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Insuffisance cardiaque

Publié le 15 jan 2017Lecture 10 min

L’insuffisance cardiaque à l’AHA

M. GALINIER*, O. LAIREZ** - Fédération des services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil ; Université Paul Sabatier-Toulouse III ; Faculté de médecine, Toulouse

Après de nombreuses avancées pharmacologiques dans la prise en charge de l’insuffisance cardiaque chronique à fraction d’éjection réduite, ayant abouti à la mise à jour des recommandations européennes, l’AHA 2016 a été dominée par les essais thérapeutiques portant sur l’insuffisance cardiaque aiguë et à fraction d’éjection préservée et a permis de préciser les modalités des voies d’administration du fer en cas de carence martiale.

*UMR UT3 CNRS 5288 Evolutionary Medicine, Obesity and heart failure: molecular and clinical investigations. INI-CRCT F-CRIN, GREAT Networks **Département de médecine nucléaire, CHU Toulouse-Rangueil Insuffisance cardiaque aiguë : la série noire continue ! Le traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque aiguë repose depuis plus de 30 ans sur les diurétiques de l’anse, associés en fonction du niveau tensionnel, soit aux vasodilatateurs, en pratique les dérivés nitrés, si la pression artérielle systolique est > 90 mmHg, soit aux inotropes positifs en cas de choc, le plus souvent la dobutamine, toutes les tentatives d’utilisation de nouvelles voies thérapeutiques ayant abouti à des échecs. Il en a été ainsi des antagonistes des récepteurs de la vasopressine (tolvaptan) et des récepteurs A1 de l’adénosine (rolofylline), des activateurs de la guanilate cyclase soluble (cinaciguat) et d’un peptide natriurétique recombinant humain (néséritide). Cette série noire continue avec la présentation à l’AHA de deux nouveaux essais négatifs. L’étude TRUE-AHF a testé l’intérêt d’un analogue synthétique de l’urodilatine, un peptide natriurétique, l’ularitide, qui provoque une vasodilatation systémique et rénale, une majoration de la natriurèse et de la diurèse et une inhibition du système rénine-angiotensine, dont les effets hémodynamiques et symptomatiques avaient été montrés au cours de deux essais randomisés, contrôlés (SIRIUS I et II). Dans cet essai, 2 157 patients en insuffisance cardiaque aiguë avec une dyspnée de repos persistante malgré une dose ≥ 40 mg de furosémide intraveineux et une PAS ≥ 116 mmHg ont été randomisés pour être traités, soit par ularitide, soit par placebo. À 48 heures, l’utilisation de l’ularitide intraveineux est associée à une décongestion intravasculaire, comme le montre l’augmentation significative de l’hémoglobine (p < 0,001), de la créatininémie (p = 0,005) et la diminution du NT-proBNP (p < 0,001) et des transaminases hépatiques (p < 0,001), et à une baisse significative du nombre d’épisodes d’aggravation de l’insuffisance cardiaque en intrahospitalier (figure 1). Aucune variation de la troponine T n’est cependant observée (p = 0,70). Malgré cet effet favorable initial, après 36 mois de suivi, ni la mortalité cardiovasculaire (RR = 1,03 ; IC95% = 0,85-1,25 ; p = 0,75), ni le critère combiné (p = 0,82), ni les taux de réhospitalisations précoces (J30) et à 6 mois ne sont significativement améliorés dans le groupe ularitide par rapport au placebo (figure 2). L’hypotension artérielle est l’effet indésirable le plus fréquemment observé sous ularitide (22,4 % contre 10,1 %). Malgré ces résultats décevants, les auteurs ont insisté sur l’éclairage physiopathologique que cet essai apporte. Ces résultats supposent en effet que les deux voies physiopathologiques qui jalonnent l’insuffisance cardiaque aiguë, à savoir la voie de la congestion (rétention hydrosodée entraînant la distension des cavités cardiaques qui aboutit aux symptômes) et la voie lésionnelle (agressions myocytaires à l’origine de la progression de la maladie, des réhospitalisations et de la mortalité), sont deux voies indépendantes puisque la diminution