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Études-Consensus-Recommandations

Publié le 08 nov 2016Lecture 8 min

L’étude LEADER, un bénéfice cardiovasculaire du liraglutide - Mise en perspective

B. CHARBONNEL, Université de Nantes

La question de la sécurité cardiovasculaire des antidiabétiques est à l’ordre du jour depuis près de 10 ans, depuis la controverse ouverte par Steve Nissen dans le New England Journal of Medicine en 2008 sur une éventuelle toxicité cardiovasculaire de la rosiglitazone, laquelle a d’ailleurs été innocentée depuis. D’où la mise en œuvre systématique, depuis cette date, des études dites de sécurité cardiovasculaire exigées par l’agence américaine pour les nouveaux antidiabétiques. Les résultats se succèdent et apportent des renseignements bien intéressants. La dernière étude publiée, en juin 2016, est l’étude LEADER avec le liraglutide qui a démontré, non pas simplement sa sécurité, mais aussi un bénéfice cardiovasculaire.

Une question préalable : estce que faire baisser la glycémie prévient les complications du diabète ? Ce n’est pas l’objet de cet article et on peut résumer l’état actuel de la science de la façon suivante : - baisser la glycémie prévient les complications microvasculaires, notamment la rétinopathie et la néphropathie, avec une valeur cible d’HbA1c pour obtenir cet objectif < 7 % ; - baisser la glycémie prévient probablement les complications cardiovasculaires mais le niveau de preuve est faible. Ceci étant dit, dans les études dédiées à cette question (qui n’est pas la question posée par les études de sécurité cardiovasculaire comme LEADER), à savoir l’UKPDS, ACCORD, ADVANCE et VADT, il apparaît qu’une baisse d’HbA1c, si elle est supérieure à 1 % et si elle est maintenue plus de 5 ans, prévient les complications cardiovasculaires, y compris après une longue durée de diabète et pour des patients ayant déjà des complications cardiovasculaires constituées. Bien comprendre le dessin des études dites de sécurité cardiovasculaire Toutes ces études ont le même dessin, celui demandé par la FDA : les patients, généralement à haut risque cardiovasculaire, sont randomisés vers la molécule à évaluer ou vers un placebo. En effet, le but est de montrer que la molécule évaluée est « non inférieure au placebo », autrement dit similaire, autrement dit présente une excellente sécurité. La molécule à évaluer et le placebo sont ajoutés en plus de tous les autres traitements, traitements cardiovasculaires, statines, traitements antihypertenseurs, autres traitements antidiabétiques y compris l’insuline. Il est demandé aux investigateurs, en aveugle, d’intensifier au mieux les traitements suivant les recommandations. Ceci explique que, dans toutes ces études, les traitements antidiabétiques (autres que la molécule à évaluer) sont plus souvent prescrits dans le bras placebo que dans le bras actif, pour compenser l’effet hypoglycémiant de la molécule évaluée. Le dessin même de ces études implique qu’il n’y aura pas de différence, ou très faible, entre les deux bras, en ce qui concerne le niveau d’HbA1c. Dans l’étude LEADER, parce que les traitements antidiabétiques, notamment l’insuline (50 % de plus), ont été davantage prescrits dans le bras placebo, la différence entre le bras actif et le bras placebo n’a été que de 0,4 % à 36 mois. Ces études dites de sécurité prévoient, si la non-infériorité est atteinte, de calculer une supériorité. Il faut bien comprendre que, dans ce cas, cet éventuel bénéfice ne sera pas lié à la baisse glycémique qui est pourtant la principale raison, et à juste titre, de prescription de la molécule en question. Les études de sécurité cardiovasculaire des antidiabétiques avant LEADER, en bref Rappelons que nous n’avons pas de bonnes études de sécurité cardiovasculaire pour les sulfamides et que la plupart des études d’observation suggèrent, avec un faible niveau de preuve, une toxicité cardiovasculaire des sulfamides. Il existe une bonne sécurité cardiovasculaire pour la pioglitazone (études PROactive et IRIS), du moins pour le risque athéromateux car il y a le risque bien connu de décompensation d’une insuffisance cardiaque. Il existe une bonne sécurité cardiovasculaire pour l’insuline glargine (étude ORIGIN) : le nombre d’événements cardiovasculaires est le même sous insuline glargine