pour la mortalité toutes causes, 1,8 % versus 3,4 % (p = 0,07) ni sur les autres critères de jugement (tableau). Figure 7. A. ARIC, B. WGHS, C. MDCS. À ce stade de l’analyse, l’hypothèse présentée par G. Rioufol est la suivante : le bras FFR guidé a conduit à la requalification de certaines lésions, donc à une stratégie d’angioplastie chez des patients présentant des scores SYNTAX les plus élevés, et cela en particulier chez les patients en angor stable. Et, en conclusion, G. Rioufol soulignait qu’à ce stade, l’analyse de la FFR doit être interprétée avec réserve chez les patients les plus sévères. Génétique et style de vie L’étude de Amit V. Khera du service de génétique et de cardiologie de l’Hôpital Général du Massachusetts a été présentée et publiée dans le même temps dans le NEJM. Le contexte est que les facteurs génétiques et les facteurs de style de vie contribuent au risque individuel de maladie coronarienne, par contre aucune donnée n’est disponible pour répondre à la question de la compensation par le mode de vie sain du sur-risque génétique. Les auteurs ont quantifié, en utilisant un score polygénique de polymorphismes de séquence d’ADN, à partir de 4 cohortes prospectives : 7 814 participants de l’étude ARIC (Atherosclerosis Risk in Communities), 21 222 femmes de la Women’s Genome Health Study (WGHS), 22 389 participants de la Malmö Diet and Cancer Study (MDCS) et 4 260 participants à l’étude transversale BioImage pour laquelle des données génotypiques et facteurs de risque étaient disponibles. Les auteurs ont évalué l’adhésion à un mode de vie sain grâce à une cotation de 4 facteurs : pas de tabagisme actuel, pas d’obésité, l’activité physique régulière et une alimentation saine. Les résultats sont majeurs en effet : d’une part, le risque relatif d’événements coronariens incidents a été de 91 % plus élevé chez les participants à haut risque génétique (quintile supérieur de scores polygéniques) que chez ceux à faible risque génétique (quintile inférieur des scores polygéniques), et cela dans toutes les cohortes (figure 6) ; d’autre part, un style de vie favorable (défini comme au moins trois des quatre facteurs de style de vie sains) est associé à un risque nettement plus faible d’événements coronariens qu’un mode de vie défavorable (défini comme un facteur de style de vie sain ou non) quelle que soit la catégorie de risque génétique. Par contre, et cette donnée est publiée pour la première fois, les participants à risque génétique élevé mais avec un mode de vie favorable sont associés à un risque relatif d’événements coronariens inférieur de 46 % à ceux présentant un mode de vie défavorable (risque : 0,54 ; IC95% : 0,47 à 0,63) ; ce résultat correspond à une réduction à 10 ans de l’incidence coronarienne standardisée de 10,7 % pour un mode de vie défavorable à 5,1 % pour un mode de vie favorable en ARIC, de 4,6 % à 2,0 % pour l’étude WGHS et de 8,2 % à 5,3 % pour l’étude MDCS (figure 7). Cette nouvelle étude confirme qu’un score de risque polygénique est maintenant robuste et surtout qu’il est indépendant des facteurs de risque traditionnellement mesurés. Figure 6. Génétique et style de vie. Big datas Les big datas sont des outils indispensables dans la compréhension de la période postinfarctus en complément des études randomisées. La Suède est particulièrement en avance grâce à son système de santé et surtout son histoire avec des données nationales sur l’infarctus de myocarde. Durant l’AHA la SWEDEHEART s’est posée la question de la progression de la maladie coronaire sur le long terme, et en particulier si les récurrences de SCA étaient surtout liées aux lésions stentées ou à la progression sur les vaisseaux non traités. L’étude de vraie vie porte sur une cohorte de 41 006 SCA. Les auteurs ont identifié 6 % de récidives de SCA à 8 ans. Les résultats angiographiques des récidivistes sont majeurs car ils soulignent que, dans un tiers des cas, la récidive concerne le même vaisseau, mais aussi et surtout la même lésion. Les auteurs n’ont identifié aucune différence sur les données démographiques initiales, en particulier sur l’âge, le sexe, le type de SCA, le statut diabétique ou les autres facteurs de risque. Par contre, du point de vue angiographique, seul un pourcentage moins élevé de multitronculaire est mis en évidence chez les patients avec récidive sur la même lésion ; en revanche, aucune différence en termes de stratégie thérapeutique entre les 2 groupes n’est retrouvée (localisation de lésion, nombre de stent, taille de l’artère, etc.). Les données issues de cette large cohorte montrent bien que les voies de recherche pour réduire les récidives post-SCA doivent être multiples avec, d’une part, la prise en charge de la maladie athérothrombotique et, d’autre part, une meilleure compréhension de l’évolution à long terme des lésions traitées. Cette question particulière de l’évolution des lésions stentées dans le post-SCA est donc importante, et de nombreuses équipes, en l’occurrence japonaises, tentent de comprendre. Ainsi, 205 lésions traitées par stenting au cours d’un SCA (119 lésions) ont été évaluées en post-implantation et à 9 mois de manière systématique par cohérence optique. L’analyse portait sur la malapposition, la protrusion et les dissections proximales et distales. Le résultat est important car les auteurs démontrent que seule une protrusion intra-stent importante et irrégulière est associée à un sur-risque d’événements cardiovasculaires majeurs après un SCA. L’OCT va donc prendre de plus en plus de place dans l’analyse post-stenting, pour mieux comprendre les événements post-SCA et surtout proposer des corrections OCTguidées. 

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