de la congestion n’a pas eu d’impact sur les réhospitalisations et la mortalité cardiovasculaire à 6 mois. L’étude ATHENA-HF a testé l’intérêt de l’utilisation précoce et à forte posologie des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes dans le but de lutter contre la congestion par leur action natriurétique et d’atténuer les effets de l’activation du système rénine-angiotensine accrue par l’utilisation des diurétiques de l’anse par voie intraveineuse. Dans cet essai, 360 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë ont été randomisés dans les 24 heures suivant la première injection de diurétiques de l’anse pour être traités soit par 100 mg/jour de spironolactone pendant 96 heures, soit par placebo. Le critère primaire, la réduction à 30 jours du taux de NT-proBNP, n’est pas significativement différent entre les deux groupes (-1 072 contre - 1 796 pg/ml ; p = 0,76). Aucun des paramètres secondaires n’est également différent entre les deux groupes : soulagement de la dyspnée, réduction de la congestion clinique, augmentation de la diurèse, perte de poids, réduction des événements cliniques (figure 3). La spironolactone malgré sa dose élevée a été bien tolérée, aucune différence significative n’étant observée entre les deux groupes pour les taux d’aggravation de la fonction rénale ou d’hyperkaliémie. Tous les espoirs se portent maintenant sur la sérélaxine, qui non seulement avait diminué au cours de l’essai RELAX-HF la survenue d’une aggravation de l’insuffisance cardiaque durant la phase hospitalière mais également la mortalité à 180 jours qui n’était cependant qu’un critère tertiaire de sécurité. Les résultats de l’étude RELAX-HF2 annoncés pour 2017 sont donc très attendus.   Figure 1. Étude TRUE-AHF : évolution de l’insuffisance cardiaque. Figure 2. Étude TRUE-AHF : mortalité cardiovasculaire. Figure 3. Étude ATHENA-HF. Fer et insuffisance cardiaque : les voies d’administration se précisent La carence martiale est une des comorbidités les plus fréquentes au cours de l’insuffisance cardiaque aiguë ou chronique et son dépistage par le dosage de la ferritinémie et du coefficient de saturation de la transferrine une recommandation de classe I. Elle est à l’origine d’une diminution des capacités d’effort, d’une altération de la qualité de vie et d’une mortalité accrue, indépendamment de la présence ou non d’une anémie dont elle est la principale cause. Ainsi les récentes recommandations de l’ESC préconisent sa correction par voie intraveineuse à l’aide du fer carboxymaltose qui a démontré son efficacité, au cours des essais FAIR-HF et CONFIRM-HF, sur l’amélioration de la symptomatologie et des capacités d’effort, appréciée par le test de marche de 6 minutes. Cependant cette administration par voie intraveineuse est contraignante, nécessitant une hospitalisation en raison des réactions anaphylactiques rapportées avec d’autres types de fer et coûteuse. De plus, en France, elle n’est conseillée par la Haute Autorité de santé qu’en deuxième intention après échec du fer per os dont l’utilisation est sûre et facile, mais dont l’efficacité dans l’insuffisance cardiaque restait inconnue. C’est dire tout l’intérêt des deux études, IRONOUT-HF et EFFECTHF, rapportées à l’AHA qui ont apprécié les effets de ces deux modalités de correction de la carence martiale, par voie orale ou par voie intraveineuse, au cours de l’insuffisance cardiaque sur les capacités d’effort, estimées par l’étalon or, l’exploration cardio-pulmonaire permettant la mesure du pic VO2, paramètre pronostique majeur au cours de cette maladie. Ces deux essais ont inclus des patients présentant une insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite (fraction d’éjection du ventricule gauche < 40 % pour IRONOUT-HF, ≤ 45 % pour EFFECT-HF), symptomatiques et une carence martiale, définie par une ferritinémie < 100 μg/l ou entre 100 et 300 μg/l avec un taux de saturation de la transferrine < 20 %, avec ou sans