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Insuffisance cardiaque

Publié le 31 oct 2016Lecture 8 min

ESC 2016 : quels enseignements dans l’insuffisance cardiaque ?

D. LOGEART, Paris

L’actualité « Insuffisance cardiaque » de ce congrès ESC s’est concentrée à la première hotline, avec notamment un résultat négatif ayant un impact dans notre pratique (étude DANISH).

DAI et insuffisance cardiaque non ischémique : pas d’effet sur la mortalité Les guidelines tant européennes qu’américaines recommandent fortement (classe 1) l’implantation d’un DAI en prévention primaire de toute IC à FEVG ≤ 35 %, qu’elle soit d’origine ischémique ou non ischémique, pourvu que l’espérance de vie soit d’au moins un an avec une qualité jugée acceptable. La seule petite nuance entre ischémique et nonischémique était le niveau de preuves (niveau A pour les ischémiques versus B pour les non-ischémiques). Si le niveau de preuves pour la cardiopathie ischémique ne prête plus à discussion, celui obtenu pour les cardiopathies non ischémiques restait moins probant. On connaît le caractère souvent subjectif des recommandations changeantes des sociétés savantes. Ce sont essentiellement les résultats de SCD-HeFT publiés en 2005 qui avaient montré une réduction de la mortalité avec le DAI dans une population combinant ischémiques et nonischémiques et sans « interaction statistique » entre le bénéfice du DAI et l’origine ischémique ou non, alors que l’étude DEFINITE publiée en 2004 et ciblant spécifiquement les cardiomyopathies non ischémiques n’avait pas montré de bénéfice significatif du DAI. Les résultats à long terme de COMPANION suggèrent également le peu de bénéfice du DAI en cas de resynchronisation associée. L’étude DANISH a été construite pour répondre précisément à la question de l’intérêt du DAI dans l’IC à FEVG altérée sur cardiomyopathie non ischémique. Cette étude danoise réalisée sur 6 centres seulement a inclus 1 116 patients ayant une FEVG ≤ 35 % et un taux de BNP augmenté. Les patients étaient randomisés entre DAI ou non en sus d’un traitement médical optimal pouvant comprendre une resynchronisation cardiaque. Les patients d’âge moyen à 64 ans, étaient très bien traités avec plus de 90 % d’IEC et bêtabloquants et 58 % d’antialdostérones. Le critère primaire était la mortalité toutes causes à 2 ans et le principal critère secondaire était la mort subite à 2 ans. Le suivi moyen fut en fait de 68 mois en raison du faible taux d’événements. Au terme de ce suivi, il n’y a pas eu de différence significative entre les 2 groupes : 21,6 % versus 23,4 % dans le groupe contrôle (HR = 0,87 [0,68-1,12] ; p = 0,28). Idem pour la mortalité cardiovasculaire (HR = 0,77 [0,57-1,05], p = 0,10), alors même que le taux de mort subite était diminué de moitié dans le groupe DAI (HR : 0,50 [0,31-0,82] ; p = 0,005). Les explications avancées sont : • Le DAI remplit son rôle en diminuant effectivement la mortalité subite mais celle-ci est finalement peu fréquente chez ce type de patients bien traités par ailleurs (4,3 % dans le groupe contrôle). • Il faut noter que 58 % des patients recevaient une resynchronisation biventriculaire, ce qui conforte la notion que le DAI a une faible valeur ajoutée à la resynchronisation dans la cardiopathie non ischémique. Le taux élevé de resynchronisation dans DANISH (58 %) est assez surprenant (le taux de BBG est plutôt autour de 30-40 % dans cette population). On ne connaît pas non plus le taux de répondeurs (FEVG postresynchronisation) et il est probable qu’après resynchronisation beaucoup de patients avaient une FEVG > 40 %. Néanmoins, les auteurs n’ont pas noté de différence d’effet entre ceux ayant été resynchronisés et les autres. • Sur un suivi long, le bénéfice sur la mort subite s’estompe aussi du fait de la proportion croissante de décès sans rapport avec un trouble du rythme. Il faut aussi garder en mémoire les complications liées au DAI. Dans l’essai DANISH, il y a eu 5,9 % de chocs inappropriés et le taux global d’infection était de 8,7 %. Enfin, dans l’analyse en sous-groupes faite par tertiles d’âge, il a été mis en évidence assez logiquement une tendance au bénéfice chez les patients les plus jeunes, avec une diminution significative de la mortalité totale chez les patients de moins de 59 ans recevant un DAI (HR = 0,51 [0,29-0,92] ; p = 0,02). En pratique Ces résultats devraient donc conduire dans les prochaines guidelines, à une dégradation du niveau de recommandation du DAI chez ces patients « non ischémiques ». En attendant, les résultats de DANISH incitent à bien peser l’indication d’un DAI (comme cela devrait déjà être le cas bien sûr), à attendre d’avoir optimiser le traitement médical et à informer au mieux le patient. Il faut aussi reconnaître qu’il restera difficile pour le cardiologue de décider, en cas d’implantation, d’une resynchronisation isolée plutôt qu’associée à un DAI. Télésurveillance via les prothèses rythmiques de l’IC : pas de bénéfice clinique Lors de l’ESC 2015, une étude allemande (OptiLink HF study) avait montré l’absence de bénéfice de la télésurveillance obtenue avec le système Optivol. Cette fois, il s’agit de deux essais qui enterrent encore un peu plus les systèmes de télésurveillance embarqués dans les pacemakers resynchronisateurs et défibrillateurs des insuffisants cardiaques. Le premier essai est anglais : REM-HF (Remote Management of Heart Failure Using Implantable Devices). Cet essai randomisé et contrôlé se distingue par son ampleur (1 650 patients d’âge moyen 70 ans, majoritairement