que sous traitement oral standard, autrement dit une bonne sécurité, mais pas de bénéfice cardiovasculaire supplémentaire. Il existe également une bonne sécurité cardiovasculaire, mais sans bénéfice supplémentaire, pour la sitagliptine (étude TECOS). Il existe non seulement une bonne sécurité cardiovasculaire des SGLT2-inhibiteurs, du moins l’empagliflozine, mais une supériorité : dans l’étude EMPA-REG, l’empagliflozine a démontré, comparée au placebo en add-on des traitements antidiabétiques habituels, et sans grande différence d’HbA1c entre les deux bras, une réduction significative du MACE (mortalité cardiovasculaire, infarctus du myocarde et AVC non mortels) de 13 %, liée à une réduction spectaculaire et précoce de la mortalité cardiovasculaire (et de la mortalité totale) de 38 %, avec une diminution parallèle du risque d’insuffisance cardiaque, le tout peutêtre lié aux propriétés diurétiques de l’empagliflozine. Pour un autre analogue du récepteur du GLP-1, le lixisénatide, analogue à action prandiale prédominante car d’action courte, l’étude ELIXA, chez des patients en postinfarctus, a montré une bonne sécurité cardiovasculaire, mais sans bénéfice cardiovasculaire supplémentaire du lixisénatide. LEADER : bénéfice cardiovasculaire du liraglutide Dans une population constituée à 80 % de patients en prévention cardiovasculaire secondaire et à 20 % de patients en prévention cardiovasculaire primaire, le liraglutide a démontré un bénéfice cardiovasculaire comparé au placebo, avec une réduction significative du critère primaire, le MACE, de 13 % (figure 1), ce qui n’est pas rien étant donné que ces patients sont optimisés pour tous les facteurs de risque vasculaire, en particulier le LDL-cholestérol et la pression artérielle. Figure 1. Critère primaire dans LEADER : une réduction significative du MACE, composé de mort cardiovasculaire, infarctus du myocarde et AVC non mortels. Ce résultat positif, au-delà de démontrer non seulement la sécurité cardiovasculaire du liraglutide mais un bénéfice, appelle les principales remarques suivantes, pour mettre en perspective ces résultats par rapport à ceux des études précédentes. Les populations de patients Les principales caractéristiques des populations de patients à l’inclusion dans les différentes études sont indiquées dans le tableau. On voit qu’il n’y a pas grande différence pour l’âge des patients, la durée de diabète, le nombre de patients sous insuline (un peu moins dans TECOS qui évaluait la sitagliptine), le poids et le risque cardiovasculaire absolu de la population étudiée. Il y a des différences pour le nombre des patients en prévention primaire ou secondaire : par exemple, tous les patients dans EMPA-REG (empagliflozine) étaient en prévention cardiovasculaire secondaire et seulement 80 % dans LEADER. La principale différence porte sur le niveau initial d’HbA1c : les patients de LEADER étaient plus déséquilibrés au départ que dans la plupart des autres études de sécurité cardiovasculaire, avec une HbA1c moyenne à 8,7 %. La plupart des commentateurs de LEADER estiment qu’une différence dans la population étudiée ne vient pas rendre compte des différences de résultats d’avec les autres études. Le contrôle glycémique au cours de l’étude La baisse d’HbA1c a été importante au début de l’étude LEADER mais, au fil des mois, compte tenu du dessin de l’étude, le renforcement des thérapeutiques antidiabétiques dans le bras placebo, en particulier l’insuline, a réduit la différence d’HbA1c entre les deux bras qui n’était plus que de 0,4 % à 36 mois. La plupart des commentateurs de LEADER estiment que cette différence d’HbA1c ne vient pas rendre compte, ou à la marge, du bénéfice cardiovasculaire observé. Une réduction des autres facteurs de risque Les analogues du récepteur du GLP-1 font maigrir et diminuent la pression artérielle, la différence pondérale entre les deux bras dans l’étude LEADER a été de 2,3 kg et celle de la pression artérielle systolique de 2 mmHg, autrement dit des différences modestes. Les composants du critère primaire Le critère primaire, comme dans toutes les études de sécurité cardiovasculaire, était le MACE (composite de mort cardiovasculaire, infarctus du myocarde et AVC non mortels). Ces trois composants du composite primaire étaient du bon côté de la ligne du 1 (figure 2), avec