anémie. Les 225 patients de l’étude IRONOUT-HF ont été randomisés pour être traités en double aveugle, soit par un traitement oral de 150 mg x2/j de polysaccharose de fer, soit par placebo. La différence entre le pic de VO2 atteint après 16 semaines et celui à l’inclusion, critère primaire d’efficacité, n’est pas significativement différente entre les patients sous traitement par fer per os et ceux sous placebo (0,30 ml/kg/min ; IC95% = -0,27-0,87 ; p = 0,30). Cette absence d’effet est expliquée par une correction très insuffisante de la ferritinémie et du coefficient de saturation de la transferrine, en particulier chez les patients qui ont les concentrations les plus élevés d’hepcidine (figure 4). Le taux d’événements indésirables est similaire dans les deux groupes, démontrant la bonne tolérance du traitement martial per os. Les 174 patients de l’étude EFFECT-HF ont été randomisés pour être traités ou non en ouvert par voie intraveineuse à l’aide du fer carboxymaltose. La variation du pic VO2 après 24 semaines de traitement par rapport à la valeur à l’inclusion constitue là encore le critère primaire. La dégradation du pic VO2 est significativement plus faible chez les patients recevant du fer intraveineux que chez ceux recevant le traitement standard (-0,2 contre - 1,2 ml/kg/min ; p = 0,02 ; figure 5). Bien que la différence entre les durées de traitement, 16 semaines dans IRONOUTHF, 24 semaines dans EFFECTHF, limite les possibilités de comparaison et réduit les possibilités d’observer un éventuel bénéfice du fer per os, qui selon la Haute Autorité de santé doit être poursuivi au moins 4 mois, ces résultats, qui confirment les données des études antérieures avec le fer carboxymaltose, plaident pour l’utilisation de la voie intraveineuse pour corriger une carence martiale au cours de l’insuffisance cardiaque, obéissant ainsi aux recommandations de classe IIa et de niveau A. Les résultats neutres de l’essai IRONOUTHF sont de plus compatibles avec les données physiopathologiques, l’augmentation de la sécrétion hépatocytaire d’hepcidine, favorisée par l’état inflammatoire caractérisant l’insuffisance cardiaque, diminuant l’absorption du fer per os. Ainsi, en dehors des cas de carence martiale absolue où il existe peut-être encore une place pour le fer per os, en cas de carence martiale fonctionnelle, secondaire à l’hypersécrétion d’hepcidine, c’est la voie intraveineuse qui doit être utilisée. Figure 4. Étude IRON-OUT. Figure 5. Étude EFFECT-HF. Insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée : enfin la sortie du tunnel ? Alors que son incidence augmente avec le vieillissement de la population, l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée a mis la communauté médicale face à son impuissance par la succession au cours des dernières années d’essais cliniques négatifs, contrastants avec les nombreuses avancées dans le domaine de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. Ainsi, les études CHARM-preserved avec le candésartan, I-PRESERVE avec l’irbésartan, PEP-CHF avec le périndopril, SENIOR avec le nébivolol, RELAX avec le sidénafil et TOPCAT avec l’aldactone ont toutes été le décor des échecs de l’approche pharmacologique dans l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée. Face à l’impuissance de l’approche médicamenteuse, c’est une approche interventionnelle qui nous permettra peut-être de sortir de ce long tunnel, avec les résultats de l’étude REDUCE LAP-HF présentés lors de l’AHA 2016. Alors que, faute de traitement, les recommandations européennes se sont concentrées sur l’intérêt impérieux d’un meilleur phénotypage et d’un contrôle des comorbidités chez cette catégorie de patients, l’étude REDUCE LAP-HF s’est intéressée au point physiopathologique commun à toute insuffisance cardiaque à fraction d’éjection préservée : l’augmentation de la pression atriale gauche, particulièrement à l’effort, élément déterminant des symptômes, de la dégradation