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Rythmologie et rythmo interventionnelle

Publié le 18 oct 2016Lecture 7 min

Cryothérapie versus radiofréquence : que choisir ?

P. MAURY, A. DUPARC, A. ROLLIN, C. CARDIN, P. MONDOLY, Hôpital universitaire Rangueil, Toulouse

De toutes les sources d’énergie testées depuis les débuts de l’ablation percutanée, seules la radiofréquence (RF) et la cryoénergie ont finalement traversé les années. Les avantages de l’une sur l’autre ont conduit à des prises de position parfois marquées de la part des tenants du « chaud » ou du « froid », mais qu’en est-il si l’on tente de rester impartial ?

Caractéristiques techniques et biophysiques de la cryoablation L’obtention de très basses températures est obtenue par brutale expansion d’un gaz comprimé dans la lumière d’un cathéter (effet Joule-Thomson). Les mécanismes menant aux lésions associent la formation de cristaux de glace pendant la réfrigération, puis leur destruction associée à une atteinte de la microcirculation pendant le réchauffement. Par rapport à la RF, la cryo ablation provoque des lésions mieux délimitées, plus homogènes, préservant l’architecture tissulaire, et moins thrombogènes. La cryoablation (cryo) possède objectivement un certain nombre d’avantages théoriques sur la RF. L’un des principaux est la possibilité de tester l’efficacité et la sécurité d’une application (cryo-mapping) du fait d’une atteinte réversible quand des températures modérées sont utilisées (jusqu’à -30 °C), alors que des dégâts irréversibles sont observés si la température de la sonde descend au-dessous de -50 °C. L’adhésion du cathéter au tissu pendant le refroidissement permet d’assurer un contact stable et de permettre une délivrance d’énergie optimale sur la cible tout en évitant les structures à risque avoisinantes. Enfin, la cryo ne cause que peu de dégâts sur l’endocarde (moindre risque de thrombus local) et sur les structures vasculaires (faible risque d’atteinte coronarienne) et est moins douloureuse (céphalées). Contrairement à la RF, pour l’instant aucun système de cartographie 3D n’est disponible avec la cryo, obligeant à utiliser la scopie, voire l’imagerie (scanner, IRM) pour la navigation, ce qui est un inconvénient non négligeable à l’heure de la prise de conscience sur les dangers des radiations ionisantes. Tachycardies nodales Face à l’efficacité à long terme de la RF dans ce cadre, la cryo était en recherche d’autres arguments visant à démontrer sa supériorité. L’intérêt de la cryo dans les tachycardies nodales est venu du risque résiduel de bloc auriculo-ventriculaire (AV) avec la RF, estimé initialement aux alentours de 1 à 1,5 %, mais actuellement plutôt entre 0,3 et 0,7 %. Du fait du thermo-mapping qui permet d’éviter de délivrer ensuite la pleine puissance si des troubles conductifs apparaissent pendant cette phase, aucun cas de bloc AV ne semble avoir été rapporté avec la cryo. Ceci a poussé certaines équipes à ne plus utiliser la RF pour les tachycardies nodales. Le taux de succès à long terme était initialement plus faible, mais l’utilisation d’électrodes 8 mm, une procédure plus agressive et la plus grande expérience des équipes font que le taux de succès à terme est maintenant quasi optimal. Les séries randomisées ne montraient pas de différences avec la RF, mais une métaanalyse de 2013 montre un taux de rechutes à long terme significativement plus important avec la cryo (9 % vs 4 %), la durée de la procédure étant en outre plus longue. Reste à savoir si le risque de bloc AV avec la RF est actuellement réellement relevant, et si certaines nouvelles modalités d’application de la cryo sont réellement sûres. Des blocs AV de degré divers, toujours (mais parfois lentement) régressifs sont notés dans 12 % des cas pendant le cryo-mapping ou même la cryoablation. Même si des blocs AV tardifs sont notés avec la RF, on a aussi signalé des cas d’altération retardée de la conduction AV avec parfois nécessité d’implantation d’un stimulateur après bloc AV transitoire au cours de la procédure de cryoablation. La place de la cryo pourrait être préférentiellement dévolue aux anatomies délicates (enfants, triangle de Koch de petite dimension). L’étude en cours CRYOABLATE permettra de préciser la place de la cryo par rapport à la RF dans ce cadre. Wolff-Parkinson-White Les faisceaux accessoires situés à proximité directe du tissu de conduction (para-hisiens, antéro et mid-septaux) sont jugés à risque notable de bloc AV lors d’une ablation par RF. Ce risque est proche de 2 à 3 % dans des mains entraînées. La cryo est aussi utilisée dans ce cadre, mais le taux de succès à long terme est plus bas (70-80 %), qu’avec la RF (90-95 %). Une tentative initiale par cryo peut être proposée, en sachant qu’en cas de récidive et d’indication formelle (WPW dangereux), il n’y aura guère d’autre alternative ensuite que la RF. Une autre utilisation potentielle de la cryo est l’ablation des faisceaux accessoires épicardiques dans le sinus coronaire ou une de ses branches. En effet, la délivrance de RF à moins de 5 mm et surtout 2 mm d’une artère coronaire comporte un risque de sténose ou d’occlusion aiguë (surtout pour les vaisseaux < 0,7 mm) qui ne semble pas présent avec