NYHA 2 ou 3), la durée de son suivi (plus de 3 ans) et son caractère pragmatique puisque plusieurs systèmes commercialisés pouvaient être utilisés (PM biventriculaire avec ou sans DAI, et DAI seul). Dans le groupe télésurveillé, les données télésurveillées (rythme, impédancemétrie, niveau d’activité physique, etc.) étaient analysés toutes les semaines et donnaient lieu à un appel téléphonique personnalisé. Concrètement, il y a eu des modifications de prise en charge basées sur ces données chez 72 % des patients « télésurveillés », dont 16 % de modifications des médicaments par exemple. Le critère principal de jugement était l’association « décès toutes causes ou hospitalisation pour motif cardiovasculaire ». Il n’y a eu aucune différence entre les deux groupes : HR = 1,01 (0,87-1,18) ; p 0,87. Il n’y a pas eu d’effet sur les différents critères secondaires ni dans les différents sous-groupes prédéfinis. Le second essai randomisé fut réalisé en Italie, en Suisse et en France, chez presque 900 patients qui étaient implantés d’une CRT-D dans les deux semaines précédant leur randomisation. Le suivi médian était de 24 mois et le critère principal était la combinaison des décès, hospitalisation pour cause CV ou liés à la prothèse rythmique. Il n’y a eu aucun effet de la prise en charge via cette télésurveillance : HR = 1,02 (0,80-1,30) ; p = 0,89. Les auteurs mirent néanmoins en avant un possible petit avantage via l’analyse médico-économique qui montre une réduction du nombre de consultations « conventionnelles ». Ces deux nouveaux résultats négatifs interpellent sur la télémédecine. Cette dernière est perçue comme une panacée (surtout par les autorités de santé) mais peine à trouver les bons outils et/ou bonnes méthodes adaptées à chaque système de soins et incite à rester critique devant l’émergence d’une foultitude de nouveaux outils connectés. Thérapie cellulaire : des résultats qui restent encore décevants L’étude CHART-1 (Congestive Heart Failure Cardiopoietic Regenerative Therapy) est la plus grosse étude randomisée, à ce jour, en thérapie cellulaire de l’insuffisance cardiaque. Il s’agissait d’un essai contrôlé (avec une procédure sham) portant sur 271 patients avec une FEVG ≤ 35 % d’origine ischémique (et une décompensation dans l’année). Il s’agissait de cellules souches mésenchymateuses, prélevées sur les patients puis « transformées » en cellules cardiaques et injectées dans le myocarde par un cathéter endoventriculaire munie d’une aiguille. Il n’y a eu aucun bénéfice sur un critère principal complexe, combinant à la fois la mortalité, les réhospitalisations pour IC, l’évolution de la qualité de vie et du test de marche et les modifications de FEVG et de volume à 39 semaines. Il n’y a pas eu d’excès d’effet secondaire. Comme souvent, une analyse en sous-groupe suggère néanmoins une efficacité chez certains patients (volume VG entre 200 et 370 ml) et quand le nombre d’injections était moins important… Il faudra encore attendre avant que les espoirs placés dans cette stratégie deviennent une thérapie efficace. Prévention du remodelage postinfarctus avec un cocktail de N-acétylcystéine et de dérivés nitrés ? On imagine volontiers que la prévention du remodelage après un infarctus reperfusé passe par des stratégies de pré- et postconditionnement sophistiquées pour pouvoir limiter les lésions d’ischémie puis de reperfusion. Peut-être pas si on en croit les résultats de l’essai NACIAM. Il s’agit d’un essai pilote (Adelaide, Australie). L’essai a randomisé 132 infarctus aigus reperfusés par angioplastie entre un groupe placebo et un groupe traité par N-acétylcystéine IVSE pendant 48 h dès la prise en charge en amont de l’angioplastie. Tous recevaient également des nitrés IVSE pendant ces 48 h. Le critère principal de jugement était la taille de l’infarctus à J5 mesurée par IRM. Cette taille d’IDM était réduite significativement de 5,5 % (16,6 vs 11 %) dans le groupe NAC. À 3 mois, la taille d’IDM restait également diminuée. Par contre, il n’y avait pas d’effet sur les enzymes cardiaques ni sur la FEVG. Sur plan pharmacologique, la NAC pourrait diminuer le stress oxydatif déclenché par l’ischémie (et les nitrés augmenter la reperfusion). Il y a déjà eu beaucoup d’études avec la NAC dans différentes situations dont la prévention de la néphropathie induite par les produits de contraste. Les résultats sont souvent restés mitigés. Y a-t-il un vrai espoir dans cet essai pilote ? À voir en sachant qu’il sera sans doute difficile de réaliser un grand essai clinique avec ce type de « vieux » produits génériqués… Analyse complémentaire de l’essai EMPAREG avec l’empagliflozine sur son bénéfice CV en cas d’IC L’essai EMPAREG avait fait sensation en raison de la réduction de la mortalité cardiovasculaire sous empagliflozine qui devenait le premier « nouvel » antidiabétique à enfin avoir un impact sur les complications CV du diabète. Ce qui avait intrigué était le bénéfice observé sur la survenue d’insuffisance cardiaque, le mécanisme de ce bénéfice restant incomplètement compris (effet natriurétique associé à la glycosurie…). Dans cette analyse complémentaire, les auteurs montrent que la réduction de la mortalité CV d’environ 35 % est similaire, que les patients aient ou non une insuffisance cardiaque (au début ou en cours d’essai) et que le bénéfice en valeur absolue devient évidemment très substantiel chez ces patients à haut risque que sont les IC (réduction absolue de 4,9 % des décès CV).

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