de la qualité de vie et de la mortalité dans cette pathologie. Cette étude non randomisée de phase 1 qui a inclus 64 patients symptomatiques (stades 2 et 3 de la NYHA) avec une fraction d’éjection ≥ 40 % s’est intéressée à l’efficacité et à la sécurité d’un dispositif percutané de shunt interatrial de 8 mm (diamètre optimal pour une décongestion efficace de l’oreillette gauche et une diminution du risque de thrombose) permettant la diminution des pressions dans l’oreillette gauche, particulièrement au cours de l’effort. En termes de sécurité, à l’issue du suivi de 1 an, 3 (5 %) patients sont décédés (dont un des suites d’un accident vasculaire cérébral [AVC]), ce qui reste comparable au pronostic spontané de la maladie. En termes d’efficacité, les résultats à un an montrent une amélioration fonctionnelle à l’effort avec une amélioration de la dyspnée au travers d’une diminution du stade NYHA (p < 0,001) et une augmentation de la distance parcourue lors du test de marche des 6 minutes (p < 0,01) qui s’accompagne d’une amélioration de la qualité de vie (p < 0,001 ; figure 6). Les résultats de l’étude randomisée REDUCE LAP-HF I en cours de réalisation sont attendus avec intérêt. Figure 6. Étude REDUCE LAP-HF. **p < 0,01 ; ***p < 0,001 L’assistance ventriculaire en lévitation Devant le nombre croissant de patients réfractaires au traitement médical optimal et à la pénurie relative des greffons, la nécessité de recours à l’assistance monoventriculaire gauche n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Alors que ce type d’assistance était jusqu’à récemment réservé aux patients en état de choc ou en insuffisance cardiaque réfractaire, l’étude ROADMAP dans laquelle ont été implantés des patients symptomatiques ambulatoires ont soulevé de nombreuses questions, particulièrement sur les complications qui accompagne la mise en place d’un tel dispositif. C’est dans ce contexte qu’on été présentés à l’AHA les résultats de l’étude MOMENTUM3 publiés de façon contemporaine dans le New England Journal of Medicine. Cette étude randomisée qui a inclus 294 patients s’est intéressée à la sécurité et l’efficacité d’un nouveau système d’assistance monoventriculaire gauche à flux continu par lévitation magnétique (HeartMate3®) en comparaison à l’assistance monoventriculaire gauche à flux continu actuellement commercialisée (HeartMate2®). Le critère de jugement primaire, qui était un critère composite de survie sans AVC ou reprise chirurgicale pour replacement ou retrait de l’assistance dans les 6 mois suivant l’implantation, a été supérieur chez les patients assistés par le nouveau système à lévitation magnétique, sans différence en termes de décès ou d’AVC. Le bénéfice de l’assistance à lévitation magnétique s’est essentiellement manifesté par la diminution des dysfonctions de pompe, avec notamment une absence de thrombose du nouveau système, sans augmentation du risque hémorragique. Cette diminution des complications sans différence en termes d’efficacité ouvre la porte à un élargissement des indications dans le domaine de l’insuffisance cardiaque à fraction d’éjection réduite. En pratique Dans le domaine de l’insuffisance cardiaque, le congrès de l’AHA 2016 a été marqué par des études sectorisées à l’image des nouvelles recommandations européennes, distinguant l’insuffisance cardiaque aiguë de l’insuffisance cardiaque chronique. Dans l’insuffisance cardiaque aiguë, les études, bien que négatives, éclairent un peu mieux la physiopathologie complexe de cette entité. Dans l’insuffisance cardiaque chronique, l’arrivée de dispositifs percutanés pour les patients à fraction d’éjection préservée et l’évolution des assistances pour les patients à fraction d’éjection réduite ouvrent l’aire d’une prise en charge de plus en plus technique pour l’amélioration d’une qualité de vie encore trop amputée et la diminution d’une mortalité encore trop importante.

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