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Cardiologie générale

Publié le 14 nov 2016Lecture 5 min

Le cardiologue hospitalier, un rôle essentiel bien au-delà de l’hospitalisation

A. PATHAK, N. BIZARD, S. BOVEDA, R. CASSAGNEAU, Clinique de l’insuffisance cardiaque (CLIC) de la Clinique Pasteur, Toulouse

Aux États-Unis, les patients insuffisants cardiaques hospitalisés pour décompensation cardiaque sont suivis non seulement par les médecins mais également par les instances responsables du remboursement ! En effet, une réhospitalisation précoce dans les 30 jours qui suivent la sortie est assujettie systématiquement d’une pénalité financière pour l’établissement ayant géré la sortie. Afin d’éviter la sanction financière, les établissements ont développé des travaux de recherche visant à identifier quels étaient les patients à risque de réhospitalisations afin de proposer systématiquement à tous les patients des stratégies pour prévenir les réhospitalisations telles que l’optimisation thérapeutique pendant et précocement après l’hospitalisation ; la prise en charge des comorbidités, et/ou facteurs déclenchants, l’identification des problèmes médico-sociaux, voire la planification du suivi dans les premières semaines après l’hospitalisation.

De l’épidémiologie aux recommandations Le suivi de différentes cohortes montre que le taux de réhospitalisations des patients insuffisants cardiaques (IC) décroît lentement, ainsi que la durée de ces hospitalisations, même si ces taux restent élevés, proches de 30 % à 3 mois et de 20 % à 1 mois. Elles sont le fait essentiellement de nouvelles décompensations cardiaques, parfois d’effets indésirables médicamenteux et à un degré moindre pour des raisons non cardiovasculaires. Les dernières recommandations de l’ESC au sujet de la prise en charge rappellent l’importance du traitement bien conduit pour prévenir ces hospitalisations itératives et autres complications cardiovasculaires du patient IC. Ainsi, le socle IEC/BB est indispensable, c’est le caractère symptomatique qui initiera le rajout d’un antagoniste des minéralocorticoïdes puis le rajout de l’ivabradine et/ou la substitution d’un bloqueur du SRAA par la combinaison valsartan/sacubitril. La progression de la maladie et la persistance des symptômes seront une invitation à (re)considérer l’intérêt d’un DAI couplé ou non à une CRT par exemple. Ces propositions sont d’une importance majeure, car certains essais français soulignent que la prescription d’un IEC ou d’un BB reste suboptimale 30 jours après une hospitalisation (entre 50 et 65 % selon les séries ou la classe pharmacologique). Les recommandations préconisent donc de développer dès l’hospitalisation des plans de soins pour aider les médecins correspondants non hospitaliers à : préciser quand et comment augmenter la posologie des traitements, qui va voir et revoir le patient et à quel moment, proposer une participation des patients à un programme d’ETP (éducation thérapeutique des patients), tout ceci afin de prévenir la progression des symptômes et améliorer la qualité de vie ainsi que la période sans événements. Ces points sont cruciaux car nous disposons de médicaments qui ont démontré un impact significatif sur les réhospitalisations des patients IC. Que ce soient les BB (dans SURVIVE ou CIBIS III), les IEC/diurétiques (dans l’essai HYVET), l’ivabradine (dans l’essai SHIFT) ou plus récemment l’association valsartan/sacubitril (essai PARADIGM), tous montrent un effet bénéfique sur la prévention des réhospitalisations chez un patient insuffisant cardiaque. Récemment en 2016, une analyse post hoc des patients de l’essai SHIFT montre que parmi ceux hospitalisés en cours d’essais, le fait d’être dans le bras ivabradine réduit l’incidence des réhospitalisations de 30 % à 30 jours. C’est un effet précoce qui se maintient au cours du suivi durant toute la période vulnérable (à 2-3 mois post-hospitalisation), à savoir cet intertemps post-hospitalisation ou le risque de décompensation cardiaque est très élevé. Ce bénéfice se retrouve chez tous les patients et porte non seulement sur la première réhospitalisation, mais également sur les réhospitalisations itératives cumulées. Certes, ce travail repose sur une analyse rétro - spective d’un essai prospectif (analyse post hoc) mais conforte l’idée que le traitement à la sortie est crucial pour optimiser le suivi. En pratique