une réduction significative pour la mortalité cardiovasculaire (RR : 0,78) et non significative pour l’infarctus du myocarde (RR : 0,88) et l’AVC (RR : 0,89). Lorsqu’on compare ces paramètres à l’autre étude qui a montré un bénéfice cardiovasculaire, EMPA-REG pour l’empagliflozine, il y a des différences : la réduction du MACE dans EMPAREG, 14 % similaire à celle observée dans LEADER, s’explique pour l’essentiel par une réduction spectaculaire et précoce de la mortalité, de 38 %, tandis que la réduction du risque d’infarctus du myocarde non mortel est la même que dans LEADER de 13 %, non significative et, surtout, qu’il y a une tendance à un sur-risque d’AVC sous SGLT2- inhibiteur de 24 %, non significative. La plupart des commentateurs estiment que les mécanismes venant rendre compte du bénéfice cardiovasculaire sont différents sous liraglutide et sous empagliflozine : réduction des trois composants du MACE sous liraglutide tandis que, sous empagliflozine, l’essentiel est dans une réduction précoce de la mortalité, peut-être liée aux effets diurétiques du SGLT2- inhibiteur. Figure 2. Les 3 composantes du MACE dans LEADER et EMPA-REG. Le risque d’insuffisance cardiaque Le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque était réduit (RR : 0,87) sous liraglutide dans LEADER, de manière non significative, mais c’est important car d’autres petites études récentes dédiées au liraglutide dans l’insuffisance cardiaque sévère, ce qui n’était pas le critère d’inclusion de LEADER, suggéraient un risque d’événements sérieux plus important sous liraglutide. On est donc plutôt rassuré sur ce point. Mais il y a une claire différence avec l’empagliflozine dans EMPA-REG : la réduction spectaculaire de la mortalité cardiovasculaire observée dans EMPA-REG est peut-être liée, en tout cas est parallèle, à une réduction spectaculaire et précoce de 35 % du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, peut-être consécutive aux effets diurétiques du SGLT2-inhibiteur. Rappelons qu’il y a eu un débat sur le risque d’insuffisance cardiaque avec les DPP4-inhibiteurs : il n’y a finalement aucun sur-risque d’insuffisance cardiaque pour la sitagliptine dans TECOS, de telle sorte qu’on ne peut parler à cet égard d’effet classe mais il y a un surrisque sous saxagliptine dans SAVOR, sans qu’il soit bien clair de savoir s’il s’agit d’une simple malchance statistique ou d’un effet indésirable lié au produit. L’analyse des sous-groupes Elle suggère que le bénéfice cardiovasculaire du liraglutide est observé plutôt chez les obèses, plutôt en prévention cardiovasculaire secondaire, plutôt chez les patients ayant une insuffisance rénale. Conclusion L’étude LEADER a donc montré un bénéfice cardiovasculaire du liraglutide. Compte tenu de l’annonce d’un résultat similaire pour le sémaglutide (analogue du récepteur du GLP-1 développé par Novo-Nordisk en administration hebdomadaire), on a tendance à penser qu’il s’agit d’un effet classe, mais propre aux analogues du récepteur du GLP-1 d’action longue, dont l’action couvre la totalité du nycthémère. En effet, ce bénéfice n’a pas été observé dans l’étude ELIXA avec le lixisénatide, analogue du récepteur du GLP-1 d’action courte et prandiale prédominante, n’exerçant son effet que quelques heures dans la journée. C’est un argument supplémentaire pour faire une différence pharmacocinétique entre les différents analogues du récepteur du GLP-1. Il n’y a pas d’hypothèse mécanistique solide pour expliquer ce bénéfice cardiovasculaire du liraglutide, sauf peut-être l’addition d’une amélioration des différents facteurs de risque vasculaire, améliorations mineures pour chacun d’entre eux, mais dont la somme pourrait expliquer le résultat final. En tout cas, ce bénéfice représente un argument important d’emploi des analogues du récepteur du GLP-1 d’action longue, du moins le liraglutide, et chez des patients en prévention cardiovasculaire secondaire, lorsqu’on arrive à un traitement injectable. Conflits d’intérêts Bernard Charbonnel a reçu des hono raires de consultant, conférencier, ou des défraiements de : AstraZeneca, Bristol-Myers-Squibb, Boehringer-Ingelheim, Janssen, Lilly, Merck-Sharpe & Dohme, Novartis, Novo-Nordisk, Sanofi, Takeda. "Publié dans Diabétologie Pratique"

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