la cryo. Flutter et tachycardie atriale Le seul intérêt de la cryo dans le flutter commun réside dans le caractère indolore de la procédure, puisque celle-ci est plus longue et avec un taux de succès chronique légèrement inférieur ou identique à la RF. La cryo peut être utilisée sans risque sur des tachycardies atriales focales situées au voisinage du His. Fibrillation atriale La déconnexion des veines pulmonaires reste la pierre angulaire du traitement ablatif de la fibrillation atriale (figure 1). La cryo a été très tôt proposée pour parvenir à une déconnexion qui serait moins dépendante de l’expérience de l’opérateur et donc pour faciliter l’accès à l’ablation à un plus grand nombre de centres et de patients. Figure 1. Ablation veineuse droite au cryoballon, sur fibrillation atriale paroxystique. Après de multiples étapes technologiques, la cryoablation est actuellement réalisée de manière circonférentielle avec un ballon de diamètre suffisant pour occlure l’antre des veines pulmonaires. Le cathéter actuel comporte une lumière interne permettant de monter un guide dans la veine pour faciliter le positionnement du ballon, d’injecter du produit de contraste (pour prouver le côté occlusif et donc le bon contact avec le tissu) et de recueillir les potentiels veineux via une sonde circulaire. L’efficacité dans la FA paroxystique est de quasi 100 % en aigu (avec parfois besoin de lésions additionnelles par cathéter de RF, ce qui engendre un surcoût évident) et d’environ 75 % à 1 an, donc des résultats assez comparables à la RF. Le taux de reconnexion tardive après cryo reste important en cas de récidive. Les complications usuelles sont rares (AVC/AIT : 0,3 %, tamponnade : 0,6 %, complications vasculaires : 1,8 %) et similaires à ce qui est observé avec la RF. Les sténoses des veines pulmonaires symptomatiques sont rares (0,17 %) mais possibles, les fistules atrio-œsophagiennes exceptionnelles (mais quelques cas ont été publiés), mais les ulcérations œsophagiennes sont fréquentes (15-20 %). Les microembolies cérébrales silencieuses visualisées à l’IRM, de pronostic à long terme encore débattu, existent dans la même proportion qu’avec la RF irriguée (5 %). Une complication est nettement plus fréquente qu’avec la RF, il s’agit de la paralysie phrénique pendant la déconnexion des veines supérieures droites (5 % en moyenne environ). Elle est heureusement régressive en quelques mois dans l’immense majorité des cas, et pourrait être prévenue par le monitoring de la contraction diaphragmatique selon des modalités encore à définir. Pour la FA persistante, il est maintenant bien admis que la déconnexion seule des veines pulmonaires a une efficacité limitée, et ceci se retrouve avec la cryo. Des travaux sont cependant en cours pour juger de la place de la cryo dans ce cadre. À ce jour, plusieurs études randomisées ont été réalisées avec la cryo. STOP-AF comparait la cryo versus le traitement antiarythmique dans la FA paroxystique et résistante aux antiarythmiques, et était très en faveur de l’ablation par cryo (70 % vs 7 % succès à 1 an ; p < 0,001). Tout récemment, l’étude Fire and Ice visait à comparer RF et cryo dans la FA paroxystique : le taux de déconnexion des veines pulmonaires était quasi total avec les deux techniques, et à 1,5 an de suivi, la cryo se révélait non inférieure à la RF (35 % de récidives dans les deux groupes), avec un taux de complications identique. Les métaanalyses et les quelques études randomisées donnaient les mêmes résultats, les durées de procédure semblant plus courtes avec la cryo (figure 2). Figure 2. Ablation de fibrillation atriale paroxystique : par cryoablation ou par radiofréquence. Tachycardies ventriculaires Bien que la cryoablation chirurgicale soit très efficace sur les substrats ventriculaires, à l’heure actuelle, cette énergie n’a pas été suffisamment testée sur le ventricule par voie percutanée pour pouvoir se faire une idée objective de son utilisation. L’enfant L’ablation par RF chez l’enfant fait courir un risque de complications coronaires ou de troubles conductifs. La cryo peut limiter ces complications encore plus inacceptables quand il s’agit de sujets jeunes. Il faut se rappeler cependant que la croissance des lésions induites expérimentalement sur le myocarde immature par la cryo et la RF sont similaires. Chez l’enfant, les tachycardies nodales et les faisceaux accessoires proches des voies de conduction normales ou ablatés via le sinus coronaire sont la cible idéale de la cryo, même s’il faut rester conscient qu’il faudra se résoudre à utiliser la RF en cas d’échec ou de récidive. Conclusion RF et cryo sont les deux énergies utilisables en pratique courante pour l’ablation percutanée. Chacune a des inconvénients et des avantages et les recommandations actuelles sur l’ablation de la FA ne privilégient aucune d’entre elles. La cryo est probablement mieux positionnée chez l’enfant, pour les tachycardies nodales et certains faisceaux accessoires pour certaines équipes, et semble faire jeu égal avec la RF pour la FA paroxystique. La qualité et l’expertise du praticien sont probablement plus importants que l’outil lui-même.   "Publié dans RythmologieS"

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