clinique Il y a donc urgence à anticiper et organiser la sortie des patients IC dès qu’ils sont considérés comme stables (euvolémie, fonction rénale en plateau, facteurs d’hospitalisation identifiés et maîtrisés). Cette sortie doit être coordonnée avec tous les acteurs du réseau de soins (médecin généraliste, cardiologue de ville, pharmacien, infirmier diplômé d’État…) et peut parfois s’appuyer sur des stratégies de suivi de type télémédecine (programme PRADO, essais cliniques). La visite précoce dès le 7e jour réduit les hospitalisations à 30 jours et doit donc être programmée dès la sortie. Idéalement, quelques axes éducatifs auront été mis en place au cours de l’hospitalisation afin d’assurer un renforcement éducatif à la sortie. Ainsi le diagnostic éducatif, une éducation sur le facteur de décompensations (éducation diététique si écart au régime sans sel, intervention sur les médicaments si hospitalisation suite à un problème d’observance ou d’interaction), proposer des outils dans le cadre d’un programme de « disease management » sont autant d’armes pour éviter la récidive. Dans ce contexte, un outil d’intérêt peut être représenté par la création d’une check-list personnalisée par l’équipe soignante ou s’inspirant de listes existantes (celle de l’AHA, de certains organismes professionnels), listes auxquelles on peut rajouter l’utilisation de calculateurs de risque qui quantifient et permettent de suivre le risque de réhospitalisation. Ces scores permettent également d’éduquer les patients ou d’identifier des facteurs de décompensation cardiaque. Ce volet ne doit pas occulter l’importance des peptides natriurétiques (PN) dans la gestion des patients admis pour décompensation cardiaque. Ces peptides constituent des alliés de choix pour l’approche diagnostique, mais l’intérêt principal de leur utilisation réside dans l’optimisation de la prise en charge du patient hospitalisé afin de prévenir une hospitalisation itérative. Ainsi l’adaptation du traitement peut être guidée par le dosage des PN. D’ailleurs, la baisse du taux de PN au cours de l’hospitalisation protège contre les réhospitalisations, cette dynamique doit d’ailleurs guider la façon dont ces PN doivent être dosés et utilisés lors de la sortie. En fait, une grande majorité des traitements de l’insuffisance cardiaque pharmacologiques ou non (CRT) entraînent une réduction de ces taux (à l’exception des BB et de l’association valsartan/sacubitril) et on sait que plus le taux de PN est bas le jour de la sortie hospitalière, meilleure est la protection cardiovasculaire lors du suivi, avec des taux d’événements et de réhospitalisations diminués. Idéalement un NT-proBNP à moins de 1 000 pg/ml ou un BNP inférieur à 100 pg/ml, voire une diminution de plus de 30 % des taux de PN durant le mois qui suit l’hospitalisation, peuvent constituer des cibles d’intérêt. Figure. Incidence cumulée d’hospitalisations toutes causes. IRR : incidence rate ratio.  En pratique La réduction des hospitalisations pour insuffisance cardiaque constitue un enjeu de taille pour la qualité de vie des patients, mais aussi pour notre système de soins. La minimisation de ce risque passe par une optimisation précoce de la prise en charge des patients dès leur hospitalisation et ce, grâce à une gestion thérapeutique qui doit comporter : - une introduction/adaptation des traitements validés (BB, IEC, ARM, ivabradine) ; - une surveillance clinique et paraclinique (avec le soutien du dosage des PN) rapprochée ; - l’organisation de la période post-hospitalière de manière précoce. Cette dernière comprendra une visite précoce (7 à 10 jours après la sortie hospitalière) et l’organisation d’un réseau de soins autour du patient. Idéalement le type, l’intensité du suivi seront notifiés aux correspondants sous la forme d’une synthèse et/ou d’une check-list. Ce temps de la période vulnérable doit aussi permettre la mise en place d’une stratégie d’ETP afin d’aider le patient à reconnaître précocement les signes d’aggravation ou les facteurs de risque de décompensation, qui pris en charge suffisamment tôt pourraient éviter une réhospitalisation. Ces items pourraient dans un futur proche devenir des critères évaluant la qualité de la prise en charge des patients dans les établissements et ainsi contribuer à une amélioration significative de leur pronostic.

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